Nitrure de gallium et physique des semiconducteursย
Le nitrure de gallium (GaN) est un matรฉriau semiconducteur binaire ร gap direct qui fait partie de la famille des semiconducteurs dits ยซ III-V ยป et plus spรฉcifiquement des III-nitrures. Cette notation fait rรฉfรฉrence ร la classification pรฉriodique des รฉlรฉments : le gallium (Ga) et lโazote (N) appartiennent respectivement aux colonnes III et V du tableau pรฉriodique. Certaines de ses propriรฉtรฉs fondamentales seront prรฉsentรฉes ร travers cette section, en parallรจle de quelques notions importantes de la physique du semiconducteur.
Propriรฉtรฉs cristallines
Le GaN peut cristalliser selon la forme cubique zinc-blende, la forme hexagonale Wurtzite (Wz) ou encore sous la forme sel gemme (ou NaCl) [1]. Le type de structure cristalline obtenu dรฉpend principalement des conditions de croissance du semiconducteur (รฉpitaxie) ou de la nature du substrat de croissance utilisรฉ (et notamment son orientation cristallographique). La structure NaCl nโexiste cependant quโร trรจs haute pression et relรจve principalement de lโรฉtude en laboratoire.
Thermodynamiquement plus stable ร tempรฉrature ambiante, la structure wurtziteย est la plus utilisรฉe pour lโรฉpitaxie de couches GaN, et sera donc dรฉcrite prรฉfรฉrentiellement ici. Sa maille รฉlรฉmentaire est hexagonale et prรฉsente donc deux paramรจtres de maille diffรฉrents, a et c. Ils dรฉcrivent la structure dans le plan basal, ou sa direction perpendiculaire, respectivement. Un paramรจtre u additionnel permet de dรฉcrire la distance avec le plus proche voisin, ou anion (N3- ) – cation (Ga3+), divisรฉe par c. La maille รฉlรฉmentaire est composรฉe de six atomes de chaque type (Ga et N), rรฉpartis dans deux sous-rรฉseaux hexagonaux compacts respectifs, intercalรฉs lโun dans lโautre, mais dรฉcalรฉs de 5/8e suivant lโaxe c (5/8e de la hauteur de maille c). La direction +c (ou direction โฉ0001โช) correspond par ailleurs ร lโaxe vertical ascendant de lโhexagone. Dans cette structure, chaque atome de gallium (dโazote) est coordonnรฉ ร 4 atomes dโazote (de gallium). Lโempilement atomique de cette phase est de type AaBbAa selon la direction โฉ0001โช : il sโagit dโun empilement de plans biatomiques compacts (0001) avec des paires Ga et N [1]. Pour une structure wurtzite idรฉale avec quatre sphรจres dures en contact, le rapport ?โ? = โ8โ3 โ 1.633 et ? = 3โ8 = 0.375. Expรฉrimentalement, les valeurs pour le GaN sont plutรดt ร environ 1.634 et 0.377, respectivement. Cet รฉcart peut รชtre causรฉ par les diffรฉrences dโรฉlectronรฉgativitรฉ entre les constituants de la maille ou encore par des imperfections liรฉes ร lโรฉpitaxie (inhomogรฉnรฉitรฉs, dรฉformations, relaxations partielles de contraintesโฆ) [1].
Les structures wurtzites des III-nitrures ne sont pas centrosymรฉtriquesselon lโaxe c. Autrement dit, le cristal est polaire. Par convention, si la liaison gallium-azote parallรจle ร lโaxe c sโรฉtend selon la direction โฉ0001โช (โฉ0001ฬ โช), alors on parle de polaritรฉ gallium (azote) .
