Néoplasie « de novo » post-transplantation
La définition de néoplasie « de novo » répond aux critères suivants :
• Absence d’antécédents néoplasiques chez le receveur
• Absence d’antécédents néoplasiques chez le donneur
• Dépistage tumoral pré-greffe négatif .
L’augmentation de l’incidence des cancers « de novo » chez les patients transplantés semble être d’origine multifactorielle. Les rôles directs (par leur effet immunosuppresseur) et indirects (par des mécanismes indépendants) de l’immunosuppression ont été mis en évidence (19), (20). Les traitements immunosuppresseurs entraînent un effet pro-carcinogène dû à une altération de la surveillance des cellules néoplasiques par le système immunitaire et à une modification des mécanismes de réparation de l’ADN (20), (21). Ce rôle direct des immunosuppresseurs a été mis en évidence sur le risque d’hémopathies malignes (22) et de cancers cutanées (23). Les traitements immunosuppresseurs d’induction tels que l’azathioprine et les inhibiteurs de la calcineurine sont associés à un risque majoré de cancer (24). De plus, le risque de cancers viro-induits est particulièrement élevé dans la population transplantée avec par exemple un risque 9 fois plus élevé pour le lymphome non hodgkinien, 62 fois plus élevé pour le sarcome de Kaposi et 12 fois plus élevé pour carcinome hépatocellulaire par rapport à la population générale (25).
Néanmoins, l’incidence augmentée dans la population transplantée en comparaison à la population générale peut être due à une prévalence plus élevée de facteurs de risques oncologiques chez la population transplantée (26).
De plus, les stades terminaux d’insuffisance d’organe occasionnent leurs propres facteurs de risque. Dans son étude comparant 28 855 patients en IRCT, Vajdic et al.(27) évaluaient l’incidence des cancers chez les patients IRCT non dialysés, dialysés et transplantés. Les incidences des cancers de la cavité buccale, du pénis, du col de l’utérus, de l’anus, les lymphomes Hodgkinien et non Hodgkinien ne sont augmentés que chez les patients transplantés. Ces cancers étant viro induits, le rôle de l’immunosuppression peut être mis en cause. Ces résultats sont compatibles avec ceux de Grulich et al. qui ont comparé la population transplantée à la population immunodéprimée par une infection VIH. Ils retrouvaient une augmentation similaire de l’incidence des cancers viro-induits (28). A l’opposé, les incidences des myélomes, des carcinomes urothéliaux et des cancers du rein sont augmentées dans les trois populations décrites par Vadjic et al.(27) Les explications avancées sont l’urémie élevée chez les patients IRCT, l’inflammation chronique, les infections chroniques ainsi que la rétention d’élément carcinogène chez les patients dialysés (29).
Néoplasie transmise par le donneur
L’allongement de la durée de vie, l’amélioration des protocoles d’immunosuppression et la pénurie de greffons ont mené à un élargissement des critères de sélection des greffons. L’âge moyen des greffons rénaux transplantés a augmenté. L’âge du donneur est corrélé avec le risque qu’il soit porteur d’une néoplasie. Selon la littérature, 7% des donneurs décédés seraient porteurs d’une néoplasie inconnue lors du prélèvement d’organe (30). Cela contraste avec le risque de transmission de cancer qui est évalué à 0,05% dans l’étude de Desai et al. évaluant 14 986 donneurs avec un antécédent de cancer .
Le cancer du rein (19%), le mélanome (17%), le lymphome (14%) et le cancer du poumon (9%) sont les cancers les plus souvent transmis. Les cancers du poumon et les mélanomes ont des pronostics sévères avec moins de 50% de survie à 2 ans de la transplantation .
Les sujets ayant un antécédent de cancer peuvent être candidats à un don d’organe en fonction du type histologique du cancer, après une rémission supérieure à̀ 5 ans.
En accord avec les recommandations de l’European Association of Urology (EAU), les tumeurs ne contre-indiquant pas à̀ un don d’organe sont les suivantes :
• Carcinome spinocellulaire cutané́ non métastatique
• Carcinome baso-cellulaire cutané
• Carcinome in-situ du col de l’utérus
• Carcinome in-situ des cordes vocales
• Certaines tumeurs cérébrales de bas grade (grade 1 et 2)
• Carcinome rénale à cellules claires, de petite taille (<2cm) .
Cancer du rein et transplantation rénale
Le cancer du rein est le cancer uro-génital le plus fréquent après le cancer de la prostate chez la population transplantée rénale. L’incidence cumulée à 3 ans est estimée à 2,2% (26). La majorité des tumeurs rénales surviennent sur les reins natifs du transplanté avec seulement 10% des tumeurs survenant sur le greffon .
Tumeur de rein natif
L’incidence du cancer du rein chez le patient transplanté rénal est plus élevée que dans la population générale. Une étude de cohorte américaine retrouvait un risque relatif de cancer du rein de 4,65 dans la population transplantée d’un organe solide par comparaison à la population générale. Concernant la population de transplantés rénaux, le risque relatif était de 6,66 (1,80 pour les transplantés hépatiques et 1,49 pour les transplantés pulmonaires) (25).
Ce risque majoré dans la population des transplantés rénaux peut amener à penser que, en plus de la transplantation et du traitement immunosuppresseur (20), l’étiologie de l’insuffisance rénale, ses facteurs de risque et l’exposition à la dialyse peuvent être responsables. La physiopathologie des tumeurs des reins natifs chez le patient transplanté semble être différente de celle des tumeurs « de novo » du greffon. Les insuffisants rénaux chroniques présentent une instabilité génétique accrue due à une accumulation de différentes toxines dont les toxines urémiques, qui engendrent un stress cellulaire majorant le risque de survenue de néoplasie par des mécanismes d’erreur dans la réparation génomique (34), (35). De plus, le patient IRCT développe une dysplasie multi kystique acquise (DMA), plus ou moins marquée selon la durée d’exposition à l’IRCT, probablement secondaire à l’hyperurémie chronique. Heinz(36) et Hoschida(37) ont montré une prévalence plus élevée de CCR dans cette population. Dans une population de 561 transplantés rénaux, Schwartz évalue la prévalence de DMA à 23%. La prévalence de CCR sur rein natif était plus élevée dans le groupe DMA (19,4%) que dans le groupe contrôle (4,8%). L’incidence de carcinome papillaire est plus élevée que dans la population générale (42%) (38). Une étude du Comité de Transplantation de l’Association Française d’Urologie (CTAFU) avait comparé 213 tumeurs rénales sur reins natifs de patients transplantés à 90 tumeurs de rein de patients hémodialysés. Les tumeurs des patients greffés avaient une taille, un stade et un grade plus favorables. De plus, aucune métastase n’était retrouvée dans le groupe transplanté (39). Ces résultats ne vont pas dans le sens d’un rôle majeur de l’immunosuppression. Les deux biais majeurs de cette étude sont les deux populations que ne sont pas comparables et surtout la différence des modalités de surveillance des patients.
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. CANCER ET TRANSPLANTATION
A. GENERALITES
1. Cancer préexistant
2. Néoplasie « de novo » post-transplantation
3. Néoplasie transmise par le donneur
B. CANCER DU REIN ET TRANSPLANTATION RENALE
1. Tumeur de rein natif
2. Tumeurs transmises par le donneur
3. Tumeur du greffon
III. MATERIELS ET METHODES
A. RECUEIL DES DONNEES
B. ANALYSE DES DONNEES
IV. RESULTATS
A. ÉPIDEMIOLOGIE
1. Receveurs
2. Donneurs
B. MODE DE DECOUVERTE
C. CARACTERISTIQUES TUMORALES
D. TRAITEMENT
E. SURVIE
F. COMPARAISON PAPILLAIRE ET CELLULES CLAIRES
1. Épidémiologie
2. Diagnostic
3. Traitement
4. Caractéristiques tumorales
5. Survie
V. DISCUSSION
A. ÉPIDEMIOLOGIE ET SURVIE
B. HISTOLOGIE
C. TRAITEMENT
D. DEPISTAGE
VI. CONCLUSION
VII. BIBLIOGRAPHIE
VIII. ANNEXES