Neurophysiologie de la formation réticulée
Topographie de la formation réticulée
Dans la région encéphalique du « tronc cérébral »1, on trouve des nerfs crâniens {Nervi craniales}, des groupes de neurones qui ont des actions bien définies. Au milieu de tout ça existe un ensemble de neurones diffus, ni sensitifs ni moteurs, qui font partie d’un même système : la FR.
En fait, la FR est en quelque sorte l’homologue de la substance grise {Substantia grisea} intermédiaire de la moelle spinale {Medulla spinalis}, qui contient des interneurones (agissant par exemple dans les réflexes spinaux) et des motoneurones.
La FR s’étend sur toute la hauteur du « tronc cérébral », ceci chez toutes les espèces étudiées [17 ; 21 ; 50 ; 98 ; 131], plus exactement de la moelle allongée {Medulla oblongata} à la jonction mésencéphalo-diencéphalique. Elle est plutôt médiale et ventrale dans le « tronc cérébral ».
On peut séparer anatomiquement la FR en trois grandes parties [98 ; 131], qui correspondent respectivement à ses parties myélencéphalique, métencéphalique et mésencéphalique.
– La FR myélencéphalique (Illustration 1) est appelée FR bulbaire ou parfois
« FR médullaire ». Elle s’étend ventralement entre la moelle spinale et le pont, dans la moelle allongée. Sa localisation est dorsale aux pyramides {Pyramis [medullae oblongatae]}.
– La FR métencéphalique (Illustration 2) est appelée FR pontique. Elle se situe dans la protubérance annulaire (ou pont) dorsalement et médialement aux pyramides {Pyramides}. Elle possède entre autres des connections vers le cervelet {Cerebellum} (qui lui correspond à la partie dorsale du métencéphale {Metencephalon}).
– La FR mésencéphalique, enfin, se situe sur le plancher du mésencéphale {Tegmentum mesencephali}, entre le pont et l’hypothalamus ; elle comprend la SGP est de la « matière grise » – noyaux des cellules nerveuses autour du quatrième ventricule {Ventriculus quartus} et de l’aqueduc du mésencéphale {Aqueductus mesencephali} -).
Il est à noter que certains auteurs [17] y ajoutent deux territoires : d’une part la FR spinale, d’autre part la FR diencéphaliqe. La première est très peu développée et occuperait la portion latérale de la couche V de REXED. Néanmoins, cette FR spinale semble plutôt jouer un rôle de voie nerveuse et non de centre : elle contient des fibres pour la plupart ascendantes (en parallèle des voies principales réticulo-spinales {Tractus reticulospinalis}), apportant des informations sensitives aux centres de la FR.
La FR diencéphalique, connexe à l‘hypothalamus, est généralement incluse dans la FR mésencéphalique (il existe un nombre important de noyaux localisés dans les lames thalamiques que l’on doit faire « entrer » dans la FR).
Il existe aussi une dichotomie fonctionnelle de la FR en trois parties (détaillée plus loin) [131] : une partie médiale activatrice ascendante, une autre centrale descendante et une latérale végétative (dépendante du noyau rouge {Nucleus ruber}).
Illustration 1 (d’après [133]) : Coupes transversale histologiques du myélencéphale.
1 : Coupe transversale du myélencéphale rostral moyen.
2 : Coupe transversale du myélencéphale caudal.
Le myélencéphale est la partie la plus distale du « tronc cérébral » ; il réalise la transition entre la moelle spinale et l’encéphale {Encephalon}.
La seconde coupe rappelle à la fois l’organisation spinale avec une substance grise en forme de papillon mais présente aussi un début de différenciation avec l’apparition des pyramides (P). Le myélencéphale contient les différents faisceaux et noyaux de la huitième à la douzième paire crânienne ; on peut ainsi en particulier identifier le « noyau spinal du faisceau du trijumeau » ( NST), de son vrai nom noyau du tractus spinal du nerf trijumeau {Nucleus tractus spinalis n. trigemini}, avec son énorme faisceau de substance blanche {Tractus spinalis n. trigemini}.
Dans la première coupe s’accentuent les différenciations puisque apparaissent les olives {Oliva} (O) et le quatrième ventricule (V). On peut délimiter les trois territoires de la FR myélencéphalique (FR latérale, FR paramédiane et FR centrale).
1 : Coupe moyenne du pont.
2 : « Pied » du pont à fort grossissement (× 480).
Le pont, anciennement « protubérance annulaire » correspond au plancher du métencéphale ; il est également appelé pont de VAROLE.
Sur la coupe 1, on peut apercevoir les nombreux faisceaux entrecroisés faits de fibres longitudinales et transversales entre lesquels s’étendent des amas de corps cellulaires appelés noyaux pontiques, dont font partie les noyaux réticulaires pontiques. On peut délimiter les territoires des FR pontiques médiane et paramédianes (FR médiane et FR intermédiaire).
