Nanocomposites polymère-particules greffées : synthèse et dispersion

Les propriétés physiques des polymères peuvent être modifiées par l’inclusion de petites particules inorganiques dans le fondu : on forme alors un composite polymère-particules. Récemment, une attention particulière s’est portée sur la réduction de la taille caractéristique de ces charges vers une taille nanométrique. D’une façon très générale, l’intérêt est d’augmenter significativement la surface de contact, pour obtenir des modifications importantes des propriétés du matériau avec un taux de charge relativement faible. La taille nanométrique permet aussi d’obtenir des structures complexes à faibles taux de charges. Les propriétés macroscopiques des nanocomposites dépendent de deux contributions principales: la contribution du réseau de charges et la contribution de l’interface charge/matrice. Expérimentalement il est difficile de les découpler. De plus, si un nombre croissant de travaux sont consacrés aux nanocomposites, tous les systèmes étudiés ont des caractéristiques très spécifiques (nature des charges, nature du polymère). De ce fait, il subsiste de nombreuses questions sur les mécanismes régissant la dispersion et les propriétés macroscopiques (« effet nano »). Nous nous sommes donc intéressés à la mise au point d’un système modèle où l’on va essayer de contrôler au maximum la dispersion des charges.

La répartition des particules dans la matrice peut fortement influencer les propriétés macroscopiques finales du matériau. Pour le renforcement mécanique par exemple, il est connu qu’à fraction volumique égale, un composite où les charges sont réparties individuellement de manière homogène dans la matrice n’apportera pas du tout la même contribution qu’un composite où les charges se répartissent suivant un réseau à trois dimensions dans tout l’échantillon. Le contrôle de la dispersion dans les nanocomposites est donc indispensable pour pouvoir maîtriser les propriétés macroscopiques. Une telle maîtrise peut être obtenue par un contrôle extérieur : changement des conditions de formation du film, répulsion électrostatique ou encore application d’un champ magnétique. L’autre solution consiste à agir directement sur la chimie du système : la surface des nanoparticules peut être modifiée, ou la matrice synthétisée directement autour des particules. Le système nanocomposite modèle que nous allons étudier est composé de particules de silice colloïdale sphériques peu polydisperses, greffées de polystyrène et dispersées dans une matrice de polystyrène. Le polystyrène peut mimer le comportement d’élastomères chargés en se plaçant au dessus de sa température de transition vitreuse. Il a l’avantage d’être un polymère dont les propriétés sont relativement bien connues, et il est de plus aisément deutérable. Cette dernière caractéristique est très intéressante car on envisage une étude des échantillons par diffusion neutronique : les neutrons étant sensibles au marquage des molécules, nous pourrions, par des deutériations sélectives, n’observer qu’une partie du film, comme la couronne greffée.

Nanocomposites polymère-particules greffées : synthèse et dispersion

Synthèse d’objets greffés en solution

La première partie du travail de thèse a consisté à mettre au point un protocole de synthèse de nanobilles de silice greffées de polystyrène. On va, dans cette partie, s’attacher à décrire les principales techniques qui sont utilisées pour le greffage, ainsi que les différentes méthodes de polymérisations utilisées et les travaux déjà réalisés. L’idée de modifier une surface a d’abord été utilisée pour des surfaces planes (type wafer de silicium ou silice ). Ces surfaces présentent la commodité, par rapport à des petits objets en solution, de ne pas être des colloïdes et donc de ne présenter aucun risque d’agrégation. Nous ne détaillerons pas ici les nombreux travaux effectués sur ce sujet.

Les polymères que l’on greffe en surface sont synthétisés par différentes méthodes, y compris par polymérisation radicalaire « classique ». En effet, ce genre de polymérisation est largement utilisé dans l’industrie, simple à mettre en oeuvre, tolérant aux impuretés et applicable à tous les monomères. Un certain nombre de travaux de greffage de particules avec cette technique ont été réalisés, premièrement reportés par Prucker et Rühe pour le styrène. Cependant, ces types de polymérisation présentent de nombreuses limitations, particulièrement parce qu’elles sont incontrôlables, donnent des masses greffées avec une large polydispersité, et ne permettent pas de contrôler les fonctions terminales des polymères-rendant impossible toutes synthèse de copolymères à blocs. Tous ces désavantages pour la synthèse de nano-objets parfaitement définis peuvent être surmontés dès lors que l’on utilise une polymérisation radicalaire contrôlée, ou PRC. Avant de présenter ce qui a été fait en terme de greffage, il convient de rappeler tout d’abord ce qu’est une PRC et d’en présenter les trois principaux types.

