DEUX PAYS, DES HISTOIRES ET UN SYSTEME EDUCATIF
Sans prétendre à la présentation exhaustive de l’histoire de ces deux pays, un retour sur certains aspects relationnels de ces derniers nous permet de poser les bases de cette étude. Nous ferons donc un premier retour historique sur l’évolution des relations franco-japonaises avant d’évoquer les histoires respectives des deux pays. Puis nous nous attarderons sur la construction et l’organisation de leurs systèmes éducatifs.
Les liens historiques entre nos deux pays
Les relations franco-japonaises : histoire croisée de deux pays
Les relations modernes entre le Japon et la France ont débuté par la signature, le 9 octobre 1858 du traité de paix, d’amitié et de commerce entre les deux pays. C’est cet anniversaire célébré en 2018 qui comme en 2008 pour le 150e anniversaire donne lieu à de nombreuses manifestations culturelles dans les deux pays (plus de 700 en France en 2008).
Des bribes d’échanges avec Hasekura Tsunenaga un samouraï japonais se rendant en France au début du XVIIe siècle ou avec François Caron un explorateur français posant le pied sur l’archipel nippon en 1619 ont pu se manifester avant le XIXe siècle. Mais c’est véritablement àpartir de ce siècle que les échanges entre les deux pays ont commencé à exister. Le Japon sort en effet de sa longue période d’isolement (sakoku). Des délégations commencent ainsi à être envoyées respectivement dans les deux pays pour étudier ou confronter différents domaines (militaire, économique, politique, culturel…).
En France, l’influence japonaise s’est particulièrement fait sentir dans le domaine artistique, l’archipel nippon ayant énormément influencé les artistes impressionnistes comme Claude Monet.
Ce dernier, passionné par le Japon a en effet accumulé une collection impressionnante d’estampes japonaises et s’est inspiré de l’archipel dans des œuvres tel que Le pont japonaisou même dans la réalisation de son jardin à Giverny. C’est de cette influence qu’émerge le japonisme, terme qui désigne l’ensemble de l’influence de la civilisation et des arts japonais sur les artistes français dans un premier temps puis occidentaux. Ces échanges culturels initiés au XIXe siècle n’ont jamais cessé de se développer avec aujourd’hui une place importante de la culture nippone en France (mangas, peinture, association, origami, art des jardins zen…). Une influence culturelle très forte donc, qui au Japon également se fait sentir avec aujourd’hui encore un engouement certain pour la culture française (tourisme, vins, gastronomie, thèmes de mangas…). Les nombreux échanges culturels viennent s’ajouter aux échanges politiques, économiques et militaires entre les deux pays.
Lors de son ouverture, plusieurs intellectuels japonais se sont rendus en France pour étudier les technologies occidentales et rattraper le retard économique du pays. De même des intellectuels ou soldats français se sont rendus au pays du Soleil levant pour former les nouvelles générations.
C’est le cas d’un des officiers français les plus célèbres s’étant rendu au Japon, le général Jules Brunet (1838 – 1911). Lors de sa mission d’instruction à l’intention de l’armée du shogun Yoshinobu Tokugawa débutant en novembre 1866, le soldat français s’est pris d’intérêt pour la culture nippone.
Un intérêt qui l’a poussé à déserter périodiquement l’armée française pour s’allier aux troupes shogunales contre le nouveau pouvoir impérial de l’île. Au-delà de cet exemple le plus célèbre, la France a aidé le Japon a moderniser son armée et développer des constructions militaires et navales de plus en plus performantes. Il y a eu plusieurs missions militaires françaises au Japon au tournant du XIXe siècle, la quatrième ayant lieu en 1918.
Par ailleurs, la France a envoyé sur l’archipel des experts en droit pour contribuer à la constitution de lois modernes. C’est le cas de Gustave Emile Boissonade (1825 – 1910) un juriste français qui de 1873 à 1895 a tenu un rôle de conseiller-juriste pour le ministère de la Justice du Japon tout en enseignant le droit à l’université impériale de Tokyo et deux écoles privées (universités Meiji et Hosei). On retrouve également un partage de technologies entre les deux pays au XIXe siècle (des tramways français sont introduits à Tokyo en 1882) et au XXe siècle (le fondateur du groupe Toyota, Toyota Sakichi, étudie les techniques de production française en 1910).
Plus récemment, les échanges entre les deux pays ont été très importants au niveau économique et culturel avec des échanges commerciaux qui ont bondi à la fin du XXe siècle. En 2016, le Japon est devenu le onzième fournisseur économique de la France, il est le deuxième partenaire commercial de la France en Asie après la Chine. Au niveau des investissements, le Japon est la dixième destination des IDE (investissements directs à l’étranger) français à l’étranger et la première destination asiatique ; il est par ailleurs le neuvième investisseur étranger et le premier asiatique en France. Les échanges au niveau de la technologie nucléaire sont eux aussi nombreux, notamment après la catastrophe de Fukushima en mars 2011, le Japon ayant accepté l’aide et le soutien de la France dans le démantèlement et le traitement de le centrale. Le nucléaire civil est un domaine privilégié de coopération ente les deux pays du fait de la similitude de leurs programmes nucléaires. Un partage de connaissances scientifiques qui est aussi le vecteur d’une coopération universitaire s’organisant autour de plus de 200 accords inter-universitaires entre des établissements d’enseignement supérieur et des organismes de recherches.
Le pays du Soleil Levant
Histoire
Pour parfaire le cadrage de notre étude, un retour sur l’histoire de l’archipel nippone est inévitable. Bien moins connu en Occident que l’histoire de France, l’histoire du Japon fait donc ici l’objet d’un résumé qui nous permet de mieux comprendre les mœurs et coutumes du pays ayant amené à la construction de son système éducatif actuel. De même que pour l’Hexagone, nous étudierons certains événements mêlant nos deux pays en nous focalisant sur le point de vu japonais.
Le XVIe siècle japonais est symbolisé par les conflits entres les différents clans d’alors. En effet depuis le XIIIe siècle le Cipango (nom chinois du Japon) évoqué par Marco Polo dans LeDevisement du monde(1298) connaît une forte période de confusion politique et de diminution du pouvoir central. Si bien qu’au XVIe siècle, de nombreux clans avec à leurs têtes des seigneurs locaux (daimyo) se disputent le pouvoir. Une période où l’empereur ne possède qu’un rôle symbolique et religieux avec aucun véritable pouvoir. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les armes à feu venues d’Europe commencent à être utilisées sur le champ de bataille. Une industrie nippone se développe même en imitant les armes amenées par les Européens. Certains grands personnages tentent puis parviennent à unifier le Japon. C’est le cas en premier lieu d’Oda Nobunaga (1534-1582) qui conquiert une grande partie du pays mais meurt avant de parvenir à son unification ; son général Toyotomi Hideyoshi (15737-1598) prend la relève et met fin à plus d’un siècle de guerres civiles en unifiant enfin le pays. C’est sous Hideyoshi que le Japon tente pour la première fois une conquête continentale avec une invasion de la Corée de 1592 à 1598 qui se solde par un échec. A sa mort, Hideyoshi donne la responsabilité à un conseil de Cinq Sages ( Tairo) de veiller sur son fils avant qu’il ne soit en âge de régner. Seulement, parmi ces cinq sages se trouve un homme qui a changé l’histoire du Japon : Tokugawa Ieyasu. Ce dernier prend le pouvoir en affrontant le fils d’Hideyoshi et ses vassaux à la célèbre bataille de Sekigahara (1600), bataille emblématique de l’histoire japonaise consacrant la victoire de Tokugawa Ieyasu (1543-1616) et de son clan qui domine ensuite le Japon pendant 250 ans. Il profite en effet des années suivant la bataille pour renforcer son pouvoir en éliminant les derniers descendants d’Hideyoshi et en s’efforçant d’édifier un système politique capable de lui survivre. On voit en ainsi une première moitié de XVIIe siècle où se met en place un régime politique nouveau avec un vœu de pacification intérieure et extérieure sans comparaison. Une paix acquise néanmoins au moyen « d’un encadrement rigide de la vie sociale et sur la cristallisation des institutions et des attitudes du siècle précédent » corollaire d’un isolement complet de l’archipel pendant cette période.
Les conflits du XVIe siècle ont donc abouti finalement à une stabilité jusqu’au milieu du XIXe siècle ; stabilité qui illustre la singularité japonaise à des périodes où la France est en conflit quasi-permanent. Le XVIIe siècle est marqué par des bribes de relations avec l’Occident puisque les Hollandais établissent un comptoir commercial sur l’île de Hirado en 1609 puis les Anglais en 1613.
Les missions religieuses occidentales sont majoritairement un échec au Japon avec de nombreuses persécutions antichrétiennes amenant l’interdiction progressive de la présence d’étrangers sur le sol nippon. L’émigration japonaise est également interdite par décret en 1636. On peut néanmoins observer un léger développement du catholicisme avec de nombreuses conversions dans les campagnes japonaises. Les premières activités missionnaires ont été organisées par les jésuites et les Ordres mendiants. Le premier missionnaire européen n’est autre que François-Xavier (1506 1552) co-fondateur de la Compagnie de Jésus qui débarque à Kagoshima en 1549 et indique dans ses Lettres du Japonqu’il reçoit un bon accueil des autorités et parvient à baptiser de nombreuses personnes dans la région de Yamaguchi au sud du Japon. Le christianisme gagne progressivement l’île de Kyushu avant le début des persécutions à la fin du XVIe siècle avec une opposition de plus en plus forte. Un répression symbolisée par les « vingt-six martyrs du Japon », vingt-six catholiques crucifiés à Nagasaki sur l’ordre de Toyotomi Hideyohsi et par les 52 chrétiens décapités et brûlés dans cette même ville en 1622.
Le système éducatif nippon
Le système scolaire japonais est organisé par Le ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie. C’est ce ministère qui fixe les programmes officiels. Les comités d’éducation des municipalités organisent ensuite l’application locale de ces programmes. Au Japon, l’école est laïque et obligatoire entre 6 et 15 ans.
Le découpage du système scolaire japonais
Le système scolaire japonais s’organise presque de la même manière que le système français au niveau du découpage par niveaux (âge). Une classe maternelle ( Youchien) pendant 3 ans puis l’école élémentaire (shougakkou)de 6 à 12 ans. C’est ce moment de la scolarité des élèves japonais qui va principalement nous intéresser dans cette étude, que ce soit à travers les méthodesd’apprentissages ou les supports utilisés pour l’enseignement de l’histoire.
On peut néanmoins préciser le reste du cursus japonais avec le chuugakkou (collège) puis le koukou(lycée) jusqu’à 18 ans ; et enfin l’université (daigaku).
Quelques caractéristiques des shougakkou
Les élèves de première année au shougakkou (6 ans) portent tous un chapeau jaune en dehors de l’école (permettant de les repérer dans la rue et de les aider à s’orienter sur le chemin de l’école). L’entrée dans les shougakkoupeut être sélective (sur concours), la sélection à l’entrée des écoles étant une modalité de tous les niveaux scolaires japonais. On dénombrait 22 476 shougakkou en 2008 avec plus de 300 000 enseignants du primaire dont plus de 80% de femmes.
L’organisation et la vie de classe peut être sensiblement différente par rapport aux écoles françaises (nettoyage de la classe par les élèves, repas dans la classe, repas organisé par les élèves…). Un enseignant est responsable d’une classe de 40 élèves en moyenne et enseigne toutes les matières. On trouve également des classes aux effectifs beaucoup moins importants avec l’exemple étudié par Jean-François Sabouret dans son article Une école primaire idyllique ? Dans lequel il présente la petite école primaire de Korigawa de la petite ville d’Okutama au nord ouest deTokyo. En 2010, l’école comptait 86 élèves avec des classes d’environ douze élèves.
Rythmes scolaires et emploi du temps
L’école au Japon débute en avril et est divisée en trois trimestres (avril-juillet / septembre décembre / janvier-mars). Il y a trois périodes de vacances (août, Noël (15 jours), et à la fin de l’année scolaire (3 semaines)).
Une journée typique d’un élève japonais se rapproche sensiblement des journées des élèves français avec un rassemblement de tous les élèves le matin suivi de quatre cours différents de 45 minutes et du déjeuner (servis par les enfants). Vient ensuite la récréation puis les travaux de ménage (les élèves étant responsables de la propreté des classes) puis les deux derniers cours de l’après-midi avant le rassemblement de fin de journée. Après l’école, environ 50% des élèves vont suivre des cours de renforcement dans des écoles privées ( juku) ; et 80% suivent des cours de disciplines sportives ou artistiques. La durée horaire annuelle des cours varie entre 782 et 945heures la dernière année.
Les matières enseignées
Au shougakkouplusieurs disciplines sont étudiées, le japonais, l’arithmétique et les sciences, mais aussi d’autres matières comme la musique, l’E.P.S., les travaux manuels, les études sociales ou la morale. L’anglais est également étudié en 5e et 6e année depuis la rentrée de 2011. C’est au sein des études sociales que la discipline historique est évoquée avec les élèves. Ces dernières concernent les élèves de la troisième à la sixième année de shougakkou avec un volume horaire croissant (de 70 heures à 100 heures annuelles).
ENSEIGNEMENTS DE L’HISTOIRE ET RECITS NATIONAUX
Dans le premier degré, l’enseignement de l’histoire ne prend clairement forme qu’au cycle 3 avec un programme centré sur l’histoire de France en CM1 et CM2. Une histoire plus générale, qui touche une plus grande partie du monde et des civilisations ne s’effectue qu’au collège à partir de la 6e. Et même sur l’ensemble du programme du second degré, qui s’attarde plusieurs fois sur les civilisations orientales, l’histoire du Japon n’est pas évoquée. Il en est de même au Japon avec un enseignement de l’histoire se faisant uniquement à la fin du shougakkou (6e année) et basé uniquement sur l’histoire nationale. L’histoire internationale ne commençant à être étudiée qu’au chuugakkou. Comment s’organise et est écrite l’histoire enseignée aux élèves de primaire dans nos deux pays ?
La discipline historique en France et au Japon
Évolution de la discipline historique nippone et son enseignement
Les Japonais utilisent plusieurs découpages historiques et chronologiques. Des découpages qui s’expliquent par l’histoire même du pays (ères, périodes..). Il ne faut pas confondre le découpage par ères et le découpage par période. Les périodes marquent des tranches de l’histoire qui reflètent en général un système politique et/ou un développement culturel. La périodisation traditionnelle japonaise est celle des ères. Un système d’origine chinoise importé par les Japonais au VIIe siècle.
C’est à partir de ce moment que chaque année le Japon s’inscrit dans une ère. « A noter que jusqu’en 1868, l’empereur du Japon pouvait décider de changer d’ère selon son désir. Par exemple, si un tremblement de terre avait ravagé le Japon, il pouvait décider de changer d’ère, en espérant que la suivante serait plus propice. On compte environ 250 ères au Japon depuis le VIe siècle. Ces dernières n’ayant pas de valeur scientifique sont difficiles à lire et étudier. »
Une ère correspond au règne d’un empereur, l’ère Heisei a par exemple démarré en 1989, avec l’accession au trône de l’empereur actuel. En 2017, nous sommes donc en Heisei 29 ; une ère qui prendra fin avec l’abdication prochaine de l’empereur Akihito.
Nationalisme / récit national : les orientations de l’enseignement de l’histoire
Il y a au cours de l’histoire de cette discipline, des événements qui ont eu, ou qui ont encore aujourd’hui des traitements particuliers dans l’enseignement de la discipline à l’école. Nous reviendrons ici sur deux périodes de nos histoires respectives et le traitement qui en est fait dans l’enseignement de l’histoire depuis les années 1950. Des événements différents qui se déroulent cependant à une même période et au sein d’une même crise historique : la Seconde Guerre mondiale. Nous évoquerons dans un premier temps les exactions de l’armée japonaise au cours du conflit sino-japonais puis mondial et son traitement dans la discipline historique et les programmes d’éducation nippon. Puis nous ferons de même avec la collaboration française au cours de la Seconde Guerre mondiale. Deux exemples qui permettent de voir les différents traitements qui sont faits de ces questions au sein de l ‘éducation nationale.
La guerre sino-japonaise (1937-1945) : Nankin
Dans Le massacre de Nankin : 1937, le crime contre l’humanité de l’armée japonaise, Michaël Prazand utilise ces mots : « Il y a une volonté politique de plus en plus forte d’éliminer de la mémoire de la guerre ses aspects les plus négatifs ou inavouables. »La guerre sino-japonaise et le massacre de Nankin incarnent ces aspects les plus négatifs.
La collaboration française lors de la Seconde guerre mondiale
« J’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration » sont les mots de Philippe Pétain aux Français le 30 octobre 1940. Des mots qui engagent une partie de la France d’alors dans la collaboration avec l’Allemagne nazie dans le processus d’extermination des Juifs (Shoah) engagé par Adolf Hitler. Par la suite, on assiste jusque dans les années 1960 à la création d’un « mythe résistancialiste ». Un mythe résistancialiste qui fait l’impasse sur la participation de la France à la déportation des juifs au cours du conflit. Un point de vue qui s’explique par la volonté d’un rassemblement français et plus largement européen au lendemain du conflit le plus meurtrier de l’Histoire. Ce n’est d’ailleurs pas comme au Japon une censure orchestrée par le gouvernement, mais plus une volonté d’amnésie de la population avec une société qui refuse de regarder son histoire.
C’est principalement sur cet événement et l’évolution de son traitement dans l’historiographie et dans les manuels scolaires que j’ai choisi de travailler ici.
La résistance et la collaboration en France pendant la Seconde Guerre mondiale
Nous ne pourrons pas ici présenter exhaustivement les différents rôles qu’ont pu avoir les membres de la population française au cours de la guerre. Néanmoins, une rapide contextualisation des événements nous permet de mieux appréhender les questions et le rôle de la mémoire concernant la collaboration et la résistance au lendemain du conflit.
La France a collaboré au cours du conflit à la déportation de plus de 75 000 juifs au moyen entre autres, de sa police et de sa gendarmerie. C’est sous le régime de Vichy que la France collabore. Le gouvernement cherche à redresser le pays au moyen d’une Révolution nationale rejetant les valeurs de la République et collaborant avec l’occupant nazi. Une collaboration qui prit plusieurs formes : fournir l’Allemagne en productions industrielles et agricoles et en travailleurs (STO) ou encore mettre sa police au service de l’occupant afin d’arrêter les Juifs. Le régime de Vichy apparaît ainsi comme clairement antisémite et exclut les Juifs de la communauté nationale en leur interdisant d’exercer certaines professions dès 1940.
Parallèlement au régime de Vichy et à la collaboration qui le caractérise, des mouvements de résistance s’organisent contre l’occupant allemand mais aussi contre le régime. Plusieurs formes derésistance voient le jour de manière désorganisée dès 1940 avec différents mouvements dont les Forces françaises libres (FFL) qui ont rejoint le général de Gaulle ; et plusieurs actes de résistance (sabotage, distribution de tracts, attentats, maquis…). C’est alors à Jean Moulin qu’est confié la tached’unifier les mouvements de résistance, chose qu’il est parvenu à faire en créant en 1943 le Conseil national de la Résistance. Malgré sa défaite de 1940, la France fait partie des vainqueurs à la fin de guerre. Après la Libération, le régime de Vichy s’effondre et on assiste au retour de la République.
La mémoire : de l’oubli à la reconnaissance
Au lendemain de la guerre, malgré la pluralité des mémoires, les aspects les plus sombres de l’histoire française sont passés sous silence avec le développement d’un mythe résistancialiste incarné par le général de Gaulle qui inaugure le Mémorial de la France combattante le 18 juin 1960. Le retour au pouvoir du premier président de la Cinquième République est fondé sur salégitimité construite avec la résistance. On accentue également le caractère symbolique de certains événements comme le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon en 1964. On cherche ainsi à réunir les Français dans une mémoire commune face aux traumatismes de la guerre ; une politique mémorielle qui a pour objectif de faire taire les divisions au sein de la société française.
Une politique qu’évoque Emmanuel Macron dans son discours commémoratif le 16 juillet 2017 sur lequel nous reviendrons ensuite. Il indique ainsi : « Je récuse les accommodements et les subtilités de ceux qui prétendent aujourd’hui que Vichy n’était pas la France, car Vichy ce n’était certes pas tous les Français, mais c’était le gouvernement et l’administration de la France. » et surtout : « Je récuse aussi ceux qui font acte de relativisme en expliquant qu’exonérer la France de la rafle du Vel d’Hiv serait une bonne chose. Et que ce serait ainsi s’inscrire dans les pas du général De Gaulle, de François Mitterand qui, sur ce sujet, restèrent mutiques. Mais il est des vérités dont l’état de la société, les traumatismes encore vifs des uns, le déni des autres a pu brider l’expression. »
Il explique ensuite que la situation de la société de l’époque permet de comprendre les décisions des politiques d’alors. « Les déchirures vives qui traversaient la société française ont pu faire primer l’apaisement et la réconciliation..»
Les programmes et les manuels
Les manuels et programmes de l’éducation nationale en France ont logiquement suivi l’évolution du gouvernement sur la question. Quelques exemples illustrent cette même évolution avec quelques extraits de manuels qui ont progressivement changé de discours.
En effet la collaboration est absente d’un manuel des années 1960 qui évoque uniquement une France vaincue par les Allemands en 1940 avec une résistance organisée autour du général de Gaulle et la libération de la France en 1944. La Quatrième puis la Cinquième République sont également étudiées. On a ainsi des manuels longtemps dominés par le résistancialisme qui est au cœur de la politique mémorielle de la IVe et du début de la Ve République. On peut néanmoins nuancer ces informations puisque le génocide des Juifs est évoqué lui aussi ouvertement.
Dans les années 1990 il existe de nombreuses références à la collaboration française comme l’atteste un manuel de 1997 . Dans cet extrait d’un manuel de cycle 3, le sort des juifs est clairement décrit avec les conditions de vie durant la guerre, de détention dans les camps et le processus d’extermination mis en place. Le manuel indique clairement que « certains, comme le maréchal Pétain, collaborent avec l’occupant nazi et se mettent à son service – et même combattent sous l’uniforme allemand – ». Enfin, de nombreux manuels depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000 reprennent en exemple le discours de Jacques Chirac, alors président de la République, le 16 juillet 1995 lors du 53e « anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv ». Un discours dans lequel le chef de l’État reconnaît comme on l’a vu la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs.
ENTRETIENS ET COMPARAISONS DES OUTILS D’ENSEIGNEMENT
Pour effectuer une comparaison des manuels et des programmes scolaires des deux pays qui sont au cœur de notre travail, j’ai du me rendre plusieurs fois à l’Institut franco-japonais de Montigny-le-Bretonneux pour obtenir des supports japonais récents. Par la même occasion j’ai pu rencontrer des enseignants japonais du shougakkouet leur poser de nombreuses questions reportées ici. J’évoquerai donc dans un premier temps ces entretiens avant d’étudier les manuels qui m’ont été donnés et en faire une comparaison avec les manuels français.
Rendez-vous à l’Institut Franco-Japonais de Montigny-le-Bretonneux
Premier rendez-vous (15 novembre 2017)
En prévision de ma première visite, j’ai demandé à l’école de me fournir des manuels d’études sociales destinés aux élèves du troisième au sixième niveau du shougakkou. J’ai donc eu accès aux manuels de cette discipline. Des manuels que j’ai pu étudier quelques heures dans la bibliothèque de l’établissement. (cf.partie sur les manuels).
J’ai effectivement eu un libre accès à la bibliothèque scolaire et à l’ensemble des ouvrages disponibles. Les ouvrages historiques à disposition des élèves sont variés avec de nombreuses bibliographies de personnages japonais (Oda Nobunaga, Ieyasu Tokugawa…) et étrangers (les frères lumières, Louis Pasteur, Napoléon…). Des ouvrages généraux sur l’histoire du Japon et l’histoire mondiale sont également disponibles. L’ensemble de ces ouvrages s’adressent aux élèves de sixième année de shougakkouet surtout aux élèves du chuugakkou.
Au cours de cette visite, j’ai eu la chance de m’entretenir avec six enseignants japonais du shougakkou et du chuugakkou, en particulier l’enseignant responsable du shougakkou et l’enseignant de la sixième année. C’est ce dernier qui répond à la majorité des questions de cet entretien, j’indiquerai cependant de manière plus générale les « enseignants japonais (EJ) » pour respecter lavolonté d’anonymat des enseignants. J’ai pu leur poser quelques questions dans un entretienimprovisé de 30 minutes :
Moi : L’histoire est-elle étudiée uniquement en sixième année du shougakkou ?
Enseignants Japonais (EJ) :Oui, c’est uniquement en sixième année de shougakkouque l’histoire est étudiée à l’école primaire.
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Table des matières
INTRODUCTION
I DEUX PAYS, DES HISTOIRES ET UN SYSTEME EDUCATIF
Les liens historiques entre nos deux pays
Les relations franco-japonaises : histoire croisée de deux pays
L’Hexagone
Le pays du Soleil levant
Histoire
Le système éducatif nippon
II – ENSEIGNEMENTS DE L’HISTOIRE ET RECITS NATIONAUX
La discipline historique et son enseignement en France et au Japon
Évolution de la discipline historique nippone et son enseignement
Évolution de la discipline historique française et son enseignement
Nationalisme / récit national : les orientations de l’enseignement de l’histoire
La guerre sino-japonaise (1937-1945) : Nankin
→ Un des plus grand massacres du XXe siècle
→ Un holocauste totalement oublié ?
→ Les programmes et les manuels
La collaboration française lors de la Seconde guerre mondiale
→ La résistance et la collaboration en France pendant la Seconde Guerre mondiale
→ La mémoire : de l’oubli à la reconnaissance
→ Les programmes et les manuels
III ENTRETIENS ET COMPARAISONS DES OUTILS D’ENSEIGNEMENT
Rendez-vous à l’Institut franco-japonais de Montigny-le-Bretonneux
Premier rendez-vous (15 novembre 2017)
Second rendez-vous (10 janvier 2018)
C omparaison des manuels
Les manuels japonais
Les manuels français
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES