Tous les indicateurs montrent que l’économie sénégalaise s’est dégradée au cours des trois dernières décennies. Les déséquilibres financiers internes et externes, l’accroissement du taux d’endettement, les conditions climatiques défavorables, les fluctuations des termes de l’échange, l’application des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS), la dévaluation du f ranc CFA se sont traduits par une précarité des conditions de vie. Durant cette même période, l’on a assisté à de pr ofonds changements politiques et économiques notamment le passage d’une économie planifiée à une é conomie de marché, se traduisant par la réduction des interventions de l’Etat et par une décentralisation accrue. Les contre performances macro économiques ont eu un i mpact décisif sur la santé des populations, dans la mesure où les niveaux de morbidité et de mortalité enregistrés au cours des dernières années sont révélés particulièrement élevés.
Les femmes et les enfants ne s ont-ils pas les plus touchés par ce mauvais état de santé car constituant les couches les plus démunies et les plus marginalisées socialement, économiquement et politiquement. La santé maternelle et infantile est très préoccupante, ce qui a am ené le Sénégal à é laborer une politique globale de santé de la reproduction, afin d’améliorer l’état sanitaire de la femme et de l’enfant. La santé de la reproduction, définie par l’OMS comme « une condition ou un processus de reproduction accompli dans un état de bien être physique, mental et social complet » (OMS, 1994) a suscité beaucoup d’espoir et plusieurs partenaires au développement se sont engagés à appuyer le gouvernement sénégalais pour le financement et la mise en œuvre de cette politique globale de santé. L’orientation stratégique du P rogramme de D éveloppement Intégré de l a Santé (PDIS) relative à l’accroissement des performances en Santé de la Reproduction (SR) constitue un axe majeur du P lan National de D éveloppement Sanitaire et Social (Ministère de Santé et de l’Action Sociale, 1996) .
En dépit de cette volonté politique, les taux de morbidité et de mortalité maternelle et infanto-juvénile restent élevés, si on se réfère aux données fournies par l’ Enquête Démographique et de Santé (EDS III, 1997) et l’Enquête Sénégalaise sur les Indicateurs de Santé (ESIS, 2000)i . Mais les limites essentielles des politiques de santé résident dans l’exclusion de la protection sociale en matière de santé et la non prise en compte du phénomène croissant de la pauvreté qui s’est traduite par des difficultés d’accès aux soins des couches sociales les plus démunies.
La couverture du risque maladie reste très limitée et ne concerne que 15 % de la population. L’exclusion de l a protection sociale est particulièrement préoccupante au regard de l’ampleur de la pauvreté. Le secteur de la santé est l’un des plus frappé par les crises économiques conjuguées à un désengagement de l’Etat. La gratuité des soins a laissé progressivement la place à des systèmes de recouvrement des coûts faisant appel à la contribution des utilisateurs de soins. Les systèmes de recouvrement ont certes contribué à améliorer la disponibilité et la qualité des services de santé mais ils ont également rendu l’accès aux soins plus difficile pour les personnes disposant de revenus modestes. Le souci d’équité apparaît peu dans les programmes et projets mis en œuvre jusque là et une démarche visant la réduction de l’écart entre les pauvres et les non pauvres n’a pas été privilégiée (MSHP, 2001) . Toutefois, selon l’OMS, l’indice de performance d’un système de santé se mesure dans la réalisation de cet « objectif principal : il s’agit à la fois d’atteindre le meilleur niveau de santé moyen possible, ce qui suppose un système apte à bien répondre aux attentes de la population (qualité), et de réduire au minimum les écarts entre les individus et entre les groupes, c’est-à-dire assurer à chacun la même qualité de soins, sans discrimination (équité) » (OMS, 2000) .
En réalité, dans un contexte marqué par une participation financière des populations, la question de l ’accessibilité aux soins et services de santé pour les populations se pose avec acuité. On assiste depuis quelques années à l’essor de nombreux systèmes de protection crées par d’autres acteurs que les Etats : communautés, ONG, organisations de travailleurs, organisations d’employeurs, coopératives, etc. Les mutuelles de santé constituent l’une des alternatives prises par ces systèmes pour accéder aux soins de santé. Elles associent les principes d’entraide au mécanisme de l ’assurance. Elles présentent un potentiel en matière d’amélioration de l ’accès aux soins et de diminution du risque financier lié à l a maladie. Au-delà de l’enjeu de santé publique, les mutuelles de santé semblent constituer aussi une réponse à la prise en charge de la santé maternelle et infantile.
