Nature et caractéristiques des lésions rénales

Rappels sur la structure et le fonctionnement rénal 

Le rein a une structure complexe organisée en plusieurs milliers d’unités fonctionnelles appelées néphrons. Un néphron est constitué d’une unité de filtration, le glomérule, suivi par un tubule dans lequel s’effectuent les remaniements de l’urine en cours de formation. Il joue un rôle essentiel pour le maintien de l’homéostasie par le contrôle de l’équilibre hydro-électrolytique, de l’équilibre acido-basique et de la pression artérielle. Son rôle dans l’étape d’excrétion des xénobiotiques a été démontré par plusieurs études [18].

Structure macroscopique

Les reins sont organisés en lobules, chacun d’entre eux correspond à une collection de néphrons séparés par des raies médullaires. Le parenchyme rénal est la partie du rein qui lui permet d’assurer ses fonctions. En effet, ce dernier est formé d’une multitude d’unités anatomiques et fonctionnelles appelées «néphrons». Chaque rein en contient environ 400 à 800 000 [38]. Les néphrons sont entourés d’une capsule conjonctive. Sur la coupe sagittale (figure 1) on constate que l’organe comporte une zone corticale périphérique occupant environ 1/3 de la hauteur et une médullaire deux fois plus épaisse. La médullaire est formée de plusieurs pyramides de malpighi, et se divise en deux parties : une partie externe elle-même subdivisée en deux sous parties et une partie interne .

La vascularisation sanguine rénale est assez complexe. L’artère rénale pénètre au niveau du hile et se divise en artères interlobaires longeant les pyramides de malpighi et se recourbent à la limite cortico-médullaire pour constituer les artères arciformes [20]. À partir de celles-ci, naissent des artères inter-lobulaires qui cheminent dans la corticale en direction de la périphérie du rein où elles assurent la vascularisation des différents segments par deux systèmes capillaires. Le premier est de type porte artériel et le second est de type classique. Les veines arciformes drainent l’ensemble du sang veineux au sein du cortex et de la médullaire. Elles sont ensuite prolongées par les veines interlobaires puis par la veine rénale [18].

Structure microscopique

Le néphron représente l’unité fonctionnelle du rein. Il permet une filtration plasmatique, participe au maintien de l’équilibre hydroélectrique et assure également l’élimination des déchets via l’urine. Il comprend un corpuscule de malpighi, un tube contourné proximal, une anse de Henlé avec ses branches descendantes et ascendantes, un tube contourné distal et un tube collecteur. Le néphron est un tube fermé à une extrémité, l’autre extrémité s’ouvrant dans un tube collecteur. L’extrémité fermée, ou aveugle, est identifiée afin de former la capsule glomérulaire (capsule de bowman) en forme de coupe, qui entoure presque complètement un réseau de capillaires artériels, le glomérule. Le reste du néphron, faisant suite à la capsule glomérulaire, long d’environ 3 cm, comprend trois parties : le tube contourné proximal, l’anse médullaire (anse de henlé) et le tube contourné distal [41]. La totalité des néphrons constitue donc à la fois le cortex (cortex renalis) et la médulla (medullarenalis). Celle-ci est constituée de segments coniques appelés « pyramides de malpighi » qui présentent chacune un sommet (ou papille) saillant dans le sinus, vers chaque sommet converge une striation caractéristique des pyramides. Le cortex est large d’environ 1 cm et est situé sous la capsule fibreuse. Il reçoit des stries radiaires provenant de la médulla subdivisant le cortex en éléments pyramidaux appelés « pyramides de ferrein » .

Structure glomérulaire

Le glomérule de forme sphérique est limité par une enveloppe appelée la capsule de bowman. Le glomérule rénal est constitué d’un peloton de vaisseaux capillaires issus des artérioles afférentes et efférentes. Cet ensemble est logé dans une capsule de Bowman, compose d’un épithélium simple pavimenteux. Le glomérule est responsable de la filtration glomérulaire qui est la première étape de la formation de l’urine. Au passage du sang dans le glomérule, l’eau et les substances dissoutes sont filtrées hors des capillaires vers la capsule de Bowman. Près de 20% du plasma qui entre dans le glomérule est filtré. Le filtre glomérulaire est compose de trois couches filtrantes : la première est constituée de cellules endothéliales ; la seconde d’une lame basale continue dont la fonction est empêcher le passage des grosses protéines et la troisième d’un épithélium viscéral, laissant des fenêtres d’ouverture entre les prolongements cellulaires, appelées podocytes [62]. La filtration glomérulaire est un processus passif et non sélectif. Le filtrat formé est essentiellement du plasma sanguin dépourvu de protéines plasmatiques. Les protéines et les globules sanguins ne peuvent pas passer à la membrane de filtration qui est constituée de l’endothélium du capillaire glomérulaire, de la membrane basale et du feuillet viscéral de la capsule glomérulaire. La présence de protéines ou de globules sanguins dans l’urine peut traduire une atteinte de la membrane de filtration. On appelle débit de filtration glomérulaire (DFG), le volume de liquide filtré par le rein par unité de temps. Cette mesure sert à quantifier l’activité du rein mais aussi est utilisée pour diagnostiquer une anomalie de la fonction rénale. Le DFG est estimé en ml/min et chez un patient sain, il est normalement compris entre 90 et 140 ml/min et diminue avec l’âge [41].

Système tubulaire

Le système tubulaire est une succession de tubes qui conduisent l’urine du glomérule au tube collecteur. Ce passage au sein des différentes parties s’accompagne de phénomènes de réabsorption et de sécrétion [18]. Ce système est divisé en plusieurs parties  constituées sur la base de différences histologiques et fonctionnelles :

Le tube contourné proximal
Il fait directement suite au glomérule. Le tube contourné proximal peut histologiquement être également divisé en trois parties S1, S2 et S3. Le tube contourné proximal correspond à la subdivision S1 et au début de la division S2. Au sein du segment S1, les cellules ont un cytoplasme acidophile, les microvillosités de la bordure en brosse sont bien développées et de nombreuses mitochondries sont présentes. La transition entre S1 et S2 est progressive. Les cellules deviennent cubiques, la hauteur des microvillosités et la quantité de mitochondrie se réduit. Le segment S3 est composé d’un épithélium cubique simple (kidneypathology [41].

L’anse de Henlé est responsable du processus fondamental de concentration des urines. Le segment descendant est perméable à l’eau mais sa perméabilité à l’urée et au chlore étant moindre, une urine hyper osmotique est présente au niveau de l’anse de Henlé. Le segment ascendant est imperméable à l’eau mais les ions sodium et chlorure sont réabsorbés vers le milieu interstitiel, créant ainsi une urine hypoosmotique à la sortie de cette partie du néphron [44].

Le tube distal comprend le tube contourné distal et la branche ascendante large de l’anse de Henlé. La réabsorption des ions sodium du liquide tubulaire a lieu à cet endroit sous contrôle de l’aldostérone [54].

Le tube collecteur draine plusieurs néphrons. Il secrète des ions H+ par un mécanisme actif ATPase H+ le tube collecteur est aussi perméable a l’urée. La perméabilité à l’eau est sous la dépendance d’ADH [21].

Fonction rénale

Le rein possède deux grandes fonctions : urinaire et endocrine

La fonction urinaire

➤ L’élimination des déchets métaboliques et un maintien de l’équilibre hydro électrolytique Le rôle du tubule consiste à réabsorber la quasi-totalité (99,4 %) des solutés du filtrat glomérulaire utiles à l’organisme et à sécréter les déchets métaboliques néfastes au bon fonctionnement de l’organisme, non ou insuffisamment filtrés au niveau glomérulaire [41].
➤ Un maintien de l’équilibre des fluides interstitiels. Le rein règle l’élimination de toutes les substances minérales en maintenant constante la composition ionique du plasma. La réabsorption du sodium est contrôlée par l’aldostérone qui retient le sodium et l’eau en favorisant l’élimination dans l’urine du potassium et le potassium filtré est totalement réabsorbé par le tube proximal. Le potassium éliminé dans l’urine est secrété par le tube distal où il est échangé ion pour ion avec le sodium [49].
➤ Un maintien de l’équilibre acido-basique L’élimination d’ions H+ et la réabsorption d’ions HCO3- sous forme de bicarbonate de sodium au niveau des cellules tubulaires du tube contourné proximal et distal par le rein permet une régulation du pH. La ventilation pulmonaire sur l’élimination de CO2 peuvent être utilise comme moyen de défense contre la perturbation de l’équilibre acido-basique .

La fonction endocrine

➤ Elle permet une régulation de la volémie et de la pression artérielle avec la sécrétion de rénine et l’activation de système rénine-angiotensinealdostérone. L’appareil juxtaglomérulaire est formé par l’accolement d’un segment de la paroi de l’artériole afférente du glomérule et d’une portion de celle du tubule contourné distal. Les cellules épithéliales différenciées au contact des artérioles afférentes et efférentes et les cellules juxtaglomérulaires. La diminution du NaCl au niveau de la macula densa entraine la vasodilatation des artérioles afférentes et l’augmentation de la sécrétion de rénine par les cellules juxtaglomérulaires des artérioles afférentes et efférentes qui sont le site de stockage de cet enzyme [27]. La rénine convertit l’angiotensinogène en angiotensine I qui est convertie en angiotensine II par le facteur de conversion et qui entraine la vasoconstriction des artérioles efférentes et par conséquent l’augmentation de poids corporelles et la normalisation du DFG [30].
➤ La sécrétion de rénine constitue la première étape d’une réaction en chaine concourant au maintien de la volémie et de la pression artérielle [27].
➤ La régulation de l’érythropoïèse : la production d’érythropoïétine (EPO) a lieu dans certaines cellules de l’interstitium dans un contexte d’hypoxémie (anémie, perturbations du flux sanguin rénal …). L’EPO stimule la production d’érythrocytes au sein de la moelle osseuse [41].
➤ Le métabolisme de la vitamine D : le calcitriol, forme active de la vitamine D, est une hormone prépondérante dans la régulation de la calcémie et de la phosphorémie. Elle favorise la réabsorption tubulaire rénale du calcium et du phosphore, stimule la réabsorption calcique au niveau intestinal et mobilise le calcium osseux. Le calcitriol est obtenu après hydroxylation au niveau hépatique puis au niveau des cellules tubulaires rénales [21].
➤ La sécrétion de prostaglandines : les prostaglandines provoquent une vasoconstriction des artérioles efférentes permettant une augmentation de la pression intra-glomérulaire et donc du débit de filtration glomérulaire. Leur sécrétion est stimulée en cas de diminution de la pression intra-glomérulaire. Au cours du processus de filtration, de réabsorption et d’excrétion, les reins peuvent être exposés à des concentrations élevées de substances toxiques d’origine endogène et exogène. Certaines cellules rénales sont ainsi exposées à des concentrations de substances toxiques beaucoup plus élevées que les concentrations sanguines. Cette exposition sera ainsi à l’origine de dysfonctionnement rénal pouvant évoluer vers la chronicité [41; 54].

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre I : Généralités sur le rein
I.Rappels sur la structure et le fonctionnement rénal
I.1.Structure macroscopique
I.2. Structure microscopique
I.3. Structure glomérulaire
I.4. Système tubulaire
I.5. Fonction rénale
I.5.1. La fonction urinaire
I.5.2. La fonction endocrine
II.Nature et caractéristiques des lésions rénales
II.1. La nécrose tubulaire aigue (NTA)
II.2. Les néphrites interstitielles
II.2.1. La néphrite interstitielle chronique
II.2.2. La néphrite tubulo-interstitielle
II.3. Les lésions glomérulaires
Chapitre II : Néphrotoxicité des métaux lourds
I. généralités sur les métaux lourds
I.1 quelques rappels
I.2 classification
I.3 propriétés physico-chimiques des métaux lourds
I.4 Etiologie des intoxications aux métaux lourds
I.4.1 Exposition non professionnelle
I.4.2.Exposition professionnelle
I.5 Toxicocinétique des métaux lourds
II. Toxicité des métaux lourds
II.1 Valeurs toxicologiques de référence
II.2 Mécanisme de toxicité des métaux lourds
II.2.1. Perturbations enzymatiques par leur fonction thioloprive
II.2.2. Compétition avec les éléments minéraux de l’organisme
II.2.3.Affinité pour les groupements phosphates des acides nucléiques
II.3. Vulnérabilité du rein ou facteurs de risque de la néphrotoxicité des métaux lourds
II.4. Epidémiologie de la néphrotoxicité des métaux lourds
II.5. Manifestations cliniques de la néphrotoxicité des métaux lourds
II.5.1 Les lésions tubulaires aigues
II.5.2 Néphrite tubulo-interstitielle chronique
II.5.3 Lésions glomérulaires
II.6. Diagnostic de la néphrotoxicité des métaux lourds
II.6.1 Les marqueurs biologiques de néphrotoxicité
II.7. Prise en charge thérapeutique de la néphrotoxicité des métaux lourds
II.7.1. Elimination des sources d’exposition
II.7.2. Traitement chélateur
II.7.3. traitement épurateur
II.7.3.1. Diurèse
II.7.3.2 Hémodialyse
II.7.3.3 Dialyse péritonéale
II. 8. Prévention de la néphrotoxicité
CONCLUSION
REFERENCES

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