L’espace côtier est soumis de manière naturelle à des événements de submersions marines générés par des ondes de tempêtes et des tsunamis. Le développement de la population et des activités humaines le long ou à proximité des littoraux, rend ces dernières vulnérables à cet aléa côtier. Le tsunami de 2004 a causé des dégâts humains et matériels dans 14 pays autour de l’océan Indien. L’Indonésie a été la plus touchée, avec environ 165 708 morts (et disparus), ainsi que des pertes économiques estimées à 4,46 milliards de dollars (EM-DAT Public). Un an plus tard, l’ouragan Katrina frappe de plein fouet les côtes américaines dans le golfe du Mexique, entraînant la mort de 1 833 personnes et des pertes économiques estimées à 125 milliards de dollars US (EM-DAT Public). Ces deux événements ont été accompagnés par une couverture médiatique importante, ce qui a permis à la population mondiale de réaliser l’importance d’étudier ces événements de plus près.
Afin d’avoir une bonne compréhension du risque lié à ces événements extrêmes, il est nécessaire de comprendre la chaîne des processus responsables de leurs formations. Ce chapitre sera réparti en trois sections. Dans la première, nous présenterons les processus responsables des submersions marines associées aux tsunamis, aux ondes de tempêtes et aux météotsunamis. La deuxième partie sera consacrée aux impacts physiques que peuvent avoir ces vagues extrêmes sur les côtes meubles et rocheuses, en décrivant aussi les conséquences sociales, économiques et environnementales que peuvent générer ces événements. Dans la troisième section, nous présenterons le rôle des archives historiques et géologiques dans l’étude des événements de submersion. Dans cette dernière partie, nous détaillerons davantage l’approche géologique, en présentant les traceurs ou proxys utilisés dans la discipline.
TYPES DE SURCOTES ET CONDITIONS DE LEUR FORMATION
Ondes de tempête
Définition et caractéristiques
L’onde de tempête (appelée aussi surcote) est une augmentation anormale et temporaire du niveau marin près de la côte, générée par le passage d’une dépression atmosphérique. Une onde de tempête est provoquée principalement par des cyclones tropicaux et extratropicaux. Les cyclones tropicaux (appelés ouragan en Atlantique, typhon dans la partie ouest du Pacifique, et cyclone en océan Indien) sont des systèmes dépressionnaires intenses qui se forment au dessus des eaux tropicales, dont la température dépasse les 26 °C (Zehnder, 2020). Les cyclones tropicaux sont très puissants, malgré une faible extension spatiale (500±200 km). La vitesse du vent peut atteindre les 300 km/h, et la pression atmosphérique au centre du système peut descendre à 900 hPa. L’échelle de Saffir-Simpson permet de classer les ouragans en fonction de la vitesse du vent qu’ils génèrent, et de proposer une estimation de la surcote associée à chaque classe. Par exemple, un ouragan de catégorie 5, avec une vitesse de vent supérieure à 250 km/h, génère une surcote supérieure à 5,5 m (http://www.nhc.noaa.gov).
Les cyclones extratropicaux se forment dans les latitudes moyennes . Ils génèrent des vents moins rapides comparés aux cyclones tropicaux, mais restent des événements dangereux pour la zone côtière. L’onde de tempête, qui accompagne un cyclone extratropical, dure 2-5 jours et affecte des zones côtières sur plusieurs centaines de kilomètres, comparée à celle produite par un cyclone tropical, qui dure de quelques heures à une demi-journée, et touche une zone côtière inférieure à 200 km (Gonnert et al., 2001; von Storch and Woth, 2008). Il faut signaler qu’il existe d’autres types de systèmes dépressionnaires, tels que les dépressions polaires et les cyclones subtropicaux méditerranéens (les medicanes) ; le processus de formation de l’onde de tempête reste toutefois le même.
Facteurs à l’origine de l’onde de tempête
Vent
Lorsque les vents, générés par un cyclone tropical ou extratropical, sont perpendiculaires à la ligne de côte, ils appliquent une force tangentielle sur la surface de l’eau, ce qui provoque un déplacement des masses d’eau superficielles vers le littoral. Ces masses d’eau sont bloquées par le continent et s’accumulent, contribuant ainsi à la surcote .
