Nature et composition des résidus agroalimentaires
Comme le décrit l’introduction de ce manuscrit, les résidus des industries agroalimentaires proviennent de sources très différentes. La nature de ces résidus est ainsi influencée par le type de biomasse (végétale ou animale), mais aussi l’étape de la chaîne de production à laquelle le résidu est généré : il peut s’agir par exemple d’un résidu de culture (ex : paille) ou d’élevage (ex : lisier), d’un résidu de transformation (ex : marc de fruit, carcasses d’animaux..), ou encore d’un effluent (ex: eaux de lavage). Du fait de la variabilité des résidus agroalimentaires, il en résulte également une variabilité de leur composition. Dans cette partie, les principales molécules composant les résidus agroalimentaires sont présentées. Connaître la composition d’une ressource est particulièrement important dans le cadre de sa valorisation matière ou énergétique .
Fibres
Les fibres sont des biopolymères qui contribuent de manière importante à la teneur en matière organique des résidus agroalimentaires. Elles se retrouvent principalement dans les résidus agricoles végétaux et les résidus maraîchers, riches en lignocellulose. Les fibres sont les macromolécules de structure des parois cellulaires végétales, et sont principalement formées par trois biopolymères : la cellulose, les hémicelluloses et la lignine. D’autres molécules comme les pectines contribuent aussi à la teneur en fibres de la biomasse.
La cellulose
La cellulose est le constituant majeur des parois cellulaires végétales, pouvant représenter jusqu’à 50 % des fibres totales [15]. Il s’agit d’un polysaccharide formé exclusivement d’unités de glucose – jusqu’à 10 000 – reliées entre elles par des liaisons éther β-1-4-glycosidiques. La structure de la cellulose est représentée en Figure 1-1. Au sein de la biomasse, les chaînes de cellulose sont disposées en arrangement parallèles, et s’associent entre elles à l’échelle nanométrique pour former une structure cristalline de micro-fibrilles maintenue par un réseau dense de liaisons hydrogène. La cristallinité de la cellulose lui confère une grande stabilité et une grande résistance chimique.
Les hémicelluloses
Les hémicelluloses sont des polysaccharides proches de la cellulose, formés de squelettes de monosaccharides reliés entre eux par des liaisons éther β-1-4-glycosidiques. Contrairement à la cellulose, les hémicelluloses sont à la fois composés de pentoses et d’hexoses. Il s’agit de polymères ramifiés, substitués par d’autres monosaccharides, des groupements acétyles, des acides uroniques ou encore des groupements phénoliques [18]. Ces substituants donnent aux polymères d’hémicellulose un caractère amorphe.
La lignine
La lignine est une structure chimique polyaromatique particulièrement complexe. Hétérogène et amorphe, la lignine est majoritairement formée par trois monomères de type phénylpropane, représentés en Figure 1-3. Plus de 66 % des liaisons chimiques dans la lignine sont des liaisons éther (majoritairement de type β-O-4), les autres liaisons reliant les noyaux aromatiques par des liaisons C-C [19]. En comparaison du bois, la proportion de lignine est nettement plus faible dans les résidus agroalimentaires. Certaines ressources restent cependant riches en lignine. Par exemple, la lignine contenue dans les endocarpes des fruits charnus – comme la pêche – peut représenter jusqu’à 45% de la matière sèche globale [20].
Les pectines
D’autres molécules sont également présentes au sein des parois cellulaires végétales, en particulier dans le cas des résidus maraîchers. Il s’agit des pectines, polysaccharides formés à partir de 17 monosaccharides différents et plus de 20 liaisons différentes [21]. Les pectines ont un rôle de structure mais aussi de défense et de fonctionnalisation des parois cellulaires végétales (porosité, échanges d’ions…). D’un point de vue structural, les pectines se caractérisent par la prédominance d’une chaîne homogalacturonique, éventuellement substituée par des groupes méthoxyles et d’autres monosaccharides (rhamnose ou arabinose).
Lipides
Le terme générique « lipides » est utilisé pour désigner une variété importante de substances, parmi lesquelles les graisses, les huiles, les cires ou encore les phospholipides et galactolipides constitutifs des membranes cellulaires. Les lipides se retrouvent dans les résidus d’extraction d’huile de graines (ex : tourteaux de tournesol, colza, noix), ou de fruits (olive), les résidus animaliers (élevage, abattage, pêche), ou encore certains déchets fruitiers [22]. Les lipides majoritaires dans les résidus agroalimentaires sont des triglycérides (Figure 1-5), comptant jusqu’à plus de 90 % en masse d’acides gras. Les acides laurique, myristique, palmitique, stéarique, oléique et linoléique, dont la longueur de chaîne varie entre 12 et 18 atomes de carbone, sont parmi les exemples les plus généraux d’acides gras.
Exemples d’autres molécules composant les résidus agroalimentaires
Les composés décrits ci-dessus sont les molécules majoritairement rencontrées dans les résidus agroalimentaires. D’autres molécules peuvent aussi être présentes, à l’image des acides nucléiques porteurs de l’information génétique dans les cellules de biomasse, formés d’une succession de nucléotides (association d’un pentose, d’un acide phosphorique et d’une base azotée). Bien que les exemples soient nombreux, et dépendant de la spécificité de chaque ressource, deux types de composés sont uniquement décrits ici : l’amidon et les tannins condensés.
L’amidon
L’amidon est un polysaccharide formé – comme la cellulose – exclusivement d’unités de glucose mais reliées entre elles par des liaisons éther a-1-4-glycosidiques. L’amidon se trouve à l’état naturel sous forme de granules à l’intérieur des cellules végétales, au sein des organes de réserve des plantes (graines, racines, tubercules, fruits). L’amidon est un polymère composé de chaînes linéaires d’α-amylose (10-35 %) et de chaînes ramifiées d’α-amylopectine (65-90 %) [22].
Les flavonoïdes et les tanins condensés
Les flavonoïdes sont des pigments colorés retrouvés dans de nombreuses espèces végétales. Ce sont des structures moléculaires polyphénoliques au fort pouvoir antioxydant [23]. En fonction de la nature de la biomasse, une classe de flavonoïdes prédomine par rapport à l’autre, mais toutes dérivent d’une structure commune. Comme l’illustre la Figure 1-7, les flavonoïdes sont présents dans une grande quantité d’aliments. Parmi les résidus agroalimentaires, les tanins condensés (classe particulière de flavonoïdes) sont retrouvés en quantité importante dans les marcs de raisin, entre 20 et 30 % de la matière [24–26]. Compte tenu de leur structure polyphénolique, les tanins condensés sont souvent comptabilisés en tant que fibre insoluble, au même titre que la lignine.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : État de l’art
1. Nature et composition des résidus agroalimentaires
1.1. Fibres
1.2. Protéines
1.3. Lipides
1.4. Exemples d’autres molécules composant les résidus agroalimentaires
1.5. Espèces inorganiques
2. Les modes de traitement et de valorisation des résidus agroalimentaires
2.1. Traitement et valorisation des résidus agroalimentaires : situation actuelle
2.2. La valorisation matière des résidus agroalimentaires
2.3. La valorisation énergétique des résidus agroalimentaires
3. La liquéfaction hydrothermale
3.1. Les procédés hydrothermaux
3.2. La liquéfaction hydrothermale : définition et principaux facteurs d’influence
4. Conversion hydrothermale des molécules modèles des résidus agroalimentaires
4.1. Réactivité hydrothermale des composés purs
4.2. Réactivité des mélanges de composés modèles
4.3. Résumé
5. Développement et applications de la liquéfaction hydrothermale aux résidus agroalimentaires
5.1. Applications à l’échelle du laboratoire
5.2. Les procédés à l’échelle pilote et semi-industrielle
5.3. Principaux verrous du développement de la liquéfaction hydrothermale
6. Conclusion et objectifs de la thèse
Chapitre 2 : Matériels et méthodes
1. Ressources et composés modèles étudiés
1.1. Résidus agroalimentaires étudiés
1.2. Composés modèles étudiés
2. Dispositifs expérimentaux de liquéfaction hydrothermale
2.1. Dispositifs expérimentaux : autoclaves batch de la plateforme Aphrodite
2.2. Procédure expérimentale de liquéfaction hydrothermale
3. Techniques analytiques
3.1. Analyse de la phase gazeuse par micro-chromatographie en phase gazeuse
3.2. Analyse de la composition moléculaire de la bio-huile et de la phase aqueuse par GC-MS
3.3. Dosage des acides organiques et du sodium dans les phases aqueuses par chromatographie ionique
3.4. Dosage des composés phénoliques, des acides gras et des produits de conversion des sucres et des acides aminés par HPLC-UV
3.5. Mesure d’humidité des produits
3.6. Analyses élémentaires
3.7. Mesure du pouvoir calorifique de la bio-huile et du char par bombe calorimétrique
3.8. Mesure de la volatilité des bio-huiles par thermogravimétrie
3.9. Autres techniques analytiques
4. Exploitation des résultats
4.1. Calcul des rendements
4.2. Calcul de la distribution du carbone entre les phases
4.3. Calcul de la récupération d’énergie dans la bio-huile
4.4. Calcul de la récupération de sodium en phase aqueuse
4.5. Présentation de la méthodologie de plans d’expérience de mélange et des outils mathématiques associés
5. Conclusion
Chapitre 3 : Étude de la liquéfaction hydrothermale des drêches de cassis en autoclave batch
1. Influence des paramètres opératoires sur la liquéfaction hydrothermale des drêches de cassis
1.1. Influence de la température opératoire
1.2. Influence du temps de palier de température
1.3. Influence de la concentration de biomasse
1.4. Influence de l’ajout d’un additif : l’hydroxyde de sodium NaOH
2. Caractérisation de la bio-huile
2.1. Evaluation de la volatilité par analyse thermogravimétrique
2.2. Composition moléculaire de la bio-huile par analyse GC-MS
2.3. Détermination de propriétés physico-chimiques
2.4. Comparaison des propriétés de la bio-huile avec les spécifications de différents combustibles commerciaux
3. Influence du recyclage de la phase aqueuse sur la liquéfaction hydrothermale des drêches de cassis
3.1. Influence du recyclage de la phase aqueuse sur la récupération des produits de liquéfaction hydrothermale
3.2. Evolution de la composition de la phase aqueuse au cours des essais de recyclage
3.3. Evolution de la qualité de la bio-huile au cours des essais de recyclage
4. Conclusion
Conclusion
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