La diffรฉrence significative entre lโรฉlectronรฉgativitรฉ du gallium et celle de lโazote confรจre un caractรจre fortement ionique aux liaisons Ga โ N. Par consรฉquent, la prรฉsence de lโaxe polaire conduit ร une forte sรฉparation des barycentres des charges nรฉgatives et positives : un dipรดle รฉlectrique se forme ร lโintรฉrieur de chaque cellule รฉlรฉmentaire. Le GaN en structure wurtzite prรฉsente donc un champ de polarisation spontanรฉe, maximal suivant lโaxe polaire c. Cette polarisation pourra dโailleurs รชtre accentuรฉe, ou attรฉnuรฉe, par dรฉformation de la maille cristalline suite ร lโeffet piรฉzoรฉlectrique. En effet, lโรฉpitaxie est gรฉnรฉralement effectuรฉe sur un substrat de nature diffรฉrente pour des raisons pratiques et de coรปt. Le substrat saphir (ou Si 111) gรฉnรฉralement utilisรฉ permet de minimiser les diffรฉrences de mailles, mais des contraintes sont toujours gรฉnรฉrรฉes. Lโapparition dโune polarisation additionnelle de nature piรฉzoรฉlectrique est donc quasi systรฉmatique.
Dopage
Un intรฉrรชt majeur des semiconducteurs rรฉside dans la possibilitรฉ dโy injecter volontairement des atomes dโimpuretรฉs (le dopage) afin de contrรดler la position du niveau de Fermi (et donc les densitรฉs de porteurs). Plus spรฉcifiquement, pour le silicium typiquement, si lโatome dopant prรฉsente un รฉlectron de valence en excรจs par rapport ร lโatome initial, les liaisons covalentes dans le semiconducteur sont totalement restaurรฉes. De plus, si lโatome dopant est facilement ionisรฉ ร tempรฉrature ambiante (i.e. ???????????~???), son รฉlectron de valence excรฉdentaire sera libรฉrรฉ dans la bande de conduction (le dopant devient par ailleurs un ion chargรฉ positivement). On parle dโatomes donneurs (dโรฉlectrons) et le semiconducteur est alors dopรฉ nรฉgativement (type n). A lโinverse, si une liaison covalente reste insatisfaite dans le semiconducteur (un รฉlectron de valence manque ร lโatome dopant), une carence en รฉlectron apparait dans le rรฉseau cristallin, plus gรฉnรฉralement dรฉsignรฉe par trou. Lโatome est alors dit accepteur puisquโil peut recevoir un รฉlectron et libรฉrer un รฉtat dโรฉnergie dans la bande de valence (lโion dopant rรฉsultant prรฉsente cette fois ci une charge nรฉgative). On parle de semiconducteur dopรฉ positivement (type p).
Une description plus gรฉnรฉrale du dopage consiste en lโintroduction dโimpuretรฉs chargรฉes qui accroissent la densitรฉ de porteurs libres dans une des bandes du semi-conducteur, ce qui a pour consรฉquence de modifier la position du niveau Fermi .
Le GaN peut facilement รชtre dopรฉ nรฉgativement ร lโaide dโatomes de silicium par exemple. Le niveau donneur associรฉ se situerait ร environ 22meV sous la bande de conduction et serait principalement associรฉ ร des atomes de silicium en substitution sur des sites Ga (SiGa) [5]. Son รฉnergie dโactivation serait comprise entre 12 et 17meV [5]. Ainsi, les dopants sont trรจs facilement ionisรฉs ร tempรฉrature ambiante et des valeurs de dopages effectifs de lโordre de 10ยนโน -10ยฒโฐcm-3 sont possibles. Le dopage p est cependant plus dรฉlicat. A tempรฉrature ambiante, lโรฉnergie dโionisation des dopants magnรฉsiums utilisรฉs est beaucoup plus importante que celle des dopants Si (entre 120 et 200meV environ [6]). Seulement 1 ร 2% des dopants sont donc ionisรฉs ร 300K [6]. De plus, certains dopants Mg sont dรฉsactivรฉs en raison de la formation de complexes Mg-H [7]. Par contraste au dopage n du GaN, il est difficile dโobtenir des concentrations de trous supรฉrieures ร 10ยนโธcm-3 [8]. Dโailleurs, le dopage p du GaN a longtemps constituรฉ un verrou technologique ร la rรฉalisation de LED. Ce nโest que dans les annรฉes 1990 que ce matรฉriau a de nouveau suscitรฉ lโintรฉrรชt de la communautรฉ scientifique, lorsque Akasaki, Amano & Nakamura (prix Nobel de physique 2014) ont dรฉmontrรฉ une mรฉthode dโรฉpitaxie efficace pour la croissance du GaN dopรฉ p [9]โ[11] (et donc de LED, comme on pourra le voir par la suite).
Structure de bandes
La structure de bandes des semiconducteurs prรฉsente une dispersion รฉnergรฉtique en fonction des directions de symรฉtrie choisies dans le cristal. Autrement dit, elle varie en fonction du vecteur dโonde ? des รฉlectrons, dรฉcrivant la propagation de la fonction dโonde de ces derniers dans le milieu. Le gap du semiconducteur ?? reprรฉsente la diffรฉrence dโรฉnergie entre le minimum absolu de la bande de conduction et le maximum de la bande de valence et peut รชtre de nature direct ou indirect. On parle de gap direct (indirect) lorsque, dans lโespace des phases (espace des ?), le minimum de la bande de conduction est alignรฉ (nโest pas alignรฉ) avec le maximum de la bande de valence .
Propriรฉtรฉs optiques
Naturellement, un รฉlectron excitรฉ dans la bande de conduction peut libรฉrer une partie de son รฉnergie pour occuper un รฉtat libre moins รฉnergรฉtique disponible dans la bande valence du semiconducteur (un trou). Si cette recombinaison รฉlectron-trou sโeffectue via lโรฉmission dโun photon, on parle alors de recombinaison radiative. Il est plus gรฉnรฉralement question dโรฉmission spontanรฉe. Ces transitions sont rรฉgies par la conservation de lโรฉnergie et de la quantitรฉ de mouvement (ou impulsion), et par consรฉquent, du vecteur dโonde . Or, pour des semiconducteurs dont le gap est supรฉrieur ร 1eV, le vecteur d’onde du photon est toujours nรฉgligeable devant celui de l’รฉlectron [12]. La condition de conservation du vecteur d’onde sโรฉcrit (+ si absorption, – si รฉmission) :
?รฉ??????? ????? โ ?รฉ??????? ??????? = ยฑ??โ???? (1.2)
La relation devient donc simplement :
?รฉ??????? ????? โ ?รฉ??????? ??????? (1.3)
Autrement dit, les transitions radiatives sont verticales dans lโespace des ? . Elles sont donc considรฉrablement plus importantes dans les matรฉriaux ร gap direct que dans les matรฉriaux ร gap indirect, et sโeffectuent au voisinage du gap fondamental. Lโรฉnergie dโun photon รฉmis lors dโune recombinaison รฉlectron-trou correspond donc gรฉnรฉralement au gap du semiconducteur ?? = โ? = โ?/?, oรน ? correspond ร la longueur dโonde du photon รฉmis (? la frรฉquence associรฉe), โ ร la constante de Planck et ? reprรฉsente la cรฉlรฉritรฉ de la lumiรจre dans le vide.
|
Table des matiรจres
Introduction gรฉnรฉrale
Chapitre 1 : Contexte et objectifs
1.1 Nitrure de gallium et physique des semiconducteurs
1.1.1 Propriรฉtรฉs cristallines
1.1.2 Dopage
1.1.3 Structure de bandes
1.1.4 Propriรฉtรฉs optiques
1.1.5 Alliages ร base de GaN
1.2 Les LED ร base de GaN
1.2.1 Les diffรฉrentes architectures de LED
1.2.2 Ingรฉnierie de bandes des LED actuelles
1.2.3 Les diffรฉrents mรฉcanismes de recombinaison
1.2.4 Le rendement dโune LED
1.3 Dรฉfauts et flancs de LED
1.3.1 Les principaux dรฉfauts du GaN
1.3.2 Propriรฉtรฉs de surface du GaN
1.3.3 Lโรฉtape de singularisation : la gravure du GaN
1.3.4 Injection รฉlectrique โ spreading
1.4 Les ยตLED : la problรฉmatique de la passivation
1.4.1 Les ยตLED
1.4.2 Les surfaces dans les LED & les ยตLED
1.5 Objectif de la thรจse