Au fort grossissement (coupe 2), la myéline est colorée en bleu, on peut donc objectiver l’enchevêtrement des fibres transversales et longitudinales.
Histologie de la formation réticulée
De façon un peu simplifiée, la FR est constituée de petits amas de neurones éparpillés dans un lacis de filets nerveux [21 ; 98]. Ces neurones peuvent être séparés en trois catégories selon la taille de leur corps cellulaire : petits, grands et géants. Chez les non tétrapodes (lamproies par exemple), existent dans la FR des neurones géants avec un corps cellulaire géant et des axones {Axon [Neuritum]} géants.Il y a donc trois types histologiques principaux de FR : ce sont respectivement les FR parvocellulaire (petits neurones), magnocellulaire (grands neurones) et gigantocellulaire (neurones géants).Son organisation générale, comme on le verra plus loin, s’articule autour de la taille de ces cellules.
En outre, les neurones de la FR présentent une cytomorphologie spécifique.
– Les dendrites {Dendrita} sont souvent longs et directs et présentent une orientation ventro-dorsale dans le « tronc cérébral ». Ils se ramifient à intervalles réguliers. Ils sont de type isodendritique. Les dendrites parvocellulaires ont plutôt une orientation transversale ; les interstices qu’ils délimitent sont pénétrés par de longues voies allant au thalamus {Thalamus}.
– Leurs axones sont très longs (donc sur de très grandes distances). Ce sont des neurones de GOLGI de type 1. Ces axones émettent de multiples collatérales {Rami collaterales} qui s’organisent de manière ventro-dorsale (sauf chez les lamproies), et qui se connectent aux noyaux des nerfs crâniens ou aux autres composants réticulaires [89 ; 136]. Ainsi la plupart des axones parvocellulaires se ramifient de façon importante parmi les dendrites de la FR paramédiane. Cependant, certains font relais dans les noyaux des nerfs crâniens et sont générateurs de modèles. Les neurones de GOLGI de type 2 n’existent pas dans la FR (la dénomination GOLGI type 1 ou 2 est une dénomination histologique en rapport avec l’agencement de l’appareil de GOLGI {Complexus golgiensis}).
– Il existe des axones plus petits permettant de connecter les composants de la FR entre eux ou de rejoindre les noyaux des nerfs crâniens [89].
Les neurones de la FR ont la particularité d’avoir de longs à très longs axones, qui sont fonctionnellement descendants, ascendants ou les deux à la fois [71].
Organisation anatomo-fonctionnelle de la formation réticulée
Organisation transversale
La FR constitue dans le plan transversal un réseau étoilé allant de la substance grise centrale à la périphérie [21]. C’est un mélange de substance blanche {Substantia alba} et de substance grise, soit de corps cellulaires et de fibres nerveuses, réparties dans les zones du « tronc cérébral » présentées auparavant, et présentant parfois des condensations cellulaires ou fibrillaires [103 ; 131].On peut distinguer trois parties différentes (Figure 1) :
– sur le plan médian, une formation comprenant les noyaux du raphé {Raphe nuclei} ainsi que la substance grise « peri-épendymaire » (autour des épendymocytes {Ependymocytus}, cellules bordant entre autres les ventricules encéphaliques et constituant la strate épendymaire {Stratum ependymale}) ;
– un groupe latéral, que l’on ne rencontre qu’à la hauteur de la FR bulbaire (il ne dépasse pas la partie rostrale – « supérieure » – de la moelle allongée) ;
– un groupe intermédiaire, enfin, appelé aussi groupe paramédian.
Dans les schémas, des couleurs différentes seront attribuées aux noyaux de la FR. Ainsi les noyaux de la FR latérale seront dans les tons bleus, ceux de la FR paramédiane dans les tons verts et ceux du groupe médian dans les tons violets. De plus, la FR mésencéphalique sera dans les tons jaunes et le complexe locus cœruleus/subcœruleus sera en rouge.
A gauche : division schématique en groupes.
A droite : noyaux principaux.
On peut apprécier la disposition en groupe de la FR avec une FR médiane ou centrale, une FR intermédiaire ou paramédiane, et une FR latérale.Cette disposition se prolonge jusqu’au mésencéphale, sauf pour la FR latérale qui ne dépasse pas le « bulbe ».On peut aussi voir la position des principaux noyaux de la FR bulbaire : N.r. gigantocellularis pour la FR intermédiaire, N.r. parvocellularis et N.r. lateralis pour la FR latérale et les noyaux du raphé pour la FR médiane.
