NIETZSCHE ET LES SYSTEMES EN POLITIQUEย
La dรฉmocratieย
Pourquoi Nietzsche a rejetรฉ la dรฉmocratie ? Rรฉpondre ร cette question, cโest dโabord affirmer quโon ne peut jamais รฉtablir une รฉquivalence entre une dรฉmocratie รฉgalitariste et le surhomme, cโest-ร -dire, de lโhomme nietzschรฉen qui dรฉsigne le thรจme central de notre รฉtude. Parce que tout dโabord, dans lโidรฉe de dรฉmocratie il y a lโidรฉe de ยซ dรฉmos ยป qui veut dire peuple. Ce terme dรฉmos se retrouve dans le double sens que les penseurs grecs donnaient ร la dรฉmocratie : tantรดt elle est un rรฉgime oรน lโensemble de la communautรฉ civique exerce le kratos, autrement dit, le pouvoir, tantรดt la dรฉmocratie dรฉsigne un systรจme politique dans lequel ce pouvoir รฉtait entre les mains de la majoritรฉ qui constitue des plus pauvres. Nietzsche voit donc que cโest un systรจme politique dรฉcadent dans le sens oรน la dรฉmocratie exalte le culte, la vรฉnรฉration des faibles au dรฉtriment de la volontรฉ de puissance des hommes forts. La volontรฉ qui anime ce rรฉgime est une volontรฉ niant lโexistence de Surhomme. Il y a donc, aux yeux Nietzche, une dรฉchirure et une dรฉgradation des valeurs de Surhomme. En dโautres termes, la dรฉmocratie qui prรฉtend assurer le bien-รชtre social se dรฉtourne de sa finalitรฉ. Le gouvernement et ses institutions se transforment en instrument, non pas au service du peuple, mais, de la violence et haine contre le peuple. Ce dernier se trouve soumis ร des valeurs nรฉgatives et non ร des valeurs authentiques. Et cโest justement ce refus de lโauthenticitรฉ humaine qui fait de cette doctrine une politique descendant. La dรฉmocratie est un rรฉgime descendant, car au lieu dโaffirmer la volontรฉ de puissance et le Surhomme, les hommes dโEtat se laissent rรฉgner par la dรฉmagogie. Dans un second temps, lโidรฉologie dรฉmocratique est une inspiration des idรฉologies chrรฉtiennes, celle du choix prรฉfรฉrentiel pour les pauvres.
Ensuite, il faut noter en mรชme temps que la dรฉmocratie exerce des liens apparents avec le socratisme. Dans cette logique, on peut souligner, selon lโauteur, que cโest le socratisme est donc le christianisme qui sont ร lโorigine de la dรฉmocratie dans la mesure oรน la dรฉmocratie et la Foi chrรฉtienne sโinterpellent. Leur relation sโexplique par le fait que la Foi chrรฉtienne et dรฉmocratie sociale se complรจtent pour traduire des vรฉritรฉs et des lois ร Obรฉir.
Le socialisme
Mais le problรจme est de savoir dans quelle condition le socialisme qui prรดne lโรฉgalitรฉ de tous, est-il dโaprรจs lโauteur un symptรดme de dรฉcadence moderne ? Pourquoi comprendre cela, il faut noter que, Nietzsche lutte contre toutes doctrines faisant appel ร la communautรฉ, ร la foule et ร lโรฉgalitรฉ des hommes. Or, le socratisme ne sโintรฉresse pas ร lโindividu vivant dans une communautรฉ. Si lโauteur avance une opinion contraire envers le socialisme, cโest parce quโil trouve en lui un caractรจre nรฉgatif pour lโindividu. Avec le socialisme donc, lโindividu crรฉateur cesse de crรฉer et il est pris non plus comme une fin en soi pour se libรฉrer ร bรขtir lโEtat. Une telle doctrine de lโEtat favorise lโorganisation sociale ร travers laquelle rรจgne lโรฉquitรฉ, la justice et lโamour du prochain. Or toute ces vertus dites morales du socialisme sont ร lโorigine de lโinstinct thรฉologique. Cet instinct thรฉologique apparait aux yeux de Nietzsche comme contrainte de la volontรฉ de puissance individuelle. Cโest ainsi que lโAthรฉe se demande :
ยซ Comment une moralitรฉ humaine peut รชtre fondรฉe sur la nรฉgation totale de lโindividu au lieu de le nier, ne faudrait il pas reconnaitre lโindividu, sans faussement lโexalter et รฉnerver son identitรฉ et ordonner ses รฉnergies ร lโรฉdification dโune sociรฉtรฉ oรน chacun serais reconnu dans sa diffรฉrence.ยป .
