Depuis des années, comme tant d’autres pays en développement, Madagascar restait indécis sur le choix du point de départ servant de base pour assurer le développement. En d’autres termes, on a longtemps hésité si l’on devrait opter pour l’agriculture ou suivre le parcours de bon nombre de pays ayant emprunté l’industrialisation comme facteur clé de leur croissance et la promotion de leur développement. En conséquence, notre pays appartient encore à ceux qui sont parmi les plus pauvres.
Selon le Rapport sur le Développement dans le Monde 2008, Madagascar est classé dans le groupe des pays à vocation agricole. En outre, compte tenu d’un côté le contexte national caractérisé par la persistance de la pauvreté surtout dans le milieu rural, et de l’autre côté, l’environnement structurel et conjoncturel au niveau international telle la menace de la crise alimentaire, l’agriculture se présente comme la meilleure perspective que l’on se doit de saisir. Effectivement, notre pays se dote de potentialités incommensurables qui n’attendent qu’à être valorisées. Il importe de souligner que la voie de l’industrialisation n’est pas à exclure, toutefois, à un moment ou à un autre l’industrialisation des pays développés s’est basée sur le développement de l’agriculture dans le monde, compte tenu des intrants agricoles qu’ils doivent s’en procurer (soit par leurs propres productions, soit par les importations). Vu l’importance de l’agriculture dans l’économie, les politiques de développement ont été essentiellement basées sur le développement du secteur agricole. Pendant des années, des investissements traduisant ces différentes politiques ont été réalisés dans le but de développer ledit potentiel de notre secteur agricole.
Le contexte International
Pour des raisons fortes variées l’intervention de l’Etat dans le secteur agricole est pareillement en partie expliquée par l’importance de la conjoncture internationale, c’est-à-dire l’ensemble des données variables qui déterminent à un moment précis la situation économique mondiale, qui a pour rôle de nous servir de données et d’indicateurs. Depuis des décennies maintenant, l’investissement en berne dans l’agriculture des pays en développement a conduit à une carence en capacités de production. Les incitations encourageant les agriculteurs à étendre leur production étant rares, la productivité stagne littéralement. Par exemple, les études de la FAO (Food and Agriculture Organisation) indiquent que la croissance de la productivité en Asie a diminué de 2,5 % par an dans les années 80 pour atteindre à peine 1 % en 2000.
Par conséquent, de nombreux experts suggèrent que le secteur public doit jouer un rôle plus important face à la faible rentabilité actuelle des investissements dans ces secteurs. Leur point de vue semble être excessif mais dans le cas présent, cela permettra peut être de mettre les choses plus claires et plus convaincantes pour nous amener à accepter ce fait. En d’autres termes, il s’agira en quelque sorte d’essayer de combler le vide laissé par le secteur privé, étant donné que les investisseurs privés jugent les investissements dans le secteur agricole peu rentables voire insuffisants. Quid à dire que les investissements privés dans l’agriculture n’augmenteront pas tant que des fonds publics ne seront pas alloués aux « biens publics », essentiels à la communauté agricole, tels que les infrastructures, les communications, les transports et les technologies.
Lien entre la pauvreté chronique et l’agriculture
Depuis l’adoption des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), en Septembre 2000, la lutte contre la pauvreté figure en tête des priorités sur l’agenda global du développement, induisant un déplacement correspondant dans la conception du développement et dans les politiques économiques du monde entier. Selon la FAO, il faut agir de toute urgence et accroître les investissements publics dans l’agriculture vue la faible intérêts des privés dans ce domaine. L’une des raisons principales en est que des liens étroits se tissent entre l’agriculture et la pauvreté Une des premières leçons que nous avons apprise au cours du dernier quart de siècle est que les rapports entre la pauvreté et l’agriculture vont bien au delà de l’observation de Schulz , certes encore valable, d’après laquelle la plupart des pauvres tirent au moins une partie de leur revenu de l’agriculture.
L’insécurité alimentaire permanente
Actuellement, de nombreuses personnes devraient encore relever le défi de faire face à l’insécurité alimentaire qui continue de sévir dans les quatre coins du globe. En effet, le bilan ne cesse jamais de s’alourdir, des millions de personnes supplémentaires sont frappées d’insécurité alimentaire. Une situation n’est plus imaginaire, la majorité des personnes à souffrir de la faim vivent dans le milieu rural et tirent l’essentiel de leurs moyens de subsistance de l’agriculture et du développement rural. Un nombre remarquable d’initiatives ont été lancées pour traiter des thèmes de la pauvreté et de la faim, l’accent étant mis désormais sur l’agriculture et les régions rurales où vivent la plupart de ceux qui souffrent de la faim.
