Nanoparticules magnétiques anisotropes

Les nanoparticules magnétiques

Durant les deux dernières décennies, les progrès dans les techniques d’élaboration ont permis la réalisation de nouvelles structures magnétiques artificielles structurées à l’échelle du nanomètre. Grâce au contrôle de leur géométrie et composition, ces nanostructures présentent des propriétés magnétiques (aimantation, anisotropie, champ de retournement…) optimisées afin d’aborder une question fondamentale ou de répondre à un champ d’application bien défini. Ces nanostructures comprennent soit des films minces continus et homogènes ou bien des nanoparticules de forme et taille contrôlée. L’exploitation de ces propriétés et l’intégration de ces nanostructures dans des dispositifs conduit, par exemple, à un gain régulier de la capacité de stockage des disques durs. Nous présentons dans cette partie un exemple représentatif de cette démarche d’optimisation à travers une brève description de l’évolution des techniques d’enregistrement magnétique, et l’évolution progressive dans le cahier des charges définissant le choix des nanoparticules. Une deuxième partie sera consacrée à d’autres domaines d’applications pour lesquels les nanoparticules magnétiques sont prometteuses.

Enregistrement magnétique 

Enregistrement magnétique conventionnel 

Jusqu’à l’année 2005, les disques durs usuels reposaient sur l’enregistrement magnétique longitudinal. Le medium magnétique est un film mince magnétique constitué de grains magnétiques interagissant entre eux . Cela limite les corrélations magnétiques et permet l’écriture d’un bit d’information sur une échelle plus fine qu’il n’est possible de le faire dans un film magnétique homogène. Dans cette technologie dite longitudinale, la tête d’enregistrement induit un champ magnétique parallèlement à la direction du medium magnétique. Dès 1997, une étude théorique de Charap et al. [CHARAP1997] montre à l’aide de simulations Monte Carlo que la densité maximale atteinte dans cette configuration est limitée à 36 Gigabits/in2 . En effet, le gain en densité requiert la réduction du volume de la nanoparticule ce qui conduit à une réduction de l’énergie magnétique caractéristique de la particule KeffV, avec Keff l’anisotropie magnétique de la particule et V son volume. Quand le volume diminue, celle-ci devient comparable à l’énergie thermique kBT (kB la constante de Boltzmann et T la température), ce qui conduit à une relaxation du moment magnétique entre les positions d’équilibre, c’est à dire au superparamagnétisme [NEEL1951, BROWN1963], si bien que l’information stockée est perdue. Cette problématique, traitée en détail dans la partie II.3, impose KeffV > 40 kBT afin d’assurer une stabilité de l’aimantation et donc de l’information pour une durée supérieure à 10 ans (standard de l’enregistrement magnétique). Ainsi, toute diminution de volume magnétique doit être compensée par une augmentation d’anisotropie. Cependant, cette augmentation est limitée par le champ d’écriture disponible : plus l’anisotropie magnétique de la particule est grande, plus le champ de retournement de l’aimantation est grand ce qui nécessite alors des champs d’écriture élevés. Ainsi, il s’agit de parvenir à trouver un optimum pour la composition du matériau, qui doit combiner une forte aimantation (meilleur signal de lecture), une forte anisotropie (réduction de la taille de grain), et la taille des nanoparticules (pour définir la densité maximale et obtenir un champ d’écriture compatible avec les têtes d’écriture/lecture). Enfin il s’agit d’optimiser la technologie des têtes d’écriture et de lecture.

En 1975, S. Iwasaki et al. [IWASAKI1975] membres du Research Institute of Electrical Communication à Sendai, Japon, envisagent une nouvelle technologie d’enregistrement magnétique, l’enregistrement magnétique perpendiculaire (ou transversal). L’alliage utilisé était le CoCr à anisotropie magnétique perpendiculaire. Cet alliage fut déposé en couche mince sur une sous-couche magnétique à aimantation douce permettant la fermeture du flux magnétique généré par la tête d’écriture . La même équipe a démontré l’intérêt de cette nouvelle technologie dite perpendiculaire [IWASAKI1978, IWASAKI1979], qui réside dans une taille de domaine réduite, c’est à dire une densité de stockage plus grande que celle des media à enregistrement longitudinal. L’enregistrement magnétique perpendiculaire devient alors intéressant, avec de faibles tailles latérales de grains, c’est-à-dire aux très hautes densités.

Les disques durs à enregistrement magnétique perpendiculaire ont été commercialisés à partir de l’année 2005 sous l’appellation PMR pour « Perpendicular Magnetic Recording ».

Bit Patterned Media (BPM)

Malgré le progrès assuré par la technologie PMR, les densités obtenues restent inférieures au Tbit/in2  [SHIROISHI2009]. Du fait de la limite superparamagnétique, augmenter la densité n’est faisable qu’en envisageant une nouvelle technologie alliant faible volume et forte anisotropie. Plus précisément, pour parvenir à des densités de l’ordre du Tbit/in2 , la taille des bits magnétiques tend vers la taille des cristallites qui le composent, c’est à dire de l’ordre de 10 nm.

Alors que jusqu’à présent un bit magnétique est stocké sur une assemblée d’environ une dizaine de grains, la technologie BPM ambitionne idéalement de constituer un bit magnétique par une particule ferromagnétique individuelle . Ce bit serait défini par l’aimantation au sein de la particule, possédant deux configurations stables perpendiculaires au plan du medium (pointant vers le haut ou vers le bas) [SCHABES2008]. Le positionnement de la tête de lecture/écriture devient alors drastique puisque celui-ci doit être synchronisé avec le motif du réseau de nanostructures magnétiques constituant le medium. Par ailleurs, la problématique de stabilité temporelle de l’aimantation persiste et un compromis entre le volume de la particule et son anisotropie doit être établit pour d’une part, vaincre l’énergie thermique et garder l’aimantation stable pour une longue durée (au regard de la relaxation de Néel-Brown ), et d’autre part présenter des champs d’écriture compatibles pour les méthodes d’écriture utilisées. Des simulations micromagnétiques par résolution de l’équation de Landau–Lifshitz–Gilbert (LLG) ont été réalisées pour estimer la densité maximale pouvant être atteinte par la technologie BPM [GREAVES2008]. Elles ont montré qu’une densité de 4 Tbit/in2 pouvait être envisagée en combinant un dispositif de BPM avec une tête de d’écriture perfectionnée. Cela sous la condition que la dispersion du champ de retournement soit inférieure à 10% et que la dispersion de la direction des axes faciles soit inférieure à 3°. Pour des densités supérieures à 5 Tbit/in2 , il faut envisager les technologies « Heat Assisted Magnetic Recording » (HAMR) (ou encore « Microwave Assisted Magnetic Recording » (MAMR)). L’idée est de réduire temporairement pendant la phase d’écriture le champ de retournement en chauffant le bit magnétique à écrire avec un faisceau laser focalisé.

Jusqu’à aujourd’hui, diverses approches ont été mises en œuvre afin d’élaborer des BPM. Une des voies les plus performantes concerne l’utilisation de blocks copolymères [HELLWIG2010, ALBRECHT2013]. Récemment Albrecht et al. [ALBRECHT2013] atteignent des densités de l’ordre de 1 Tbits/in2 dans un réseau triangulaire de plots de CoCrPt d’épaisseur de 6 nm et de dimension latérale ~25 nm avec une périodicité du réseau de 27 nm . Ce réseau a été obtenu grâce à la technologie des blocks copolymères en passant par des étapes de réplication du moule sur des substrats de Si et de quartz. La possibilité d’écriture sur de telles structures ayant un champ coercitif de 5.7 kOe a été démontrée [ALBRECHT2013]. Dans ce cas, la largeur de la distribution du champ de retournement (iSFD, intrinsic switching field distribution) est de 230 Oe, soit un rapport iSFD/HC de 4%, bien inférieur au 10% tolérable pour un démonstrateur [ALBRECHT2009]. Le champ d’anisotropie déterminé est de 14 kOe, induisant alors un KeffV/kBT ~ 150, et assurant une bonne stabilité thermique.

