Navigation locale utilisant des panoramas
Structure commune à la plupart de ces modèles et grille d’analyse
Nous dressons ici le squelette commun à la plupart de ces modèles, afin de clarifier la suite de l’exposé. Nous utiliserons cette structure comme « grille d’analyse », ce qui facilitera la compréhension et la mise en correspondance des différents éléments des modèles étudiés .
Signature d’un lieu
Il est nécessaire de définir quels éléments de l’environnement l’animat peut percevoir et mémoriser pour réaliser sa tâche de navigation. Nous appelons « signature d’un lieu » l’ensemble des éléments retenus lorsque l’animat observe la situation en un point donné. Les modèles que nous étudions ici se concentrent sur des informations visuelles. Selon les modèles, la signature d’un lieu peut être une image bidimensionnelle, ou bien seulement un panorama unidimensionnel. Les informations représentées peuvent être de type binaire (comparaison de la luminance observée à un seuil, indiquant un obstacle ou l’absence d’obstacle), ou bien plus nuancées, en niveaux de gris ou dans divers espaces de couleurs. L’information peut être échantillonnée régulièrement tout autour de l’animat, ou bien regroupée en secteurs de largeurs inégales et qui correspondent aux largeurs apparentes des objets environnants. Dans le premier cas, on parle de panorama échantillonné. Dans le second on parle de panorama segmenté. L’essentiel, qui justifie cette appellation de « signature », est que cette information mémorisée depuis un point de l’environnement permet à l’animat de revenir plus tard en ce point, grâce à la comparaison entre la vue instantanée actuelle et la vue mémorisée. Cette signature permettra en général d’identifier des amers. Selon le cas, un amer peut être étendu (correspondre à un secteur dans le panorama), ou bien ponctuel (correspondre à une transition entre deux secteurs du panorama).
Notations
Dans la plupart des modèles suivants, l’animat est supposé avoir un système visuel capable de mesurer des angles relativement à son corps, et de mémoriser la position des objets environnants dont l’image se projette sur sa rétine modélisée par un cercle. En outre, il est aussi supposé capable de connaître la direction actuelle de son corps (ou bien de maintenir son corps dans une direction constante), de sorte que les angles mémorisés le sont par rapport à une véritable référence, et non simplement relatifs à une direction accidentelle du corps de l’animat.
Représentation de l’orientation de l’animat
L’animat ayant sa propre estimation de sa direction et une orientation réelle, il faut, pour que le lecteur puisse interpréter correctement les schémas, une représentation de ces orientations. Dans toutes nos expériences, les schémas sont représentés avec une direction constante appelée « nord » en haut. Lorsque c’est pertinent, les schémas représentant un panorama ou un appariement de panoramas comprennent des indications sur l’orientation de l’animat, réelle et estimée. Leur interprétation est illustrée en 2.3. Rappelons que les angles sont en convention trigonométrique. Notons l’équivalence entre les propriétés suivantes, où α est commun :
– l’animat connaît correctement son orientation (respectivement, il commet une erreur α dans son estimation) ;
– les deux représentations de l’animat (réelle et estimée), coïncident (respectivement, l’animat dans la bulle est décalé d’un angle α en plus) ;
– la flèche en harpon en bas à droite est alignée avec le haut du schéma, (respectivement, la flèche dérive d’un angle −α, mis en évidence par un secteur ombré).
Appariement
Dans cette tâche de retour au nid, ce sont essentiellement les différences entre un panorama mémorisé et le panorama actuel qui permettent à l’animat de déterminer les mouvements à envisager. Certains modèles associent explicitement des éléments des deux panoramas, tandis que d’autres ont recours à des méthodes qui fonctionnent aussi grâce aux différences, mais sans apparier explicitement les éléments des panoramas visuels.
Calcul de direction
Presque tous les modèles étudiés ont pour but de rechercher dans quelle direction se déplacer pour se rapprocher d’un point mémorisé, en choisissant une direction qui tend à faire coïncider la signature courante avec la signature mémorisée. En passant en revue les correspondances entre panoramas obtenus à l’étape précédente et en comparant les positions angulaires des objets dans le champ de vision, on peut obtenir un ensemble d’indications élémentaires (écarts angulaires) dont la synthèse permet de répondre à la question : « quel(s) déplacement(s) l’animat peut-il effectuer, qui réduirai(en)t les écarts observés ? ». Tous les algorithmes étudiés ici donnent une réponse unique, la direction à suivre. Par contraste, nous introduirons en section 5.3 un algorithme qui donne un intervalle de directions.
Surface de captation (Catchment area) et attracteurs
On dit que le système de navigation réussit lorsque l’animat atteint le but. Mais, comme il s’agit ici de navigation locale, dépendante de la ressemblance de panoramas, la portée est limitée : assez loin du but il existera toujours des points de départ depuis lesquels l’animat n’atteindra pas le but par manque de comparaison pertinente. On appelle « bassin d’attraction du but » l’ensemble des points de l’environnement depuis lesquels l’animat atteint le but. Il est possible de déterminer approximativement cet ensemble en faisant partir l’animat de nombreux points et en repérant les points depuis lesquels il atteint le but. En pratique, en simulation comme en robotique, on fait partir l’animat de chacun des points d’une grille régulière. Un exemple de bassin de captation est représenté figure 2.4. Nous ferons référence aux mathématiques des systèmes dynamiques en parlant d’attracteurs et de bassins d’attraction. Nous en donnons ici très brièvement et sans justification quelques propriétés. Dans tous les modèles étudiés ici, la trajectoire de l’animat résulte d’itérations successives de la procédure faisant un pas dans la direction à suivre à partir de la comparaison entre panorama actuel et panorama mémorisé. C’est donc un système dynamique. Ce système dynamique est conçu pour que le but ait la propriété particulière d’attirer l’animat : que pour le plus grand nombre possible de points de départ dans l’environnement, la trajectoire de l’animat tende vers le but. On dit que le but est un attracteur. Pour qu’un point soit attracteur, il est nécessaire (mais pas suffisant) que le mouvement commandé en ce point soit nul . L’ensemble des points qui sont des départs de trajectoires convergeant vers un même point attracteur est appelé bassin d’attraction, ce qui est la raison de la définition plus haut. Idéalement, il y a un attracteur, le but, et son bassin d’attraction est la surface de captation qui nous intéresse. Malheureusement, il n’y a pas a priori de raison que la surface de captation soit convexe ni sans trou. Il peut avec certains modèles exister des points de départ où l’animat se dirigera vers un obstacle ou vers un point qui n’est pas le but mais qui attire à lui toute trajectoire passant à proximité. Ces points sont aussi des attracteurs, mais sont indésirables .
Difficultés supplémentaires possibles
Comme annoncé, la première revue qui va suivre concerne des modèles dans lesquels on suppose que l’animat a une vision panoramique et connaît son orientation. L’abandon de l’une ou l’autre de ces hypothèses (ou des deux) perturbe plus ou moins ces modèles. Nous abordons ici brièvement les difficultés qu’une désorientation implique. Au cours de la revue, nous expliquerons pour chaque modèle les implications d’une désorientation. Certains cas seront illustrés plus loin encore par des expériences que nous avons simulées.
Rotation mentale
Jusqu’ici nous avons supposé que l’animat pouvait estimer des azimuts et les comparer avec des informations mémorisées. Si l’animat a une direction constante, une mémorisation simple, qui peut même être locale au système visuel et qu’on qualifie alors de rétinotopique, peut suffire à mettre en regard deux panoramas. Si l’animat peut tourner sur lui-même, pour pouvoir faire cette mise en regard, il doit soit se replacer dans la même direction pour prendre la vue actuelle, soit être capable de faire une rotation mentale du panorama mémorisé.
Désorientation
Nous envisageons le cas où l’animat est désorienté. Dans notre cadre de navigation locale utilisant des panoramas, cela signifie que l’animat ne sait pas comment la direction à laquelle il fait face actuellement se compare avec la direction à laquelle il faisait face au moment où il avait mémorisé la vue du but. Formellement, cela signifie que l’animat ne pourra plus estimer les azimuts des amers dans la vue actuelle par rapport au même référentiel que dans la vue mémorisée. Les mesures qu’il peut faire sont toutes perturbés (modulo 2π) d’une même grandeur inconnue, par rapport à la même vue prise en connaissant son orientation. De même, l’animat ne pourra estimer les parallaxes vraies dues à son déplacement. Il n’aura accès qu’à des pseudo-parallaxes perturbées de la même façon. En revanche, les largeurs apparentes ne sont pas perturbées. De façon plus générale, aucune combinaison linéaire d’azimuts dont la somme des coefficients est nulle ne sera perturbée.
L’étape d’appariement et l’étape de calcul de la direction à suivre seront perturbées si elles dépendent des parallaxes et pas uniquement, par exemple, des largeurs apparentes. L’appariement peut toujours s’appuyer sur des caractéristiques plus intrinsèques des amers, comme la couleur. Notons que tout ordre moteur que produit l’animat est défini dans le référentiel de son propre corps. Cela signifie qu’un ordre moteur exprimé par rapport à la vue courante (qui est par définition liée à l’orientation actuelle du corps de l’animat) reste toujours bien défini. En revanche, si l’animat est désorienté, tout ordre moteur exprimé par rapport au référentiel du panorama mémorisé n’est plus bien défini. De façon plus concrète, cela signifie que, si l’animat est désorienté, il doit s’abstenir de faire dépendre ses ordre moteurs des directions du panorama mémorisé. Il ne peut s’appuyer que sur les directions du panorama actuel.
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Table des matières
1 Introduction
2 Navigation locale utilisant des panoramas
2.1 Structure commune à la plupart de ces modèles
2.1.1 Signature d’un lieu
2.1.1.1 Notations
2.1.1.2 Représentation de l’orientation de l’animat
2.1.2 Appariement
2.1.3 Calcul de direction
2.1.4 Surface de captation (Catchment area) et attracteurs
2.1.5 Difficultés supplémentaires possibles
2.1.5.1 Rotation mentale
2.1.5.2 Désorientation
2.1.5.3 Vision non totalement panoramique
2.1.6 Comment étalonner les modèles ?
2.1.6.1 Obtention de statistiques
2.1.6.2 L’appariement
2.1.6.3 La direction à suivre : mesure de composante centripète
2.1.6.4 La longueur du pas
2.1.6.5 L’orientation
2.1.6.6 Tout ensemble : mesure synthétique
2.1.6.7 Conclusion
2.1.7 Généalogie des modèles
2.2 Les premiers modèles, Cartwright & Collett
2.2.1 Signature d’un lieu
2.2.2 Appariement et calcul de direction
2.2.2.1 Principe
2.2.2.2 Appariement
2.2.2.3 Différents essais pour la direction à suivre
2.2.3 Conséquences d’une désorientation
2.2.4 Conclusion sur les modèles CC
2.3 Modèles modifiant le calcul de direction à suivre
2.3.1 Méthodes inverse et moyenne, modèle de Hong
2.3.1.1 Signature d’un lieu
2.3.1.2 Appariement
2.3.1.3 Calcul de direction
2.3.1.4 Conséquence d’une désorientation
2.3.1.5 Conclusion
2.3.2 Modèle PV vecteur proportionnel
2.3.3 Modèle DV vecteur différence
2.4 Simplifier tout, ALV ou « vecteur amer moyen »
2.4.1 Signature d’un lieu
2.4.2 Appariement et calcul de direction
2.4.3 Conséquences d’une désorientation
2.4.4 Conclusion
2.5 Méthodes d’appariement différentes, Weber et al
2.5.1 Conséquences d’une désorientation
2.5.2 Conclusion
2.6 Autres approches
2.6.1 Association lieu/direction par apprentissage, Gaussier et al
2.6.1.1 Signature d’un lieu
2.6.1.2 Appariement
2.6.1.3 Calcul de direction
2.6.1.4 Commentaires
2.6.1.5 Conclusion
2.6.2 Rendre le champ de vecteurs plus conservatif, Bianco et al
2.7 Tableau synthétique
2.8 Conclusion de la première revue
3 Analyse approfondie et généralisation
3.1 Composante centripète et environnements testés
3.2 Composantes tangentielles et radiale, et désorientation
3.2.1 Conséquence d’une désorientation sur la composante tangentielle
3.2.2 Indépendance de la composante radiale vis-à-vis de l’orientation
3.3 Redéfinition et généralisation
3.3.1 Appariement
3.3.2 Direction à suivre
3.3.3 Méthodes directe, inverse et moyenne
3.4 Différences fondamentales
3.4.1 Rappel de géométrie : arc capable d’un angle donné
3.4.2 Composante tangentielle
3.4.2.1 Qualité de guidage
3.4.3 Composante radiale
3.4.3.1 Zone centrifuge avec un amer
3.4.3.2 Zone centrifuge avec plusieurs amers
3.4.3.3 Composante radiale centripète
3.5 Mise en défaut de la composante radiale
3.5.1 Problème de satisfaction des hypothèses
3.5.2 Illustration expérimentale
3.6 Synthèse
3.7 Conclusion de l’analyse
4 Navigation locale avec orientation
4.1 Techniques d’orientation utilisées par les insectes
4.2 Flux optique sur la sphère, Nelson & Aloimonos
4.2.1 Découpler pour réduire la complexité du problème
4.2.2 Signature d’un lieu et appariement
4.2.3 Calcul d’orientation et direction à suivre
4.2.4 Conclusion
4.3 Fondu enchaîné, Chahl & Srinivasan
4.3.1 Rotation
4.3.2 Translation
4.3.3 Analyse de la méthode
4.3.4 Analyse théorique
4.3.5 Analyse critique
4.3.6 Conclusion
4.4 Minimiser la somme des écarts, Möller
4.5 Modèle de déformation, Franz
4.5.1 Hypothèse de distance aux amers constante
4.5.2 Hypothèse de répartition isotropique
4.5.3 Signature d’un lieu
4.5.4 Appariement, orientation et direction
4.5.5 Conclusion sur le modèle de déformation
4.6 L’algorithme Panama, Röfer
4.6.1 Signature d’un lieu
4.6.2 Appariement
4.6.3 Orientation
4.6.4 Direction à suivre
4.6.5 Conclusion
4.7 Parcourir les lignes iso-ALV, Ruchti
4.8 Reconstitution 3D, Benosman et al
4.8.1 Signature d’un lieu
4.8.2 Appariement
4.8.3 Calcul de direction
4.8.3.1 Calibration préalable
4.8.3.2 Estimation du déplacement 3D
4.9 Conclusion
5 Conclusion
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