Nanoparticules de ruthénium et genèse du projet

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Stratégie de marquage 1 (aminoesters)

Les aminoacides aromatiques (L-phénylalanine, L-tyrosine et L-tryptophane) étant faiblement solubles dans le THF, nous décidons d’appliquer notre procédure de marquage catalysé aux RuNp@PVP sur leurs dérivés aminoesters : la L-tyrosine tert-butyl éther tert-butyl ester, la L-phénylalanine benzyl ester et le L-tryptophane benzyl ester.
Ces trois composés sont vendus sous forme de chlorhydrates par Aldrich et Bachem. Comme nous supposons que la coordination de l’atome d’azote sur le ruthénium est la condition primordiale pour la réaction d’échange H/D, nous réalisons un pré-traitement de ces réactifs commerciaux, par passage sur résine échangeuse d’ions Amberlyst A-21 afin d’obtenir les aminoesters sous forme d’amine libre (Figure 63).
Figures 63 : Pré-traitement des aminoesters commerciaux sur Amberlyst A-21. (a) Dissolution de l’aminoester dans le DCM et passage sur résine. L’ion chlorure est fixé sur la résine. (b) Lavage de la résine au DCM et obtention de l’aminoester sous forme d’amine libre.
Les nanoparticules de ruthénium sont conservées en boîte à gant, sous atmosphère d’argon (O2 < 0,1 ppm). Toute manipulation des nanoparticules (synthèse et catalyse) a donc lieu soit en boîte à gants soit dans une verrerie Fischer&Porter (Figures 64).
Figures 64 : (a) Boîte à gants dans laquelle sont stockées les nanoparticules. (b) Bouteille Fischer&Porter dans laquelle a lieu la réaction de deutération.

Procédure de deutération des aminoesters catalysée par RuNP@PVP

La deutération est réalisée sur une solution de substrat (0,15 mmol) dans le THF ou le DMF (2 mL), en présence de RuNP@PVP, à 55 °C, sous pression de D2 (2 bar), pendant 36 heures.
Le mélange réactionnel est ensuite recueilli dans une seringue et filtré sur alumine ou résine échangeuse d’ions Dowex 50W-X8.
À l’issue de l’étape de marquage, l’aminoester est débenzylé ou hydrolysé pour donner l’aminoacide correspondant. L’incorporation en deutérium est quantifiée par deux méthodes complémentaires : la spectrométrie de masse et la RMN 1H. La diminution de l’intégration des signaux correspondant aux positions marquées comparée à l’intégration sur les signaux du spectre du composé de départ (non marqué) permet de déterminer l’enrichissement isotopique. Enfin, l’analyse HPLC avec une phase stationnaire chirale permet de déterminer l’excès énantiomérique, par comparaison des chromatogrammes de l’aminoacide marqué et du mélange racémique commercial (50 % forme L + 50 % forme D).

Cas de la L-tyrosine tert-butyl éther tert-butyl ester 46

La deutération de la L-tyrosine tert-butyl éther tert-butyl ester 46 est réalisée en présence de 3% de RuNP@PVP, sous D2 (2 bar), dans le THF à 55 °C, pendant 36 heures. Après filtration sur alumine (sur laquelle le catalyseur et le PVP restent fixés) et évaporation du solvant, l’aminoester deutéré 47 est obtenu avec un rendement de 43 % (Figure 65).
Figure 65 : Marquage du dérivé ester de la L-tyrosine à l’aide de RuNP@PVP.
Les analyses RMN 1H et 13C montrent qu’à la suite d’une simple filtration le produit deutéré est obtenu avec une pureté élevée et que l’échange H/D a lieu régiosélectivement sur la position en α de l’azote. La comparaison des intégrations du signal correspondant à cette position (3,60 ppm en RMN 1H), sur les spectres du produit deutéré et du substrat de départ, permet de déterminer l’enrichissement isotopique à 90 % (Figures 66). Cette valeur de l’enrichissement isotopique est confirmée par la spectrométrie de masse (cf. partie expérimentale).

