Nombre de civières au permis
Un aperçu de l’organisation du travail dans le milieu de la santé ainsi que le contexte organisationnel de soins, plus particulièrement à l’urgence du Centre de santé et de services sociaux de Maskinongé (CSSSM), sont présentés dans ce premier chapitre.
Organisation du travail
L’organisation du travail en milieu hospitalier est au cœur des préoccupations gouvernementales actuelles (Dubois & D’Amour, 2011). Depuis les dernières années, la restructuration et les restrictions budgétaires ont entrainé d’énormes changements dans le système de santé québécois sans que l’organisation du travail n’ait nécessairement été revue (Castonguay, 2012; Paillassard & Castro, 2010; Viens, Hamelin-Brabant, LavoieTremblay, Brabant, 2005). Plusieurs départements d’urgence font face à de problèmes organisationnels ayant une influence directe sur des problèmes majeurs dont la surpopulation (encombrement) dans les salles d’ attente, de longs délais d’attente, une augmentation du besoin de ressources humaines, matérielles et financières et une incidence sur la qualité des soins (Forero & Hillman, 2008; Sinclair, 2007; Trunkey, 2007; Van Vonderen, 2008). De plus, les départements d’urgence étant considérés comme le cœur des hôpitaux, leur dysfonctionnement peut contribuer négativement à l’ensemble de l’organisation (Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), 2010}. Il est important pour les organisations de tenter de comprendre les sources du dysfonctionnement dans les hôpitaux pour, par la suite, parvemr à y remédier.
Plusieurs facteurs contribuent à l’inefficacité des organisations de santé tels que certains facteurs d’ordre structurel et d’autres liés à des processus inefficients (Holden, 2011).C~rtains facteurs liés à la structure de travail, dont les structures de postes, peuvent être responsables de l’inefficacité des organisations. L’utilisation non optimale des ressources humaines ainsi que des pratiques de dotation inadéquates, telles qu’un manque de personnel ou le recours à des heures supplémentaires, sont des éléments qui peuvent entrainer des problèmes dans l’organisation du travail de certains Centres de santé et de services sociaux. Par exemple, sur certaines unités de soins, il existe un important déséquilibre de ressources humaines. En effet, il peut être possible d’avoir du personnel infirmier en surplus sur certains quarts de travail et du temps supplémentaire exigé sur le quart de travail suivant (Massicotte, 2009).
Toujours en lien avec la structure de travail, un manque de définition dans les rôles, les tâches et les responsabilités des travailleurs de la santé laisse place à l’ambiguïté dans leurs fonctions se traduisant par un manque de productivité et de rendement (Kulkarni, 2008). À ce jour, une certaine proportion du temps du personnel infinnier n’est pas utilisée adéquatement. Le personnel infinnier réalise parfois des tâches qui ne correspondent pas à sa formation (Werj, 2009). La réduction de la variabilité dans les méthodes de travail et la standardisation des processus de soins et de travail correspondent à de meilleurs soins et doivent inévitablement être traitées dans le but d’optimiser le fonctionnement des unités de soins (Blackmore, Mecklenburg, & Kaplan, 2011; Brackett, Corner, & Whichello, 2013). Il faut s’ assurer que le personnel infirmier réalise des bonnes tâches au bon moment dans l’optique de fournir de meilleurs soins à mQindre coût. L’ avènement de la loi 90 en 2002 a obligé différents professionnels de la santé, dont les infmnières, à revoir leur rôles, tâches et responsabilités (MSSS, 2002). Quelques années auparavant, le cloisonnement professionnel ne permettait pas d’optimiser le partage de compétences mais aujourd’hui, ce partage est primordial (MSSS, 2010). Dans le domaine des soins infirmiers, la loi 90 a apporté les changements les plus importants (Vallée, 2002). Le décloisonnement des actes réservés et l’ augmentation de la souplesse apportés par la loi 90 a permis aux infirmières de se voir libérer de certaines tâches et cela a indirectement contribué à faire évoluer la profession infirmière. Par tâche à non-valeur ajoutée, sont désignées l’ensemble des tâches qu’effectue une infirmière qui ne sont pas en lien direct avec l’exercice de sa profession. Les infirmières accomplissent de nombreuses fonctions qui ne sont pas nécessairement en lien avec le soin au patient. Elles accomplissent fréquemment des tâches administratives et non reliées aux soins infirmiers (Viens et al., 2005).