Dans cette perspective, nous nous proposons d’analyser la contribution des mutuelles de santé dans la promotion de la santé maternelle et infantile. L’objectif de notre étude est donc d’évaluer les capacités des mutuelles de santé à assurer l’accès aux soins et services SR dans la région de Thiès. Suivant ces considérations, notre étude s’articule autour de quatre grandes parties.
POSITION DU PROBLEME
A l’instar de beaucoup de pays, le Sénégal a très tôt compris que la santé constitue un des piliers de tout développement économique et social. Le pays a réaffirmé cette volonté dans la nouvelle Constitution adoptée le 07 janvier 2001 qui dispose en son article 17 que : « l’Etat et les collectivités publiques ont le devoir de veiller à la santé physique et morale de la famille et, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées. L’Etat garantit aux familles en général et à celles vivant en milieu rural en particulier l’accès aux services de santé et au bien être. Il garantit également aux femmes en général et à celles vivant en milieu rural en particulier, le droit à l’allègement de leurs conditions de vie. » .
Par ailleurs, le Sénégal a ratifié de nombreux traités et déclarations en matière de santé publique : Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), la Charte de l’Union Africaine, la Convention des Droits et du Bien-être de l’Enfant (1988), les Accords Sanitaires d’Abuja (où il est recommandé aux Etats de consacrer au moins 15% de leurs budgets à la santé). Plus récemment, le Sénégal a adopté la stratégie sanitaire du NEPAD et les Objectifs du Développement du Millénaire (OMD) qui préconisent respectivement aux objectifs 4 et 5 la réduction de la mortalité infantile et l’amélioration de la santé maternelle d’ici 2015. Depuis les indépendances, le Sénégal a défini et mise en œuvre des politiques sanitaires à travers l’érection de services sanitaires curatifs et préventifs dits modernes. Beaucoup d’efforts ont donc été consentis pour répondre aux problèmes sanitaires des populations. Mais hélas, la santé des populations reste précaire, elle souvent préoccupante au regard de certains indicateurs. Les taux de morbidité et de mortalité se révèlent très élevés. Des maladies épidémiques et endémiques pratiquement éradiquées durant les campagnes des années 50 et 60, réapparaissent et sont de n os jours largement répandues : tuberculose, paludisme, bilharziose et parasitoses telles que le choléra. Tandis que le Sida prend des allures inquiétantes. Comment expliquer cette situation alors que le Sénégal de concert avec la communauté internationale et sous l’égide de l ’OMS avait solennellement entériné en 1978 l’objectif de « santé pour tous en l’an 2000 » ? Plusieurs facteurs interviennent et jouent un rôle déterminant dans les contre performances que connaît le système sanitaire au Sénégal comme partout ailleurs en Afrique.
Tout d’abord comme le montrent les chercheurs spécialistes en santé publique, à l’instar de Mburu (1981) Fournier, Haddad (1995), le système de santé en Afrique est hérité de la colonisation qui, en introduisant la médecine occidentale, visait plutôt à pacifier, à dominer et à rendre productives les colonies. Les indépendances n’ont pas permis de f aire la rupture nécessaire, car les élites parvenues au pouvoir, dans une stratégie de construction nationale, ont pérennisé cet état de fait en élaborant de programmes sanitaires verticalistes basés sur le modèle hospitalier avec des coûts excessifs et une mauvaise distribution des soins. En analysant le système sanitaire on peut remarquer une concentration relative des infrastructures sanitaires dans les grands centres urbains au détriment des zones rurales qui abritent la majorité des populations. Les problèmes qui se posent dans le secteur de la santé au Sénégal (comme en Afrique d’ailleurs) peuvent être imputés au maintien de la structure hiérarchisée, héritée du colonisateur. Dans la plupart des pays africains la structure des établissements sanitaires est calquée sur la structure administrative du pays qui opère de haut en bas . L’échelle périphérique abrite la grande majorité de l a population. C’est là que l a demande est plus forte par contre le pouvoir bureaucratique et les dépenses y sont les plus faibles. On peut noter une autre discrimination en ce qui concerne la protection sociale dont bénéficient exclusivement les fonctionnaires et les salariés du secteur moderne et leurs familles. Les ménages évoluant dans le secteur informel sont exclus de ce système d’assurance maladie alors que ces derniers constituent plus de 80% de la population. Ces populations sont plus exposées aux risques socio sanitaires d’autant plus qu’elles sont plus touchées par la pauvreté. Le Sénégal est un pays pauvre avec un PIB par tête d’environ 600 US $ en 2002 et 54% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté. Plus de 50% de la population active est toujours employée dans le secteur de l’agriculture alors que ce dernier ne contribue que pour 10% du P IB. L’incidence de l a pauvreté du point de vue des ménages, varierait en zone rurale entre 72% et 88% alors qu’en zone urbaine, elle varie entre 44% et 59% (DSRP, 2002) .
