La maladie hypertensive est une affection cardiovasculaire grave qui altère de façon considérable la qualité de vie du malade. Elle constitue un risque cardiovasculaire et rénal majeur. Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité chez la femme et la deuxième cause chez l’homme après les cancers (1). Les urgences hypertensives et l’hypertension artérielle (HTA) maligne, du fait de leur retentissement viscéral, engagent le pronostic vital à court et à moyen terme (2). Le développement d’une néphroangiosclérose maligne (NASM) associant une insuffisance rénale évolutive grave et une HTA sévère, constitue une des complications les plus redoutées (3). La problématique repose sur la reconnaissance de cette pathologie et une prise en charge appropriée.
A Madagascar seule une thèse sur les néphropathies hypertensives a décrit le profil épidémio-clinique et pronostique des atteintes rénales au cours de l’HTA avec un accent sur l’aspect chronique (4). Il nous a paru important de poursuivre cette étude, observant pour cette fois les complications rénales aiguëes de la maladie hypertensive. Notre travail présente ainsi un intérêt scientifique.
URGENCES HYPERTENSIVES
Définition
L’hypertension artérielle (HTA) est définie de façon consensuelle par une pression artérielle systolique (PAS) supérieure ou égale à 140 mmHg et ou une pression artérielle diastolique (PAD) supérieure ou égale à 90 mmHg (2, 4, 5). Plusieurs classifications de l’HTA ont été proposées en fonction du niveau de la pression artérielle. La plus utilisée est celle présentée par l’organisation mondiale de la santé (OMS) en 1999.
L ’HTA est d’autant plus mal tolérée que son ascension est rapide et que le patient n’est habituellement pas hypertendu. On entend par crise aigue hypertensive toute élévation rapide et brutale de la pression artérielle (PA) par rapport à sa valeur habituelle, souvent ≥ 180 et 110 mmHg, respectivement pour la PAS et la PAD. Cependant, le degré d’urgence thérapeutique est lié davantage à l’existence d’une souffrance viscérale secondaire, qu’à l’élévation des chiffres de la pression artérielle. Ainsi, deux situations doivent être distinguées :
❖ Les poussées hypertensives qui sont une élévation de la PA sans souffrance viscérale immédiate, ne mettant pas en jeu le pronostic vital.
❖ Les urgences hypertensives qui sont définies par une élévation de la PA avec souffrance viscérale immédiate ou atteinte d’organe cible (AOC), notamment cérébrale, rétinienne, cardiovasculaire et rénale. Celles-ci mettent en jeu le pronostic vital à court ou à moyen terme et nécessitent une prise en charge rapide.
Epidémiologie
Selon l’OMS, l’HTA touche 26,4% des adultes dans le monde soit 1 milliard de personnes atteintes (4, 7). Un pourcent des patients hypertendus, présenterait une crise aigue hypertensive dans leur vie (3, 8). L’HTA maligne et les urgences hypertensives se rencontrent le plus souvent chez les hommes, relativement jeunes et de milieu défavorisé (3). Dans 8% des urgences hypertensives, l’HTA est souvent méconnue et la prise de drogue constitue un risque majeur de développer une urgence hypertensive (8). En Afrique les données épidémiologiques ne sont pas précises ; environ 10,35% de la population des hypertendus présenteraient une HTA maligne et sévère selon une étude de BARAGOU et al, au Togo (9). La mortalité de l’HTA maligne est évaluée à 10% selon l’étude réalisée par Van den Born B-J H .
Physiopathologie
La physiopathologie précise des urgences hypertensives et notamment de l’HTA maligne est mal connue. Le processus, une fois débuté, conduit à un cercle vicieux qu’est le processus d’auto-entretien de l’hypertension artérielle maligne (11). L’élévation de la PA et surtout la rapidité de l’installation de l’HTA joue un rôle important dans l’initiation de l’HTA maligne. En dépassant le niveau supérieur d’autorégulation viscérale, le flux augmente, créant des lésions vasculaires et endothéliales. Deux phénomènes distincts vont s’en suivre : une agression mécanique et la mise en jeu du système rénine angiotensine (SRA) .
Agression mécanique
Le rôle du stress mécanique sur les capillaires et les artérioles distales est critique dans la pathogénie. Dans le cadre d’une circulation normale, ces vaisseaux sont protégés de l’augmentation de la PA par la capacité de vasoconstriction des artérioles de moyen calibre. En cas d’agression mécanique sévère par l’hypertension, l’autorégulation locale est défaillante. La vasodilatation qui en résulte permet la transmission d’une PA haute aux petits vaisseaux ce qui lèse l’endothélium, favorisant des dépôts extravasculaires de protéines plasmatiques et de fibrinogène, l’activation de la coagulation et la prolifération des cellules musculaires lisses (par production locale de facteurs de croissance et de cytokines). L’activation intravasculaire de la cascade de la coagulation conduit à l’apparition d’une anémie hémolytique entrant dans le cadre d’un syndrome hémolytique et urémique (SHU). Chez les hypertendus chroniques, il existe une hypertrophie de la paroi des artères de moyen calibre qui minimise la transmission de la PA à la circulation capillaire. Ils seraient ainsi relativement protégés vis-à-vis de l’HTA maligne .
Rôle du SRA
La vasoconstriction artérielle rénale, d’origine probablement nerveuse centrale, stimule la sécrétion de la rénine mettant en jeu le SRA. Par ailleurs l’élévation des chiffres de la PA induit une augmentation de la natriurèse qui stimule à son tour le SRA qui entretient lui-même l’hypertension artérielle entrainant un cercle vicieux (11). L’angiotensine II est responsable d’effets cytotoxiques directs sur l’endothélium vasculaire, par l’activation des gènes codant pour les cytokines pro inflammatoires ou par l’activation de la transcription du facteur nucléaire kappa B (8). Cet effet vasculotoxiques peut être responsables de nécrose fibrinoïde des artérioles (12). Une hypersécrétion d’hormone antidiurétique secondaire à l’action centrale de l’angiotensine II favorise à la fois la vasoconstriction, la soif et la polydipsie ce qui aboutit à une profonde hyponatrémie avec hyperuricémie. Il existe cependant une alcalose hypokaliémique, la déplétion potassique augmentant l’ammoniogenèse et l’excrétion des protons.
Conséquences du stress mécanique
Les lésions vasculaires expliquent l’atteinte des organes cibles. On assiste à une augmentation de la perméabilité endothéliale, avec passage de liquide à travers la barrière hémato encéphalique expliquant l’œdème cérébral (8). Nous avons aussi une rupture de la barrière hémato rétinienne avec hémorragie rétinienne, œdème maculaire et papillaire, observés au cours de la rétinopathie hypertensive maligne (13). L’inhibition de l’activité fibrinolytique locale et l’activation de la cascade de la coagulation perpétuent l’inflammation locale induisant la formation de micro thrombi artériolaires expliquant la micro angiopathie thrombotique (8). L’atteinte rénale à type de nécrose vasculaire fibrinoïde, est caractéristique de la néphroangiosclérose maligne. En outre l’augmentation brutale de la PA réalise un obstacle à l’éjection ventriculaire, avec augmentation de la post-charge et des pressions de remplissage à l’origine d’une poussé d’insuffisance ventriculaire gauche avec parfois œdème aigu du poumon. L’élévation brutale de la PA est un des facteurs favorisants l’érosion et la rupture des plaques d’athéromes instables au niveau des artères coronaires, entrainant la formation d’une thrombose complètement occlusive ou non, à l’origine d’une ischémie myocardique et d’un syndrome coronarien aigu (SCA). Mais aussi la résistance à l’éjection ventriculaire entraine une augmentation de la tension pariétale myocardique, avec augmentation du travail myocardique et de sa consommation en oxygène aggravant l’ischémie coronaire (8). L’ischémie utéro placentaire observée au cours de la pré-éclampsie est à l’origine de la dysfonction endothéliale et de l’augmentation des résistances vasculaires systémiques (14). La rapidité de l’installation de l’HTA joue également un rôle déterminant dans la constitution des pré-éclampsies.
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Table des matières
INTRODUCTION
A. URGENCES HYPERTENSIVES
I. Définition
II. Epidémiologie
III. Physiopathologie
1. Agression mécanique
2. Rôle du SRA
3. Conséquences
IV. Diagnostic
1. Diagnostic positif
2. Forme clinique
a. HTA maligne
b. Encéphalopathie hypertensive
c. Hémorragie cérébrale et méningée
i. Au cours de l’hémorragie méningée
ii. Au cours de l’hémorragie intra parenchymateuse
d. AVC ischémique
e. OAP
f. Syndrome coronarien aigu
g. Dissection aortique
h. Pré éclampsie sévère et éclampsie
3. Diagnostic différentiel
4. Diagnostic étiologique
V. Prise en charge
B. Nephroangiosclerose maligne
I. Définition
II. Epidémiologie
III. Etiopathogénie
IV. Sémiologie clinique et para clinique
1. Clinique
2. Biologie
3. Imagerie
4. Histologie
V. Critères diagnostiques
VI. Diagnostics différentiels
VII. Prise en charge
CONCLUSION