La loi 90 a permis aux infirmières œuvrant dans les urgences, plus particulièrement au triage, « des coudées plus franches », en initiant, par exemple, des mesures diagnostiques et thérapeutiques selon une ordonnance collective (Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec (OIIQ), 2003). La loi 90 reconnait également davantage la nécessité de faire confiance au jugement cliniqué infirmier, notamment en ce qui a trait à l’évaluation de la condition physique et mentale de personnes symptomatiques se présentant à l’urgence (OIIQ, 2003). Cependant, malgré la révision des rôles, tâches et responsabilités des professionnels de la santé par la loi 90, les infirmières se retrouvent malheureusement encore trop souvent à effectuer des tâches qui ne contribuent pas à tirer profit de leur compétence et d’améliorer le fonctionnement de l’organisation. De plus, certains facteurs tels que l’achalandage, l’engorgement, la surcharge de travail et le manque de connaissances associés à l’urgence font en sorte que les infirmières ne pratiquent pas toujours leur profession de façon exemplaire (OIIQ, 2008). L’OIIQ (2008) dénote plusieurs facteurs organisationnels qui ne sont pas favorables à la qualité des soins à l’urgence, dont les facteurs suivants: [ … ] le manque de procédures pour réduire le délai d’attente avant le triage; le manque d’ ordonnances collectives permettant d’initier des mesures diagnostiques et thérapeutiques, lesquelles pourraient contribuer au désengorgement; le manque de formation des infirmières et le manque d~outils pour la · surveillance des patients recevant des médicaments ayant un effet dépressif sur le système nerveux central; les lieux physiques peu favorables à la surveillance des clients et à la prévention de la transmission des infections; la durée de séjour et l’environnement non adapté occasionnant une difficulté à répondre aux besoins d’assistance et à prévenir les chutes plus particulièrement chez les personnes âgées (p. 1). Malgré ce contexte de travail ardu, les infirmières travaillant à l’urgence démontrent une conscience professionnelle et font preuve de dévouement envers leurs patients (OIIQ, 2008). Leurs connaissances de divers monitorages, le respect des normes du processus de triage, la planification et les soins et traitements qu’elles prodiguent ainsi que les moyens pour prévenir le passage à l’acte des clients agressifs et suicidaires représentent les aspects les plus positifs de l’exercice de leurs fonctions. L’infinnière travaillant à l’urgence doit mobiliser l’éventail de toutes ces compétences. Ce déploiement lui pennet de prodiguer des soins de qualité aux patients ainsi que de créer un environnement de pratiques favorables qui lui pennet d’exercer son leadership, d’innover et de travailler en collaboration avec les autres professionnels de la santé, dont les médecins.
Dans certaines régions en milieu rural, il existe une pénurie de médecins omnipraticiens (Massicotte, 2008). Les urgences doivent faire appel à des médecins remplaçants pour assurer la pérennité des services. Ces médecins, appelés dépanneurs, sont des médecins omnipraticiens qui pratiquent nonnalement à l’extérieur de ce territoire mais qui accomplissent la tâche habituelle du médecin sur place dans le but de maintenir l’accessibilité aux soins urgents et essentiels à la population. Les infinnières travaillant en milieu rural doivent donc soutenir et encadrer le médecin dépanneur qui ne connait pas les particularités d’une urgence spécifique. Cela représente une des raisons pour lesquelles les infinnières travaillant en milieu rural doivent avoir une excellente connaissance de leur milieu et doivent d’autant plus exercer leur leadership. Une des façons de s’assurer de cela est de favoriser la fonnation continue et le rehaussement des compétences chez le personnel infinnier.