Cas de la L-phénylalanine benzyl ester 49 et du L-tryptophane benzyl ester 52

Après avoir démontré l’efficacité, la régiosélectivité et l’énantiospécificité de notre méthode de marquage, sur l’ester de tyrosine 47, nous décidons d’étendre la méthode sur les esters de phénylalanine 49 et de tryptophane 52. Pour ces deux substrats, nous utilisons le DMF, pour qu’ils soient le mieux solubilisés possible, ainsi que 9 % de RuNP@PVP, pour atteindre de meilleurs enrichissements isotopiques. La débenzylation des aminoesters deutérés 50 et 53 (H2, Pd/C, eau/MeOH, 2 heures) permet ensuite d’obtenir les aminoacides 51 et 54 correspondants (Figure 69).
Figure 69 : Deutérations de la L-phénylalanine benzyl ester et du L-tryptophane benzyl ester suivies de la formation des aminoacides correspondants.
Les analyses RMN 1H et 13C permettent de confirmer, là encore, que la deutération est régiosélective. L’analyse HPLC avec une phase stationnaire chirale confirme également que la configuration du Cα est toujours conservée (cf. partie expérimentale).
Les conditions mises au point sont donc adaptées aux dérivés d’aminoacides aromatiques. Nous tentons alors d’étendre notre technique aux autres dérivés esters d’aminoacides protéinogènes. Malheureusement, sur les dix-sept autres dérivés testés, seuls sept présentent des spectres RMN et des spectres de masse exploitables. Sur ces sept aminoesters marqués, cinq présentent un enrichissement isotopique supérieur à 50 % (Figure 70).
Figure 70 : Résultats du screening de deutération avec RuNP@PVP sur des dérivés aminoesters d’acides aminés protéinogènes. Les croix rouges indiquent les substrats qui se sont dégradés ou dont les rendements trop faibles ne permettent pas d’obtenir d’analyse RMN exploitable.
L’échec des échanges H/D sur les dix autres dérivés s’expliquent par deux raisons :
• leur faible solubilité dans le THF
• une réaction en compétition avec la réaction d’échange H/D.
En effet, il semblerait que les conditions de réaction utilisées favorisent la réaction d’hydrolyse de l’ester et donc la formation de l’aminoacide correspondant. L’aminoacide formé n’étant pas soluble dans le THF, il reste alors sur l’alumine et n’est pas recueilli. De plus, cette réaction d’hydrolyse doit empêcher la réaction d’échange H/D d’avoir lieu, d’où les faibles rendements et enrichissements isotopiques obtenus.
La mise au point de nouvelles conditions de réaction est donc nécessaire pour parvenir au marquage des aminoacides non-aromatiques protéinogènes.

Stratégie de marquage 2 (aminoacides)

Peut-on appliquer notre méthode de marquage par échange H/D catalysée par RuNP@PVP sur un aminoacide dans l’eau ?

Échange H/D sur la L-leucine dans l’eau

Nous décidons d’effectuer divers essais de marquage sur la L-leucine à l’aide de RuNP@PVP, sous D2 (2 bar), dans l’eau, en faisant varier la température (TA ou 90 °C), la durée de la réaction (36, 60 ou 84 h) et la charge catalytique (3 ou 9 %) (Tableau 5). Nous constatons qu’il est bien possible de réaliser l’échange H/D dans l’eau : avec RuNP@PVP 3 %, à température ambiante, pendant 60 heures, la L-leucine présente un enrichissement isotopique de 35 % (Entrée 1). Avec RuNP@PVP 3 %, à 90 °C, pendant 36 heures, la L-leucine présente un enrichissement isotopique de 31 % (Entrée 2). De plus, le marquage reste régiosélectif (sur le Cα) et énantiospécifique.
Enfin, comme dans ces conditions la compétition de la réaction d’échange H/D avec la réaction d’hydrolyse est évitée, la L-leucine est obtenue avec des rendements de 40 à 75 %.
Malgré ces résultats encourageants, le marquage des aminoacides dans l’eau semble présenter une limitation. En effet, on pourrait s’attendre à augmenter l’enrichissement isotopique de la L-leucine en allongeant la durée de la réaction. Pourtant, en passant de 36 à 84 heures de réaction, avec RuNP@PVP 3 %, à 90 °C, l’enrichissement isotopique passe seulement de 31 à 38 % (Entrées 2 et 3). Nous décidons alors d’augmenter la charge catalytique (RuNP@PVP 9 %) mais, là encore, l’enrichissement isotopique n’est pas augmenté (38 % à TA et 15 % à 90 °C, après réaction pendant 36 heures) (Entrées 4 et 5). Ainsi, malgré l’augmentation de la durée de réaction et de la charge catalytique, l’enrichissement isotopique ne dépasse pas les 38 %. Il semblerait qu’une autre réaction, en compétition avec la réaction d’échange H/D, se produise dans l’eau.
Nous constatons que le marquage d’un aminoacide dans l’eau présente beaucoup d’avantages :
• il n’est plus nécessaire de passer par un dérivé (aminoester)
• le traitement est simple (filtration sur Dowex 50W-X8) (Figures 71).

Échange H/D sur la L-phénylalanine dans l’eau lourde (D2O)

Les essais d’échange H/D sur la L-leucine dans l’eau montre que ce solvant influence fortement l’issue de la réaction. Afin de confirmer cette observation, la deutération de la L-phénylalanine, avec RuNP@PVP 3%, dans H2O, sous D2 (2 bar), à 90 °C, pendant 36 heures, est réalisée (Figures 72). Deux produits sont alors obtenus avec un ratio de 50/50 : la L-phénylanine, avec un enrichissement nul à faible, et la L-cyclohexylalanine, produit de réduction de la L-phénylalanine sur le cycle aromatique. Dans le but de mieux comprendre ce résultat, la même expérience est réalisée dans D2O. Deux produits sont alors obtenus avec un ratio de 26/74 : la L-phénylalanine, avec un enrichissement isotopique de 66 % sur le Cα, et la L-cyclohexylalanine, avec un enrichissement isotopique de 42 % sur le Cα, présentant un cycle réduit par des deutériums.
Figures 72 : Deutérations de la L-phénylalanine sous D2 (2 bar), dans H2O et D2O, à l’aide de RuNP@PVP.
Ainsi, lors de la réaction d’échange H/D catalysée par RuNP@PVP dans l’eau (H2O ou D2O), sur un aminoacide aromatique, la réaction de réduction du cycle aromatique entre en compétition. Il apparaît donc que le choix des conditions de réaction doit dépendre de la nature du substrat. Concernant les aminoacides aromatiques, la stratégie 1 basée sur l’utilisation du THF ou du DMF sur les dérivés aminoesters est pertinente. Concernant les autres aminoacides, l’utilisation de l’eau (H2O) ne permet pas d’obtenir un enrichissement isotopique satisfaisant. Par contre, l’essai de marquage de la L-phénylalanine dans D2O montre que l’on peut atteindre un enrichissement isotopique de 66 %.
L’eau lourde (D2O) semble donc le meilleur solvant pour la deutération des aminoacides par échange H/D catalysé par RuNP@PVP.

Procédure de deutération des aminoacides catalysée par RuNP@PVP dans D2O

La deutération est réalisée sur une solution de substrat (0,15 mmol) dans D2O (2 mL), en présence de RuNP@PVP 3 %, à 55 °C, sous pression de D2 (2 bar), pendant 36 heures.
Le mélange réactionnel est ensuite récupéré dans une seringue et filtré sur résine échangeuse d’ions Dowex 50W-X8.

Résultats de deutération des aminoacides catalysée par RuNP@PVP dans D2O

Une incorporation efficace en deutérium (77 % à 99 %) est obtenue sur les aminoacides aliphatiques 55-59, amides 60-61 et azotés 62-63, ce qui montre l’étendue du potentiel de notre procédé d’activation C-H énantiospécifique (Figure 73). Pour la sérine 64 et la thréonine 65, en plus du marquage énantiospécifique sur la position Cα, un processus d’activation C-H additionnel a lieu sur la position Cβ. Sur la position Cβ de la L-thréonine 65, le marquage a également lieu avec rétention de la configuration. Pour l’histidine 66, en plus du marquage énantiospécifique sur la position Cα, un marquage total du cycle imidazole est observé. Ce cycle imidazole (avec deux atomes d’azote) doit présenter une plus forte affinité pour la surface du nanocatalyseur que l’azote terminal, ce qui explique son enrichissement isotopique plus élevé. Pour l’acide aspartique 67 et l’acide glutamique 68, l’activation C-H a toujours lieu énantiospécifiquement sur la position Cα. Mais on peut constater que pour ces trois derniers composés, l’incorporation en deutérium sur le Cα est plus faible que celle observée sur les autres aminoacides. Il se peut que la coordination de deux groupements proches, présentant une forte affinité pour la surface de Ru, sur un même substrat (c’est-à-dire un imidazole et un acide carboxylique sur 66, deux acides carboxyliques sur 67 et 68 diminue :
• l’accessibilité de la liaison Cα-H à la surface des NPs
• la flexibilité des molécules en interaction avec la surface des NPs.
Par conséquent, l’accessibilité de la liaisons C(sp3)-H vers le nanocatalyseur peut être réduite et pourrait expliquer la faible incorporation en deutérium obtenue.

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Table des matières

PARTIE 1 : DÉVELOPPEMENT D’UNE NOUVELLE MÉTHODOLOGIE DE DEUTÉRATION PAR ÉCHANGE H/D CATALYSÉE PAR DES NANOPARTICULES DE RUTHÉNIUM
Introduction
I. État de l’art
I. A. « La renaissance de l’échange H/D »
I. A. 1. Applications et nouvelles potentialités du marquage
I. A. 2. Méthodes d’échange classiques
I. A. 3. Méthodes d’échange H/D régiosélectives de substrats azotés récemment publiées
I. B. Nanoparticules de ruthénium et genèse du projet
I. B. 1. Les nanoparticules de métaux de transition pour la catalyse
I. B. 2. Les nanoparticules de ruthénium du groupe de Bruno Chaudret (RuNp@PVP)
I. C. Objectifs de la thèse
II. La deutération régiosélective de composés azotés catalysée par RuNP@PVP
II. A. Échange H/D catalysé par RuNP@PVP sur des molécules azotées
II. B. Échange H/D catalysé par RuNP@PVP sur des molécules biologiquement actives
II. C. Premières indications sur le mécanisme d’échange H/D catalysé par RuNP@PVP
II. D. Conclusions
III. Application des RuNP@PVP au marquage au deutérium d’aminoacides et de peptides
III. A. Stratégie de marquage 1 (aminoesters)
III. A. 1. Procédure de deutération des aminoesters catalysée par RuNP@PVP
III. A. 2. Cas de la L-tyrosine tert-butyl éther tert-butyl ester 46
III. A. 3. Cas de la L-phénylalanine benzyl ester 49 et du L-tryptophane benzyl ester 52
III. B. Stratégie de marquage 2 (aminoacides)
III. B. 1. Échange H/D sur la L-leucine dans l’eau
III. B. 2. Échange H/D sur la L-phénylalanine dans l’eau lourde (D2O)
III. B. 3. Procédure de deutération des aminoacides catalysée par RuNP@PVP dans D2O
III. B. 4. Résultats de deutération des aminoacides catalysée par RuNP@PVP dans D2O
III. B. 5. Alternative à l’utilisation de D2O : NaOH 0,01M
III. C. Marquage des peptides en position Cα de l’extrémité N-terminale
III. D. Conclusions
IV. Études mécanistiques expérimentales
IV. A. Influence des groupements fonctionnels sur le marquage (amines et dérivés)
IV. A. 1. Exemple de la (R)-3-méthylbutan-2-amine 73 : procédure de marquage
IV. A. 2. Exemple de la (R)-3-méthylbutan-2-amine 73 : analyses
IV. B. Quelle est la source de D ?
IV. C. Conclusions
V. Études mécanistiques théoriques (travail réalisé à Toulouse par l’équipe du Pr. Romuald Poteau)
V. A. Introduction
V. A. 1. Chimie de surface des nanoparticules de métal : un challenge pour la chimie informatique
V. A. 2. Activation des liaisons C-H et métaux de transition
V. B. Choix des modèles
V. B. 1. L’amine modèle
V. B. 2. Clusters nus de taille finie et modèles en bloc
V. B. 3. Coordination de l’amine sur des modèles « nus »
V. B. 4. Le rôle des hydrures
V. C. Études mécanistiques
V. C. 1. Les voies de plus basse énergie
V. C. 2. L’influence des hydrures de surface
V. D. Mise en évidence d’un intermédiaire-clé original : le dimétallacycle à quatre centres
V. D. 1. Les différentes approches pour l’activation C-H
V. D. 2. Une nouvelle voie de cyclométallation pour l’activation C-H : l’intermédiaire dimétallacycle à quatre centres
V. E. Conclusions
Conclusions
Perspectives

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