NHC-ylure de phosphonium (Ligands C,C-chélatants en version bi- et tétradente) Partie expérimentale (chapitre II)

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Les NHCs en chimie de coordination

Historique

Les propriétés uniques mentionnées ci-dessus font des carbènes NHC, des ligands de choix vis-à-vis de l’ensemble des métaux de transition. Étonnamment, les premiers exemples de complexes NHC ont été signalés plus de 20 ans avant l’isolement du premier carbène libre par l’intermédiaire des travaux de Wanzlick16 et Ӧfele17 en 1968. Ces derniers ont notamment synthétisé des complexes de chrome(0) et de mercure(II) à partir des sels d’imidazolium correspondants en utilisant les co-ligands hydrure et acétate respectivement en tant que base interne (Schéma 6).

Propriétés électroniques

Dans les complexes de métaux de transition, les propriétés fortement σ-donneuses et faiblement π-acceptrices des ligands NHC rendent la liaison carbène-métal très stable (Figure 2).
Afin de quantifier les propriétés électroniques des NHCs, différentes méthodes ont été développées au cours du temps. Parmi ces méthodes, la mesure du TEP (Tolman Electronic Parameter) initialement développée pour évaluer les propriétés électroniques des ligands phosphines a été appliquée avec succès aux ligands NHC.18 La valeur du TEP pour un ligand L est déterminée en mesurant les fréquences d’élongation υCO des ligands carbonyles en spectroscopie infra-rouge dans des complexes de nickel carbonyles de formule générale [(L)Ni(CO)3]. Les ligands riches en électrons augmenteront ainsi la densité électronique du centre métallique, ce qui entraînera une forte donation de ce dernier dans l’orbitale anti-liante π*CO affaiblissant la liaison C-O et diminuant au final la fréquence d’élongation du co-ligand CO (Figure 3).
L’espèce métallique modèle initialement utilisée était un complexe NHC de nickel(0) de formule générale [(NHC)Ni(CO)3]. Cependant, la forte toxicité du précurseur de nickel utilisé [Ni(CO)4] a conduit au dévelopement de complexes alternatifs à base notamment de rhodium(I) et d’iridium(I) de structure générale [(NHC)RhCl(CO)2] et [(NHC)IrCl(CO)2], respectivement (Figure 4).
Les données IR obtenues pour les complexes de Rh(I) et Ir(I) présentent une bonne corrélation avec le TEP et sa valeur peut être calculée à partir des équations suivantes où υCOav est la valeur moyenne entre les fréquences des vibrations d’étirement symétrique et asymétrique υCO dans une solution de chlorure de méthylène.
TEP [cm−1] = 0.8475υCOav [cm−1] + 336.2 (Ir)
TEP [cm−1] = 0.8001υCOav [cm−1] + 420.0 (Rh)
Si la mesure du TEP permet d’évaluer le caractère donneur global du NHC, il est à noter que des études plus récentes ont clairement établi que la π-rétrodonation ne pouvait être totalement négligée dans les complexes de NHC.19 Sur cette base là, différentes méthodes ont été par la suite considérées pour mesurer cette contribution, comme la spectroscopie RMN 31P d’adduits donneur-accepteur de type NHC-phosphinidène développée par Bertrand.20 Ces adduits sont généralement obtenus en faisant réagir les NHCs libres avec la phosphine PPhCl2 suivie d’une réduction en présence de KC8 ou Mg. La spectroscopie RMN 77Se de dérivés sélénourées est également une méthode analytique valable pour évaluer cette composante. Ces espèces sont formées par réaction du carbène libre généré in situ avec du sélénium élémentaire (Figure 5).21,22
Figure 5 : Structures canoniques d’adduits NHC-phénylphosphinidène et de sélénourées.
Le principe de ces deux échelles est basé sur l’aptitute relative de l’atome de phosphore (dans NHC=PPh) ou de l’atome de sélénium (dans NHC=Se) à donner ces électrons dans l’orbitale moléculaire π* vacante du NHC. Dans la représentation conventionnelle de Lewis, ceci est illustré par les deux formes de résonance limite A et B (Figure 5). Alors que les adduits NHC à caractère acide de Lewis faible tels que ceux à base d’imidazol-2-ylidènes sont mieux décrits par les formes A, la contribution de la forme de résonance B augmente lorsque l’électrophilie du NHC devient non négligeable, comme dans le cas des diamidocarbènes. Cet effet peut être quantifié par la spectroscopie RMN 31P ou 77Se, puisque le déplacement chimique de l’atome de phosphore ou de sélénium est en corrélation avec les contributions relatives des formes A et B, le déplacement chimique étant plus faible lorsque la forme A domine et plus élevé lorsque la forme de résonance B devient plus importante.21,22

Propriétés stériques

Les propriétés stériques des NHCs constituent un autre aspect important de ces ligands carbonés. Contrairement aux phosphines, pour lesquelles la modification des substituants sur l’atome de phosphore affecte à la fois les propriétés électroniques et stériques, les propriétés stériques des NHCs peuvent être modifiées quasi-indépendamment des propriétés électroniques en modifiant la nature des substituants portés par les atomes d’azote. Pour la quantification stérique, la mesure de l’angle du cône de Tolman qui est couramment utilisée pour la description des propriétés stériques des phosphines,23 ne peut cependant pas être appliquée aux NHCs pour des raisons géométriques. En revanche, la masse stérique des NHCs est bien décrite en utilisant le paramètre de « volume enterré » (%Vocc) développé par Nolan, Cavallo et al.24 Le %Vocc correspond au pourcentage du volume d’une sphère fixe de 3Å de rayon cantonné sur un métal occupé par le ligand coordonné au métal central (Figure 6).
Pour pouvoir comparer les valeurs, la liaison métal-ligand est ainsi fixée à 2 Å pour tous les ligands (Figure 6). Par exemple, la valeur de ce paramètre est de 24,9% (Tableau 1, ligne 1)25 pour les NHCs substitués sur les atomes d’azote par des groupements méthyles, donc a priori les moins encombrants de la famille et peut atteindre 37,9%26 pour l’homologue en iso-pentyle (Tableau 1, ligne 4). Il est à noter que l’encombrement du squelette arrière peut indirectement accentuer la pression stérique du NHC sur la sphère de coordination du métal. Il a ainsi été montré dans l’équipe que le %Vocc de 34,3% pour le ligand IPr (Tableau 1, ligne 3) pouvait croitre jusqu’à 39,9% lorsque les atomes de carbone du squelette arrière étaient substitués par des groupements volumineux NMe2 (Tableau 1, ligne 5).27,28 D’une manière générale, les NHCs exercent sur le métal une contrainte stérique plus importante que les ligands phosphines.

A partir d’un NHC libre ou de son précurseur cationique.

La coordination des ligands NHC à un centre métallique est réalisée soit par réaction séparée du carbène libre ou de son dimère, soit en combinant in situ la déprotonation du sel d’azolium et la coordination du carbène formé (Schéma 7). Parmi ces trois possibilités, la voie (A) reste la méthode de synthèse la plus efficace, à condition que le carbène soit suffisamment stable à l’état libre. La dissociation des dimères correspondants (voie B) qui peut aussi conduire à des complexes NHC constitue une méthode alternative moins utilisée.29
La méthode la plus utilisée reste cependant la déprotonation in situ des sels d’azolium par addition d’une base suivie de l’ajout du précurseur métallique (voie C). Notez que Wanzlick et Öfele avaient déjà montré que la déprotonation in situ de sels d’imidazolium en présence d’un métal pouvait conduire au complexes carbéniques souhaités.30 Dans d’autres cas, l’utilisation d’un précurseur métallique comportant un ligand à caractère basique (acétate, hydrure ou alkyle) comme par exemple le diacétate de palladium [Pd(OAc)2] peut directement conduire au complexe carbénique désiré.

Les NHCs en catalyse homogène

Les propriétés uniques des NHCs ont conduit au développement d’un grand nombre d’applications dans le domaine de la catalyse organométallique en utilisant ces derniers comme ligands ainsi qu’en organocatalyse en utilisant les NHCs à l’état libre.25
La première application d’un carbène NHC supportant un métal de transition en catalyse homogène a été décrite par Herrmann37 en 1995 dans la réaction de Mizoroki-Heck catalysée par un complexe de Pd(II) contenant un ligand bis(NHC) (Schéma 12).
Ces résultats ont permis une percée très importante dans le domaine des réactions organiques catalysées par les complexes métalliques à base de NHC. La métathèse des oléfines, les couplages croisés et les réactions de cycloisomérisation utilisant des complexes NHC-Ru(II)38, NHC-Pd(II)39 et NHC-Au(I)40 respectivement comme pré-catalyseurs constituent des exemples très pertinents de mise en œuvre des ligands NHC dans la catalyse moderne (Schéma 13).

Ylures de phosphonium stabilisés, semi-stabilisés et non-stabilisés

Les ylures de phosphonium peuvent être classés en trois catégories principales en fonction de la nature des substituants portés par l’atome de carbone : les ylures non stabilisés, semi-stabilisés et stabilisés (Schéma 17). En effet, suivant la nature de ces substituants, la charge négative présente sur l’atome de carbone est plus ou moins délocalisée.
Par exemple, les groupements attracteurs (carbonyle, céto ou cyano) sont en mesure de délocaliser de façon efficace la charge négative portée intialement par l’atome de carbone. Dans ce cas, les ylures sont stables à l’air et à l’humidité et on parle alors d’ylures stabilisés. Dans le cas opposé des ylures non stabilisés, les substituants de l’atome de carbone sont soit des atomes d’hydrogène, soit des groupements alkyles, et la charge négative reste alors fortement localisée sur l’atome de carbone rendant l’ylure très nucléophile. Ces ylures non stabilisés sont très réactifs et par conséquent instables dans les conditions ambiantes. Le cas intermédiaire est celui des ylures semi-stabilisés où l’atome de carbone porte des substituants aryles, allyles ou bien vinyles.

Voies de synthèse des ylures

Il existe différentes voies de synthèse pour accéder aux ylures d’onium (Schéma 18).42 La première méthode, la plus couramment utilisée, s’effectue en deux étapes. Elle correspond à l’attaque nucléophile d’une phosphine par exemple sur un halogénure d’alkyle pour conduire à la formation d’un sel de phosphonium suivie d’une étape de déprotonation (méthode a).54
La réaction de désilylation d’un sel d’onium α-silylé (méthode b) est une méthode alternative à la réaction de déprotonation où le groupement silylé joue son rôle de « super proton », l’agent de désilylation le plus efficace étant l’anion fluorure. L’attaque nucléophile du réactif de Schwiezer55 [Cu(NH3)4(H2O)2][(OH)2] sur un sel de vinylphosphonium conduit également à des ylures (méthode c).56 La réaction entre un carbène et un nucléophile (NR3, PR3, SR2) permet également d’obtenir des ylures. Le carbène est généralement stabilisé sous sa forme diazoïque et cette méthode s’applique notamment aux ylures de sulfonium qui sont dès lors considérés comme des agents de transfert de carbène vis-à-vis des phosphines par exemple, pour donner des ylures de phosphonium (méthode d).57 Enfin, une autre méthode de synthèse d’ylures met en jeu la réaction d’un nucléophile (phosphine, amine, sulfure) avec un substrat insaturé (alcène, alcyne) (méthode e).58

Réactivité des ylures en chimie organique

Les ylures les plus utilisés en synthèse organique sont les ylures de phosphonium, suivis des ylures de sulfonium,59 et dans une moindre mesure des ylures d’ammonium.60 La réactivité des ylures de phosphonium est principalement illustrée au travers de la réaction de Wittig qui permet de convertir facilement une fonction carbonyle (aldéhydes ou cétones) en double liaison C=C. D’autres hétéroatomes doublement liés peuvent aussi être substitués par le méthylène (ou carbène) d’ylures de phosphonium (Schéma 19).
Les ylures de sulfonium réagissent différemment avec les composés carbonylés. Ils conduisent en effet à des époxydes, en outre les ylures de sulfonium allyliques subissent la transposition de Stevens pour conduire aux sulfures homoallyliques correspondants (Schéma 20).61

Les ylures en catalyse homogéne

Depuis quelques années, des avancées spectaculaires en catalyse homogène ont été réalisées grâce à l’utilisation de ligands NHC. En comparaison et de façon très surprenante, les ylures de phosphonium qui agissent également comme des ligands carbonés fortement σ-donneurs ont été très peu utilisés dans ce domaine. Seuls quelques rares exemples d’applications catalytiques utilisant des complexes d’ylures ont été décrits à ce jour.

Systèmes monodentes

L’un des tous premiers exemples d’applications en catalyse d’ylures de phosphonium a été décrit en série monodente par l’équipe de Grey en 1977.78 Il s’agit d’un complexe de Rh(I) VI comportant un ligand diylure de phosphonium. Ce complexe VI a été preparé en traitant l’ylure de phosphonium (CH3)3P=CH2 par le dimère [Rh(cod)Cl]2 (Schéma 33).
Ce dernier mis en présence de monoxyde de carbone a permis d’obtenir le complexe VII après substitution du co-ligand cod par deux co-ligands CO. Ce complexe est en équilibre en solution avec sa forme dimérique VIII (Schéma 34).
Ces complexes de Rh(I) à base d’ylure de phosphonium ont été evalués en catalyse. Le complexe VI s’est ainsi avéré actif pour l’hydrogénation d’oléfines et les complexes VII et VIII ont permis la conversion de l’iodure de méthane en acétate de méthyle en présence de méthanol et sous pression de CO.
Quelques années plus tard, l’équipe de Starzewski a synthétisé un complexe de Ni(II) comportant deux ligands ylure de phosphonium et démontré que ce complexe était très actif pour la polymérisation de l’éthylène. Ce complexe de Ni a été préparé par réaction du précurseur métallique [Ni(cod)2] avec deux ylures de phosphonium de nature différente (l’un stabilisé et l’autre non-stabilisé) dans le toluène à température ambiante (Schéma 35).79

Systèmes bidentes à extrémité C,P

En version chirale, des complexes hybrides C,P chélatants à ligand phosphine-ylure de phosphonium incorporant un pont rigide ortho-phénylène et comportant un groupement C-sulfényle ont été décrits dans la littérature. Ces complexes d’ylures qui possédent un atome de carbone ylure asymétrique à proximité du centre métallique ont été préparés à partir des sels de phosphonium correspondants en série Pd(II) et Rh(I). En catalyse, de faibles excès énantiomèriques ont été observés avec les complexes de Rh notamment dans l’hydrosilylation de l’acétophénone (Schéma 36).80 Ces résultats ont été rationalisés par la flexibilité trop importante du métallacycle.
Des complexes analogues phosphine-ylure de phosphonium chiraux intégrant un squelette atropochiral binaphthyle ont été également préparés. En série Pd(II), ces complexes chiraux ont été évalués dans la réaction d’allylation de Tsuji-Trost conduisant à des excès énantiomériques pouvant aller jusqu’à 90% (Schéma 37).81
Plus récemment, deux complexes mononucléaires de Pd(II) et Pt(II) mettant également en jeu des ligands bidentates à extrémité C,P ont été décrits pour catalyser la réaction de Mizoroki-Heck.82 Ces complexes XI et XII ont été synthétisés en trois étapes par réaction d’une diphosphine chélatante (dppm ou dppe) avec la 2-bromo-4-phénylacétophenone et la 2-bromo-3-nitroacétophenone. Les sels de phosphonium formés correspondants IX ont été ensuite convertis en leurs complexes d’ylures XI et XII par addition d’une base (Et3N) puis du précurseur métallique adéquat [PdCl2(cod)] et [PtCl2(cod)].
En complément de ces complexes du groupe 10, Sabounchei et al. ont également constaté que des complexes dimériques de Cu(I) XIII et XIV portant un ligand chélatant phosphine-ylure de phosphonium à cinq et six chaînons étaient des catalyseurs efficaces dans la réaction de couplage de Suzuki entre divers halogénures d’aryle et l’acide phényl- ou 4-éthylphénylboronique (Schéma 39).83

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Introduction sur ligands carbonés neutre
Chapitre II : NHC-ylure de phosphonium (Ligands C,C-chélatants en version bi- et tétradente)
Partie expérimentale (chapitre II)
Chapitre III : NHC-ylure de phosphonium : Ligands C,C-chélatants en version pince
Partie expérimentale (chapitre III)
Conclusion générale

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