Chapitre 2 : Etude, choix des solutions de passivation et mรฉthodologie
2.1 Introduction
2.2 La passivation dโune ยตLED : les diffรฉrents axes de recherche
2.2.1 La passivation des LED et ยตLED dans la littรฉrature
2.2.2 Le traitement des surfaces post-gravure
2.2.3 Choix et dรฉpรดt de la couche de passivation
2.3 Lโรฉtude de la passivation dans le cadre de cette thรจse
2.3.1 Passivation des ยตLED : synthรจse
2.3.2 Les mรฉthodologies dโรฉtude de la passivation
2.4 Descriptions des รฉchantillons
2.4.1 Les รฉpitaxies utilisรฉes
2.4.2 Conditions de fabrication gรฉnรฉrales et รฉquipements utilisรฉs pour la rรฉalisation des couches de passivation
2.4.3 Les diffรฉrentes variantes ร lโรฉtude dans cette thรจse
2.5 Conclusion
Chapitre 3 : Caractรฉrisations physico-chimiques
3.1 Introduction
3.2 Les techniques de caractรฉrisations
3.2.1 La spectromรฉtrie photoรฉlectronique X (XPS)
3.2.2 La fluorescence X ร dispersion de longueur d’onde (WDXRF)
3.2.3 Mesures PP-TOF-MS & TOF-SIMS
3.2.4 Mesures de microscopie ร force atomique (AFM) et dโangles de gouttes
3.2.5 Microscopie รฉlectronique en transmission ร balayage (STEM)
3.3 Analyses des propriรฉtรฉs physico-chimiques de surfaces InGaN aprรจs traitement
3.3.1 Rรฉfรฉrences GaN & InGaN et XPS in-situ aprรจs abrasion
3.3.2 Etude XPS de surfaces InGaN aprรจs des traitements HCl, NH4OH ou (NH4)2S
3.3.3 Analyses quantitatives des profils dโindium en extrรชme surface
3.3.4 Evaluation WDXRF de la dose de soufre sur les surfaces aprรจs (NH4)2S
3.3.5 Analyses STEM de mรฉsas ยตLED aprรจs traitement de surface
3.4 Etude du dรฉpรดt dโune couche ALD-Al2O3 et corrรฉlation avec les traitements de surface
3.4.1 Analyses XPS de lโinterface Al2O3/InGaN : influences du prรฉ- et post-traitement
3.4.2 Etude de la nuclรฉation de la couche ALD en fonction de lโรฉtat de surface initial
3.5 Etude dโune mรฉthode alternative de sulfuration par recuit thermique
3.5.1 Sulfuration de couches ZnO et de surfaces GaN/InGaN rรฉfรฉrences
3.5.2 Sulfuration de couches ALD Al2O3 & AZO
3.6 Analyse STEM de mรฉsas ยตLED : dรฉpรดt bicouche AlN/Al2O3
3.7 Conclusions et limitations
Chapitre 4 : Caractรฉrisations รฉlectriques dโinterfaces diรฉlectrique-semiconducteur
4.1 Introduction
4.2 Description thรฉorique du condensateur MIS pour un semiconducteur de type n
4.2.1 Les diffรฉrents rรฉgimes dโun condensateur MIS
4.2.2 Modรฉlisation de la caractรฉristique C-V idรฉale dโun condensateur MIS Ti/Al2O3/n-GaN
4.2.3 Frรฉquence de mesure, charge piรฉgรฉe et densitรฉ dโรฉtats dโinterface
4.3 Fabrication des capacitรฉs MOS & expรฉrimentations
4.3.1 Description du masque et des composants
4.3.2 Fabrication en salle blanche
4.3.3 Protocole expรฉrimental de mesure
4.4 Etude de lโinterface Al2O3/n-GaN par mesures CV
4.4.1 Prรฉsentation des courbes C-V expรฉrimentales
4.4.2 Etude paramรฉtrique des interfaces Al2O3/n-GaN
4.4.3 Estimation dโune densitรฉ dโรฉtats dโinterface
4.5 Conclusion et limitations
Chapitre 5 : Etude de lโefficacitรฉ de luminescence de mรฉsas ยตLED en fonction de la passivation
Conclusion gรฉnรฉrale