Face à ce contexte de soins particulier ainsi qu’en regard de la situation actuelle des urgences, les infinnières sont appelées à obtenir de la fonnation continue dans le but de maintenir leurs compétences à jour. À cet effet, depuis janvier 2012, l’OIIQ eXIge obligatoirement que chaque infirmière déclare, au moment de son inscription au Tableau, sa participation à un minimum de vingt heures d’activités de formation continue pertinente à sa pratique professionnelle, c’est-à-dire au milieu où elle pratique (OIIQ, 2011). Selon l’OIIQ (2011), les infirmières ont le devoir d’actualiser et de développer des compétences propres aux soins infirmiers et/ou également des compétences transversales nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. L’OIIQ (2011) a affirmé: La formation continue permet non seulement la mise à j our des connaissances et le maintien des compétences, mais elle est aussi intimement liée à l’évolution de la pratique infirmière, au développement de la profession, et à l’amélioration de la qualité des soins ( … ). Le développement scientifique et technologique, la modernisation des lois professionnelles et l’émergence de nouveaux rôles infirmiers exigent l’acquisition de nouvelles connaissances, le développement de nouvelles compétences, ainsi que le renouvellement des pratiques cliniques basées sur des résultats probants (p. 4). Le manque de ressources humaines et financières sont parfois des embuches à la formation continue et à l’application et à l’adaptation de cette modernisation qui contribue, conséquemment, à une organisation du travail inefficiente (Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), 2009). Les effectifs infirmiers étant souvent à leur minimum, les ressources humaines’ se voient parfois contraintes de libérer le personnel infirmier pour obtenir de la formation et pour une mise à jour de leurs connaissances. D’ailleurs, à la lumière de certains écrits recensés par l’OIIQ en 2011, certains facteurs freinent les infirmières à la participation à des activités de formation continue. Parmi ces facteurs, on dénote un manque de ressources financières, un manque de soutien de l’employeur, des difficultés d’accès à la formation, une fatigue liée à la surcharge de travail, un manque de temps ainsi qu’une pénurie de personnel. Dans certains hôpitaux québécois en région où la pénurie se fait sentir davantage, la formation continue ne fait bien évidemment pas partie des priorités pour l’organisation. Les infirmières étant épuisées et à bout de souffle ne priorisent pas non plus la formation (StPierre, Leblanc, Hébert, Bélanger, & Gauthier, 2009; St-Pierre, Leblanc, & Lagacé, 2008). Afin que la problématique de ressources humaines infirmières s’atténue, l’organisation du travail doit être revue de manière à utiliser, de façon optimale, les compétences du personnel et à encourager l,a formation continue.
D’autres facteurs, plutôt reliés aux processus de travail contribuent aussi à l’inefficacité du système de santé (Ben-Tovim, Dougherty, O’Connell, & McGrath, 2008). Les différentes procédures de soins présentent des lacunes à plusieurs niveaux et cela occasionne de multiples problématiques, dont de longs délais d’attente. Selon le Commissaire à la santé et au bien-être (2013), la performance reliée à la production du système de santé et des services sociaux québécois est directement en rapport avec l’accessibilité aux services. Les processus de soins inefficients et un manque de fluidité dans les processus de soins contribuent aux délais et aux débordements des urgences (Juneau, Pelletier, Bergeron, Bouchard, & Rousseau, 2011). En mai 2013, un temps moyen de 17 heures et 30 minutes est nécessaire avant de pouvoir consulter un médecin aux urgences et dans certains centres du Québec, cette attente atteint même au-delà de 30 heures (Cameron, 2013). Pourtant, il a été démontré que des processus standardisés et plus uniformes apportaient des résultats très positifs pour une organisation de soins de santé (Mayer & Madore, 2012).
De plus, il existe une évolution de la demande de services de santé au Québec dû, entre autres, à la population vieillissante et à la chronicisation des maladies. Cela contribue au besoin d’augmentation de mobilisation de plusieurs ressources telles que des ressources financières et des ressources humaines (Poksinska, 2010). Cependant, il arrive que, dans certaines organisations, les ressources humaines soient épuisées. Les hôpitaux doivent alors solliciter leur personnel infirmier à effectuer du temps supplémentaire ou encore recourir à l’utilisation de main d’œuvre indépendante (MOI), c’~st-à-dire des infirmières provenant d’agences privées. Cette problématique ocCasionne des millions d’heures supplémentaires effectuées par le personnel et de grands coûts défrayés par les établissements de santé à chaque année. En 2009, ce sont 3,6 millions d’heures que les infirmières ont travaillé en dehors de leurs heures de travail régulières (Champagne, 2010). L’exécution d’heures de travail supplémentaire est une problématique touchant l’ensemble des secteurs du domaine de la santé mais plus particulièrement l’urgence en raison du besoin de main d’œuvre spécialisée dans ce secteur. Lorsque les urgences ont épuisé leur personnel en temps régulier et en temps supplémentaire, ils font appel à de la MOI dans le but de couvrir les besoins. Le recours à la main d’œuvre spécialisée provenant d’agences privées contribue à pallier temporairement au manque de ressources humaines mais ne doit pas présenter une solution à long terme. Non seulement la MOI engendre d’importantes dépenses pour l’organisation (MSSS, 2010) mais elle est moins autonome et productive du fait qu’elle connait moins les lieux physiques et qu’elle est moins habituée de fonctionner avec les procédures particulières au lieu de travail. Ce contexte de temps supplémentaire et d’utilisation de la MOI est une problématique vécue à grande échelle mais qui crée encore plus de préoccupations aux organisations en milieux ruraux en raison de la pénurie de personnel qui est accentuée dans les régions. Les problèmes de structure et de processus de travail, de pratique infmnière mal définie, de temps supplémentaire et d’utilisation de MOI énumérés dans ce présent chapitre sont tous des réalités qui sont vécues dans plusieurs organisations de santé au Québec. Le Centre de santé et des services sociaux de Maskinongé (CSSSM) fait partie de l’une d’elles. Les problématiques vécues incitent cette organisation localisée en milieu rural à revoir l’organisation du travail.
Contexte organisationnel du CSSS de Maskinongé
Le CSSSM est compris dans l’ensemble des huit centres associés à l’Agence de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec. Le CSSSM dessert douze municipalités, ce qui représente environ 23 645 citoyens. Il regroupe quatre points de services répartis sur son territoire. Parmi ces quatre points de service, le centre de service A vell in-Dalcourt situé à Louiseville est compté. Ce nouveau bâtiment, réaménagé en 2010 compte tenu de nouvelles réalités, est greffé à la résidence en hébergement. Ce point de service comprend, entre autres, un département d’urgence qualifié d’urgence de stabilisation et qui est ouvert 24 heures/ 7 jours. Cette urgence est un centre de première ligne qui traite en majorité des cas de complexité moyenne, c’està-dire des patients médicalement stables. Lorsqu’il survient une situation où le niveau de. gravité excède les possibilités d’intervention reliées aux installations ou encore nécessitant une qualification plus avancée, les patients sont transférés, via un corridor de service préétabli, au Centre Hospitalier Régional de Trois-Rivières (CHRTR). De plus, le point de service A vellin Dalcourt compte des cliniques externes spécialisées en orthopédie, en cardiologie, en oto-rhino-laryngologie et en chirurgie générale. Finalement, un service d’analyse de laboratoire, une pharmacie ainsi qu’un service d’imagerie médicale font partie de ce point de service. Lors du réaménagement de l’urgence, l’administration a dû revoir le plan de cette dernière et prendre une décision définitive sur la façon dont elle allait être construite (CSSSM & Agence de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec, 2010).
À la suite d’un processus d’évaluation des besoins, de financement, d’achalandage grandissant de la municipalité et d’évaluation géographique en raison de la composition des sols à .Louiseville, une décision a été prise quant aux plans de la future urgence. C’est en 2006 qu’une équipe d’architectes et d’ingénieurs engagée par le CSSSM a proposé un aménagement sur deux étages (Plante, 2007). Les gestionnaires du CSSSM et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) se sont rencontrés par la suite pour prendre une décision relativement aux plans. Le CSSSM a alors soulevé son désaccord à ce que l’urgence soit construite sur deux étages. Les gestionnaires ont justifié leur choix en expliquant au MSSS que cela ne faciliterait pas l’organisation du travail puisque les deux postes de travail des infirmières seraient trop éloignés l’un de l’autre. Selon le contexte de soins d’une petite urgence, ils ont fait valoir que le personnel infirmier était diminué le soir et la nuit. Cela impliquerait qu’un seul membre du personnel se retrouverait au poste du deuxième étage le soir et la nuit et que cela ne serait pas sécuritaire pour les infirmières ainsi que pour les patients. Malgré l’opposition du CSSSM, le MSSS a convenu que l’urgence serait tout de même configurée sur deux étages.
Avant le début des travaux de construction de l’urgence du CSSSM, l’OIIQ (2008), avait constaté que les urgences du Québec qui avaient été rénovées de façon majeure dans les dernières années bénéficiaient de caractéristiques facilitant la surveillance des patients. Il est, par contre, illégitime de’ relever ce fait de la nouvelle configuration de l’urgence au CSSSM car depuis sa construction, l’inefficacité départementale ne cesse d’augmenter. Holden (2011) relève, dans ses écrits, que la façon dont est conçue une unité de soins peut préconiser des problèmes d’ordre structurel responsables de la désorganisation des services et des soins de la santé, Nantsupawat et al. (2011) démontrent aussi qu’un environnement de soins favorable au travail des professionnels de la santé a plusieurs effets positifs non négligeables dont la satisfaction au travail du personnel infirmier et la qualité des soins aux patients.
En plus de problèmes importants reliés à l’aménagement des lieux physiques, le service de l’urgence fait face à une problématique reliée à la main d’œuvre infirmière. Dans la région de la Mauricie, plus de 226 000 heures de temps supplémentaire ont été travaillées en 2010-2011, ce qui représente un peu plus de cent soixante millions de dollars de dépense (MSSS, 20 Il a). Au 31 mars 2010, le CSSSM a enregistré un taux de 6 % d’heures supplémentaires travaillées par les ressources humaines infirmières. De plus, 4,30 % des heures travaillées pendant l’année précédente représentaient celles de la ‘MOI. Le CSSSM s’était engagé à réduire à, respectivement, 5,62 % et 1,53 % te temps supplémentaire et la main-d’œuvre indépendante du personnel infirmier en 2010-2011. En plus de devoir travailler des heures supplémentaires, les infirmières sont exposées à une surcharge de travail en raison du manque de personnel. La charge de travail étant élevée et le nombre de ressources étant diminué, le personnel doit augmenter sa cadence de travail. La Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé (2001) démontre que cette augmentation de cadence améliore la productivité à court terme mais alourdit la possibilité de conséquences négatives sur les infirmières et sur les soins. À long terme, ces lourdes tâches de travaux créent du stress et des problèmes de santé chez les infirmières et cela occasionne une réduction de la productivité. Selon la Corporation d’hébergement du Québec (2011a), le personnel de l’urgence subit beaucoup de pression et les conditions de travail sont souvent une des problématiques en cause. Cette pression vécue au quotidien peut mener à d’importants risques d’erreurs et peut aussi contribuer à l’insatisfaction au travail du personnel infirmier, ce qui peut éventuellement mener ces professionnels de la santé à quitter leur profession (Santé Canada, 2007). Dans le but d’empêcher l’épuisement professionnel, le CSSSM doit reVOlr les rôles, tâches et fonctions de chaque professionnel et non-professionnel et assurer de la formation pour une mise à jour des fonctions de chacun.
Ces problèmes associés à des structures de travail déficientes et à des processus de travail inopérants ne sont pas propres qu’au domaine de la santé. Le domaine manufacturier traite depuis très longtemps des problèmes de la même espèce. Le lean manufacturier est une méthode d’amélioration continue employée dans les entreprises depuis de nombreuses années mais transposée dans le domaine de la santé en tant que lean healthcare1 depuis seulement quelques années. Selon Landry (2010a), lorsque l’idée d’implanter le lean santé dans les organisations de santé du Québec a été présentée, la population a craint cette pratique novatrice de gestion empruntée du domaine industriel par peur de déshumaniser les soins. Par contre, selon le Dr Marcus Froehling, « c’est paradoxalement par l’industrialisation de la santé que l’on peut humaniser davantage les soins» (cité dans Landry, 2010a). Ce concept, qui se veut une philosophie à adopter, contient plusieurs concepts dont celui de production à valeur ajoutée et de fabrication au plus juste. L’application du lean dans le domaine de la santé aux États-Unis a obtenu un franc succès depuis plusieurs années. Dans le domaine de la santé, une des applications du lean se retrouve au niveau de la réduction des efforts dans les activités qui n’ajoutent aucune valeur à l’organisation. En réorganisant les activités dans lesquelles plusieurs efforts ne sont pas bénéfiques, moins de ressources sont déployées et il est donc possible de réduire l’effet de la pénurie de la main d’œuvre chez les infirmières.
Type et but de la recherche
La recherche-action sera l’approche utilisée dans le cadre de ce projet d’optimisation de l’organisation du travail à l’urgence du CSSSM. Ce type de recherche, se caractérisant par une souplesse méthodologique et une marge de non-contrôle en fonction des à priori du milieu, se prête parfaitement à cette étude. L’interaction du chercheur avec le milieu permet d’adapter l’étude selon les problématiques particulières du milieu de travail en fonction de l’interaction avec le milieu (Valcarcel-Craig, 2009). La recherche-action vise à élargir la conscience collective, c’est-à-dire à mobiliser l’entité des membres d’une organisation afin de rendre possible le changement (Goyette & Lessard-Hébert, 1987).
La première partie de l’étude a comme objectif de dresser un portrait de l’organisation du travail à l’urgence du CSSSM de Louiseville. Par la suite, les données recueillies permettront de formuler certaines recommandations dans le but d’instaurer des changements de pratique et, par conséquent, d’optimiser l’organisation du travail. À ce jour, aucune étude sur l’organisation du travail à l’urgence en lien avec un aménagement sur deux étages n’a été réalisée. Le besoin d’optimiser les processus de soins, les processus de travail et, conséquemment, les ressources humaines afin d’améliorer la performance de l’urgence du CSSSM est plus que présent.
L’implantation de la méthode lean aurait tout avantage à être appliquée à l’urgence du CSSSM. L’objectif de ce projet de recherche est d’appliquer le lean healthcare au CSSSM et de voir comment la méthode pourra permettre de standardiser les rôles du personnel infirmier, d’en réduire l’ambiguïté, d’améliorer la fluidité des processus de travail et d’améliorer les pratiques de dotation pour réduire le temps supplémentaire fait par le personnel infirmier. Ce projet contribuera à vérifier la pertinence de l’aménagement d’une urgence sur deux étages.