En guise d’illustration, la Banque Africaine de Développement (BAD) prétend que l’Afrique, l’une des régions les plus touchées par la crise alimentaire actuelle, dispose d’un potentiel considérable mais non utilisé pour accroître sa production agricole. La communauté mondiale est unanime à clamer qu’il faut réduire la pauvreté et la faim. Tel dans le cadre du projet du millénaire, l’ONU a publié plusieurs nouveaux rapports et directives concernant les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Mentionnons en particulier le rapport du groupe d’étude sur la faim «Faire diminuer de moitié le nombre des victimes de la faim : c’est possible» (projet onusien du millénaire 2005), qui présente un agenda des mesures les plus urgentes à prendre pour réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde.
Le développement de l’agriculture est sans doute la solution à prévoir et à suggérer pour faire face à ces divers obstacles. Résoudre ces problèmes revient donc à trouver les moyens afin de se servir de l’agriculture en tant que outil pour atteindre la sécurité alimentaire. Il s’agit en l’occurrence de réformes politiques et de la mise en place de conditions favorables, ainsi que de mesures visant à accroître la productivité des agriculteurs en situation alimentaire précaire, améliorer la nutrition de ceux qui sont vulnérables et exposés à la faim de façon chronique, réduire la vulnérabilité de ceux qui connaissent le stade extrême de la faim grâce à des systèmes de protection de la production, accroître les revenus des pauvres. Cependant, le plus grand défi consiste à traduire cet engagement dans la réalité, au niveau des communautés locales pauvres, la plupart composées de petits paysans. Ceux -ci parviennent à peine à nourrir leur famille, moins encore la population toujours plus nombreuse de leur pays.
La réussite indéniable de nombreux pays
Si on se réfère au parcours de certains pays, le soutien et les investissements accordés à l’agriculture ont rejoint les objectifs qu’ils se sont fixés préalablement : faire du secteur agricole porteur de croissance. Le choix du « parcours chilien » qui suit est dû au fait que le secteur agricole de ce pays, avant la mise en œuvre des réformes entreprises par le pouvoir public chilien, a eu presque les mêmes caractéristiques que celui de Madagascar.
Comment la politique agricole a-t-elle évolué ?
Depuis 1990, la politique agricole du Chili s’articule autour de trois grands objectifs: premièrement, accroître la compétitivité ; deuxièmement, parvenir à un développement agricole plus équilibré grâce à une meilleure intégration des agriculteurs pauvres moins compétitifs dans les circuits commerciaux ; et troisièmement concilier ces objectifs avec ceux qui sont liés à la conservation de l’environnement et à l’utilisation durable des ressources. Si ces objectifs n’ont pas toujours été conjugués de la même manière d’un gouvernement à l’autre, ils constituent une constante de l’action publique.
Les dépenses publiques consacrées à l’agriculture ont plus que triplé en valeur réelle durant la décennie écoulée. Les dépenses du ministère de l’Agriculture Chilien (MINAGRI) sont de plus en plus souvent complétées par celles d’autres ministères et institutions associées. Les principaux postes des dépenses agricoles ont été, par ordre d’importance : l’irrigation ; l’amélioration de la productivité et la formation professionnelle (y compris les crédits à des conditions préférentielles) ; le développement rural ; un programme de remise en état des sols ; la « Recherche et Développement », la formation et la vulgarisation ; les normes sanitaires et phytosanitaires ; et la commercialisation et la promotion. Ces dépenses sont affectées à peu près pour moitié à l’ensemble du secteur, l’autre moitié étant constituée de versements spécifiques aux agriculteurs. Elles sont administrées par diverses institutions, et les paiements aux petits agriculteurs, qui représentent environ 30 % des dépenses totales et la moitié de celles du MINAGRI, sont versés par un organisme désigné à cet effet, l’Institut national du développement agricole (INDA).
|
Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : NECESSITE DE L’INTERVENTION DE L’ETAT DANS LE DEVELOPPEMENT AGRICOLE
CHAPITRE 1 : LE CONTEXTE INTERNATIONAL
Section 1 : Lien entre la pauvreté chronique et l’agriculture
Section 2 : L’insécurité alimentaire permanente
Section 3 : La réussite indéniable de nombreux pays
1. Comment la politique agricole a-t-elle évolué ?
2. Comment le secteur agricole a-t-il réagi aux réformes ?
CHAPITRE 2 : QUELLE CONTRIBUTION AU DEVELOPPEMENT L’AGRICULTURE PEUT-ELLE APPORTER ?
Section 1 : L’agriculture principale source de croissance économique
Section 2 : L’agriculture outil de réduction de la pauvreté
Section 3 : L’agriculture un outil de sécurité alimentaire
Section 4 : L’agriculture en tant que opportunité commerciale
Section 5 : L’agriculture source de services environnementaux
CHAPITRE 3 : COMMENT PEUT-ON DONC TIRER PARTI DE CES CONTRIBUTIONS MULTIFONCTIONNELLES DE L’AGRICULTURE AU PROFIT DU DEVELOPPEMENT ?
Section 1 : Evaluation et méthode de choix des projets d’investissement public
1. Méthode de choix des investissements
2. Evaluation des projets d’investissement public
PARTIE II : LES INVESTISSEMENTS PUBLICS DANS LE SECTEUR AGRICOLE
CHAPITRE 1 : LES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT AGRICOLE MALGACHE
Section 1: Le plan d’action pour le développement rural
Section 2 : Les objectifs et les stratégies de développement rural
CHAPITRE 2 : LES CARACTERISTIQUES DU SECTEUR AGRICOLE A MADAGASCAR
Section 1: La filière cultures vivrières
Section 2 : La filière des produits d’exportation
1. Le café
2. La vanille
3. Le letchi
Section 3 : La filière des cultures industrielles
CHAPITRE 3 : LES INVESTISSEMENTS PUBLICS DE L’ETAT MALGACHE AU PROFIT DE L’AGRICULTURE
Section 1: Facilitation de l’accès aux intrants agricoles
1- Les enjeux
2- Les Objectifs
Section 2: Ateliers et Formations des paysans
1. Les enjeux
2. Les objectifs
Section 3 : Construction des infrastructures hydro-agricoles
1. Les enjeux
2. Les objectifs
Section 4 : Appui a la structuration des organisations paysannes (nationale et régionale)
1. Les enjeux
2. Les Objectifs
Section 5 : La mécanisation de l’agriculture
1. Les enjeux
2. Les objectifs
Section 6 : La construction des pistes rurales
1. Les enjeux
2. Les objectifs
Section 7 : La variété culturale
1. Les enjeux
2. Les objectifs
CHAPITRE 4 : LES IMPACTS ET LES CRITIQUES DES INVESTISSEMENTS PUBLICS
Section 1: Evaluation des impacts des investissements
1. La balance commerciale agricole
2. Le poids du secteur agricole sur le PIB
3. La valeur de la production agricole et le surplus agricole commercialisé
Section 2 : Les critiques aux investissements publics dans le domaine agricole
1. Les organisations paysannes
2. La vulgarisation des intrants agricoles
3. Les problèmes de gestion d’eau
4. Les problèmes de la mécanisation agricole
5. La riziculture
Section 3 : Pourquoi les projets de développement agricole ne marchent pas ?
1. Les décalages biologiques entre intrants et produits agricoles
2. Un environnement de haut risque
3. Des problèmes d’action collective
4. Une faible élasticité de l’alimentation sur le revenu
PARTIE III : LES PERSPECTIVES POUR DES INVESTISSEMENTS EFFICACES
CHAPITRE 1 : LES OPPORTUNITES A SAISIR POUR LES PAYS A VOCATION AGRICOLE
Section 1: Les nouveaux défis à relever
1. Les approches théoriques
2. Comment optimiser les projets de développement rural ?
Section 2 : Une nouvelle politique foncière
1. Une réforme agraire et sécurisation de la propriété foncière
2. Le renouveau du métayage et du fermage
CHAPITRE 2: QUELLE VOIE SUIVRE POUR LE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR AGRICOLE MALGACHE ?
Section 1: De multiples perspectives
1. Une stratégie prospective
2. Une politique qui privilégie les plus vulnérables
Section 2 : Les nouveaux objectifs à fixer
Section 3 : Que faire pour atteindre une telle finalité ?
1. Renforcer les capacités et les institutions
2. La bonne maîtrise de l’eau et la mécanisation agricole
3. Une conception nouvelle des techniques de production
4. Les subventions et des prix aux producteurs stables
5. Le développement de l’accès au crédit et valorisation des potentialités
CONCLUSION
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE