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Les fondements théoriques de la late adolescence
Dans cette première section, nous aborderons les fondements théoriques de la late adolescence. Notre objectif sera de montrer que la late adolescence est caractérisée par une double désynchronisation et son allongement, nécessitant d’une part, une échelle de mesure en complément des marqueurs objectifs et d’autre part, de mobiliser approches naturelles et culturelles.
Pour ce faire, nous procéderons en deux temps correspondant respectivement à nos deux sections:
Dans une première sous-section (I), notre objectif sera de montrer que l’allongement et la désynchronisation de la maturité physique et des rôles sociaux adultes caractérisant la late adolescence, en font une construction qui nécessite de mobiliser approches naturelles et culturelles.
Nous commencerons par montrer que la late adolescence est caractérisée par un achèvement de la maturation cérébrale caractéristique de l’adolescence.
Nous verrons ensuite que la late adolescence est caractérisée par un allongement de l’écart caractéristique de l’adolescence, entre maturité physique et rôles sociaux adultes.
Dans la deuxième sous-section (II), notre objectif sera de montrer que l’allongement et la désynchronisation des marqueurs objectifs et subjectifs d’entrée dans l’âge adulte caractérisant la late adolescence, en font un processus nécessitant une échelle de mesure en complément des marqueurs objectifs.
Nous commencerons par montrer que la late adolescence est caractérisée par un allongement et une désynchronisation des marqueurs objectifs et subjectifs d’entrée dans l’âge adulte qui en font un processus.
Nous verrons ensuite que la late adolescence est caractérisée par la construction d’un « soi » autonome qui dépend à la fois de marqueurs objectifs et subjectifs, montrant ainsi la nécessité d’une échelle de mesure en complément de l’approche objective.
Qu’est-ce que la late adolescence ?
Dans cette première sous-section (I), nous aborderons les fondements ontiques de la late adolescence.
Notre objectif sera de montrer que l’écart entre maturité physique et rôles sociaux adultes qui caractérise la late adolescence en font une construction. Pour ce faire, nous aborderons et mettrons en perspective les approches physiologiques et culturelles de l’adolescence.
Nous commencerons par aborder l’approche biologique de l’adolescence, qui est première dans le traitement du sujet. Le développement à l’adolescence introduisant la question du contexte du fait de son importance en la matière, nous aborderons l’approche culturelle qui est notamment apparue en réponse aux limites de l’approche biologique.
Les aspects physiologiques de la late adolescence
L’adolescence est souvent envisagée, comme une réalité en soi dans une approche biologique et comme une construction sociale dans une approche anthropologique. Cet état de tension entre aspects « naturels » et « culturels », constitue le point de départ nécessaire pour comprendre l’adolescence car les approches et définitions en la matière, mettent plus ou moins l’accent sur un de ces deux aspects.
La puberté
L’approche « naturelle » constitue une référence pour comprendre l’adolescence. Les premières théorisations en la matière (Hall, 1904) accordent la prépondérance à cette approche et plus précisément à la puberté, pour définir l’adolescence. Nonobstant les critiques à son égard, cette approche notamment avec les progrès plus récents sur le développement du cerveau, continue d’exercer une influence significative sur les théorisations de l’adolescence.
– Le concept de puberté
L’approche pubertaire constitue une référence pour comprendre l’adolescence. En effet, toutes les autres approches se sont développées par rapport à cette dernière, que ce soit pour la développer, l’intégrer en la dépassant ou s’en démarquer. Il est donc nécessaire de commencer par présenter cette approche.
La puberté renvoie aux transformations hormonales et aux changements corporels qui se produisent à l’adolescence. Elle débute avec une augmentation de la production hormonale et se termine au moment où les organes reproducteurs deviennent matures. D’un point de vue physique, l’enfant devient adulte. D’une part, sa masse corporelle et sa taille augmentent. D’autre part, ses caractères sexuels primaires et secondaires se développent (Langis et Germain, 2009).
La puberté débute avant l’apparition des premiers signes visibles (bourgeons mammaires chez la fille et poils pubiens chez le garçon) dès qu’il y a production d’hormones, indiquant ainsi que le corps amorce sa transformation. La puberté se déclenche en réponse à un signal hormonal donné par l’hypothalamus, qui est une structure située à la base du cerveau. Ce signal stimule l’hypophyse (glande pituitaire) qui est située à proximité de l’hypothalamus. Les hormones de l’hypophyse activent ensuite les glandes surrénales, qui sont situées au sommet des reins et les gonades (ovaires et testicules). La puberté comporte deux étapes : l’activation des glandes sexuelles (adrénarche) et la maturation des glandes sexuelles.
L’activation des glandes sexuelles se produit entre six et huit ans. Les glandes surrénales se mettent alors à sécréter des taux de plus en plus élevés d’androgènes, notamment de la déhydroépiandrostérone (DHEA) (Susman et Rogol, 2004). La DHEA participe à l’apparition des poils, à la croissance accélérée du corps et au développement des glandes sébacées et sudoripares ;
La maturation des glandes sexuelles se produit quelques années plus tard. La production de DHEA connaît une nouvelle augmentation déclenchant ainsi la croissance des organes génitaux et leur accès à la maturité (McClintock et Herdt, 1996).
Le début de l’augmentation d’activité hormonale dépend du moment où le corps atteint une masse adipeuse critique. La puberté débute en moyenne entre 8 à 13 ans et dure de 18 mois à 6 ans. Des variations importantes en la matière ont cependant été constatées. Durant les deux derniers siècles, pour chaque génération la puberté a commencé plus tôt que pour la génération précédente (Tanner, 1991).
– La tendance séculaire
Au cours du 20ème siècle, le déclenchement de la puberté a été avancé de quelques mois à chaque génération (Alsaker et Flammer, 2006). Au début du 20ème siècle, la puberté débutait en moyenne entre 12 et 13 ans chez les filles, pour lesquelles les premières règles survenaient entre 14 et 15 ans. Une étude américaine a montré qu’à la fin du 20ème siècle, la puberté débutait en moyenne à l’âge de 8 ans pour 15% des filles, les premières règles survenant vers 12 ou 13 ans. De la même manière en France, l’âge de la puberté est passé de 16 ans environ lors la seconde moitié du 18ème siècle, à 13 ans environ lors la seconde moitié du 20ème siècle (Courchesne, 2001).
Il est également possible que l’âge de la puberté chez les garçons ait avancé au cours des siècles. A l’instar des filles, ils ont bénéficié de l’amélioration de l’environnement et de l’apport nutritionnel. Néanmoins, la puberté masculine a été peu étudiée car elle plus difficile à valider. La mue de la voix paraît être un bon indicateur même s’il est peu utilisé. Interroger les garçons sur leurs premières éjaculations s’avère délicat et non vérifiable.
Cet avancement pubertaire appelé tendance séculaire est causé par des facteurs génétiques et environnementaux. Les gènes des chromosomes sexuels exercent une influence significative sur le déclenchement de la puberté, notamment sur la production des hormones. 50% des variations en matière puberté sont attribuées à la génétique (Gluckman, Buklijas, et Hanson, 2016). En matière de facteurs environnementaux, le surpoids et le stress, ont notamment été identifiés comme des facteurs accélérant le début de la puberté.
Les évolutions pubertaires ont été clairement mises en relation avec l’industrialisation et la qualité de vie, ce qui explique qu’elles ne débutent pas à la même époque dans les différents pays européens. La tendance séculaire semble s’être arrêtée dans les pays développés (Roche et Sun, 2003). L’âge de la puberté s’est maintenant stabilisé à l’exception des pays qui sont toujours en transition car ils passent de conditions de vie moins favorisées à des conditions plus privilégiées. Le développement physique ne se limite pas à la puberté comme cela a longtemps été envisagé. Depuis une trentaine d’années, les recherches ont également montré que l’adolescence est une période importante de maturation cérébrale. Nous allons donc maintenant aborder le développement du cerveau.
Le cerveau
Alors que l’on pensait le développement cérébral achevé à la puberté, les études récentes montrent d’une part, que l’adolescence est une période importante de maturation cérébrale et d’autre part, que cette maturation se poursuit après la fin de la puberté (Cannard, 2015).
– La structure cérébrale
A l’adolescence, les changements les plus importants se produisent dans les parties suivantes de la structure cérébrale :
Le corps calleux, désigne le faisceau d’axones assurant l’interconnexion entre les deux hémisphères cérébraux. Il permet le transfert des informations entre les deux hémisphères ;
Le cortex préfrontal, désigne la partie du cerveau assurant les fonctions de planification et de régulation affective. Il assure ainsi en partie l’organisation temporelle des opérations mentales, le maintien provisoire d’informations en mémoire sur lesquelles il faut opérer (mémoire de travail) et le filtrage par activation et inhibition des informations pertinentes et non pertinentes (certaines formes d’attention) ;
L’amygdale, désigne une structure du système limbique qui est le siège des réactions émotionnelles rapides. L’amygdale participe à la reconnaissance et l’évaluation de la valence émotionnelle des stimuli sensoriels, à l’apprentissage associatif et aux réponses comportementales et végétatives associées en particulier à la peur et l’anxiété.
Le développement du cerveau à l’adolescence se produit de façon inégale. Le système limbique (siège de la peur et des pulsions affectives) parvient à maturité des années avant le cortex préfrontal (siège de la planification et de la régulation affective). Le système limbique une fois mature, est particulièrement sensible aux émotions fortes et immédiates qui ne sont pourtant pas bien régulées par le cortex préfrontal, qui lui est toujours en développement.
Les parties du cerveau qui activent les émotions étant matures avant celles qui en assurent la régulation, les adolescents sont plus sujets aux comportements à risques, désordres et troubles émotionnels, que les adultes.
Les aspects subjectifs de la late adolescence
Les premières approches subjectives de l’adolescence s’inscrivent dans une approche psychologique contextuelle appelée life span. L’approche psychologique life span a fait l’objet de critiques par une approche sociologique contextuelle appelée life course. Nous aborderons successivement ces deux approches.
L’approche life span
L’approche life span est apparue en psychologie en réponse aux limites de l’essentialisme de l’approche structurale. Elle constitue plus précisément une remise en question d’une hypothèse centrale de l’approche structurale, à savoir l’existence d’une séquence hiérarchique invariante et universelle de développement.
– Hypothèses
L’approche life span s’appuie sur l’hypothèse du caractère contextuel et interactionniste du développement psychologique. Le développement psychologique serait moins structuré par les aspects biologiques et moins homogène que ce que postule l’approche structurale.
Plus particulièrement, l’approche life span met en exergue l’affaiblissement du pouvoir de scansion des marqueurs biologiques dans leur rôle de limite entre les différentes étapes du développement psychologique.
D’après cette approche, le caractère contextuel et notamment historique du développement, diminue le rôle de frontière psychologique des marqueurs biologiques car leur franchissement ne marque plus l’entrée dans des étapes stabilisées du développement psychologique. Les principes de l’approche life span sont présentés ci-dessous (B. Baltes, 1987) :
Le développement est un processus qui se déroule tout au long de la vie ;
Le développement est multidimensionnel et multidirectionnel, comprenant ainsi des interactions entre facteurs physiques, émotionnels et psychosociaux ainsi que des gains et des pertes tout au long de la vie ;
Le développent est plastique signifiant ainsi que les caractéristiques des individus sont malléables ;
Le développement est influencé par le contexte historique ;
Le développement est un processus interactif entre l’individu et l’environnement ;
Le développement est un champ de recherche multidisciplinaire.
Dans cette approche, le développement n’est plus envisagé comme une succession hiérarchique et invariante de stades, du fait de la remise en question d’une structure de développement préétablie mais comme une identité à construire. Par conséquent, l’objectif de la recherche n’est plus de déterminer la durée, le nombre et la succession des stades, mais de rendre compte de l’expérience subjective propre à chaque âge.
En raison de ce changement de principes la définition même de l’adolescence évolue. Elle devient de plus en plus envisagée comme une tâche de développement, consistant en la construction de soi et plus précisément, comme la construction d’un « soi » en contexte.
– Définitions
En examinant l’effet du contexte sur le développement de l’adolescent, l’approche life span a permis de mettre en exergue le caractère contextuel du développement adolescent. Arnett et Taber (1994) ont examiné l’effet structurant de la socialisation sur le développement psychologique de l’adolescent.
D’après ces auteurs, les différences dans la durée et la variabilité de l’adolescence reflètent les différences des cultures en matière de socialisation et plus précisément le caractère « large » ou étroit » de leurs pratiques de socialisation. D’après la théorie de la socialisation « large » et étroite » proposée par ces auteurs, la socialisation a lieu dans sept domaines différents : la famille, les pairs, l’école, le voisinage ou communauté, les media, le système légal et le système de croyances culturelles (Arnett, 1995).
Les cultures caractérisées par une socialisation « large » encouragent l’indépendance, l’individualisme et l’expression de soi. Il s’agit par exemple, des États-Unis, du Canada et de l’Europe de l’ouest. A l’inverse, les cultures caractérisées par une socialisation « étroite » favorisent l’obéissance et le conformisme et sanctionnent les écarts par rapport aux normes culturelles. Il s’agit par exemple de la Chine ou du Japon.
Chaque culture est plus ou moins « large » ou « étroite » sur chacune des sept dimensions.
Néanmoins, il y a une cohérence dans la largeur ou l’étroitesse des cultures entre dimensions.
En distinguant les cultures en fonction de leur mode de socialisation, soit large (qui favorise l’individualisme, l’indépendance et l’expression de soi), soit étroit (qui favorise l’obéissance et le conformisme) Arnett et Taber (1994) ont identifié un mode de construction de soi propre aux cultures à socialisation large. Dans ce mode socialisation l’adolescence est définie par quatre tâches de développement :
L’autonomie cognitive : il s’agit d’anticiper les conséquences de ses actes et de faire des plans pour le futur, plutôt que de vivre pour les plaisirs du moment. Il s’agit également de décider de ses croyances et valeurs seul, indépendamment de ses parents et des autres adultes ;
L’autonomie affective : il s’agit de compter sur soi-même pour son bien-être. En particulier, il s’agit de ne pas se tourner vers ses parents à chaque problème émotionnel mineur mais d’être capable de gérer soi-même ses émotions ;
L’autonomie comportementale : il s’agit d’exercer un contrôle sur soi et notamment sur sa consommation d’alcool, sa conduite routière et sa sexualité. Il s’agit également, d’assumer les conséquences de ses actes plutôt que d’attendre de l’aide de ses parents et d’autres adultes ; L’indépendance résidentielle et financière. Il s’agit de passer de la dépendance de l’enfant à l’indépendance de l’adulte et de prendre ses responsabilités (e.g., laver son linge, payer ses factures et prendre ses décisions).
Le développement psychologique à l’adolescence introduisant la question du contexte du fait de son importance en la matière nous allons aborder l’approche sociologique contextuelle.
L’approche life course
L’approche life course est apparue en réaction à l’essentialisme de l’approche fonctionnaliste. Elle constitue plus précisément une remise en question d’une hypothèse centrale du fonctionnalisme, à savoir l’existence d’âges collectifs préétablis.
Hypothèses
L’approche life course s’appuie sur les hypothèses de « déstandarisation » et de « désinstitutionalisation » du cycle de vie. Les existences seraient de moins en moins structurées par les institutions et de moins en moins homogènes. Autrement dit, les parcours de vie seraient plus flexibles et marqués par un décloisonnement des âges de la vie.