SANTE DE REPRODUCTION
La santé reproductive, selon le rapport de l ’atelier sur genre et santé de la reproduction (ASBEF, 1998) est en relation directe avec le concept de santé maternelle et infantile mais va au delà de ce terme. Car la notion de «mère et enfant» laisse la place à «l’individu aux différents âges de la vie » qui peut avoir des problèmes liés à son appareil génital, au fonctionnement de celui-ci et aux fonctions qu’il confère. » En 1994 au Caire, la SR a été définie ainsi : « Bien-être général, tant physique, mental et social de la personne humaine, pour tout ce qui concerne l’appareil génital, ses fonctions et son fonctionnement et non pas seulement l’absence de maladies et d’infirmités. Cela suppose qu’une personne peut mener une vie sexuelle satisfaisante en toute sécurité, qu’elle est capable de procréer et libre de le faire aussi souvent et aussi peu souvent qu’elle le désire. On entend également par cette expression la santé en matière de sexualité qui vise à améliorer la qualité de la vie et des relations interpersonnelles, et non à s e borner à dispenser conseils et soins relatifs à la procréation et aux MST ».
Cette définition de la SR en référence au concept de la santé énoncé lors de la conférence d’Alma Ata en 1978 a été reprise par l’OMS : « la santé de l a reproduction en référence au concept de santé n’est pas considérée uniquement comme une absence de maladies ou de trouble dans le processus reproductif, mais plutôt comme une condition par laquelle ce processus s’accomplit dans un état de complet bien être physique, mental et social. Cela implique que les individus aient la possibilité de se reproduire, que les femmes puissent mener à bien leur grossesse et accoucher sans risque et que la reproduction ait une issue heureuse avec le survie des enfants et une croissance satisfaisante. Cela signifie aussi que les individus soient capables de réguler leur fécondité et d’avoir une sexualité sans danger. La région Afrique de l’OMS a défini quatre composantes pour la santé de l a reproduction. La santé maternelle et infantile, la planification familiale, la santé sexuelle, la lutte contre les MST /SIDA. En ce qui concerne le Sénégal, l’orientation du P DIS relative à l’accroissement des performances du programme SR s’articule autour de t rois grands volets : la maternité à moindre risque, la planification familiale et la santé des adolescents.
Notre étude va s’appuyer sur les composantes suivantes : la Planification familiale, les soins prénatals, les services accouchement, les soins postnatals, la prévention et le traitement des IST/VIH/SIDA, les traitements de l’avortement et de la stérilité. Une bonne santé de la reproduction exige que les hommes et les femmes aient accès à des informations et à des services de santé dignes de ce nom. En outre, la disponibilité des ressources financières mobilisées dans le cadre d’un financement communautaire pour couvrir les frais est tout aussi déterminante. C’est pourquoi l’accès aux soins et services en S R constitue à travers cette étude, la variable dépendante.
LA MUTUELLE DE SANTE
Une mutuelle de santé est une as sociation de per sonnes volontaires, à but non lucratif, dont la base de fonctionnement est la solidarité entre tous ses adhérents. Au moyen de la cotisation des adhérents, et sur la base de leurs décisions, la mutuelle organise des actions de prévoyance, d’entraide et de solidarité en vue d’assurer la prévention des risques liés à la maladie ainsi que la prise en charge de leurs conséquences et la promotion de la santé. La mutuelle de santé repose sur quatre grands principes : la solidarité, la liberté, l’indépendance et la démocratie (ou participation). Il existe deux types : les mutuelles au 1er franc, ou communautaires et les mutuelles complémentaires. Ex : la mutuelle de santé des agents de l’Etat qui prend en charge le 1 / 5 non couvert. La liste des services offerts par la mutuelle de santé est établie en fonction de trois facteurs essentiels :
o Les besoins de santé de l a population cible : quels risques la mutuelle veut-elle couvrir ?
o L’offre existante en matière de santé : qui fournira les services de santé aux bénéficiaires futurs ?
o La capacité de contribution financière des adhérents : combien paieront les adhérents pour ces services et comment se fera cette contribution ?
Une liste commune des services offerts par une mutuelle de santé comprend : Les soins de santé primaires (SSP) Les SSP sont les soins courants, dispensés le plus souvent dans les cases, postes ou centres de santé, premier point de contact avec les systèmes de santé. Ils comportent :
● Les soins préventifs et promotionnels qui désignent les consultations pré et postnatales, les vaccinations, la planification familiale, l’éducation à la santé, l’assainissement ;
● Les soins curatifs sont essentiellement les consultations, les soins infirmiers, les médicaments et quelques analyses de laboratoires. Parfois on y ajoute la petite hospitalisation dans les centres de santé et les accouchements assistés ;
● La prise en charge des enfants soufrant de malnutrition.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : PROBLEMATIQUE
1.1.Position du problème
1.2. Justifications du sujet
1.3.Revue de la littérature
1.4.Cadre conceptuel
1.5 Modèle d’analyse
1.6 Définition opérationnelle des variables
1.5 Objectifs d’étude
1.5.1 Objectif général
1.5.2 Objectifs spécifiques
1.6 Hypothèse
CHAPITRE II : METHODOLOGIE
2.1 Univers de l’enquête
2.1.1 Cadre d’étude
2.1.1.1 Présentation générale de Thiès
2.1.1.2 les indicateurs de santé de la région
2.1.2 Population parent
2.1.3 Echantillonnage
2.1.3.1 Méthode d’échantillonnage
2.1.3.2 Technique d’échantillonnage
2.1.3.3 Taille de l’échantillon
2.2 Stratégie de la recherche
2.2.1 Recherche documentaire
2.2.2 Choix des instruments de collecte de données
2.2.2.1 Questionnaire
2.2.2.2 Guide d’entretien
2.2.3 Pré test
2.2.4 Administration des instruments
2.2.5 Traitement des données
2.2.6 Difficultés rencontrées et limites de l’étude
2.2.6.1 Difficultés rencontrées
2.2.6.2 Limites de l’étude
CHAPITRE III : ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
3.1 Caractéristiques de la population de l’étude
3.1.1 Age
3.1.2 Religion
3.1.3 Situation matrimoniale
3.1.4 Régime matrimonial
3.1.5 Taille du ménage
3.1.6 Nombre de FAR
3.1.7 Nombre d’enfants de 0 à 5 ans
3.1.8 Niveau d’études
3.2 Niveau des revenus
3.2.1 Profession
3.2.2 Revenus mensuels de l’activité principale
3.2.3 Existence d’autres sources de revenus
3.2.4 Nature des sources de revenus additionnels
3.2.5 Montants des revenus mensuels additionnels
3.2.6 Profession du conjoint
3.2.7 Montant des revenus mensuels du ménage
3.2.8 Montant des revenus mensuels et niveau de prise en charge du ménage
3.3 Mutuelle de santé et accès aux soins et services en SR
3.3.1 Généralités sur les mutuelles de santé
3.3.1.1 Modalités d’adhésions et populations couvertes dans les MS
3.3.1.2 Prestations couvertes et taux de prise en charge
3.3.1.3 Structures sanitaires conventionnées, zones polarisées et partenaires fréquentées
3.3.1.4 Relations Mutuelles de santé/Adhérents et bénéficiaires
3.3.1.5 Mutuelles de santé/Femmes non bénéficiaires
3.3.2 Accès aux soins et services en SR
3.3.2.1 Niveau d’utilisation des soins et services en SR
3.3.2.2 Structures sanitaires fréquentées
3.4 Dépenses en soins et services en SR
3.4.1 Prise en charge des dépenses en SR
3.4.2 Appréciation sur les dépenses en SR
3.4.3 Les difficultés et contraintes dans le fonctionnement des mutuelles de santé
3.4.6 Propositions pour des dépenses en SR accessibles
CHAPITRE IV : RECOMMANDATIONS
4. Recommandations
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES