Nanofils de semiconducteurs : de la croissance à l’intégration

La compagnie de Saint-Gobain est une entreprise, fondée en 1665 par Colbert sous le nom de Manufacture royale des glaces, qui produit, transforme, et distribue des matériaux. Les activités de Saint-Gobain sont centrées sur l’habitat durable : de l’isolation thermique au vitrage, en passant par la production d’énergie électrique grâce à des cellules solaires photovoltaïques (au travers de sa filiale Avancis). Cette thèse est née d’un partenariat entre le Laboratoire de Photonique et de Nanostructures du CNRS (UPR 20) et l’Unité Mixte Saint-Gobain/CNRS (UMR 125) (qui traite des aspects les plus académiques de la recherche de Saint-Gobain), et a pour vocation d’explorer les possibilités de bâtir des dispositifs optoélectroniques de qualité à partir de matériaux verriers peu onéreux et de revêtements capables d’être développés à l’échelle industrielle (production de plusieurs mètres carrés par minute).

Les semiconducteurs iii–v, et en particulier le GaAs, sont des matériaux idéaux pour la production d’électricité par effet photoélectrique : leur bande interdite est directe (contrairement au Si), et d’une valeur parfaite pour l’absorption du spectre solaire. En revanche, ce sont des matériaux difficiles à mettre en œuvre sous la forme de couches minces par hétéroépitaxie en raison des forts écarts de paramètres de mailles et de coefficients d’expansion thermique avec les substrats : il en résulte de nombreux défauts très préjudiciables pour les propriétés de ces semiconducteurs.

Atouts de la géométrie des nanofils

Les semiconducteurs iii–v sont malheureusement très chers, et difficiles à faire croître en hétéroépitaxie sur des substrats à coût modéré (notamment sur Si ou sur saphir), et ce en raison de leurs grands écarts de paramètre de maille et de coefficient d’expansion thermique avec ces derniers. Ces différences conduisent à des défauts structuraux très préjudiciables aux semiconducteurs et donc aux dispositifs les utilisant (dislocations, nano-vides, joints de grains, etc.). En particulier, les dislocations (relaxations plastiques dues aux différences de paramètres de maille) apparaissent au delà d’une épaisseur critique plus bien faible que les épaisseurs couramment utilisées dans les dispositifs. Les défauts structuraux listés ci-avant peuvent être évités en ne mettant plus en forme les matériaux selon une géométrie 2D (couches) mais selon une géométrie de nano-objets 0D comme dans le cas des boîtes quantiques (îlots de matériaux de faible dimension), ou 1D comme dans le cas de nano-colonnes ou de nanofils. En particulier, J. W. Matthews  et E. A. Fitzgerald ont démontré que l’épaisseur critique d’apparition de dislocations est plus grande dans le cas d’une boîte quantique que d’une couche uniformément épaisse. La relaxation des contraintes qui sont dues au désaccord de paramètres de mailles est d’abord préférentiellement réalisée par les surfaces latérales de la boite quantique qui sont libres de se déformer élastiquement. Pour des épaisseurs supérieures, des relaxations plastiques ont lieu par apparition de dislocations à l’interface avec le substrat.

Les nanofils sont des nanostructures quasi-unidimensionnelles, avec un diamètre typique de moins de 100 nm, et une longueur de plus d’un micromètre, en général. Leur géométrie unique leur confère un avantage significatif sur les structures planaires du point de vue de leur qualité structurale : leurs surfaces libres latérales sont en mesure de relaxer la contrainte liée au désaccord de paramètre de maille avec le substrat, contraignant le fil à sa base.

F. Glas a montré que l’apparition de dislocations est dépendante des dimensions du nanofil et de l’intensité de son désaccord de maille avec le substrat ou dans le cas d’un nanofil à hétérostructure. Ses calculs, en accord avec des résultats expérimentaux antérieurs, établissent une relation rayon– hauteur critique du nanofil dépendant du désaccord de maille (Fig. 1.1 1) : lorsque le rayon des nanofils est trop important, des dislocations sont possibles (on retrouve l’épaiseur critique des couches 2D). En revanche, pour des rayons suffisamment petits, la hauteur critique tend vers l’infini : le nanofil entier est exempt de dislocations, même pour des désaccord de paramètres de maille importants (calculé jusqu’à 7%).

À épaisseur égale et à substrat désaccordé identique, un nanofil de semiconducteur iii–v peut donc présenter une qualité structurale bien supérieure à celle d’une couche mince du même matériau. En outre, un même nanofil peut être composé de différents matériaux, et ainsi former des hétérostructures (Fig. 1.1 2). Celles-ci peuvent être axiales ou radiales, en fonction des conditions utilisées lors de la croissance. De nombreux matériaux ont pu être associés et il est ainsi possible de concevoir des dispositifs optoélectroniques à l’échelle même d’un unique nanofil. À titre d’exemple, des cellules photovoltaïques à base d’un unique nanofil ont été fabriquées et étudiées par certaines équipes.

Les contraintes qui s’établissent au sein des hétérostructures à désaccord de maille sont d’importance dans l’élaboration des dispositifs. Elles ont été étudiées, autant pour les hétérostructures axiales que radiales.

Leur qualité structurale n’est pas le seul atout géométrique des nanofils. En effet, en raison de leur très faible diamètre (typiquement de l’ordre de la centaine de nanomètres), leur interaction avec la lumière ne peut pas être décrite en terme d’optique géométrique : c’est un matériau photonique.

Il est en outre possible de fabriquer de vastes ensembles de nanofils avec des densités très élevées (de l’ordre de plusieurs unités à plusieurs dizaines par micromètres carrés). Ces ensembles peuvent être organisés ou aléatoirement disposés ; et ils présentent un grand avantage en comparaison des couches minces pour l’élaboration de dispositifs récepteurs de lumière. En effet, une couche mince, en raison de la différence de son indice optique avec le milieu environnant, réfléchit une partie importante de la lumière incidente, qui est alors perdue pour le dispositif. Dans le cas d’un ensemble de nanofils, la structure présente un indice effectif intermédiaire, et la quasi totalité de la lumière peut alors être piégée par la forêt de nanofils. Macroscopiquement, un ensemble de nanofils peut avoir un aspect très noir et mate. L’interaction entre un ensemble de nanofils et une lumière incidente a été dernièrement étudiée (Fig. 1.1 3). En fonction des objectifs du dispositif (longueur d’onde, coefficient d’absorption), on choisit la densité surfacique, le diamètre et la hauteur des nanofils pour optimiser l’absorption optique.

Mécanisme VLS de croissance des nanofils

En fonction du substrat choisi, des nanofils peuvent pousser dans des directions aléatoires ou déterminées. Cette orientation est liée à celle du substrat si celui-ci est cristallin. Pour faciliter l’intégration des nanofils et notamment les connecter électriquement en parallèle (Fig. 1.1 4), il est capital que leur orientation soit prédéterminée. Sans celan seule une partie des nanofils peut être aisément connectée, dégradant fortement les propriétés espérées.

La qualité structurale, la pureté, et l’orientation des nanofils sont obtenues grâce à un mécanisme de croissance anisotrope assisté par une particule métallique liquide à la température de croissance (souvent un eutectique avec un des matériaux du nanofil) qui agit comme un catalyseur de la cristallisation. Les précurseurs, qui parviennent à sa surface sous la forme d’une vapeur, sont transformés à l’aide du catalyseur liquide, en cristal (solide). On se réfère donc à ce mécanisme de croissance par l’acronyme « VLS » (vapeur-liquide-solide). Ce mécanisme a été décrit pour la première fois par E. Wagner dans les années 1960.

Des études complètes du mécanisme VLS de croissance des nanofils peuvent être trouvées dans la littérature. Nous en rappelons ici les principes élémentaires, permettant sa compréhension, ainsi que les points clés pour le travail de recherche présenté plus tard dans ce manuscrit. Nous prenons l’exemple de la croissance dite « autocatalysée » de nanofils de GaAs, pour laquelle le métal est aussi un des composants des nanofils : le Ga (nb : ce sont les nanofils que nous ferons croître ultérieurement).