Modèle Toyota
Le modèle Toyota est le cadre de référence qui sera utilisé dans ce projet. Puisqu’il s’agit d’un projet de réorganisation et d’optimisation du travail au CSSSM, le modèle Toyota est tout à fait approprié puisqu’il offre lui-même un cadre de référence axé sur l’organisation du travail et sur la participation active des employés. Depuis les deux dernières décennies, cette stratégie d’ amélioration de la qualité et des processus de production de biens et de services, issue du milieu industriel, s’est graduellement transposée des secteurs manufacturiers au domaine de la santé. Sachant que les enjeux des industries sont comparables à ceux des hôpitaux en ce qui a trait aux objectifs de qualité de biens ou de services et à la diminution de coût de production, les outils du lean ont été métamorphosés au domaine hospitalier (Villeneuve, Bolduc, & Lavoie, 2008). Dans cette section, le concept de lean healthcare sera présenté et par la suite, ses outils et ses modalités d’implantation seront énoncés.
À la fin des années 1940, l’usine manufacturière Toyota a créé un système de production particulier afin de rendre possible la production de voitures en petites séries et à prix compétitifs (Liker, 2006). Le système de production Toyota (Toyota Production System, TPS) avait comme but de fournir un produit de qualité tout en réduisant les coûts de production et en utilisant le moins de ressources possibles (Ng, Vail, Thomas, & Schmidt, 2010). La fabrication était plutôt concentrée sur les processus de production et sur la qualité du produit que sur la production en masse comme plusieurs autres industries de l’automobile dont General Motor Company (GMC) et Ford, par exemple (Ben-Tovim et al., 2007). Certains auteurs ont, par la suite, décidé de renommer ce système de production lean pour qu’il soit relié spécifiquement à Toyota et non aux autres industries de l’automobile (Shah & Ward, 2007; Womack, Jones, & Roos, 1991). Étant à la fois un système de gestion et une philosophie, le lean met l’accent sur l’amélioration continue appelée Kaizen en japonais (Liker, 2006). Cette philosophie est guidée par 14 principes de base .
Philosophie
Tout d’abord, la première catégorie de principe est qu’il importe de créer une vision philosophique du lean à travers l’organisation. Tous les membres de l’entreprise doivent avoir le même but, c’est-à-dire générer de la valeur pour le client. À travers l’application , du TPS par l’ensemble de l’organisation, le gaspillage doit être réduit et éliminé dans le but de rendre chaque étape d’un processus de fabrication fluide.
Standardisation des processus
La deuxième catégorie de principes VIse à faire en sorte que les processus de production de biens et de services soient optimaux dans le but d’obtenir les meilleurs résultats qui soient. Pour chaque tâche, le temps de cycle, la séquence de travail et les pièces ou actions nécessaires doivent être identifiés pour assurer un flux de travail continu et sans variabilité. La meilleure façon d’être en mesure de contrôler et de mesurer un processus est d’éliminer la variabilité car elle est souvent une cause de perte de temps et d’imprévus (Stansfield & Manuel, 2009). C’est cette catégorie de principes qui fait appel aux nombreux outils du TPS dont le système de flux tiré et poussé par exemple. Le système de flux tiré fait référence à organiser un système où les actions sont tirés ou requises par le client, uniquement selon les besoins du client. Contrairement au flux tiré, le flux poussé désigne de produire un bien ou un service sur la base de la prévision des besoins du client, avant même que ce dernier ait exprimé ses besoins réels.
Travail d’équipe
La troisième catégorie de principes a trait à l’implication de tous pour valoriser l’organisation et optimiser son fonctionnement. Les gestionnaires de tous les niveaux ainsi que les employés concernés par les changements apportés doivent tous être impliqués dès les premières étapes du projet (Aherne, 2007; Manos, Sattler, & Alukal, 2006; Poksinska, 2010). Ces derniers doivent non seulement être impliqués mais doivent également être motivés à participer au projet et à prendre part aux activités d’amélioration. Chaque employé doit avoir la possibilité de prendre des décisions en regard des changements (Liker, 2006) .
Conclusion
Ce projet de recherche avait pour but de collecter des données sur les activités faites par le personnel de l’urgence du CSSSM afin d’optimiser le travail de chacun et d’améliorer la performance départementale. Le CSSSM avait également comme objectifs, à travers ce projet, de trouver une solution au problème d’aménagement sur deux étages, de standardiser le travail du personnel infirmier et de diminuer le recours au temps supplémentaire et à la main d’œuvre indépendante.