Plus particulièrement, l’approche life course met en exergue l’affaiblissement du pouvoir de scansion des marqueurs démographiques dans leur rôle de limite sociale entre les différents âges. D’après cette approche, l’individualisation des parcours de vie et leur réversibilité diminue le rôle de frontière sociale des marqueurs démographiques car leur franchissement ne marque plus l’entrée dans des étapes stabilisées de l’existence.
Les principes de l’approche life course sont présentés ci-dessous (Elder, Johnson, et Crosnoe, 2003) :
Le principe du développement tout au long de la vie, postule que les gains et les pertes se produisent tout au long de la vie ;
Le principe de l’agentivité, postule que les individus construisent leur propre parcours de vie et ne subissent pas passivement les influences externes ;
Le principe du temps et du lieu, postule que le parcours de vie des individus est influencé par le contexte historique et les lieux fréquentés ;
Le principe de la temporalité, postule que les mêmes évènements n’auront pas les mêmes effets en fonction du moment de leur survenue dans la vie des individus ;
Le principe des vies liées, souligne que les vies se déroulent de manière interdépendante.
Dans cette approche, les existences ne sont plus envisagées comme une succession d’étapes à traverser du fait de la remise en question de l’hypothèse d’âges préétablis mais comme une identité à construire. Par conséquent, l’objectif de la recherche n’est plus de déterminer la durée, le nombre et la succession des âges mais de rendre compte de l’expérience subjective propre à chaque âge.
En raison de ce changement d’hypothèses la définition de l’adolescence change. L’adolescence est alors envisagée comme une expérience ou une épreuve de construction de soi, consistant en la construction d’un « soi » en contexte.
– Définitions
L’approche life course a permis de mettre en exergue l’existence de différents parcours de jeunesse en fonction du contexte.
Van de Velde (2007) a examiné l’effet structurant des formes d’état-providence sur les expériences de jeunesse, à l’aide de la typologie des régimes d’état-providence d’Esping-Andersen (1999). Cette typologie compare les modèles sociaux en fonction de trois variables : les modes d’interventions étatiques, les systèmes éducatifs en lien avec le marché du travail et les normes d’indépendance familiale.
Elle comporte quatre modèles : le modèle « social-démocrate » des sociétés scandinaves, le modèle « libéral » anglo-saxon, le modèle « conservateur » de la France et de l’Allemagne et le modèle « familialiste » de l’Espagne et l’Italie.
Van de Velde (2007) a montré qu’à ces quatre modèles, correspondent des formes d’expériences de la construction d’un « soi » en contexte différentes :
L’expérience de « se trouver » qui correspond à un modèle danois. Dans cette perspective, la jeunesse correspond à un temps long d’exploration et d’expérimentation dans une logique de développement personnel. Ce modèle est caractérisé par une prise d’indépendance précoce et par une discontinuité, à la fois dans les statuts familiaux (alternance union libre et vie solitaire) et dans les statuts sociaux (alternance entre études et expérience professionnelles) ;
L’expérience de « s’assumer » qui correspond à un modèle britannique. Dans cette perspective, la jeunesse s’inscrit dans une logique d’émancipation individuelle avec des trajectoires courtes orientées quasi exclusivement vers la recherche d’emploi. Ce modèle est caractérisé par l’indépendance résidentielle précoce, qui se prolonge par des études courtes et autofinancées, clôturées par l’accession rapide à l’emploi salarié et aux statuts conjugaux et parentaux ;
L’expérience de « se placer » qui correspond à un modèle français. Dans cette perspective, la jeunesse correspond à un investissement dans le capital humain sous la forme de la scolarisation et de la course au diplôme. Ce modèle est caractérisé par des parcours étudiants relativement courts mais linéaires, à la fin desquels s’impose la nécessité d’une rapide installation matrimoniale et professionnelle ;
L’expérience de « s’installer » qui correspond à un modèle espagnol. Dans cette perspective, la jeunesse s’inscrit au contraire dans une logique d’appartenance familiale, consistant à obtenir emploi stable, se marier et acheter un logement. Dans ce modèle, la cohabitation familiale se poursuit tant que ces conditions ne sont pas remplies. La jeunesse est une phase d’attente et de préparation à la réalisation des conditions économiques et familiales, nécessaires à l’installation. Les approches subjectives constituent un apport intéressant à l’étude de la late adolescence. Ces approches ont permis de mettre en exergue l’affaiblissement de pouvoir de scansion des marqueurs objectifs dans leur rôle de limite entre les différents âges. Ainsi, le franchissement de ces marqueurs ne seraient pas associés à une perception de soi comme adulte ou à une identité adulte par les individus. Ces approches ont également permis de mettre en exergue l’importance des critères subjectifs de maturité ou d’entrée dans l’âge adulte et notamment la construction d’un « soi » autonome qui caractérise la late adolescence.