Le socialisme arrache lโhomme du sentiment de puissance et mรฉconnait lโesprit de crรฉateur de lโindividu dans la mesure oรน les socialistes rejettent toutes idรฉes de domination, de lโexploitation de lโhomme dโรฉvidence, de risque et de brutalitรฉ. Il ignore donc le tragique de la vie que lโauteur attribue ร lโhomme. En dโautre termes, le socialisme ne prend pas en considรฉration lโidรฉal de lโindividu un sujet singulier et un autre sujet singulier qui sont le fondement de la lโEtat. Car cโest la prรฉsence de chaque personne qui fait que le socialisme trouve sa raison dโรชtre ; sinon comment pourrait-on fonder le bon fonctionnement dโun Etat socialiste en tant que tel sans que le gouvernement prenne en considรฉration des individus ? Ce sont donc la singularitรฉ de lโun qui opรจre le fusionnement de la pluralitรฉ du multiple. Cependant lโhomme se voit marginaliser vis-ร -vis du socialisme par le fait quโen prรฉtendant bรขtir une sociรฉtรฉ lโEtat fait abstraction ร lโindividualisme. La critique Nietzschรฉenne du socialisme rรฉvรจle que le socialiste ne reflรจte pas sur lโintรฉrรชt socio-รฉconomique des individus, citoyens et porteurs de lโEtat mais il manipule le peuple en rรฉflรฉchissant lui-mรชme.
Dโaprรจs lโauteur, dรจs lors lโEtat socialiste qui nie lโhomme en dรฉtruisant ses valeurs individuelles se nie en mรชme temps lui-mรชme en se dรฉtruisant lui-mรชme ; car en se repliant sur lui-mรชme le socialisme ne brise pas non seulement les valeurs humaines mais รฉgalement il contient des symptรดmes de dรฉcadences. Elle est donc un systรจme politique moderne qui cache derniรจre lui lโhypocrisie et le mensonge ; car il ne laisse pas lโindividu se justifier de ses points de vues personnels. Cโest lโindividu humain porteur dโidรฉes singuliรจres qui est principe et cause, fin et moyen, source et fondement dโune collectivitรฉ socialiste. Si donc Nietzsche se montre indigne contre ce systรจme, cโest ร cause de sa mystification de la rรฉalitรฉ individuelle. Cette rรฉalitรฉ des valeurs individuellement humaines sont portรฉes atteintes face ร lโEtat socialiste dans la mesure oรน, lโhomme en tant que volontรฉ de puissance, se trouve dรฉpouiller de toutes se facultรฉs potentielles, de tout รฉpanouissement lui permettant dโรชtre responsable de son projet de vie. Le socialiste mรฉrite donc dโรชtre dรฉvoilรฉ puisquโil porte le voile pour avoir la compรฉtence de faire face au ยซ troupeau ยป afin de le conduire ร la dรฉchรฉance.
Cโest pourquoi Nietzsche pense que lโobjet du socialisme est de produire une civilisation dรฉgรฉnรฉrรฉe. La rรฉalitรฉ de sa dรฉgรฉnรฉrescence cโest le fait que lโauteur dรฉtermine le socialisme comme :
ยซ Cette dรฉgรฉnรฉrescence globale de lโhumanitรฉ qui la ramรจne au niveau du parfait animal du troupeau dans lequel reconnaissent leur idรฉal lโhomme de lโavenir, ou comme ils disent, la sociรฉtรฉ affranchie, la rรฉduction de lโhomme ou format de lโanimalcule ร droits รฉgaux ร prรฉtention รฉgale. ยป .
Aux yeux de Nietzsche, le socialisme nโest rien dโautre quโune culture moderne considรฉrรฉ comme symptรดmes des dรฉcadences. Dans ce sens il aboutit au rรจgne du grand nombre de la ยซ foule ยป ร lโuniverselle uniformisation des hommes. Dโaprรจs Nietzsche, le projet du socialisme est donc de dรฉpouiller ร la vie tout ce qui la rend dangereuse : Les privilรจges et lโinรฉgalitรฉ. Dans cette idรฉologie du ยซtroupeau ยป le maรฎtre et le serviteur se trouvent aliรฉnรฉs.
En vรฉritรฉ, les maitres ne sont pas les maitres et les esclaves se rรฉvoltent. Et cโest justement ร travers cette situation de la majoritรฉ de rรฉvolte qui est ร la base dโune nouvelle idรฉologie politique, lโanarchisme. En fait le socialisme et la dรฉmocratie qui prรฉtendent fonder un Etat parfait et assurer le bonheur de tous, nโengendre quโen un systรจme dโanarchisme.
Lโanarchisme
Lโanarchisme est caractรฉrisรฉ par lโabsence de lโordre et dโorganisation politique sociale par ses modes dโactions, il est un systรจme politique moderne dรฉcadent dans la mesure oรน lโanarchisme est le fruit tardif du christianisme, lโexpression de faiblesse dans laquelle lโindividu nโa plus le courage de se surmonter. Lโanarchiste est celui qui sait dire โnonโ ร lโorganisation politique et sociale de lโEtat Mais malgrรฉ son manque de confiance en lui-mรชme, cโest-a-dire, lโincapacitรฉ de se surmonter et se rรฉaliser luimรชme, lโanarchiste devient impuissant, faible et nรฉgatif. Cโest pour cette raison que lโauteur nie ce choix parce quโun tel-individu dรฉfinit, selon Nietzsche, lโhomme du ressentiment.
Il ne rรฉussit quโร dรฉtruire sans crรฉer. Lโanarchiste est synonyme de lโhomme de ยซlโesprit lion ยป, le nihiliste qui nโarrive pas ร rendre le monde vivant.
ยซ Incapable de sortir du cercle de son ressentiment, lโanarchiste vise ร tout faire entrer dans ce cercle ! ยป .
La dรฉmocratie et le socialisme qui prรฉtendent fonder un Etat parfait et assurer le bonheur de tous, nโengendrent quโanarchisme. Si Nietzsche dรฉnonce lโanarchiste, cโest parce que lโanarchisme exerce un caractรจre commun avec le christianisme dans la mesure oรน ce premier est le fruit tardif du second. En tant quโexpression de faiblesse, de vengeance, de haine et de dรฉsordre, lโanarchisme comme le christianisme, est selon Nietzsche, une forme de dรฉcadence dans la mesure oรน elle est un systรจme politique destructeur et non constructif. Lโanarchiste, comme le chrรฉtien va ร lโencontre de tout ce que donne valeur ร la vie. La culture moderne soi-disant proclamation de lโรฉgalitรฉ des hommes, de la sรฉcuritรฉ de la paix et de droits des individus incarne, dโaprรจs Nietzsche, des systรจmes politiques dรฉcadents. Cette dรฉcadence sโรฉlรจve sur la base du socratisme et du courant judรฉo-chrรฉtien. Mais en rรฉalitรฉ, la question reste ร savoir comment le socratisme, fondรฉ par un homme jugรฉ juste et suivi dโune culture religieuse, sโavรจre t-il des symptรดmes dรฉcadence ? Pour rรฉpondre ร cette problรฉmatique, cโest affirmer que leur distance prise par rapport ร la rรฉalitรฉ de lโhomme nietzschรฉen dรฉtermine leur dรฉcadence partant du nihilisme.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE DEMISTIFICATION DES IDEAUX TRADITIONNELS
I-1 NIETZSCHE ET LES SYSTEMES EN POLITIQUE
a) La dรฉmocratie
b) Le socialisme
c)Lโanarchisme
I-2- LE NIHILISME
a) Le nihilisme ยซ passif ยป
b) Le nihilisme ยซ rรฉactif ยป
I-3 LE CHRISTIANISME : DESTRUCTION DE LโHOMME
DEUXIEME PARTIE ORIGINALITE DE LA PENSEE DE LA MORT DE DIEU CHEZ NIETZSCHE
I – ORIGINALITE DE LA PENSEE DE LA MORT DE DIEU CHEZ NIETZSCHE
II โ 2 โ Les trois mรฉtamorphoses de lโhomme
a) Lโesprit chameau
B- Lโesprit Lion
c- Lโesprit enfant
II- 3- La nรฉgation Nietzschรฉenne de Dieu
TROIXIEME PARTIE DIONYSOS : LA REPRESENTATION DE LโHOMME DโAPRES NIETZSCHE
III โ La volontรฉ de puissance
III โ 2- Le Surhomme
III- 3- LโETERNEL RETOUR
CONCLUSION