D’autres voies d’élaboration de réseaux denses de nano-aimants à anisotropie perpendiculaire ont été ou sont actuellement étudiées. Celles-ci sont présentées en détail dans le paragraphe III de ce chapitre. Elles concernent des méthodes de dépôt physique de films minces par des techniques de croissance colonnaire, l’utilisation de « template » ou de méthodes de nanostructuration (lithographie / gravure), des méthodes chimiques ou dérivées. Dans toutes ces méthodes, les nano-objets magnétiques, en particulier à forte anisotropie de forme, constituent un système d’intérêt notamment pour les applications en enregistrement magnétique. Parmi les différentes méthodes d’élaboration, les méthodes par voie chimique présentent les avantages de pouvoir conduire à l’auto-organisation d’un grand nombre de nanostructures, et ce avec un procédé bas cout à nombre limité d’étapes, points essentiels pour l’intégration dans des dispositifs. Une des configurations les plus intéressantes concerne l’arrangement de nanofils (NFs) perpendiculaires à un substrat. Dans une telle configuration, il est possible d’obtenir des propriétés magnétiques intéressantes notamment pour l’enregistrement magnétique BPM, avec un axe d’anisotropie parallèle à l’axe des NFs, c’est à dire perpendiculaire au substrat. Cela dépend des paramètres du réseau (géométrie, densité), des propriétés structurales et magnétiques. Cela est discuté par la suite.

Autres types d’applications des NPs magnétiques

Les nanoparticules magnétiques sont intéressantes pour d’autres domaines d’applications, notamment en médecine. On citera ici les applications en oncologie dans le but de détruire spécifiquement les cellules cancéreuses dans un organisme, c’est à dire la technique d’hyperthermie magnétique : après l’injection de nanoparticules magnétiques et ciblage de cellesci sur la tumeur, l’application d’un champ magnétique haute fréquence entraine un échauffement des nanoparticules par pertes par hystérésis et augmente ainsi l’efficacité de la chimiothérapie.

Dans le domaine de la catalyse, les nanoparticules magnétiques synthétisées récemment telles que des NPs de γ-Fe2O3 ou de Co@Pt cœur-coquille ont montré une grande réactivité en solution [SHYLESH2010]. Dans ce cas précis, le grand avantage est la grande surface spécifique apportée par la faible taille de catalyseur ce qui optimise la surface de réaction entre le catalyseur et le milieu. La limitation de la dispersion dans les solides microporeux et mésoporeux pourra être résolue grâce à l’intégration des catalyseurs à base de nanoparticules magnétiques. En effet, l’intérêt d’utiliser des NPs magnétiques réside dans la possibilité, à la fin de la réaction, de récupérer ces catalyseurs par simple filtration magnétique pour ensuite être réutilisés.

Des nanoparticules de FePt et de Fe3O4 ont été incorporées dans la fabrication de nanocomposites pour la fabrication d’aimants permanents [ZENG2000(2)]. L’échelle nanométrique de ces nanoparticules auto-assemblées maximise le couplage d’échange entre les phases dures et douces de la couche, et augmente alors le facteur de mérite BH de l’aimant obtenu. Plusieurs critères caractérisent un aimant permanent, tels que la taille, la forme, le facteur de mérite BH, la plage de température d’utilisation, la densité du flux magnétique, et d’autres. Dépendamment de ses caractéristiques, il pourra être intégré dans plusieurs types de dispositifs, notamment dans l’imagerie magnétique, la fabrication des détecteurs, moteurs, générateurs, magnétomètres, et d’autres champs d’application [COEY2002].

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Table des matières

Introduction générale
CHAPITRE 1. Nanoparticules magnétiques anisotropes
I. Les nanoparticules magnétiques
I.1. Enregistrement magnétique
I.1.a. Enregistrement magnétique conventionnel
I.1.b. Bit Patterned Media (BPM)
I.2. Autres types d’applications des NPs magnétiques
II. Propriétés magnétiques de nanoparticules et nanofils magnétiques
II.1. Energies d’un système magnétique
II.1.a. L’anisotropie magnétocristalline
II.1.b. L’anisotropie de forme
II.1.c. L’anisotropie de surface
II.1.d. L’anisotropie magnéto-élastique
II.1.e. Anisotropie effective dans un nano-objet individuel
II.1.f. Interactions dipolaires dans les réseaux de NFs magnétiques – effets collectifs
II.2. Limite mono-domaine des NFs
II.3. Retournement délocalisé de l’aimantation et relaxation magnétique
II.3.a. Retournement délocalisé : cas du retournement cohérent
II.3.b. Retournement délocalisé : cas du modèle de curling
II.3.c. Autres modèles de retournement de l’aimantation
II.3.d. Relaxation magnétique
II.4. Retournement localisé de l’aimantation et viscosité magnétique
III. Elaboration de réseaux de nanofils magnétiques sur substrat
III.1. Croissance colonnaire et PVD (Physical Vapor Deposition)
III.2. Techniques de gravure par lithographie
III.3. Méthodes « template assisted »
III.4. CVD (Chemical Vapor Deposition) et techniques dérivées
III.5. Vapor-liquid-solid (VLS) et Solution-liquid-solid (SLS)
III.6. Auto-organisation de nanoparticules magnétiques
III.7. Techniques de croissance sur substrat en solution par décomposition d’un précurseur
IV. Tableau Synthétique
V. Conclusion
VI. Références
CHAPITRE 2. Croissance épitaxiale par voie chimique de nanofils de Co sur des surfaces métalliques cristallines
I. Introduction
II. Croissance de nanostructures de Co sur des surfaces cristallines de symétrie 6
II.1. Croissance de NBs de Co / Pt(111)
II.2. Croissance de NFs de Co / Pt(111)
II.2.a. Effet de la température de réaction
II.2.b. Effet du temps de réaction
II.3. Croissance sur d’autres surfaces cristallines de symétrie 6
II.3.a. Croissance de NBs de Co / Co(0001)
II.3.b. Croissance de NFs de Co / Co(0001)
II.3.c. Croissance de NBs de Co/Ru(0001)
II.3.d. Croissance de NFs de Co/Ru(0001)
II.3.e. Croissance de NBs de Co/Au(111)
II.3.f. Croissance de NFs de Co/Au(111)
II.3.g. Croissance des NFs de Co sur du Cu(111)
II.3.h. Croissance de NFs de Co sur des substrats de Cu massifs
III. Croissance de nanostructures de Co sur des surfaces cristallines de symétrie 4
III.1. Croissance de NBs de Co/Pt(001)
III.2. Croissance de NFs de Co/Pt(001)
III.3. Croissance de NFs de Co/Cu(001)
IV. Conclusion
V. Références
CHAPITRE 3. Propriétés magnétiques de réseaux de NFs de Co/Pt(111)
I. Introduction
II. Propriétés magnétiques d’un réseau de NFs de Co/Pt(111)
II.1. Mesures magnétiques
II.2. Analyse des mesures magnétiques, anisotropie intrinsèque et interactions dipolaires
II.2.a. Détermination de la porosité du réseau des NFs
II.2.b. Analyse de la variation thermique du champ coercitif HC(T) – Anisotropie intrinsèque
III. Propriétés magnétiques d’un réseau de NFs de Co oxydés sur Pt(111)
III.1. Etude structurale de l’oxyde de cobalt CoO
III.2. Etudes magnétiques de NFs oxydés
III.2.a. Mesures des cycles d’hystérésis en fonction du temps d’oxydation
III.2.b. Variation du champ coercitif et du couplage d’échange FM/AFM en fonction du temps d’oxydation
III.2.c. Porosité et distribution de champ de retournement en fonction du temps d’oxydation
III.2.d. Retournement de l’aimantation
III.2.e. Viscosité Magnétique
IV. Propriétés magnétiques de réseaux de nanofils, effets de longueur et de couche d’interface
V. Conclusion
VI. Références
CHAPITRE 4. Croissance épitaxiale par voie chimique de films de Fer nanostructurés sur des surfaces métalliques cristallines
I. Introduction
II. Etat de l’art de la croissance de Fe sur des surfaces cristallines
II.1. Surfaces cristallines de symétrie 6
II.2. Surfaces cristallines de symétrie 4
III. Croissance de films de Fe sur des surfaces cristallines de symétrie 6
III.1. Croissance de films de Fe sur Pt(111)
III.1.a. Etude de la cinétique de la croissance de Fe/Pt(111)
III.1.b. Etudes structurales de films de Fe sur Pt(111)
III.1.c. Propriétés magnétiques de films de Fe sur Pt(111)
III.2. Croissance de films de Fe sur d’autres surfaces cristallines de symétrie 6
III.2.a. Croissance de films de Fe sur Co(0001)
III.2.b. Croissance de films de Fe sur Au(111)
IV. Croissance de films de Fe sur des surfaces cristallines de symétrie 4
IV.1. Croissance de films de Fe sur Pt(001)
IV.1.a. Etude de la cinétique de croissance de Fe/Pt(001)
IV.1.b. Etudes structurales de films de Fe/Pt(001)
IV.1.c. Propriétés magnétiques de films de Fe/Pt(001)
IV.2. Croissance de films de Fe sur d’autres surfaces cristallines de symétrie 4
V. Conclusion
VI. Références
Conclusion générale
Annexes

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