Navigation par satellite en environnement difficile
Intégration par couplage serré
L’intégration par couplage serré (en anglais : tightly-coupled integration) possède plusieurs avantages par rapport aux autres méthodes présentées précédemment. Tout d’abord, cette architecture n’utilise qu’un seul filtre adaptatif (voir Figure 1-5) permettant ainsi d’éliminer l’erreur liée à la mise en cascade des différents filtres. Selon Schmidt et Phillips (2004), une architecture cascadée est loin d’être optimale et peut rendre le système difficile à paramétrer et à ajuster. Petovello (2003) affirme également que l’utilisation d’un seul filtre adaptatif permet un partage d’information statistiquement plus robuste entre les états du système en plus de permettre une réduction significative du niveau de bruit lors du filtrage des mesures GPS. Un autre avantage du couplage serré réside dans la nature des mesures utilisées à l’intérieur du filtre adaptatif. En effet, plutôt que d’utiliser la solution de navigation, cette architecture propose l’utilisation des mesures brutes provenant des boucles de poursuite du récepteur.
Ces mesures peuvent provenir soit de la boucle de poursuite du code (mesures de pseudo-distance et de variation de pseudo-distance), ou encore de la boucle de poursuite de la porteuse (mesures de phase de la porteuse et de décalage Doppler). Dans les deux cas, les mesures provenant de chacun des satellites visibles sont utilisées à l’intérieur du filtre GPS/INS, ce qui permet d’éliminer la nécessité d’avoir en tout temps quatre satellites en ligne de vue avec le récepteur afin de réaliser l’estimation des paramètres d’erreur du système INS. Cette nécessité reste cependant présente lors de la mise en route du système de manière à obtenir la position initiale du récepteur. Finalement, certains auteurs utilisent également les mesures d’accélération provenant des capteurs inertiels de manière à estimer le décalage Doppler causé par la dynamique du véhicule (Greenspan, 1996; Kreye, Eissfeller et Ameres, 2004). Selon Li (2009), cette caractéristique permet d’améliorer les performances d’un récepteur GPS ainsi que ses capacités à maintenir une solution de navigation lorsque ce dernier est soumis à de fortes dynamiques. La dynamique du véhicule étant prise en compte par le système INS, il est ainsi possible de réduire de manière significative la largeur de bande des boucles de poursuite du récepteur, diminuant ainsi le niveau de bruit admis par ce dernier (Alban, Akos et Rock, 2003; Chiou, 2005; Gao et Lachapelle, 2006). 1.3.4 Intégration profonde
L’idée derrière l’intégration profonde, également appelée intégration par couplage très serré (en anglais : deep integration ou ultra-tightly-coupled integration), provient principalement du concept de boucles de poursuite vectorielles utilisées dans certains récepteurs GPS. Dans une architecture GPS/INS très serrée telle que celle présentée à la Figure 1-6, un filtre adaptatif unique travaillant directement au niveau des composantes en phase (I) et en quadrature (Q) des signaux GPS vient remplacer les filtres classiques de boucle de poursuite du récepteur (Babu, Wang et Rao, 2008; Gao, 2007; Gao et Lachapelle, 2006; Groves, Mather et Macaulay, 2007; Kreye, Eissfeller et Ameres, 2004; Li, 2009; Soloviev, van Graas et Gunawardena, 2004; Watson et al., 2007). Ce filtre est utilisé afin d’estimer à la fois la solution de navigation, les paramètres de correction INS ainsi que les commandes à appliquer aux oscillateurs contrôlés numériquement. Selon Kreye, Eissfeller et Ameres (2004), l’avantage principal de l’intégration profonde provient du fait que les boucles de poursuite du récepteur GPS ne sont désormais plus indépendantes et ne sont plus basées uniquement sur les mesures d’un seul satellite.
Ainsi, même dans une situation ou le ratio signal sur bruit est faible, les mesures de boucle de poursuite peuvent tout de même être estimées et générées ce qui rend le récepteur plus robuste au décrochage en environnement difficile (Kreye, Eissfeller et Ameres, 2004). Gao et Lachapelle (2006) présentent un tableau récapitulatif de certains avantages de l’intégration profonde GPS/INS en environnement difficile. Tout d’abord, selon les auteurs de cette étude, l’intégration profonde permettrait la poursuite des signaux GPS jusqu’à 30 dB plus faible que dans les récepteurs GPS standards. De plus, tout comme dans le cas de l’intégration GPS/INS par couplage serré, l’information provenant des mesures INS peut être utilisée afin d’accélérer le processus d’acquisition et de ré-acquisition des signaux GPS. Finalement, l’intégration profonde assurerait un estimé précis des observations de phase de la porteuse permettant ainsi de réduire ou même d’éliminer complètement les erreurs de saut de cycle. Cependant, tel que mentionné par Groves, Mather et Macaulay (2007), le principal inconvénient de l’intégration profonde provient du fait que cette méthode nécessite des modifications importantes dans l’architecture du récepteur GPS. En effet, cette approche nécessite une restructuration complète des boucles de poursuite du récepteur GPS ainsi que l’ajout d’un filtre adaptatif complexe. C’est principalement pour cette raison que cette méthode ne sera pas utilisée dans le cadre de ce mémoire.
Identification en ligne des erreurs stochastiques
En plus des erreurs de nature déterministes présentées précédemment, des erreurs de nature stochastique peuvent également contaminer les mesures de capteurs inertiels. Afin d’identifier et de caractériser ces erreurs aléatoires, une méthode fréquemment utilisée dans la littérature est l’analyse de la variance d’Allan (Allan, 1966). Cette méthode consiste en une analyse dans le domaine temporel qui permet de déterminer la nature des processus aléatoire contribuant au bruit de mesure (IEEE, 1996). Cette analyse est présentée dans plusieurs études (El-Sheimy, Haiying et Xiaoji, 2008; Hou et El-Sheimy, 2003; Li et al., 2010; Sabatini, 2006) et sera détaillée davantage à la section 6.2. Les erreurs stochastiques sont généralement divisées en deux catégories soient les composantes à haute et à basse fréquence. De manière générale, les composantes à haute fréquence, telles que le bruit blanc, peuvent être éliminées à l’aide de techniques de filtrage. Dans cette optique, El-Sheimy, Nassar et Noureldin (2004) ainsi que De Agostino (2008) présentent une méthode de filtrage par ondelettes qui permettrait d’éliminer ces composantes à haute fréquences sans altérer les informations importantes contenues sur le signal. Selon De Agostino (2008), cette approche permettrait de réduire considérablement l’incertitude sur les mesures de capteur augmentant du même coup la précision du système de navigation inertielle.
D’autre part, les composantes à basse fréquence, telles que l’instabilité du biais, le bruit corrélé et le bruit thermique doivent quant à elles être modélisées à l’aide d’un modèle mathématique adéquat afin de pouvoir être précisément estimées et corrigées. Dans la littérature, différents modèles sont utilisés tels que le modèle de biais constant, de marche aléatoire et de processus de Gauss-Markov (El-Diasty, El-Rabbany et Pagiatakis, 2007; Farrell, 2008). Gebre-Egziabher (2002) ainsi que Flenniken (2005) présentent une méthode d’estimation basée sur l’utilisation d’un modèle de Markov de premier ordre qui permettrait la correction en ligne des paramètres de dérive du biais des capteurs inertiels. Cette approche est également utilisée par différents auteurs tels que Petovello (2003), Niu et El-Sheimy (2005), Zhiqiang et Gebre-Egziabher (2008) ainsi que Wall et Bevly (2006). Nassar et al. (2003); Nassar (2004); Nassar, Schwarz et El-Sheimy (2004) affirment cependant que dans le cas des capteurs inertiels à faible coût de type MEMS, l’utilisation d’un modèle de Markov de premier ordre n’est pas vraiment adapté.
Ces auteurs suggèrent alors l’utilisation de modèles de Gauss-Markov d’ordre plus élevé et proposent également l’utilisation d’un modèle autorégressif de deuxième ordre et plus. Selon eux, l’utilisation d’un modèle autorégressif permettrait une meilleure flexibilité que le modèle de Gauss- Markov. Cette approche est également utilisée par Park et Gao (2006). Cependant, l’augmentation de l’ordre du modèle entraine une augmentation significative de la complexité du filtre adaptatif utilisé. Ainsi, de manière à simplifier ce filtre, les modèles d’ordre plus élevé ne seront pas étudiés davantage dans le cadre de ce mémoire. 1.4.3 Utilisation de magnétomètres Il est bien connu que l’ajout de capteurs externes aux systèmes de navigation inertielle permet l’amélioration globale de la solution de navigation. Les travaux réalisés dans le cadre de ce mémoire ciblent particulièrement l’utilisation du système GPS, tel que discuté la section 1.2, mais également l’utilisation de magnétomètres pour la détermination de l’attitude initiale du système.
Les magnétomètres sont des instruments permettant de mesurer l’amplitude et la direction d’un champ magnétique pouvant provenir soit du champ magnétique terrestre (Gebre-Egziabher et al., 2006; 2000; 2001; Lee et al., 2010; Renaudin, Afzal et Lachapelle, 2010), ou encore être généré de manière artificielle par l’usage de marqueurs magnétiques (Farrell et Barth, 2001; Yunchun et Farrell, 2003). Lorsque comparée à une valeur de référence, cette mesure devient un excellent indicateur de l’attitude du mobile, d’où l’intérêt de combiner ces instruments aux systèmes de navigation inertielle. Lors du développement d’un tel système, il est important de considérer que les magnétomètres sont des instruments très sensibles aux perturbations du champ magnétique local telles que les erreurs de fer doux et de fer dur qui seront détaillées davantage à la section 4.4. Selon Renaudin, Afzal et Lachapelle (2010), si elles ne sont pas considérées, ces perturbations peuvent causer des erreurs importantes d’attitude lors du calcul de la solution de navigation.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 Navigation par satellite en environnement difficile
1.2 Systèmes de navigation hybrides GPS/INS
1.3 Synthèse des différents modèles d’intégration GPS/INS
1.3.1 Intégration non couplée
1.3.2 Intégration par couplage lâche
1.3.3 Intégration par couplage serré
1.3.4 Intégration profonde
1.4 Navigation inertielle à faible coût
1.4.1 Calibration des erreurs déterministes
1.4.2 Identification en ligne des erreurs stochastiques
1.4.3 Utilisation de magnétomètres
1.4.4 Utilisation de modèles de connaissance
CHAPITRE 2 CONCEPTS FONDAMENTAUX EN NAVIGATION
2.1 Géométrie de la terre
2.2 Repères utilisés en navigation
2.2.1 Repère inertiel terrestre (I)
2.2.2 Repère fixe terrestre (E)
2.2.3 Repère local (L)
2.2.4 Repère de navigation (N)
2.2.5 Repère du mobile (B)
2.2.6 Repère des capteurs (S)
2.2.7 Relation entre le repère fixe terrestre et le repère de navigation
2.3 Représentations de l’attitude d’un mobile
2.3.1 Matrice des cosinus de direction
2.3.2 Angles d’Euler
2.3.3 Quaternion unitaire
2.4 Équations de propagation de l’attitude
2.4.1 Propagation de la matrice des cosinus de direction
2.4.2 Équation de propagation d’un quaternion unitaire
2.5 Modélisation du vecteur de gravité terrestre
2.6 Modélisation du taux de transport
CHAPITRE 3 SYSTÈME DE POSITIONNEMENT GLOBAL PAR SATELLITE
3.1 Principe de trilatération
3.2 Mesures de pseudo-distance
3.3 Mesures de décalage Doppler
3.4 Sources d’erreurs du système GPS
3.4.1 Erreurs d’horloge des satellites et du récepteur
3.4.2 Délais ionosphériques
3.4.3 Délais troposphériques
3.4.4 Effet de la géométrie des satellites sur la précision du positionnement
3.4.5 Autres sources et budget d’erreur sur la pseudo-distance
3.5 Modèle de propagation d’erreur du système GPS
3.5.1 Modèle de propagation d’erreur PV
3.5.2 Modèle de propagation de l’erreur d’horloge du récepteur
CHAPITRE 4 SYSTÈME DE NAVIGATION INERTIELLE
4.1 Architecture des systèmes INS
4.1.1 Systèmes à plateforme stabilisée
4.1.2 Système à composantes liées
4.2 Principes de base de la navigation inertielle
4.3 Rétrospective des capteurs inertiels
4.3.1 Accéléromètres
4.3.2 Gyroscopes
4.3.3 Magnétomètres
4.4 Sources d’erreur des capteurs inertiels
4.4.1 Erreurs de nature déterministe
4.4.2 Erreurs de nature stochastique
4.5 Modèles de mesure des capteurs inertiels
4.5.1 Modèle de mesure des accéléromètres
4.5.2 Modèle de mesure des gyroscopes
4.5.3 Modèle de mesure des magnétomètres
4.6 Développement de l’algorithme de navigation inertielle
4.6.1 Équation de propagation de l’attitude
4.6.2 Transformation de l’accélération
4.6.3 Équation de propagation de la vitesse
4.6.4 Équation de propagation de la position
4.7 Modèle de propagation d’erreur du système INS
4.7.1 Modèle d’angle psi
4.7.2 Équation de propagation d’erreur de vitesse
4.7.3 Équation de propagation d’erreur de position
4.7.4 Équation de propagation d’erreur de l’attitude
4.7.5 Résumé
CHAPITRE 5 FILTRE DE KALMAN ET DÉFINITION DES MODÈLES D’INTÉGRATION
5.1 Forme générale des modèles d’intégration
5.1.1 Forme discrétisée équivalente
5.2 Estimation d’état
5.2.1 Estimation optimale et filtre de Kalman
5.2.2 Linéarisation et filtre de Kalman étendu
5.2.3 Utilisation des vecteurs d’erreur
5.3 Développement des principaux modèles d’intégration utilisés
5.3.1 Modèle du système GPS seul
5.3.2 Modèle d’intégration GPS/INS par couplage lâche
5.3.3 Modèle d’intégration GPS/INS par couplage serré
5.3.4 Modélisation des erreurs de capteur
CHAPITRE 6 ESTIMATION DES ERREURS DE CAPTEUR ET ALIGNEMENT INITIAL D’UNE PLATEFORME DE NAVIGATION
6.1 Calibration des erreurs de nature déterministe
6.1.1 Méthode multi-position
6.1.2 Résolution à l’aide de l’algorithme de Levenberg-Marquardt
6.1.3 Adaptation de la méthode multi-position pour l’utilisation d’un filtre de Kalman
6.1.4 Tests et résultats des algorithmes de calibration
6.2 Analyse de la variance d’Allan
6.2.1 Effet combiné des différentes sources de bruit
6.2.2 Précision de l’analyse de la variance d’Allan
6.2.3 Tests et analyse des résultats
6.3 Autocorrélation des mesures de capteurs inertiels
6.3.1 Pré-traitement des mesures brutes
6.3.2 Identification des paramètres du processus de Gauss-Markov
6.3.3 Précision de l’analyse de la fonction d’autocorrélation
6.3.4 Tests et analyse des résultats
6.4 Alignement initial d’une plateforme de navigation inertielle haut de gamme
6.4.1 Alignement grossier
6.4.2 Alignement fin
6.4.3 Tests et analyse des résultats
6.5 Détermination de l’attitude d’une plateforme de navigation inertielle à faible coût
6.5.1 Initialisation de l’attitude
6.5.2 Estimation itérative de l’attitude
6.5.3 Tests et analyse des résultats
CHAPITRE 7 ÉVALUATION DES PERFORMANCES DU SYSTÈME EN ENVIRONNEMENT URBAIN
7.1 Présentation des scénarios de test
7.1.1 Architecture matérielle
7.1.2 Scénario en environnement idéal
7.1.3 Scénario en environnement difficile
7.2 Analyse des performances des différents modèles d’intégration
7.2.1 Analyse des performances du système GPS seul
7.2.2 Analyse des performances du modèle d’intégration GPS/INS par couplage lâche
7.2.3 Analyse des performances du modèle d’intégration GPS/INS par couplage serré
7.2.4 Conclusion sur les performances des différents modèles d’intégration
7.3 Analyse des performances du système à faible coût en environnement difficile
7.3.1 Modèle d’intégration GPS/INS par couplage serré pour l’utilisation d’une centrale inertielle à faible coût
7.3.2 Impact de la calibration des capteurs sur la solution de navigation à faible coût en environnement difficile
7.3.3 Impact du modèle d’estimation des erreurs stochastiques sur la solution de navigation à faible coût en environnement difficile
7.3.4 Conclusion sur les performances du système à faible coût
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
ANNEXE I CONVENTIONS DE NOTATION, SYMBOLES ET CONSTANTES UTILISÉES
ANNEXE II PROPRIÉTÉS D’UNE MATRICE DE COSINUS DE DIRECTION
ANNEXE III PROPRIÉTÉS D’UN QUATERNION UNITAIRE
ANNEXE IV ARCHITECTURE GLOBALE DU SYSTÈME GPS
ANNEXE V CALCUL DE LA POSITION ET DE LA VITESSE DES SATELLITES GPS
ANNEXE VI CALCUL DES PARAMÈTRES DE DILUTION DE PRÉCISION DU SYSTÈME GPS
ANNEXE VII ALGORITHME DE LEVENBERG-MARQUARDT
ANNEXE VIII DÉTECTEUR D’ÉTAT QUASI-STATIONNAIRE
ANNEXE IX CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES DES CENTRALES INERTIELLES UTILISÉES
ANNEXE X RÉSULTATS DE LA CALIBRATION PAR L’ALGORITHME LM
ANNEXE XI IDENTIFICATION DES DIFFÉRENTS TYPES DE BRUIT PAR L’ANALYSE DE LA VARIANCE D’ALLAN
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUE
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