Neurophysiologie des émotions
Les théories sur l’origine des émotions
L’émotion est une notion floue et elle est difficilement définissable. Elle présente la particularité d’être idiosyncrasique, c’est-à-dire particulière et propre à chaque individu. De ce fait, plusieurs définitions ont été données à l’émotion [Riviére, 2003]. Certains auteurs ont, cependant fait remarquer qu’il peut être rentable de ne pas avoir de définition trop stricte de l’émotion, compte tenu du stade de développement dans ce domaine. Ainsi une multitude d’interrogations auxquelles de nombreux scientifiques ont tenté d’apporter une réponse, à la lumière des connaissances de leur époque [Ochs, 2007]. Plusieurs auteurs ont tenté de conceptualiser l’émotion, tant sur le domaine touchant aux composantes, aux déterminants, aux effets sur les comportements ou encore à leurs fonctions. Divers courants de pensées ont alors émergé, chacun ayant un paradigme de recherche propre.
On y distingue premièrement les théories se basant sur les changements physiologiques ; la théorie neurobiologique, s’intéressant aux mécanismes fondamentaux du système nerveux à l’origine des émotions (se sont les deux théories sur lesquels on va fonder notre travail); le constructivisme, dont la particularité est d’expliquer l’émotion par le contexte social; l’approche cognitiviste, se focalisant ensuite sur les aspects conscients des émotions ainsi que sur la notion d’évaluation; le darwinisme, ou approche évolutionniste, étudiant essentiellement la fonction adaptative des émotions ; et enfin l’approche dimensionnelle de Lang , qui se focalise sur l’organisation des émotions [Riviére, 2003].
Les théories physiologiques
Les premières théories sur les émotions, apparues en 1884, prédisent que l’activation physiologique joue un rôle majeur dans le déclenchement des émotions. Deux principaux auteurs, James [psychologue et philosophe puis médecin et physiologiste] et Lang, ont développé ce concept. Selon eux, des changements périphériques se mettent en place suite à la perception d’un stimulus, et c’est la perception de ces changements qui constitue l’émotion [Riviére, 2003]. De plus, des changements physiologiques périphériques différents entraînent des émotions différentes, et un feed-back corporel (c’est-à-dire une perception viscérale) est nécessaire pour permettre l’émergence d’une émotion. On peut schématiser succinctement cette théorie de la façon suivante Stimulus → réponses physiologiques → sensation de ces changements périphériques → émotion. C’est pour cette raison qu’on s’intéresse aux changements physiologiques pour développer un modèle de reconnaissance émotionnelle [Riviére, 2003]. En 1927, le physiologiste Cannon propose plutôt une théorie centrale des émotions. Il pense que les changements physiologiques seraient plutôt les conséquences de l’expérience émotionnelle, et non les causes. Ces travaux montrent que des émotions différentes peuvent induire des réactions physiologiques similaires [Riviére, 2003].
Modèle de Ledoux
L’information sur les stimuli externes arrive à l’amygdale par une voie directe provenant du thalamus (la voie basse) ou par une voie passant par le cortex (la voie haute).Voir figure I-5 La voie basse est plus courte et donc plus rapide que celle arrivant du cortex. Mais comme elle court-circuite le cortex, elle ne peut bénéficier du traitement cortical et ne fournit donc à l’amygdale qu’une représentation grossière du stimulus [Besson, 2007]. La voie directe nous permet de commencer à répondre à des stimuli relativement dangereux avant de savoir pleinement de quoi il s’agit. Cela peut être très utile dans les situations dangereuses. La voie haute permet de regarder plus sereinement la situation [Besson, 2007]. Elle fait le lien entre ce qui se passe dans le cortex, la conscience, la possibilité de symboliser les affects et l’organique végétatifs, hormonal et les réactions comportementales.
Approche catégorielle
C’est l’approche la plus répandue, qui consiste à considérer les émotions comme des caractéristiques épisodiques et universelles. Il suffit ensuite d’associer un mot du langage à ces caractéristiques. Le caractère universel des émotions entraîne la définition d’un petit nombre d’émotions basiques [Maaoui, 2008]. Cette approche fait essentiellement la distinction entre ces émotions et propose de les classer sous forme des catégories discrètes. Ainsi les dénominations affectives qui ne trouvent pas leur place dans ces classifications sont considérées comme des mélanges d’émotions primaires [Riviére, 2003]. La justification principale de cette approche réside dans le fait que ces émotions basiques sont clairement identifiables chez la majorité des individus, notamment à travers la communication non verbale. Toutefois, leur nombre, le nom qu’il faut leur attribuer et leur caractérisation comme émotion basique, restent des questions ouvertes. L’intérêt principal de l’approche catégorielle est qu’une fois que les émotions à traiter sont clairement identifiées, il devient simple de les manipuler, aussi bien pour les hommes que pour les machines [Maaoui, 2008].
Une deuxième façon de catégoriser l’émotion s’appuie sur un espace continu d’émotions. La perspective dimensionnelle, quant à elle, propose de modéliser toutes les réactions affectives à partir de plusieurs dimensions [Riviére, 2003]. Cette approche consiste à considérer les émotions comme un point dans un espace multidimensionnel, et même interpréter la similarité entre divers types d’émotion comme des proximités dans l’espace. En général, deux axes suffisent à représenter un grand nombre d’émotions. Les deux axes de cet espace multidimensionnel représentent des attributs qui sont, à priori communs à toutes les manifestations émotionnelles comme la valence ou le plaisir de l’émotion (positif, négatif) et l’activation ou l’excitation de l’émotion (actif, passif) [Maaoui, 2008]. D’après les théories relevant de cette approche, ces deux dimensions émergent clairement
L’activité électrodermale et activation émotionnelle
Cette activité constitue en effet un des indices physiologiques les plus fréquemment utilisés dans un grand nombre d’exploration en psychologie, psychophysiologie et neuroscience cognitive. L’activité électrodermale ou AED est une donnée physiologique consistant en une évaluation du niveau de conductibilité électrique de la peau. Cette activité électrique de la peau varie très sensiblement dans les situations mettant en jeu les émotions [Riviére, 2003]. Cependant, lorsque l’on est soumit à une émotion, l’activité électrodermale témoigne de l’existence de courants électriques cutanés, associés à la sudation qui va améliorer la conductibilité de la peau. Cette sudation résulte de la sécrétion des glandes sudoripares dites glandes eccrines, qui ont la particularité de répondre à des expériences émotionnelles. Ces glandes sont localisées dans la paume des mains et la plante des pieds [Stemmler, 2001].Ces variations électriques de la peau se composent du niveau électrodermal (NED) qui correspond aux fluctuations électriques de base et de la réponse électrodermale (RED), appelé aussi réponse galvanique de la peau [Riviére, 2003]. Voir figure II-1
Suite à une stimulation, la réponse électrodermale apparaît après une certaine latence (l) et avec une certaine amplitude (A). Cette réponse de la conductance de la peau est le phénomène pendant lequel la peau devient momentanément un meilleur conducteur d’électricité quand des stimuli externes ou internes interviennent, qui sont des éveils physiologiques. L’éveil est un terme faisant référence à toute activation et est largement considéré comme l’une des deux principales dimensions de la réponse émotionnelle. La mesure de l’éveil n’est donc pas la même chose que mesurer une émotion mais c’est une composante importante. La réponse électrodermale est l’une des mesures physiologiques non invasives les plus robustes concernant l’activité du système nerveux autonome.
Contrairement à la plupart des autres indices végétatifs, elle est sous le control exclusif du système nerveux sympathique. Cependant, la conductance de la peau est sensible à de nombreux stimulus. De fait, il est souvent difficile de déterminer la cause de cette réponse électrodermale particulière. Par exemple, les niveaux d’éveil ont tendance à être faibles quand une personne dort, et élevés dans des états activés ou pendant une charge de travail mentale. L’AED est particulièrement sensible aux stimulations ayant une signification pour l’individu. Ainsi, de nombreux stimulus peut augmenter la conductance de la peau (émotion forte, événement surprenant, douleur, exercices, respiration profonde) [Riviére, 2003]. De ce fait, les variations de l’AED sont plus faciles à interpréter que celles de l’activité cardiaque, qui, pour cette dernière, est sous l’influence à la fois du système nerveux sympathique et du système nerveux parasympathique.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I Notions de base d’émotion
I.1. Introduction
I.2. Les théories sur l’origine des émotions.
I.2.1. Les théories physiologiques .
I.2.2. Les théories neurobiologiques .
I.3. Définition .
I.4. Neurophysiologie des émotions
I.4.1. Système limbique
I.4.2. Différents modèles du processus émotionnel .
I.4.2.1. Modèle de James .
I.4.2.2. Modèle de Cannon
I.4.2.3.Modèle de Ledoux
I.4.2.4. Modèle de Papez .
I.5. Types d’émotion .
I.5.1. Émotions primaires .
I.5.2. Émotions secondaires
I.6. Représentation des émotions
I.6.1. Approche catégorielle .
I.6.2. Approche multidimensionnelle .
I.6.2.1. Le plaisir ou la valence (positif, négatifF
1.6.2.2. L’activation ou l’excitation (actif/passif
I.6.2.3. Puissance (tension, relaxation) .
I.7. Composantes d’une émotion .
I.7.1. Aspects physiologique des émotions .
I.7.2. Les marqueurs physiologiques des émotions
I.8. Conclusion .
II.Acquisition Chapitre II des signaux physiologiques
II.1. Introduction .
II.2. Signaux physiologiques pour la reconnaissance émotionnelle
II.2.1. L’activité électrodermale et activation émotionnelle .
II.2.2. Activité cardiaque
II.2.2.1. Connexion des émotions au coeur .
II.2.3. Volume sanguin périphérique
II.2.4. Volume et rythme respiratoire .
II.2.5. Activité électromyographique .
II.2.6. Température cutanée
II.3. Spécificité des paramètres physiologiques aux émotions
II.4. Présentation de l’experience
II.4.1. Induction d’émotion .
II.4.2. Mesures physiologiques .
II.4.2.1. La conductance de la peau .
II.4.2.2. Le signal electromyogramme (EMG).
II.4.2.3. Volume sanguin périphérique .
II.4.2.4. Le volume pulmonaire .
II.4.2.5. La température cutanée.
II.5. Forme de la base de donnée
II.6. Conclusion .
Chapitre III Traitement des signaux physiologiques et caractérisation
III.1. Introduction
III.2. L’aléatoire en traitement du signal
III.2.1. Signaux aléatoires .
III.2.1.1. La moyenne ou moment du premier ordre .
III.2.1.2. Moment du deuxième ordre, variance .
III.2.1.3. Corrélation .
III.2.1.3. Moyenne temporelle .
III.2.1.4. Fonction d’autocorrélation .
III.2.1.5. Densité spectrale de puissance
III.2.2. Les signaux aléatoires échantillonnés .
III.2.2.1. Moyenne et fonction de covariance .
III.2.2.2. Cas des signaux stationnaires et ergodiques
III.2.2.3. Estimation de la densité spectrale des signaux aléatoires échantillonnés
III.2.2.4. Fonction d’intercorrélation
III.2.2.5. Densité interspectrale de puissance .
III.2.2.6. Cohérence spectrale .
III.3. Les sources de bruits électroniques
III.3.1. Bruit blanc .
III.3.2. Bruit coloré
III.4. Filtrage des signaux aléatoires .
III.5. Filtrage numérique .
III.5.1. Propriétés
III.5.1.1. Linéarité
III.5.1.2. Invariance temporelle .
III.5.1.3. Causalité .
III.5.1.4. Stabilité .
III.5.2. Fonction de transfert du filtre
III.5.3. Mise en oeuvre des filtres numérique .
III.5.3.1. Filtre à réponse impulsionnelle infinie .
III.5.3.2. Filtre à réponse impulsionnelle finie .
III.6. Filtrage des signaux physiologiques .
III.6.1. Filtrage du signal EMG .
III.6.2. Filtrage du signal SKC .
III.6.3. Filtrage du signal VR .
III.6.4. Filtrage du signal SKT.
III.6.5. Filtrage du signal BVP .
III.7. Estimation de la fréquence cardiaque
III.8. Extraction des paramètres pertinents
III.8.1. Paramètres temporels .
III.8.2. Paramètres fréquentiels .
III.9. Discussion des résultats montrant la pertinence des paramètres pour chaque émotion et pour tous les sujets .
III.9.1. Signal EMG
III.9.2. Signal SKT .
III.9.4. Signal BVP .
III.9.3. Signal SKC
III.9.5. Signal VR .
III.9.6. Fréquence cardiaque Fc
III.10. Conclusion..
Chapitre IV Les classifieurs statistiques
IV.1. Introduction
IV.2. Les classufieurs .
IV.2.1. Notion du classifieur .
IV.2.2. Phases de construction d’un classifieur .
IV.2.2.1. Phase d’apprentissage
IV.2.2.2 Phase de test .
IV.2.3. Evaluation du classifieur .
IV.2.3.1. La matrice de confusion .
IV.2.4. Critères d’évaluation .
IV.2.4.1. Taux de classification et taux d’erreurs
IV.2.4.2. Sensibilité et spécificité
IV.2.4.3. Précision et rappel .
IV.3. Présentation des classifieurs statistiques
IV.3.1. Classification par les K plus proches voisins (KPPV)
IV.3.1.1. Etude de la règle des KPPV pour k=1 .
IV.3.1.2. Algorithme de recherche des KPPV
IV.3.2. Classification par les modèles de Markov cachés (MMC).
IV.3.2.1. Définition
IV.3.2.2. Architecture d’un MMC .
IV.3.2.3. Les problèmes fondamentaux des MMC
IV.3.3. Classification par les SVM (séparateur à vaste marge) .
IV.3.3.1. Principe de fonctionnement des SVM
IV.3.3.2. Fondements mathématiques des SVM .
IV.3.3.3. Espace de redescription .
IV.3.3.4. Extensions des SVM (classification multiclasse)
IV.3.3.5. La mise en oeuvre des SVM
IV.3.3.6. Algorithmes des SVM .
IV.3.3.7. Domaines d’applications .
IV.4. Choix du classifieur .
IV.5. Conclusion Erreur ! Signet non défini.
Chapitre V Application de la technique SVM pour la reconnaissance des émotions
V.1. Introduction .
V.2. Taux de reconnaissance des émotions
V.2.1. Taux de reconnaissance pour différentes combinaisons des paramètres pertinent
V.2.2.Taux de reconnaissance pour différentes combinaisons des signaux physiologiques
V.3.Matrices de confusion des différentes émotions .
V.4. Interprétation des résultats
V.4.1. Taux de reconnaissance
V.4.1.1. Méthode des SVM multiclasse .
V.4.1.2. Noyau de la méthode SVM multiclasse
V.4.1.3. Paramètres pertinents
V.4.1.4. Signaux physiologiques .
V.4.2. Matrice de confusion des différentes émotions
V.5. Conclusion
Conclusion générale
Annexe
Références Bibliographiques
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