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Table des matières
Problématique Organisation du travail Contexte organisationnel du CSSS de Maskinongé Type et but de la recherche Cadre théorique Modèle Toyota Philosophie Standardisation des processus Travail d'équipe Amélioration continue Concepts pour l'implantation de la méthode lean Premier concept: la cartographie Deuxième concept: le juste-à-temps Troisième concept: le kanban Q . , l' .., k . 27 uatneme concept: actlvlte alzen Cinquième concept: 5S Implantation du lean healthcare Recension des écrits Lean healthcare Conditions facilitantes du lean healthcare Barrières et défis du lean healthcare Importance d'un chargé de projet dans la gestion du changement et dans l'implantation du lean Effet du lean dans les hôpitaux au niveau mondial et au Québec Organisation du travail Rôles, tâches et responsabilités des infirrnières Organisation du travail à l'urgence Intégration des infirmières auxiliaires dans les urgences Environnement physique Méthodologie CSSS de Maskinongé Devis de recherche Approche définir, mesurer, analyser, implanter et contrôler (DMAIC) Description du milieu Population Échantillon Critères d'inclusion Déroulement de la recherche Collecte de données Définitions opérationnelles Activité à valeur ajoutée (A V A) Activité à non-valeur ajoutée (ANV A) Amélioration continue Gestion du changement Instruments de mesure Critères de qualité de l'étude Considérations éthiques Limites de l'étude et biais possibles Plan de l'analyse des données Retombées attendues Présentation des résultats Portrait de l'urgence du CSSSM Nombre de civières au permis Délai d'attente Durée d' éval uation au triage Durée moyenne de séjoUr (DMS) Patients sur civière Patients ambulatoires Nombre de patients ayant quitté sans avoir été vus par un médecin Degré de gravité moyen des cas Satisfaction des patients Nombre d'intervenants par quart de travail Heures de travail supplémentaire et main d'œuvre indépendante Résultats obtenus à la suite de l'observation en temps réel Infirmières du qu~ de travail de nuit Infirmière ASI Infirmière au poste urgence/triage Infirmière au poste UeS/observation monitorée Infirmière au poste de l'UeS Infirmières du quart de travail de jour Infirmière ASI Infirmière au poste de triage Infirmière au poste d'observation/monitorée Infirmière au poste de l'urgence Infirmière au poste de santé ambulatoire Infirmière au poste de remplacement de pauses/approvisionnement Infirmière au poste de clinique externe d'orthopédie Infirmière au poste de clinique externe de chirurgie Infirmière au poste de clinique externe d'ORL Infmnières du quart de travail de soir Infirmière ASI Infirmière au poste de triage Infirmière au poste d' 0 bservation Infirmière au poste de l'urgence Infirmière au poste de l'UCS Préposé aux bénéficiaires du quart de travail de jour . Déplacements Activité kaizen Structure, procédures de travail et' processus de soins Signalisation Visiteurs permis Emplacements Triage Pharmacie Communication Communication interdépartementale Liste de rappel Protocoles et procédures Transferts inter-établissements Standardisation des processus Alimentation Pratique professionnelle: rôles, tâches et responsabilités Infirmières Assistante soins infirmiers Formation et mentorat Ressources humaines Cliniques externes spécialisées Matériel et équipements Armoire à narcotiques Dossiers médicaux Civières Génie biomédical Entretien ménager Changements survenus Déménagement de l'UCS Structure de travail à 1 'UCS Structure de travail aux cliniques externes spécialisées Aire de choc Formation Discussion Environnement physique Actions à valeur ajoutée (AV A) et actions à non-valeur ajoutée (ANV A) Rôles, tâches et responsabilités des infIrmières Ressources humaines Médecins Infirmières Leadership et suivi Limites de l'étude Conclusion
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