Sur un substrat monocristallin de Si, on commence par y déposer quelques monocouches d’un métal bien choisi. Il démouille sous forme de gouttelettes à la surface du Si, et en perce l’oxyde natif (nous y reviendrons plus tard, § 3.5.2, p. 87). De l’As et du Ga sont amenés à la surface sous la forme de vapeurs. Ces atomes diffusent à la surface et se dissolvent dans les gouttes de Ga. La concentration en As augmente donc au sein de ces dernières, jusqu’à sursaturation de la phase liquide. Un germe de GaAs précipite alors en épitaxie avec le substrat monocristallin. Plan atomique par plan atomique, le nanofil croît, à l’interface liquide–solide (Fig. 1.1 5). La croissance se poursuit tant que les flux de vapeur sont fournis vers la surface : la diffusion des espèces en phase vapeur ou des espèces adsorbées en surface peut influencer la forme du fil (droit, conique, en forme de crayon, etc.). La goutte métallique est conservée tout au long de la croissance, d’où l’appellation de « catalyseur ».

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 État de l’art
1.1 Nanofils de semiconducteurs : de la croissance à l’intégration
1.1.1 Atouts de la géométrie des nanofils
1.1.2 Mécanisme VLS de la croissance des nanofils
1.1.3 Épitaxie de nanofils sur des substrats non conventionnels
1.2 Cristallisation du silicium amorphe induite par un métal
1.2.1 Cristallisation du a-Si induite par l’aluminium : mécanisme
1.2.2 Orientation préférentielle des grains
1.2.3 Extension latérale des cristaux de Si
1.2.4 Utilisation des couches cristallisées par AIC
1.2.5 Conclusion p.
CHAPITRE 2 Croissance verticale de nanofils III–V sur couches minces de Si
2.1 Introduction, objectifs, et cahier des charges
2.1.1 Introduction
2.1.2 Résultats préliminaires
2.2 Élaboration de couches minces de Si à texture de fibre
2.2.1 Procédé de fabrication par préparation oxydante de la cible de Si
2.2.2 Influence de l’oxyde à l’interface Al/a-Si sur l’orientation du Si
2.2.3 Qualité cristalline du Si et défauts
2.2.4 Conclusion sur l’orientation [111] des cristaux de Si et leur qualité
2.3 Cristallisation du a-Si : cinétique, thermodynamique, et mécanisme
2.3.1 Cinétique de cristallisation de couches infinies
2.3.2 Observation in-situ au TEM de l’homoépitaxie latérale du Si
2.3.3 Conclusion
2.4 Caractéristiques des cristaux de Si et conformité au cahier des charges
2.4.1 Taux de couverture à la surface du substrat
2.4.2 Rugosité de la surface du Si : rôle des caractéristique des dépôts […]
2.4.3 Conclusions sur la conformité au cahier des charges et recettes
2.5 Utilisation du substrat couche-mince pour la croissance épitaxiale […]
2.5.1 Croissance de nanofils de GaAs sur les couches minces orientées de Si
2.5.2 Mise en évidence de la relation d’épitaxie
2.5.3 Qualité des nanofils : orientation et matériau
2.5.4 Conclusion, limites, analyse critique, et perspectives
2.6 Fabrication et caractérisation de substrats conducteurs minces […]
2.6.1 Élaboration des couches métalliques adéquates
2.6.2 Utilisation d’une couche barrière de diffusion conductrice
2.6.3 Conclusion
CHAPITRE 3 Croissance de nanofils sur des nano-substrats de Si (111)
3.1 Concept de micro- et nano-substrat pour l’épitaxie
3.2 Cristallisation par le procédé AIC de micro- et nano-substrats […]
3.2.1 Influence de la taille des motifs sur la densité surfacique […]
3.2.2 Caractérisations de la morphologie et de l’orientation […]
3.2.3 Conclusion
3.3 Cinétique de cristallisation des micro- et nano-substrats […]
3.3.1 Dénombrement des motifs cristallisés et comparaison […]
3.3.2 Évolution de la fraction de motifs cristallisés […]
3.3.3 Conclusion
3.4 Croissance de nanofils uniques et verticaux sur des nano-substrats
3.4.1 Fabrication de nano-substrats et localisation du catalyseur […]
3.4.2 Croissance de nanofils de GaAs sur des nano-substrats de Si
3.4.3 Conclusion et perspectives
3.5 Stratégie d’obtention de grands grains organisés de Si […]
3.5.1 Stratégie et micro-fabrication
3.5.2 Résultats et discussion
3.5.3 Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE

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