Mycobacterium tuberculosis et pathogénèse de la tuberculose

Mycobacterium tuberculosis et pathogénèse de la tuberculose 

L’agent étiologique de la Tuberculose est la bactérie Mycobacterium tuberculosis. Il s’agit d’une mycobactérie à croissance lente, elle a un temps de doublement compris entre 12 et 24h ; en culture sur milieu solide, des colonies apparaissent après 2 à 4 semaines. C’est un bacille aérobie strict qui ne forme pas de spore et n’est pas mobile (Delogu et al. 2013). Sa principale caractéristique est sa paroi, particulière aux mycobactéries, et dans le cas de M. tuberculosis elle joue un rôle majeur dans sa pathogénicité. Elle est formée d’un peptidoglycane (ou muréine) arabino galactane et d’acides lipoteichoïques à laquelle vient s’ajouter une double couche lipidique à acides mycoliques sur la face externe, conduisant à une paroi très hydrophobe lui conférant une résistance importante aux macrophages. De plus au delà de cette paroi une capsule est présente (Hoffmann et al. 2008). La tuberculose se transmet essentiellement par aérosols, lorsqu’un individu infecté tousse, il va expectorer des micro-gouttelettes de salive et de mucus dans lesquelles des bactéries sont présentes. Les personnes proches vont inhaler ces particules infectieuses en respirant et peuvent dans certains cas développer une tuberculose pulmonaire à leur tour. Une manière plus marginale d’acquisition de la maladie, et ce depuis la pasteurisation du lait, est de boire du lait provenant de vaches infectées par Mycobacterium bovis, une souche infectant principalement les bovins mais transmissible à l’homme, provoquant une tuberculose intestinale. Lorsque le bacille va pénétrer l’alvéole pulmonaire, lors de l’infection d’un hôte, la réponse immunitaire de ce dernier va permettre d’encapsuler la bactérie sous forme de granulomes (Figure 1), qui vont former une barrière physique contenant l’infection et bloquant la dissémination de la bactérie (Gengenbacher and Kaufmann 2012). La phase latente peut durer plusieurs dizaine d’années, c’est un processus dynamique entre la bactérie et le système immunitaire de l’hôte. Dans certains cas celui-ci ne développera jamais la maladie, dans d’autres la tuberculose latente se réactivera. De nombreux facteurs favorisent cette réactivation comme le VIH, la malnutrition, le tabagisme, la pollution et l’alcoolisme (Kasner et al. 2013). Une dissémination hématogène des bacilles peut avoir lieu et entrainer une tuberculose extra pulmonaire par la suite. Celle-ci peut toucher de nombreux organes. Le type de tuberculose variera en fonction de l’organe infecté. Parmi ceux-ci, il y a par exemple, la tuberculose miliaire qui survient lors de la dispersion massive des bactéries dans le sang après la désagrégation d’un foyer tuberculeux. Elle entraine souvent l’infection de la moelle osseuse et d’autres organes. Les symptômes sont de la fièvre, une très grande fatigue, des malaises. Si la moelle osseuse est touchée une réaction de type leucémique peut survenir.

La méningite tuberculeuse est la forme de tuberculose la plus grave, elle s’accompagne de la mortalité la plus élevée. Elle peut entrainer une céphalée persistante, un état de somnolence, des nausées et aller jusqu’à plonger le malade dans un coma. La lymphadénite tuberculeuse est quant à elle l’atteinte des ganglions cervicaux par la tuberculose. Elle entraîne un gonflement de ces ganglions jusqu’au stade où la peau peut s’ouvrir. La tuberculose ostéoarticulaire est une infection des articulations entrainant une arthrite chronique et des douleurs. On l’appelle maladie de Pott lorsque la colonne vertébrale est touchée, les vertèbres vont alors se tasser, entraînant une compression de la moelle épinière pouvant provoquer des problèmes neurologiques et une paraplégie. Il peut également se former un abcès sur la colonne vertébrale, laissant des traces identifiables sur les squelettes (Kumar et al. 2010).

MTBC (Mycobacterium tuberculosis complex) 

On parle du MTBC pour désigner toute la diversité des souches proches de M. tuberculosis, provoquant la même maladie, ayant un phénotype et un génotype extrêmement proche (99.95% de similarité au niveau nucléotidique), mais pouvant être différenciées phylogénétiquement (Rodriguez-Campos et al. 2014). M. tuberculosis en fait donc partie et le MTBC peut être divisé en 7 lignées (Figure 2) (Comas et al. 2013). Parmi ces membres on compte Mycobacterium africanum qui infecte l’homme et qui est principalement confiné à Afrique de l’ouest (Winglee et al. 2016). Désormais M. africanum forme les lignées 5 et 6. En dehors de l’homme, la tuberculose touche de nombreuses espèces de mammifères, où la maladie prend des formes et symptômes voisins. Selon l’animal infecté un nom binomial différent est attribué à la mycobactérie responsable, dépendant de l’animal infecté. Cette nomenclature taxonomique a été secondairement validée par les données moléculaires. M. bovis est caractéristique des souches affectant les bovins (Karlson 1970), Mycobacterium caprae des souches affectant les caprins (Aranaz et al. 2003), Mycobacterium microti des souches affectant principalement les rongeurs (Boniotti et al. 2014). Mycobacterium orygis (van Ingen et al. 2012) des souches affectant les oryx, les gazelles et les antilopes. Mycobacterium pinnipedii quant à lui affecte les pinnipèdes (phoques, otaries) (Cousins et al. 2003). Mycobacterium suricattae et Mycobacterium mungi sont retrouvées respectivement chez les suricates et les mangoustes (Dippenaar et al. 2015; Alexander et al. 2010). Très récemment, une souche a également été retrouvée chez un chimpanzé (Coscolla et al. 2013), cette dernière semble phylogénétiquement proche de M. africanum.

Homme et tuberculose au travers des âges 

Le genre Mycobacterium aurait au moins 150 millions d’années et des traces de M. tuberculosis sont retrouvées dès le Paléolithique supérieur. La plupart sont observées sur des os dû aux lésions provoquées par la tuberculeuse ostéoarticulaire appelée également maladie de Pott (Pigrau-Serrallach and Rodriguez-Pardo 2013). On retrouve ces lésions particulières à la tuberculose et confirmées moléculairement sur des momies égyptiennes (Zink Albert et al. 2001), sur des squelettes datant de 9000 ans dans le croissant fertile (Hershkovitz et al. 2008) et même sur les restes d’un bison datant de 17000 ans en Amérique (Rothschild et al. 2001). Cependant l’apparition de M. tuberculosis est jugée plus ancienne encore et pourrait remonter à  la domestication du feu par l’homme, qui réunissait les conditions idéales pour que son ancêtre, une souche bactérienne environnemental devienne un pathogène transmissible (Chisholm et al. 2016).

Les premiers témoignages historiques retrouvés sur la tuberculose datent du VIIème siècle avant JC, sur des tablettes assyriennes en argiles représentant des patients toussant du sang et vers 460 avant JC en Grèce antique, dans des textes d’Hippocrates où la maladie est nommée phtisie, signifiant consomption. Il s’agirait de l’infection la plus répandue (Smith 2003), survenant entre 18 et 35 ans et presque toujours mortelle. Etonnamment la phtisie était considérée comme résultant de la faiblesse mentale des personnes infectées et serait héréditaire, à l’exception notable d’Aristote qui l’identifia comme contagieuse. Dans l’empire romain, au Vème siècle après JC, des remèdes tels que l’héliothérapie, des bains d’urine ou une alimentation riche en divers organes d’animaux étaient recommandés. Bien sûr ceux-ci étaient inefficaces. Au moyen-âge, les scrofules, ou écrouelles, inflammations des ganglions et tuméfactions au niveau du cou causées par une lymphadénite tuberculeuse, étaient appelées « mal royal » car on pensait que les rois de France et d’Angleterre pouvaient les guérir par le touché. Ce traitement, et d’autres tout aussi fantaisistes, demeuraient inefficaces, n’ayant aucun valeur thérapeutique réelle (Carlos et al. 2007).

Au XVIIème siècle commença une épidémie de tuberculose sans précédent dans l’histoire en Europe et en Amérique du Nord. Nommée grande peste blanche, celle-ci dura plus de 200 ans et atteint son pic au début du XIXème siècle où on estime qu’un quart des Européens mourra de la tuberculose. Le développement des grandes villes à cette époque, induisant des densités de population jamais rencontrées auparavant, accompagné d’une insalubrité extrême, formaient les conditions idéales pour le développement de cette maladie épidémique aérotransmissible. La tuberculose devint la première cause de mortalité, celle-ci allant de 700 à 1000 pour 100000 personnes par années dans les grandes villes européennes et américaines (Daniel 2006). Suite aux grandes explorations coloniales de cette époque, la tuberculose se répandit à échelle planétaire, du moins en ce qui concerne les souches
européennes. Elles causèrent ainsi des dégâts considérables au sein des populations indigènes des Amériques et d’Afrique. Dans certains camps de confinement des indigènes d’Amérique du Nord par exemple, le taux de mortalité a pu atteindre 9000 pour 100000 personnes (Bates and Stead 1993). L’amélioration de l’hygiène, des conditions de vie, ainsi que le développement du tout-à-l’égout dans les grandes villes durant la seconde partie du XIXème entrainèrent une baisse de la mortalité due à la tuberculose.  Dans les pays développés la déclive se poursuivit, aidée par les avancées médicales et une meilleure compréhension de la nature même de la tuberculose au cours de ces deux siècles. La découverte de « tubercules » dans les organes, bien souvent les poumons, des patients souffrant de consomption par Franciscus Sylvius de la Böe (1614-1672) et la preuve apportée par Gaspard Laurent Bayle (1774-1816) que ces derniers étaient la cause de la maladie ont permis un saut quantique dans la perception médicale de la peste blanche. C’est à partir de ce moment qu’on parla de tuberculose pour unifier deux maladies qu’on pensait jusqu’alors distinctes : La scrofule, lors de tuberculose extra-pulmonaire, et la phtisie pour la forme pulmonaire. Une étape cruciale dans la compréhension de l’épidémiologie de cette maladie fut de découvrir sa nature infectieuse. En effet, la tuberculose était majoritairement vue comme une maladie héréditaire en ces temps. Benjamin Marten (1704-1722) fut l’un des premiers à formuler l’hypothèse que la tuberculose était causée par des « minuscules créatures vivantes ». Cependant, Jean-Antoine Villemin (1827-1892) fut le premier à en démontrer la nature infectieuse in situ en infectant une vache puis un lapin grâce à du liquide purulent prélever dans la cavité tuberculeuse d’un patient décédé. Il en vint à la conclusion que la maladie était bien provoquée par des microorganismes et qu’elle était transmissible. La découverte majeure fût la confirmation que la tuberculose était bien causée par un microorganisme, un bacille plus précisément. En 1882, Robert Koch (1843-1910) fit part de sa découverte au cours de sa célèbre présentation « Die Aetiologie der Tuberculose » (Koch 1882). Il y présenta notamment un nouveau moyen de faire des cultures pures de bactéries mais aussi de les colorer grâce à du bleu de méthylène. Il montra à l’audience que dans chaque infection de tuberculose la bactérie était présente mais aussi qu’elle en était la cause en réinfectant des animaux sains. Grâce à sa technique de coloration utilisant du bleu de méthylène, il pouvait dévoiler le germe au milieu des tissus infectés, la bactérie se colorant après un traitement à la vésuvine (Kaufmann and Schaible 2005). Se basant sur ces travaux et les travaux de Friedrich Loeffler (1852-1915) sur la diphtérie, il énonça les postulats de KochHenle pour définir un pathogène microbien. Ce sont 4 critères indispensables pour désigner un microbe comme cause d’une maladie :
i) L’organisme doit être trouvé dans tous les animaux souffrant de la maladie mais pas dans les animaux sains.
ii) L’organisme doit être isolé à partir d’un animal malade et pousser en culture pure.
iii) La culture doit pouvoir causer la maladie lorsqu’elle est injectée à un animal sain.
iv) L’organisme doit pouvoir être ré-isolé à partir de l’animal infecté expérimentalement. Les travaux de Koch ne s’arrêteront pas là et en 1890 il présentera un composant isolé à partir d’extraits de glycérol de cultures liquides du bacille, la tuberculine. Injectée à des cochons d’Inde avant et après exposition à M. tuberculosis, ces extraits semblaient inhiber la croissance de la bactérie. Présentée comme la solution à la plus grande maladie touchant l’homme, celle-ci se révéla malheureusement inefficace. Cependant si l’espoir d’un vaccin thérapeutique disparut, la tuberculine se révéla précieuse pour le diagnostic de personnes infectées grâce au développement du test cutané à la tuberculine, dit test Mantoux, encore utilisé de nos jours (Kaufmann and Schaible 2005), permettant de détecter une infection par la tuberculose là où l’on échoue à isoler la bactérie.

A cette époque, sans traitement, on estime que 70% des patients dont les crachats se révélaient positifs décédaient dans les 10 ans, ainsi que 20% des personnes dont les expectorations étaient négatives mais dont la culture était positive. La cure en sanatorium, qui naquît au milieu du XIXème siècle, fut le premier traitement à être utilisé globalement. Son inventeur, Hermann Brehmer (1826-1889), était un jeune botaniste qui souffrait de la tuberculose et vivait en Silésie, région s’étendant entre l’Allemagne, la Pologne et la République Tchèque. Lorsque son médecin lui conseilla de s’exposer à un climat plus clément, il partit étudier la flore himalayenne. Plus tard il rentra chez lui, soigné, et commença des études de médecine. Par la suite il fonda un hôpital logeant et soignant les tuberculeux, l’idée étant de permettre aux malades de manger sainement et de respirer continuellement de l’air frais. Les experts de l’époque étaient unanimes sur les bienfaits des traitements en extérieur et cet hôpital devînt un modèle pour les sanatoriums. Peu après ceux-ci se multiplièrent en Europe et aux Etats-Unis permettant d’une part d’isoler les personnes souffrants de la tuberculose, vis-à-vis de la population générale, tout en leur apportant un mode de vie sain censé les aider à guérir. Il reste toutefois difficile d’évaluer l’efficacité des sanatoriums car il n’y a pas eu d’études comparant rigoureusement la mortalité des patients en sanatoriums par rapport à ceux qui sont restés dans leur résidence ou ville. D’autres méthodes controversées et considérées comme dangereuses étaient parfois employées, après la découverte par Carlo Forlanini (1847-1918). La réduction du poumon infecté et sa mise au repos pouvait permettre, selon lui, un rétablissement du patient. Cette opération était effectuée par chirurgie ou bien en remplissant le poumon de gaz, le rendant non fonctionnel (pneumothorax) mais stoppant l’avancée de l’infection. Néanmoins ces méthodes furent de moins en moins utilisées et les sanatoriums fermèrent les uns après les autres après le développement de thérapies actives à base d’antibiotiques dès 1944. L’incidence de la tuberculose continua de décroître dans les années 60, si bien que les agences gouvernementales déclarèrent qu’à l’horizon 2000, la tuberculose ne serait plus un problème de santé majeur (Spence et al. 1993).

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Table des matières

Introduction
Mycobacterium tuberculosis et pathogénèse de la tuberculose
MTBC (Mycobacterium tuberculosis complex)
Homme et tuberculose au travers des âges
Impact sociétal de la tuberculose
Métriques épidémiologiques
Diagnostique de la maladie
Chiffres et bilans mondiaux 2015 (WHO 2016)
Traitements
Stratégies vaccinales
M. tuberculosis à l’ère de la génomique – Objectifs
Chapitre 1 : Histoire évolutive, démographique et migratoire du Mycobacterium tuberculosis complexe
Introduction
Historical consideration and early (mis)conceptions on tuberculosis evolution
The pregenomic era and first-generation phylogenetic analyses
NGS and tuberculosis evolutionary history
The relativity of the clock
Perspectives
Chapitre 2 : Les mutations compensatoires pilotent l’épidémie de souches MDR en Asie Centrale
Introduction
Methods
Results
Discussion
Figures and supplementary
Chapitre 3 : Investigations sur le succès et le développement de W148, un clone hautement résistant de la famille Beijing de Mycobacterium
tuberculosis, utilisant des données génomiques
Introduction
Results
Discussion
Methods
Supplementary
Chapitre 4 : Changements d’hôtes au sein du complexe Mycobacterium tuberculosis et leurs conséquences adaptatives
Introduction
Méthodes
Résultats et discussions
Chapitre 5 : L’estimation souche spécifique du succès épidémique contribue à la compréhension des dynamiques de transmission au sein de la tuberculose
Introduction
Results
Discussion
Methods
Chapitre 6 : Les fluctuations des patrons de migrations humaines ont forgé la structure de population globale de Mycobacterium tuberculosis en France
Introduction
Results
Discussion
Methods
Conclusions et perspectives
Taux de mutation, origine, co-évolution avec l’homme
Impact des mutations compensatoires
Reconstructions démographiques
Souches animales
THD
Annexe méthodes

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