Le noyau ambigu { Nucleus ambiguus} est le noyau branchiomoteur des nerfs glossopharyngien IX, et vague X ; sa présence sert de repère anatomique sur la coupe.NB : dans un effort d’homogénéité, je vais essayer de conserver les mêmes couleurs pour chaque composant qui apparaîtra dans les figures, schémas ou illustrations qui vont suivre. Ainsi comme on peut s’en rendre compte ici, les noyaux de la FR latérale seront dans les tons bleus, ceux de la FR paramédiane dans les tons verts et ceux du groupe médian dans les tons violets.Vous pourrez vous apercevoir plus tard que la FR mésencéphalique sera dans les tons jaunes et que le complexe locus cœruleus/subcœruleus sera en rouge.Néanmoins, il s’est avéré difficile de conserver une bonne répétitivité dans la présentation graphique, tant les composants de la FR sont nombreux.
Organisation longitudinale
C’est dans ce sens que l’on décrit plus aisément l’organisation anatomo-fonctionelle de la FR.
On peut en effet séparer la FR dans le sens longitudinal en trois parties (tout comme dans le sens transversal): une colonne latérale, des colonnes intermédiaires dites paramédianes, et une colonne médiane.Chaque colonne semble avoir une composition histo-fonctionnelle différente et par conséquent jouer des rôles différents.
– La colonne latérale est faite de petites cellules (elle est dite parvocellulaire). Elle ne s’étend pas plus loin que le myélencéphale (et n’existe par conséquent que dans la moelle allongée), et est constituée entre autres du noyau latéral du bulbe {N.r. lateralis}. Ce noyau reçoit des fibres des systèmes spino-cérébelleux et spino-thalamique. Cette colonne latérale est principalement de nature afférente. Elle reçoit des fibres de toutes les voies sensitives, dont celles des sens spéciaux (olfaction, vision, audition).
– Les colonnes intermédiaires ou paramédianes sont constituées de cellules larges et géantes (elles sont dites magnocellulaire et gigantocellulaire). On peut les diviser à nouveau en deux parties dans le sens longitudinal : le tiers latéral est une zone réceptrice associative, recevant les collatérales des faisceaux sous jacents ainsi que des fibres cortico-réticulaires provenant du cortex prémoteur ; les deux tiers médians représentent une zone plutôt effectrice, à l’origine de fibres nerveuses ascendantes et descendantes : c’est là que se dessine le système réticulaire activateur découvert par MAGOUN et MORUZZI. Cette FR paramédiane efférente envoie certains axones qui montent pour faire relais dans la FR mésencéphalique ou le thalamus ; d’autres ont à la fois des branches ascendantes et descendantes.
– La portion médiane comprend la SGP dans la FR mésencéphalique, et les noyaux du raphé dans la FR bulbo-pontique. Elle est en liaison avec le cervelet.
Fibres nerveuses et noyaux de la formation réticulée
Ce chapitre a pour but de présenter les principaux et différents noyaux de la FR ainsi que les différentes voies et faisceaux qui la relient au reste du système nerveux central (SNC). Il me semble logique de présenter ces composants a posteriori afin de mieux imaginer leur position. Les principaux rôles de chaque composant seront simplement nommés puis détaillés dans la deuxième partie.
Noyaux
Avant tout, il faut rappeler que les noyaux de la FR sont en réalité des amas cellulaires [103], ceux-ci n’étant pas uniquement formés de chaînes neuronales. Il est difficile de faire une présentation à la fois générale et exhaustive de ces « noyaux », car au fil de l’évolution leur nombre et leur importance ont augmenté. Toujours est-il, rappelons-le, qu’aux plans fonctionnel et topographique, la FR est très stable et comparable au sein des différentes espèces.Aussi vais-je essayer de présenter l’organisation cellulaire et les noyaux chez quelques espèces, tout en soulignant la progression et l’évolution de la FR au sein de chacune d’elles.On pourra ainsi apprécier les différents degrés de complexité et de différenciation selon un guide phylogénétique.La FR de la lamproie (Dessin 1 / 1) s’avère plutôt simple (pour ne pas dire simpliste). Elle présente quelques noyaux placés à hauteur des nerfs vague X {Nervus vagus}, vestibulo-cochléaire VIII {Nervus vestibulochlearis}, et trijumeau V {Nervus trigeminus}. Ces noyaux sont respectivement dans le sens caudo-rostral : Nucleus reticularis (N.r.) inferior (FR bulbaire) ; N.r. medius et N.r. superior (FR pontique) ; et N.r. mesencephali (FR mésencéphalique). Il faut noter chez les lamproies (et chez les non tétrapodes par extension) l’existence, dans la FR pontique, de cellules nerveuses géantes avec un corps cellulaire géant (dit de MAUTHNER) et un axone géant traversant le « tronc cérébral », et descendant le long de la moelle spinale.La FR du requin (Dessin 1 / 2) se montre déjà plus subdivisée : il y a augmentation du nombre des noyaux, avec une orientation longitudinale plus franche.Le nom des noyaux est cette fois-ci en rapport avec leur nature histologique (Vide supra) ; il y a les N.r. ventralis, parvocellularis, magnocellularis gigantocellularis et paragigantocellularis au niveau bulbaire ; les N.r. pontis caudalis et pontis oralis, le locus cœruleus {Locus ceruleus} et subcœruleus au niveau du pont ; et enfin le N.r. mesencephali au niveau mésencéphalique. Le locus cœruleus et le subcœruleus sont des petits composants de la FR pontique, adjacents au tractus mésencéphalique du nerf trijmeau {Tractus mesencephalicu n. trigemini} .Malgré leur petite taille, ils sont très importants et présentent des projections noradrénergiques à beaucoup de composants du « tronc cérébral ». D’une manière générale, le locus cœruleus se situe (c’est similaire chez les autres espèces) dans la partie rostrale (« haute ») latérale du quatrième ventricule.Chez le requin (auquel on peut rattacher les poissons), il y a aussi apparition du raphé médian (du grec, qui veut dire « suture » : ce groupe de noyaux est en effet en quelque sorte le centre de symétrie longitudinale du « tronc cérébral » ; c’est une colonne qui met en relation les deux parties latérales du « tronc cérébral », d’où le nom de raphé). Ce dernier est composé de populations neuronales différentes qui forment trois noyaux distincts (Nucleus raphe magnus, Nucleus raphe pallidus et Nucleus raphe dorsalis) avec des connections spécifiques et différentes. Pour la suite, pour ne pas perdre le lecteur, je parlerai des noyaux du raphé sans donner de nom particulier, car j’ai pu me rendre compte que la classification de ces noyaux était peu spécifique et très sujette à controverse.Chez le lézard (Dessin 2), auquel on peut rattacher les oiseaux, le raphé vient s’étendre jusqu’au mésencéphale, et la seule différence avec le requin est l’existence du N.r. pedunculopontinus au niveau rostral du pont, plus exactement à hauteur de l’isthme, à la jonction mésencéphalo-pontique.Chez le rat (Schéma 1), et par extension chez les mammifères, il y a une explosion du nombre de composants cellulaires (peut-être est ce parce qu’on l’a plus étudiée, et d’ailleurs il reste tout à fait probable qu’on en découvre encore). Néanmoins ces composants restent bien répartis dans chacune des trois FR, médullaire, pontique et mésencéphalique. Le raphé générale bulbo-ponto -mésencéphalique est néanmoins déjà présente. La particularité réside dans l’existence de cellules géantes dites de MAUTHNER.La FR du requin est légèrement plus complexe. Le nombre de noyaux est plus élevé et l’organisation transversale latéro-médiane apparaît. En outre, les noyaux prennent leur nom en relation avec leur nature histologique et/ou leur localisation ; il y a apparition du raphé médian et de ses noyaux. Ces noms seront identiques, quelle que soit l’espèce considérée à partir de là dans l’arbre phylétique.On peut en particulier étendre l’exemple du requin à tous les poissons.Dessin 2 (d’après [21]) : Noyaux réticulaires chez le lézard.Il y a peu de différence par rapport à l’organisation des noyaux du requin (Dessin 1).
Le raphé s’agrandit jusqu’au mésencéphale et il y a apparition du N.r. pedunculopontinus.On peut rattacher la FR du lézard à celle des oiseaux en général.
Schéma 1 (d’après [21]) : Aspect dorsal schématique des principaux noyaux de la formation réticulée du rat : partie droite.On assiste chez le rat, et par extension chez tous les mammifères, à une explosion du nombre de composants cellulaires de la FR.En effet les noyaux des FR bulbaire et pontique se divisent, alors que dans la FR mésencéphalique il y a apparition de multiples noyaux.Ce schéma permet de bien voir l’organisation médio-latérale des noyaux de la FR.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie : Historique et anatomie de la formation réticulée
I. Nosologie et historique
II. Topographie de la formation réticulée
III. Histologie de la formation réticulée
IV. Organisation anatomo-fonctionnelle de la formation réticulée
V. Fibres nerveuses et noyaux de la formation réticulée
Deuxième partie : Fonctions de la formation réticulée
I. Neurophysiologie de la formation réticulée
II. Formation réticulée et cycle éveil / sommeil
III. Formation réticulée et contrôle postural
IV. Formation réticulée et fonctions végétatives
V. Formation réticulée et motricité céphalique
VI. Formation réticulée et vision
VII. Formation réticulée et nociception
VIII. Autres rôles de la formation réticulée
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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