Nécessité d’un formalisme : les aides à penser

Nécessité d’un formalisme : les aides à penser

La sortie de terrain : quelle prise de risque ?

Nous avons pu le constater à de nombreuses reprises, les enseignants tendent de plus en plus à « externaliser » l’organisation de sorties de terrain, ces dernières représentant souvent une source de stress importante pour eux. Nous ne cherchons pas à les blâmer à ce propos mais avons pu constater qu’ils appréciaient de pouvoir déléguer les tâches liées à l’organisation et à la sécurité du groupe classe, pour n’assumer plus qu’uniquement, si cela devait être nécessaire, un rôle de garant de la discipline. Les craintes liées à l’organisation de telles sorties sont compréhensibles à une époque où un accident, même mineur, peut avoir de lourdes conséquences pour l’enseignant incriminé. La sortie de terrain demande bien évidemment un temps supplémentaire de préparation. Si les éléments de préparation liés aux choix didactiques peuvent être les mêmes que pour une séance donnée en salle de classe, d’autres points doivent encore être ajoutés. Le premier est celui de l’autorisation. Dans le cas d’une sortie de terrain aux alentours de l’établissement scolaire, celle-ci ne sera pas nécessaire, mais dans le cas où la sortie devait se dérouler plus loin, l’accord des parents et parfois de la direction est requis. Selon les cas, un recours à un moyen de transport pour se rendre sur le lieu de la sortie est indispensable.

Que ce soit en transports publics ou avec un voyagiste, cela nécessitera non seulement d’effectuer des réservations mais engendrera également des coûts complémentaires. La prise en compte des conditions météorologiques constitue également un point important et une source de stress supplémentaire car ces dernières sont difficiles à prévoir longtemps à l’avance et peuvent conduire à modifier ou annuler le programme initialement prévu. Un repérage du lieu est également indispensable afin d’éviter toute mauvaise surprise et même sur des parcours connus, des modifications peuvent avoir eu lieu récemment. Il est donc préférable d’y effectuer malgré tout un rapide passage peu avant la sortie. Enfin, la prise en compte du groupe classe dans son ensemble, en termes de nombre d’élèves afin de prévoir un éventuel accompagnant, mais aussi de chaque membre du groupe pour que la sortie soit adaptée à tous constitue un point essentiel. Au cours de la sortie, de nombreux dangers guettent et il est impossible ici de tous les lister tant ils sont dépendants du contexte unique lié à chaque sortie. Cependant, nous pouvons tout de même en citer quelque uns qui nous semblent importants. La première catégorie de dangers est celle liée au lieu même de la sortie. On prendra des précautions particulières lorsque la sortie se déroule proche de l’eau, rivière ou lac, tant cet élément peu s’avérer dangereux.

Les sorties ayant lieu, même partiellement, à proximité du trafic routier nécessiteront la mise en place d’une certaine discipline. Lors de sorties dans la neige, à moins de demeurer sur des sentiers balisés et sécurisés ou dans du terrain plat loin de toute pente, on fera alors appel à un professionnel (accompagnateur en montagne ou guide de montagne) qui se chargera d’évaluer tout danger lié aux avalanches. Les conditions météorologiques et leur évolution durant la journée (p.ex. augmentation fréquente du risque d’orage en cours de journée en été) constituent également un danger. Une évaluation en continu de ces conditions est donc nécessaire. Enfin, un dernier danger auquel on ne pense pas toujours est le groupe. Des recherches récentes dans le domaine des sports de montagne montrent qu’il s’agit bien souvent d’un facteur d’accident important. Dans le manuel du Club Alpin Suisse sur les sports de montagne d’été, Winkler, Brehm et Haltmeier montrent à quel point les personnes composant le groupe en influencent la dynamique.

Etat des connaissances

Le premier volet de ce travail nécessite donc que nous nous intéressions plus particulièrement aux représentations des enseignants au sujet des sorties de terrain. Il faut tout d’abord rappeler ce qu’est une représentation sociale : « une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social » (Jodelet, 1994 ; in Pfeuti, 1996, p. 6). Au sujet des représentations des enseignants et de leur effet sur leurs pratiques dans le domaine de sciences, Abric (1994) soutient que les représentations et les pratiques ne peuvent être isolées l’une de l’autre, ce qui implique donc qu’il est d’autant plus important de se pencher sur les représentations des enseignants au sujet des sorties avant de s’intéresser plus précisément aux sorties elles-mêmes. Nous présenterons plus avant les différents éléments liés spécifiquement aux représentations des enseignants au sujet des sorties dans le cadre conceptuel. Il est donc nécessaire de définir ce que nous entendons par sorties de terrain et à quelles disciplines elles s’appliquent. Nous souhaitons restreindre cette étude au domaine des Sciences naturelles et des Sciences humaines et sociales (anciennement histoire et géographie).

Les sorties en extérieur ne doivent pas nécessairement se dérouler en pleine nature, mais elles doivent abandonner l’environnement classe afin de permettre aux élèves d’appréhender différemment la matière qu’ils ont à traiter. Les sorties sont encouragées dans les manuels des disciplines concernées, et pourtant elles ne sont de loin pas toujours effectuées. Depuis quelques années et provenant des pays nordiques et germaniques, on assiste à l’émergence de classes en plein air ou partiellement en plein air. Mais cette tendance semble se limiter au cycle 1, voire même plus spécifiquement à l’école enfantine. La tenue de sorties régulières pourrait donc constituer Mémoire de fin d’études Nicolas Fauquex une alternative aux classes en plein air réservées aux petits degrés. Ceci surtout que, comme le relève Wauquiez (2014, p. 74), l’environnement ne devrait pas constituer un frein. Dans la nature on peut atteindre les mêmes objectifs, travailler les mêmes contenus que dans une salle de classe. La différence se fait dans les méthodes d’apprentissage et l’environnement d’enseignement. Tous les différents domaines de développement sont stimulés : la motricité générale et fine, le domaine social, émotionnel, cognitif et créatif. Il est également nécessaire de définir ce que nous entendons par sorties régulières. Afin de disposer de la même échelle de comparaison, nous considérerons pour la suite de cette étude des sorties comme étant régulières à partir du moment où trois sorties ont lieu par semestre minimum. Au sujet de sorties en extérieur, nous pouvons les mettre en relation avec différents courants de la pédagogie liée à la nature.

Les piliers pédagogiques à l’origine de ce courant sont multiples et seront énoncés dans le chapitre 3.3. Dans la suite de notre étude, nous considérerons ce courant d’une manière globale et avant tout de manière à mettre en avant les liens que les sorties de terrain peuvent créer ou restaurer avec la nature. Nous analyserons également les sorties de terrain à la lumière du modèle allostérique de Giordan, pour mieux mettre en avant le rôle qu’elles peuvent jouer dans l’apprentissage des élèves, ainsi qu’au travers de courants pédagogiques mettant en avant l’observation et l’expérience dans l’apprentissage des sciences. Le rôle que jouent les références épistémologiques et le statut de l’erreur, tout comme les notions de contrat didactique et de posture enseignante seront également présentés. Si les bénéfices de telles sorties constituent sans nul doute un sujet passionnant et sont déjà avérés pour les plus jeunes notamment au niveau de la motricité (Wauquiez, 2014, p. 84) : « Les résultats des tests étaient significatifs : plus les enfants sortent et jouent en nature, meilleure est leur motricité. », nous n’allons pas nous intéresser à cet aspect mais nous concentrer sur les facteurs susceptibles de favoriser ou entraver la tenue de sorties régulières de terrain, selon les enseignants. Ces facteurs peuvent être multiples. Comme l’a révélé une étude québécoise (Pruneau et Lapointe, 2002, p. 251) au sujet de l’apprentissage expérientiel, il n’est pas toujours aisé d’investir le milieu naturel dans le cadre scolaire. Les chercheurs ont constaté qu’il est parfois ardu pour les enseignants d’élaborer et de réaliser les activités d’appréciation et de critique du milieu. L’invention d’une aventure environnementale exige des compétences créatives particulières. De plus, faute de temps ou d’argent, il n’est pas toujours possible de réaliser des sorties extérieures. Nous allons présupposer l’existence d’un certain nombre de facteurs, puis il est fort probable que d’autres apparaissent ensuite encore lors des entretiens qui seront menés ultérieurement.

Représentations des enseignants vis–‐a–‐vis des sorties Après avoir défini ce qu’est une représentation sociale, nous allons tenter de montrer quelles sont les représentations des enseignants vis-à-vis des sorties de terrain. Pour cela, nous avons essayé de trouver dans diverses publications des résultats d’enquêtes ou des pistes de réponses à ce sujet. Nous n’avons malheureusement trouvé que peu d’éléments consacrés précisément à cette thématique. Afin de compléter les rares éléments identifiés, nous avons dressé un parallèle entre sorties de terrain et expériences, sujet plus fréquemment traité, afin d’étoffer quelque peu notre propos. Avant d’exposer quelles sont les représentations des enseignants à propos du sujet bien particulier des sorties, il est essentiel que nous clarifiions ce que nous entendons par sortie. La sortie scolaire est, selon Gonnin-Bolo, Bouchon et Pedemay (1989, p. 13) : « une pratique scolaire du professeur qui sort de l’école avec des élèves en groupe, quelques heures ou pour un temps limité ». Dans un article consacré à la place et au rôle de la sortie de terrain dans une démarche scientifique, la sortie pédagogique est définie comme suit : « un groupe d’élèves accompagnés d’un ou plusieurs adultes sort ponctuellement (en dehors) de l’enceinte de l’établissement pour une heure, une demi-journée ou une journée pendant le temps scolaire » (Carretier et Codognet, 2000 ; in Lamarti, Ben-Bouziane, Akrim, et Talbi, 2009). Ces deux définitions sont relativement proches et montrent en même temps à quel point finalement la sortie scolaire ou sortie pédagogique est mal définie dans son aspect temporel. Par contre, il est clairement explicité que cette pratique disciplines dans lesquelles ces sorties ont lieu, ce qui est normal car il s’agit de définitions générales.

L’article de Lamarti, Ben-Bouziane, Akrim, et Talbi (2009) permet d’esquisser quelques pistes de réponses en ce qui concerne les représentations des enseignants vis-à-vis des sorties ou tout du moins de la place qu’elles occupent dans le contexte particulier des sciences de la Terre. Si c’est dans le cadre particulier des sciences de la Terre que cette étude a été menée, ce n’est pas par hasard. En effet, les auteurs mettent en avant le fait que dans cette discipline, la confrontation au réel, notion à laquelle nous ferons référence plus tard, ne peut se limiter à des expériences en laboratoire mais doit également être faite au travers de sorties pédagogiques. Bien que cette étude n’ait pas été menée en Suisse et qu’elle soit essentiellement le fruit de sorties effectuées au secondaire 1 et 2, il apparaît aussi que la sortie de terrain prend souvent place en début de séquence didactique, comme moyen de découverte, d’amorce pour la suite du travail. Nous reviendrons encore aux résultats de cette étude lorsque nous aborderons les facteurs facilitant ou entravant la tenue régulière de sorties.

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Table des matières

1 Introduction
2 Problématique
2.1 Contexte
2.2 La sortie de terrain : quelle prise de risque ?
2.3 Etat des connaissances
2.4 Angle disciplinaire choisi
2.5 Enjeux et visées du travail
3 Cadre conceptuel
3.1 Représentation sociale
3.2 Représentations des enseignants vis-à-vis des sorties
3.3 Pédagogie par la nature
3.4 Références épistémologiques
3.5 Contrat didactique et posture de l’enseignant
3.6 Observation et expériences : des similarités avec les sorties des terrain
3.7 Le modèle allostérique
3.7.1 Le rôle de l’environnement didactique : l’environnement allostérique
3.7.2 Le rôle de l’enseignant
3.7.3 Intentionnalité : comment donner du sens
3.7.4 Importance de déséquilibres conceptuels pertinents
3.7.5 Intégration verticale ou les concepts organisateurs
3.7.6 Nécessité d’un formalisme : les aides à penser
3.7.7 Savoir sur le savoir
3.7.8 Mobilisation du savoir
3.7.9 Interactions élève-réalité : le rôle des confrontations
3.8 Confrontation élève-réalité ou la place de la sortie dans le modèle allostérique
4 Question de recherche
4.1 Hypothèses
5 Dispositif méthodologique : l’entretien semi-directif
5.1 Méthodologie
5.2 Analyse des données
6 Analyse et interprétation
6.1 Présentation des enseignants, du contexte dans lequel ils travaillent et de leur
rapport aux sorties de terrain
6.1.1 Enseignant 1
6.1.2 Enseignant 2
Mémoire de fin d’études Nicolas Fauquex
6.1.3 Enseignant 3
6.1.4 Enseignante 4
6.2 Types de justifications
6.2.1 Facteurs favorisant ou entravant les sorties de terrain
6.2.2 Pédagogie par la nature
6.2.3 Références épistémologiques
6.2.4 Posture de l’enseignant et contrat didactique
6.2.5 L’apprentissage par l’observation et l’expérience
6.2.6 Le modèle allostérique : intentionnalité et confrontations
6.2.7 Le modèle allostérique : savoir sur le savoir et mobilisation du savoir
6.2.8 Le modèle allostérique : absence des aides à penser et des concepts
organisateurs
6.2.9 Particularités et facteurs personnels
7 Réponse à la question de recherche et validation des hypothèses
8 Conclusion et analyse critique
9 Prolongements et perspectives
10 Bibliographie
11 Liste des annexes
Annexe 1 : canevas d’entretien
12 Attestation d’authenticité

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