Lorsque le vent souffle parallèlement à la ligne de côte, il contribue de manière indirecte à l’onde de tempête à travers le setup d’Ekman. Les masses d’eau, qui se déplacent dans la même direction que celle du vent, sont déviées vers la droite dans l’hémisphère nord (ou vers la gauche dans l’hémisphère sud), avec un angle théorique de 45° (Ekman, 1905). Cette déviation est due à l’effet Coriolis, qui est en relation avec la rotation de la Terre sur elle-même. Le déplacement de la couche superficielle de l’eau provoque un déplacement des couches sous-jacentes avec une déviation supplémentaire, jusqu’à atteindre une certaine profondeur (colonne d’Ekman). Dans les eaux profondes, le transport net de l’eau est dévié de 90° par rapport au sens du déplacement du vent (Ekman, 1905). Dans l’Hémisphère Nord, lorsque le sens de déplacement du vent est parallèle à la ligne de côte, et que cette dernière est située sur sa partie droite, les courants marins générés par ce vent seront déviés de 90° et vont contribuer à la surcote (setup d’Ekman ; Kennedy et al., 2011). Ce phénomène a été démontré par Kennedy et al. (2011). Ces auteurs ont observé des niveaux anormaux d’eau le long de la côte de Louisiane et du Texas, 12-24 heures avant l’arrivée de l’ouragan Ike (2008). Ces auteurs ont attribué cette augmentation au transport d’Ekman, produit par des vents qui soufflait parallèlement à ces côtes.
|
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I. NIVEAUX MARINS EXTREMES EN MILIEU COTIER : GENERALITES
I.1 INTRODUCTION
I.2 TYPES DE SURCOTES ET CONDITIONS DE LEUR FORMATION
I.2.1 Ondes de tempête
I.2.2 Tsunamis
I.2.3 Météotsunamis
I.3 IMPACTS SUR LE DOMAINE COTIER
I.3.1 Impact physique
I.3.2 Impacts économiques, environnementaux et sociaux
I.4 IMPORTANCE DES ARCHIVES HISTORIQUES ET GEOLOGIQUES POUR LA RECONSTITUTION DES SUBMERSIONS MARINES DU PASSE
I.4.1 Archives historiques
I.4.2 Archives géologiques
I.4.3 Proxys d’identification des dépôts de haute énergie marines
I.5 CONCLUSION
II. LE LITTORAL ATLANTIQUE MAROCAIN : UN ESPACE VULNERABLE AUX SUBMERSIONS MARINES
II.1 INTRODUCTION
II.2 ENJEUX DE LA FAÇADE ATLANTIQUE MAROCAINE
II.2.1 Enjeux démographiques
II.2.2 Enjeux économiques
II.3 SOURCES DES SUBMERSIONS MARINES SUR LA COTE ATLANTIQUE DU MAROC
II.3.1 Exposition aux ondes de tempêtes
II.3.2 Exposition aux tsunamis
II.4 LE RISQUE DE SUBMERSION MARINE SELON LES ARCHIVES HISTORIQUES ET LES DONNEES DE MODELISATIONS
II.4.1 Les données historiques
II.4.2 Modélisation numérique
II.5 CONTRIBUTION DES ARCHIVES GEOLOGIQUES DANS L’ETUDE DU RISQUE LIEE AUX SUBMERSIONS MARINES
II.5.1 Façade Atlantique
II.5.2 Détroit de Gibraltar
II.5.3 Façade méditerranéenne
II.6 CONCLUSION
III. PRESENTATION DE L’ESTUAIRE DE TAHADDART ET DE LA STRATEGIE D’ETUDE
III.1INTRODUCTION
III.2PRESENTATION DE L’ESTUAIRE TAHADDART
III.2.1 Situation géographique
III.2.2 Cadre géologique et géomorphologique
III.2.3 Paramètres météo-marins
III.2.4 Hydrologie du bassin versant
III.2.5 Évolution paleoenvironemenale
III.3STRATEGIE D’ETUDE
III.3.1 Échantillonnage
III.3.2 Méthodes analytiques
III.3.3 Méthodes de datation
III.4CONCLUSION
IV. RESULTATS
IV.1 CARACTERISATION DES SEDIMENTS DE SURFACE
IV.1.1 Géochimie
IV.1.2 Granulométrie
IV.1.3 Faunes modernes des foraminifères benthiques
IV.2 DESCRIPTIONS DES CAROTTES SEDIMENTAIRES
IV.2.1 Carotte TAH17-1
IV.2.2 Carotte TAH17-5
IV.2.3 Carotte TAH17-4
IV.2.4 Carotte TAH17-3
IV.3 DONNEES CHRONOLOGIQUES
IV.3.1 210Pbex et 137Cs
IV.3.2 Carbone 14
V. DISCUSSIONS
CONCLUSION