Depuis la fin du 20ème siècle, l’agriculture française ne cesse de s’adapter et d’innover pour répondre aux demandes du marché et aux enjeux environnementaux. Dans le sud de la France, la viticulture est confrontée à des changements climatiques qui se manifestent par des aléas de plus en plus marqués au fil des années (gel, sécheresse, inondation, grêle …). Les conséquences associées à ces fluctuations peuvent être accrues ou, à l’inverse, atténuées en fonction des outils et des techniques utilisées. Dans ce contexte, certains événements climatiques associés à des pratiques agricoles inadaptées sont la cause d’une altération profonde de la ressource en sol. La qualité du sol est un élément indissociable de la productivité et de la pérennité d’un vignoble. Un des grands défis de la viticulture du 21ème siècle est de préserver cette ressource par un système de conduite approprié.
L’enherbement (soit la présence d’espèces herbacées dans une parcelle de vigne, quelque soit son implantation, origine, …) est une des pratiques les plus connues pour limiter l’érosion du sol. Il a néanmoins été abandonné à cause de la concurrence qu’il exerce sur les ressources du sol au détriment de la culture. Les conditions climatiques du sud de la France y sont d’autant plus défavorables (faibles précipitations et fortes températures). Pour des questions de rentabilité, le maintien d’un couvert végétal au sein du vignoble est donc peu répandu dans cette région.
Néanmoins, aujourd’hui, l’enherbement connaît un regain d’intérêt et prend dorénavant plusieurs formes. Il ne s’agit plus seulement d’amener une couverture du sol mais d’apporter avec lui des intérêts pratiques (portance), agronomiques (conservation des sols) et environnementaux (biodiversité de la faune et la flore). Ce constat a amené le laboratoire Natoli & associés à se pencher sur la question de l’impact de l’enherbement inter-rang sur la vigne dans le sud de la France. L’idée est d’analyser différents couverts sur plusieurs territoires pour en évaluer les effets et ainsi mieux adapter le conseil viticole à chaque situation.
Le Languedoc-Roussillon est connu comme le berceau de la viticulture en France. Au Ier siècle après Jésus Christ, la culture de la vigne s’est peu à peu étendue en suivant les grands couloirs maritimes notamment dans la vallée du Rhône (Inter Rhône, 2020). L’ensemble de ces territoires a connu à la fin du 20ème siècle une importante campagne d’arrachage qui a considérablement réduit les surfaces viticoles existantes. Le Languedoc-Roussillon reste cependant le vignoble le plus étendu du territoire français avec 30 % de la surface totale en vigne (DGDDI-CVI 2013), 226 000 ha au total (Chambre d’Agriculture Occitanie). Le vignoble du sud de la France est un des plus riche en terme d’encépagement et se compose d’une multitude d’ensembles paysagers (DREAL Languedoc-Roussillon, 2014 ; DREAL Auvergne-Rhône-Alpes, 2018). Il se définit ainsi par une richesse de terroir.
Le sud de la France est soumis en grande partie à un climat de type méditerranéen avec des étés chauds et secs. Les précipitations sont contrastées et peuvent suivant les secteurs se manifester par des pluies abondantes (épisodes Cévenols). La force du vent est inégale avec des couloirs préférentiels selon les régions (Météo France). La vigne et le vin ont une connotation toute particulière car ils s’inscrivent dans la culture française (Lucand et al, 2020) et ont marqué durablement son histoire. La filière viticole française est étroitement liée à des concepts politiques, économiques, culturelles, techniques, sociétaux et environnementaux (Lucand et al, 2020). La mise en place de couverts végétaux amène une réflexion sur plusieurs de ces aspects.
Depuis des générations, l’enherbement est naturellement présent au sein des vignobles. La révolution agricole du 19ème siècle (mécanisation et désherbage chimique) a entrainé une diminution des surfaces viticoles enherbées. Selon les territoires, la mise en place d’un enherbement présente plus ou moins d’avantage ce qui amène à des différences spatiales et temporelles dans l’utilisation de cette pratique.
Aujourd’hui, peu d’études chiffrent le pourcentage des surfaces enherbées au sein du vignoble français. Cette pratique semble néanmoins se développer au fil des années notamment dans une optique de conservation des sols. L’enherbement hivernal est une des plus répandues, en Languedoc-Roussillon 40 % des exploitations la pratiquerait (Frey, 2016). Ce couvert végétal, pendant la période de repos de la vigne, est un des moins concurrentiel pour cette culture. En 2013 en Languedoc-Roussillon, l’enherbement sur l’inter-rang ou total était pratiqué sur 18 % des surfaces pour les secteurs en AOP et 20 % des surfaces pour ceux non AOP* (Agreste, 2013). Parmi ces enherbements, la majorité sont sans herbes sous le rang et permanent dans l’inter-rang (Agreste, 2013; figure 2).
L’enherbement au sein de la vigne consiste à semer ou laisser se développer un couvert végétal. Il se définit à la fois par sa nature (spontané ou semé) et par sa durée (temporaire ou permanent) (Celette, 2007). Les couverts végétaux peuvent se composer d’espèces annuelles, biannuelles ou pérennes. S’ajoute à cela d’autres notions spatiales et temporelles avec le choix de la période d’enherbement (hivernal et/ou printanière ou permanente).
Le couvert végétal peut se caractériser par une culture de rente mais reste majoritairement mis en place comme culture de service dans le domaine viticole (Frey, 2016). Il tend ainsi à répondre à des besoins spécifiques (agronomiques, économiques, environnementaux, …) variables selon les domaines et les parcelles. Le choix du couvert est donc fortement dépendant des objectifs visés.
Les couverts végétaux peuvent rendre plusieurs services : régulation, support, fourniture, ainsi que des services environnementaux et culturels (figure 3; Garcia et al, 2018). Ils sont également responsables de dysservices à travers la perte de rendement qui selon les contextes peuvent être reclassés en service. Dans les vignobles septentrionaux, la pratique de l’enherbement s’est ainsi répandue en raison de la concurrence pour les ressources hydriques et azotées (Guilpart, 2004). Un enherbement permanent peut en effet être choisi dans le but de diminuer la vigueur de la vigne, notamment dans des parcelles avec un historique de développement de Botrytis (Muscas et al, 2017). A l’inverse, la structure spatiale ou la densité de semis sont des leviers qui sont utilisés pour réduire la concurrence avec la vigne, ou pour favoriser la production de biomasse. L’ensemble de ces services et dysservices sera plus amplement détaillé par la suite.
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Table des matières
Introduction
I.Contexte, état de l’art et problématique: La vigne enherbée
A.Contexte de l’étude
B.Nature des couverts végétaux et stratégies de gestion de l’enherbement
C.Les avantages agronomiques et environnementaux des couverts végétaux
D.Des contraintes perceptibles à travers l’utilisation des couverts végétaux
E.Problématique de l’étude
II.Matériels & Méthodes
A.Parcellaire d’étude
B.Analyse du couvert végétal et son effet sur le sol
C.Analyse du développement végétatif, suivi de l’état hydrique et minéral de la vigne
D.Analyse du développement fructifère de la vigne
E.Tests statistiques utilisés
III.Résultats
A.Caractérisation du millésime 2020
B.Caractérisation des couverts végétaux
C.Impact de l’enherbement sur le développement végétatif, la nutrition hydrique et minéral de la vigne
D.Développement fructifère de la vigne
E.Limites de cette étude
F.Perspectives
Conclusion
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