Polymérisation Radicalaire Contrôlée

L’idée de la polymérisation radicalaire contrôlée est de combiner la facilité de mise en oeuvre de la radicalaire classique avec tous les avantages d’une polymérisation vivante comme la polymérisation anionique (très spécifique et complexe à réaliser). Une polymérisation vivante a pour caractéristique de présenter une propagation continue sans réactions de transfert ou de terminaison, tout au long de la polymérisation, ceci grâce au fait que le groupement terminal maintient sa réactivité. En PRC, ceci est réalisé en piégeant réversiblement les macroradicaux en croissance, permettant de travailler à suffisamment faible concentration en radicaux pour que les terminaisons soient négligeables. A noter qu’une PRC n’est jamais entièrement « vivante » car il subsiste toujours des réactions de transfert et de terminaison, elle est simplement dite « contrôlée ». Une Polymérisation Radicalaire Contrôlée a pour principale caractéristique de permettre la synthèse de polymères avec une polydispersité modérée (homogénéité en taille), que l’on mesure par l’indice de polydispersité Ip qui est le rapport de la masse molaire moyenne en masse (Mw) sur la masse molaire moyenne en nombre (Mn).

Par Transfert d’Atome (ATRP) 

La Polymérisation Radicalaire par Transfert d’Atome (ou Atom-Transfer Radical Polymerization, ATRP) est la plus ancienne et la plus utilisée des techniques de PRC. Les radicaux sont produits par une réaction réversible d’oxydo-réduction, catalysée par un complexe de métal de transition (Mnt − Y /Ligand).

Les choix du ligand (qui solubilise le sel métallique dans les solvants organiques) et du métal de transition sont cruciaux pour le déroulement de la polymérisation. Les quantités relatives d’amorceur, de métal et de ligand peuvent faire beaucoup varier le résultat de la polymérisation du point de vue du contrôle et de la conversion. Une revue complète sur l’ATRP (jusqu’en 2001) a été publiée par Matyjaszewski. L’ATRP possède de nombreux avantages, le principal étant son adaptabilité à de nombreux monomères. Elle permet également la synthèse de copolymères à blocs, via le réamorçage des polymères. Les fonctions utilisées sont stables en température, et les principaux ligands, amorceurs et sels métalliques sont commerciaux, ce qui explique sa grande popularité. Cependant, elle a un inconvénient de taille, qui est justement la présence du complexe sel métallique/ligand, dont il est difficile de se débarrasser.

Aux Nitroxydes (NMP)

De même que l’ATRP, la Polymérisation aux Nitroxydes (Nitroxide-Mediated Polymerization, NMP) repose sur un équilibre réversible entre espèces dormantes et espèces actives (macroradicaux en croissance). L’équilibre est fortement déplacé vers les espèces dormantes. Le mécanisme est fondé sur la rupture homolytique de la liaison C-ON, libérant un radical alkyle qui va s’additionner sur un monomère pour donner une chaîne de polymère en croissance et un radical nitroxyde qui joue ici le rôle de contrôleur.

Une revue complète sur les différentes synthèses possibles avec la NMP a été publiée par Hawker en 2001. Le principal avantage de la NMP est sa facilité de mise en oeuvre et sa robustesse : elle est moins sensible aux impuretés dans le milieu réactionnel. De plus, l’amorceur, généralement une alcoxyamine, joue également le rôle de contrôleur ce qui augmente la simplicité du système. Cependant, il faut noter que ce type de polymérisation a plusieurs désavantages, notamment l’instabilité des fonctions alcoxyamines en température, le caractère non commercial de certains des nitroxydes les plus efficaces comme le SG1 . et le nombre restreint (par rapport à l’ATRP) de monomères polymérisables de façon contrôlée par cette technique.

Addition-Fragmentation (RAFT)

La polymérisation par transfert de chaîne réversible par addition/fragmentation (Reversible Addition– Fragmentation chain Transfer, RAFT) est la plus récente des techniques de polymérisation contrôlée. Elle ne repose par sur l’effet radical persistant comme les deux précédentes mais sur un mécanisme de transfert de chaînes par addition-fragmentation. Elle a été reportée pour la première fois en 1998 par l’équipe de Rizzardo, en collaboration avec la société DuPont ; parallèlement, la société Rhodia a développé le procédé MADIX, qui repose sur le même principe. Cette polymérisation n’a pas été utilisée ni étudiée dans le cadre de cette thèse, nous ne décrirons donc pas plus avant ses caractéristiques. Elle est actuellement en pleine expansion, mais est cependant encore moyennement adaptée à la synthèse contrôlée de polymères attachés à des surfaces.

Greffage de nano-particules

« Grafting to »

Cette méthode consiste à greffer un polymère, préalablement synthétisé, à une surface. Le polymère peut être synthétisé par n’importe quel type de polymérisation (radicalaire, radicalaire contrôlée, anionique) et ses extrémités réactives sont faites réagir avec la surface à greffer. Cette technique permet l’utilisation d’un grand nombre de polymères différents, et permet de très bien les caractériser, ce qui n’est pas toujours le cas avec le « grafting from ».

Concernant cette technique, nous pouvons citer les travaux de Léger et Coll. Ces derniers travaux portent sur le greffage de chaînes de polydiméthylsiloxane sur des surfaces planes de silice poreuses : les polymères utilisés ont une masse Mw de 145 000 g/mol (polydispersité 1.09), les densités de greffage obtenues vont de 0.0029 chaînes/nm2 à 0.057 chaînes/nm2 . Ces expériences représentent les premières mesures de caractérisation de conformations de chaînes greffées en solution à l’aide des techniques de diffusion aux petits angles. Plus récemment, on peut citer les travaux de Zhang et Coll., qui ont réalisé le greffage de polyéthylène glycol en surface de silice colloïdale Stöber. Les densités de greffage obtenues sont assez élevées (0.15 pour des particules de 30 nm, 0.6 pour des particules de 126 nm), mais les masses greffées sont faibles : 5000 g/mol (soit 80 unités monomères). La technique de « grafting to » présente l’inconvénient important pour notre application d’être limitée soit en densité de greffage accessible, soit en masse des chaînes greffables, à cause de l’encombrement stérique. Par ailleurs, la présence de trop nombreuses chaînes de polymères en solution autour des nano-particules peut les déstabiliser.

« Grafting from » 

Ces inconvénients de la méthode « grafting to » peuvent être résolus par la technique dite « grafting from », qui consiste cette fois à faire grandir des chaînes de polymère directement à partir de la surface à greffer. Un amorceur de polymérisation est immobilisé en surface, en mettant à profit la réactivité des groupements de surface de la particule. La polymérisation démarre à partir de ces amorceurs greffés, donnant finalement des nano-particules greffées. Les densités de greffage accessibles avec cette technique sont bien supérieures. Cette technique permet donc de contrôler la densité de greffage des particules, mais aussi, couplée à des techniques de Polymérisation Radicalaire Contrôlée, de contrôler la taille des couronnes greffées. C’est donc une technique de choix pour la synthèse de nano-objets bien définis. Toutes les synthèses réalisées par cette technique dérivent des travaux de Prucker et Rühe mentionnés plus haut, dans le cadre de polymérisations radicalaires « classiques ».

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Table des matières

Introduction
1. Nanocomposites polymère-particules greffées : synthèse et dispersion
1.1. Synthèse d’objets greffés en solution
1.1.1. Polymérisation Radicalaire Contrôlée
1.1.2. Greffage de nano-particules
1.2. Nanocomposites
1.2.1. Présentation des nanocomposites
1.2.2. Dispersion de nanoparticules greffées de polymère dans un fondu du même polymère
2. Synthèse de nanoparticules greffées de polymère
2.1. Objectifs
2.2. Modification de la surface
2.2.1. Stratégie générale
2.2.2. Résultats
2.3. Polymérisation
2.3.1. Polymérisations Modèles
2.3.2. ATRP sur particules
2.3.3. NMP sur particules
2.4. Conclusion générale
3. Conformation des objets en solution. Utilisation de la DNPA
3.1. Sols de Silice initiaux
3.1.1. Modèle de sphères dures
3.1.2. Nissan
3.1.3. Ludox
3.2. Chaînes de polymère libres en solution
3.3. Objets greffés
3.3.1. Silice greffée
3.3.2. Couronne de polymère : observations
3.3.3. Modélisation de la couronne
3.3.4. Résultats
3.3.5. Discussion
4. Dispersion des charges dans les films nanocomposites
4.1. Objectifs et présentation du système
4.1.1. Objectifs
4.1.2. Techniques d’étude
4.1.3. Préparation des films nanocomposites
4.2. Une situation fréquente, la dispersion incomplète
4.2.1. Mesures de Diffusion
4.2.2. Observations des films en Microscopie Électronique à Transmission
4.2.3. Modélisation du facteur de structure Sparticules
4.2.4. Effet de la deutériation de la couronne
4.2.5. Conclusion
4.3. Vers une dispersion complète
4.3.1. Mesures de Diffusion
4.3.2. Observations des films en MET
4.3.3. Modélisation du facteur de structure Sparticules
4.3.4. Conclusion
4.4. De l’agrégation à la dispersion en variant la masse greffée
4.4.1. Mesures de Diffusion
4.4.2. Observations des films en MET
4.4.3. Modélisation du facteur de structure Sparticules
4.4.4. Conclusion
4.5. Discussion
4.5.1. Rapport de masses des chaînes greffées et non greffées
4.5.2. Cinétique de l’agrégation au cours de la filmification : étude par DNPA
4.5.3. Conclusion
4.6. Structure de la silice sous étirement
4.6.1. Cas dispersé
4.6.2. Cas agrégé
4.6.3. Conclusion
Conclusion

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