Les approches subjectives ont cependant fait l’objet de critiques de la part des approches objectives.
Les résultats montrant l’affaiblissement des marqueurs objectifs et leur désynchronisation avec l’identité adulte et notamment ses aspects subjectifs, nécessitent d’être nuancés car ils ne relient pas l’auto perception de l’âge adulte aux expériences effectives des marqueurs objectifs.
Ainsi, les résultats d’autres études suggèrent que les transitions démographiques effectivement vécues, distinguent significativement les individus qui se perçoivent peu ou pas adultes des individus qui se perçoivent entièrement adultes (Settersten JR., Ottusch, et Schneider, 2015 ; Shanahan et al., 2005). L’identité adulte et ses aspects subjectifs dépendent donc à la fois de marqueurs objectifs et notamment statutaires et d’aspects subjectifs et notamment de l’autonomie. Ces résultats suggèrent ainsi la complémentarité des approches objectives et subjectives.
Les approches des consommateurs adolescents
Dans cette première sous-section, nous aborderons les approches de l’adolescence en marketing. Notre objectif sera de mettre en exergue les insuffisances de l’approche objective de l’adolescence en marketing et de montrer l’intérêt de l’approche contextuelle.
Nous commencerons par aborder l’approche secondaire objective et ses développements. Nous verrons que nonobstant les développements récents l’approche secondaire opérationnelle présente des limites.
Nous aborderons ensuite l’approche contextuelle. Nous verrons que l’approche life course et plus précisément le life course perspective, présente des apports intéressants en matière de conceptualisation de l’adolescence.
L’approche secondaire
Actuellement en marketing, le paradigme dominant en matière d’adolescence est l’approche secondaire objective, issue de la psychologie structurale et de la sociologie fonctionnaliste. Une approche secondaire subjective a été proposée en réponse aux limites de l’approche objective. Nous aborderons successivement ces deux approches.
L’approche secondaire objective
Les premières définitions de l’adolescence en marketing s’inscrivent dans une approche structurale issue de la psychologie. L’approche structurale de l’adolescence a ensuite été remise en question, au profit d’une approche fonctionnaliste issue de la sociologie. Nous aborderons successivement ces deux approches.
– L’âge chronologique
Une première approche de l’adolescence en marketing s’inscrit dans l’opérationnalisme de la psychologie structurale. Elle est basée sur l’hypothèse que l’âge chronologique est pertinent pour segmenter les comportements de consommation des individus.
Hypothèses
Dans cette approche, les comportements de consommation sont considérés comme une fonction de l’âge chronologique ou physique. L’âge chronologique est centré sur l’âge physiologique du développement des individus. L’âge chronologique peut être défini comme le nombre d’années vécues par l’individu depuis sa naissance (Barak et Gould, 1985).
Dans l’approche de l’adolescence basée sur l’âge chronologique, les comportements de consommation changent en fonction du stade de développement de l’individu, en raison d’un effet structurant du développement psychologique et physique sur les comportements de consommation.
L’âge chronologique est une variable continue qui est en pratique traitée comme une variable discrète. L’âge chronologique est mesuré en calculant l’écart entre la date de naissance et l’âge actuel de l’individu. Le développement de normes à partir de l’âge chronologique repose sur trois hypothèses (Laveault et Grégoire, 2014) :
La variation du trait mesuré avec l’âge
Le trait mesuré doit varier avec l’âge chronologique et ne doit pas être arrivé au terme de son développement.
La linéarité de la relation entre l’âge et le trait mesuré
La relation entre le trait mesuré et l’âge doit être linéaire. Le niveau d’âge chronologique attribué à un trait mesuré sera plus ou moins adéquat en fonction du degré de corrélation.
L’absence de différences individuelles
Il ne doit pas y avoir de différences intra et interindividuelles relatives au trait mesuré.
Définitions
Dans cette approche, l’adolescent est généralement défini comme un individu de 12- 18 ans ou de 11-19 ans, bien qu’il n’y ait pas de consensus en la matière (Fosse-Gomez, 1991 ; Derbaix et Leheut, 2008)
Néanmoins, le marketing ne s’accorde pas en ce qui concerne les limites à donner à l’adolescence. Concernant sa limite inférieure, des définitions fixant par exemple le début de l’adolescence à 14 ou 16 ans sont présentes. Concernant sa limite supérieure, des définitions fixant la fin de l’adolescence à 25 ans sont présentes (Derbaix et Leheut, 2008).
Nous aborderons en détails dans la deuxième sous-section (II), les modalités prises par la variable « âge chronologique » en ce qui concerne les limites inférieures et supérieures de la classe « adolescence ».
L’approche structurale basée sur l’âge chronologique a fait l’objet de remises en question au profit d’une approche fonctionnaliste, qui expliquerait mieux les comportements de consommation (Haytko et Baker, 2004).
– Les marqueurs démographiques
Une seconde approche objective de l’adolescence en marketing, s’inscrit dans l’opérationnalisme de la sociologie fonctionnaliste. Elle est basée sur l’hypothèse que les marqueurs démographiques sont pertinents pour segmenter les comportements de consommation des individus.
Hypothèses
Dans cette approche, les comportements de consommation sont considérés comme une fonction de l’âge social. L’âge social est centré sur les aspects sociodémographiques de l’existence des individus. L’âge social peut être défini comme un indicateur de la position occupée par l’individu dans le cycle de vie (Van de Velde, 2015).
Dans l’approche de l’adolescence basée sur l’âge social, les comportements de consommation changent en fonction de la position de l’individu dans le cycle de vie en raison de l’hypothèse d’un effet structurant des statuts et rôles sociaux, associés aux différents âges dans le cycle de vie, sur les comportements de consommation (Wilkes, 1995).
L’âge social est mesuré en examinant la position de l’individu d’un point de vue sociodémographique dans le cycle de vie. Le développement de normes à partir de l’âge social repose sur trois hypothèses similaires à celles de l’âge chronologique (Laveault et Grégoire, 2014) :
La variation du trait mesuré avec l’âge
Le trait mesuré doit varier avec l’âge social et ne doit pas être arrivé au terme de son développement.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 – Nature et approches du consommateur late adolescent
Introduction du chapitre 1
Section 1 – Les fondements théoriques de la late adolescence
Section 2 – Approches et définitions des consommateurs adolescents
Conclusion du chapitre 1
Chapitre 2 – Les spécificités du consommateur late adolescent
Introduction du chapitre 2
Section 1 – Late adolescence et identité
Section 2 – Late adolescence, identité et consommation
Conclusion du chapitre 2
Chapitre 3 – Méthodologie de la recherche
Introduction du chapitre 3
Section 1 – Théorie et méthodologie de la mesure
Section 2 – Le construit et les données
Conclusion du chapitre 3
Chapitre 4 – Résultats de la recherche
Introduction du chapitre 4
Section 1 – Aspects continus du construit
Section 2 – Aspects discrets du construit
Conclusion du chapitre 4
Discussion
Section 1 – Les aspects continus du construit
Section 2 – Les aspects discrets du construit
Conclusion générale
Annexes
Bibliographie
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