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Mutations environnementales dans les systèmes agraires de Basse-Casamance
La situation géographique de la Basse-Casamance, au Sud-Ouest du Sénégal, lui confère le climat le plus humide, la végétation la plus forestière et l’un des réseaux hydrographiques les plus denses du pays. L’omniprésence de l’eau (fleuve et ses bolons) et son ouverture sur l’Atlantique par un large estuaire expliquent son appartenance aux « Rivières du Sud ». En s’établissant sur cet espace, les Diola ont su élaborer un système social, en partie, déterminé par les conditions biophysiques. La valorisation de ce milieu d’une grande complexité et les moyens d’existence du diola, si originaux, révèlent les héritages de toute une histoire.
Aussi, à travers l’analyse du milieu biophysique, nous avons cherché à mieux comprendre l’évolution du climat (Chapitre III) avec pour finalité la connaissance de sa variabilité sur une soixantaine d’années, de 1951 à 2014 ; celle-ci conditionnant largement les transformations environnementales. L’analyse de cette variabilité est faite à partir des deux paramètres les plus déterminants du climat tropical : la pluviométrie et la température. Suit l’analyse des ressources pédologiques et hydriques (Chapitre IV) dont les échantillons, prélevés sur près d’une dizaine de sites, sont représentatifs de la diversité des systèmes agraires de la région étudiée.
Enfin, à travers l’étude de la dynamique des paysages à l’échelle de la Basse-Casamance (Chapitre V), réalisée à partir des outils de la géomatique, nous cherchons à déterminer ici les transformations environnementales passées et actuelles des divers systèmes agraires, comme préalable à l’étude des terroirs rizicoles.
Ainsi, l’analyse consacrée au milieu physique permet d’évaluer les forces externes qui s’expriment sur l’environnement biophysique et invite à examiner les mutations environnementales qu’elles provoquent sur cet espace, aux riches potentialités socio-naturelles.
Evolution récente des conditions climatiques en Basse-Casamance
Le climat de la Basse-Casamance ne peut être compris qu’à travers les caractéristiques de la circulation atmosphérique tropicale et particulièrement de l’Afrique de l’Ouest. En effet, comme sur l’ensemble du territoire sénégalais, les grands traits climatiques de la Casamance sont le résultat conjoint des facteurs géographiques et aérologiques. Les premiers s’expriment par la latitude, conférant à cet espace des caractères tropicaux avec des nuances entre le littoral et l’intérieur de la région. Quant aux facteurs aérologiques, leur expression se traduit par l’alternance, sur la zone d’étude, des flux comme l’alizé maritime, l’Harmattan et la mousson dont les déplacements sont facilités par une topographie peu accidentée (Leroux, 1983 ; Sagna, 2000 et 2005).
Selon la classification de Sagna (2000 et 2005), la Basse-Casamance appartient au domaine climatique sud-soudanien côtier. Son appartenance à ce domaine lui confère des caractéristiques particulières. Elle correspond à la zone la plus pluvieuse du Sénégal. L’importance des précipitations est un des traits majeurs qui impriment à cette région sa personnalité biophysique et socio-économique, durement éprouvée ces dernières décennies par la péjoration des conditions climatiques malgré une légère amélioration de la pluviométrie, notée plus récemment.
La synthèse des traits climatiques généraux de la zone d’étude est nécessaire puisqu’elle permettra de mieux apprécier l’évolution et la variabilité des paramètres climatiques retenus en rapport avec les activités agricoles qui en dépendent étroitement. Les traits majeurs de la climatologie tropicale ouest-africaine sont décrits dans plusieurs ouvrages parmi lesquels l’anthologie climatique de Marcel Leroux « le climat de l’Afrique tropicale » (1983) et les travaux de Pascal Sagna « les lignes de grains en Afrique de l’Ouest » (1988) et « la dynamique du climat et son évolution récente dans la partie ouest de l’Afrique Occidentale » (2005) ainsi que les nombreux articles de Nicholson (1980, 1983, 1988, 1998, 2008 et 2013) sur la pluviométrie de l’Afrique de l’Ouest.
Ce chapitre constitue une base importante de notre étude. En effet, les activités agricoles pendant l’hivernage, dont la riziculture « dite » pluviale, dépendent entièrement du climat dans la mesure où les précipitations en constituent les seuls apports en eau du secteur agricole. Leur indigence est dommageable à ce principal secteur d’activité. D’ailleurs, la mémoire collective garde encore en souvenir les sécheresses des années 1970 et 1980 aux conséquences environnementales et socio-économiques dramatiques (Sultan, 2011). C’est dans ce contexte d’impacts socio-économiques qu’il paraît nécessaire de décrire et de comprendre les modes de fonctionnement et de variabilité du climat de la Basse-Casamance, au moins dans son évolution récente.
Les traits généraux du climat de Basse-Casamance
Les principaux traits climatiques de la Basse-Casamance sont calqués sur ceux de la zone tropicale, particulièrement de l’Afrique Occidentale où les précipitations et les températures constituent les facteurs les plus déterminants du climat et dont le fonctionnement est régi par les cellules anticycloniques centrées sur l’Atlantique Nord et Sud mais aussi sur la partie nord du continent.
La circulation atmosphérique
Les caractéristiques aérologiques qui s’expriment en Basse-Casamance, à l’instar de l’Afrique de l’Ouest, sont commandées, dans les basses couches, par les Anticyclones Mobiles Polaires (AMP) qui assurent le transport de l’air polaire vers les tropiques (Leroux, 1986 et 1996 ; Sagna, 2005). Ces AMP, à la suite de l’opposition des barrières montagneuses de l’Afrique septentrionale à la pénétration de l’air froid sur le continent, provoquent la formation des agglutinations anticycloniques constamment alimentées par les nouvelles venues d’air froid (Ndong, 1996 ; Dione, 1997) et leur imposent, en fonction de leur dynamisme et de leur intensité, une migration annuelle. Trois de ces agglutinations, appelées aussi centres d’action ou anticyclones, localisées sur les façades orientales des océans et sur les continents, s’expriment sur l’Afrique de l’Ouest. Il s’agit des agglutinations anticycloniques des Açores et de Sainte-Hélène d’où partent des flux qui se dirigent vers la trace au sol de l’Equateur Météorologique (EM). L’anticyclone des Açores centré sur l’Atlantique Nord (chapelet d’îles portugaises au Nord-Ouest du Maroc) est un centre de hautes pressions qui se caractérise par de fréquentes impulsions d’air froid d’origine polaire, ce qui lui confère le caractère de cellule permanente et stable. Plus à l’Est sur le continent africain, notamment au niveau du Sahara, se manifeste l’agglutination anticyclonique dite cellule saharo-libyenne. Dans l’Atlantique sud, on retrouve l’agglutination anticyclonique de Sainte-Hélène qui résulte, selon Leroux (1996), de la fragmentation des AMP issus de l’Antarctique au contact des reliefs de l’Afrique australe. Cette cellule anticyclonique, permanente et relativement stable, est constamment alimentée par l’air froid en provenance de la zone polaire sud.
L’intervention des flux issus de ces trois centres d’action, sur l’Afrique de l’Ouest en général et la Basse-Casamance en particulier, se traduit par l’alternance de deux saisons contrastées dont l’influence, sur les activités agricoles, est manifeste.
Les manifestations de l’alizé en Basse-Casamance
Le flux d’alizé se manifeste en Basse-Casamance durant la saison sèche. La prise en compte des caractères thermiques, hygrométriques et de la trajectoire de ce flux montre, par ailleurs, que ce vent s’exprime de deux manières dans notre domaine d’étude : l’alizé maritime et l’alizé continental. Issu de la cellule anticyclonique des Açores, l’alizé maritime, de direction Nord à Nord-Est, concerne surtout le littoral de la Basse-Casamance où il adoucit les conditions thermiques à cause des influences océaniques (températures relativement fraîches). Du fait de sa structure verticale qui bloque le développement des formations nuageuses, ce flux est inapte à générer des précipitations. Cependant, son humidité peut être déposée sous forme de rosée, notamment durant la nuit. Son extension à l’intérieur des terres est limitée du fait de la dégradation progressive de ses caractéristiques au fur et à mesure qu’il s’éloigne des côtes. Ses manifestations se font sentir jusqu’à Ziguinchor (Sagna, 2005). Au-delà, c’est l’alizé continental qui s’exprime davantage. Ce dernier provient de la cellule anticyclonique maghrébine appelée aussi libyenne ou libyo-égyptienne en raison de sa fluctuation entre l’hiver et l’été. Il est caractérisé par une grande sécheresse liée à son long parcours continental et par des amplitudes thermiques très accusées, entretenant ainsi des températures élevées et de forts taux d’évaporation. Ce flux peut être à l’origine du transport de fines particules de poussières en suspension dans l’atmosphère (lithométéores) observées parfois dans notre zone d’étude au coeur de la saison sèche. L’alizé continental, appelé harmattan en Afrique de l’Ouest, a une direction dominante Nord-Est à Est et peut arriver jusqu’au littoral auquel cas, il s’humidifie et devient un alizé continental humidifié.
La circulation de mousson
La mousson qui balaie la Basse-Casamance est un flux originaire de l’hémisphère Sud qui s’intègre dans la circulation de l’hémisphère géographique Nord auquel appartient notre domaine d’étude. Elle est donc associée à un gradient transéquatorial de pression (déclivité transéquatoriale) opposant la cellule anticyclonique de Sainte-Hélène à la dépression qui prévaut à cette période dans l’hémisphère Nord aux latitudes sahariennes. Elle acquiert les caractères d’une mousson à partir du moment où elle est déviée par rapport à la trajectoire habituelle de l’alizé, après avoir franchi l’équateur géographique sous l’impulsion de la force de Coriolis (Sagna, 2005). Bénéficiant d’un très long parcours maritime, la mousson est un flux particulièrement humide marqué par une faible amplitude thermique avec, cependant, des températures globalement plus élevées que celles de l’alizé maritime. Par ailleurs, l’importance de ce flux, surtout pour les activités rurales et le fonctionnement des écosystèmes, et les caractères hygrothermiques qu’il revêt, lui vaut le qualificatif de vecteur de pluie. Mais en réalité, c’est son potentiel précipitable qui est exploité par les différentes perturbations qui parcourent l’espace ouest-africain à cette période. Les manifestations de ce flux dépendent des caractéristiques générales du climat de l’Afrique de l’Ouest mais peuvent se concevoir aussi par rapport aux particularités de la région étudiée. Généralement peu épais dans notre zone, ce flux atteint des proportions relativement importantes à Ziguinchor où il peut avoir une épaisseur de plus de 3 000 m (tabl. 3), notamment entre juillet et septembre, et les plus forts pourcentages (plus de 30 %) de sa présence s’observent généralement au niveau des épaisseurs 1000 à 1500 m (tabl. 4). Ses premières apparitions se remarquent dès le mois d’avril (Sagna, 2005) en Basse-Casamance où il est présent durant toute la période estivale avec une moyenne d’environ 30 jours entre les mois de mai et d’octobre (tabl. 3). C’est donc un flux qui se retrouve assez facilement à Ziguinchor pendant la saison des pluies ou hivernage jusqu’au-delà des 3000 m. On le retrouve même à 4500 m au coeur de l’hivernage c’est-à-dire entre juillet et août. Globalement, sa présence à Ziguinchor est progressive à partir du mois d’avril. Elle atteint son point culminant en juillet-août avant d’entamer son retrait progressif observable à partir du mois de septembre. L’importance relative de la présence de la mousson à Ziguinchor, la principale station de la zone, est un indicateur des caractéristiques générales du climat de Basse-Casamance.
Le domaine climatique de la Basse-Casamance
La Basse-Casamance se trouve entièrement en milieu tropical dont les particularités climatiques sont bien connues. Au-delà de cette considération d’ordre global, les climatologues et les météorologues ont mis en place des critères qui ont permis d’élaborer des sous-classes en termes de domaines climatiques. Ces critères, de plusieurs ordres, mettent à contribution, soit des éléments du climat comme les températures et les précipitations (classification « physionomique »), soit insistent sur la dynamique du temps aboutissant à la classification dite « génétique » dont l’avantage est de tenir compte des éléments et de la fréquence des différentes situations météorologiques des zones considérées.
Notre analyse se base ici sur la classification des domaines climatiques établie par Sagna (2005, 2008) sur la partie occidentale de l’Afrique de l’Ouest, et ceci, afin de mettre en évidence la zone climatique dans laquelle se déroulent nos recherches. Les facteurs pris en compte dans cette classification sont le relief, la situation géographique par rapport à la mer, la circulation atmosphérique générale à travers les principaux flux qui intéressent notre zone d’étude et la dynamique des précipitations résultant du cadre aérologique. Ces éléments ajoutés au changement de circulation au cours de l’année lié à la migration de la trace au sol de l’Equateur Météorologique et de la Discontinuité d’alizés, permettent de classer la Basse-Casamance dans la zone climatique où il existe une alternance entre les alizés et la mousson, flux dont la présence est fonction de la saison. Il s’agit du domaine sud-soudanien côtier (fig. 10).
La saison non pluvieuse ou saison sèche
La saison sèche se manifeste en Basse-Casamance, tout comme sur l’ensemble de l’espace sénégalais, entre décembre et avril à la suite du renforcement des cellules anticycloniques de l’Atlantique Nord (Açores et Sahara) par les AMP en provenance du pôle nord. Durant cette période, ces anticyclones connaissent le maximum de leur puissance alors que l’anticyclone de Sainte-Hélène, rendu plus faible par la situation d’été qui prévaut dans l’hémisphère sud, est décalé plus au Sud. C’est durant cette période que s’expriment les vents d’alizé (alizé maritime ou continental). Il n’existe généralement pas de précipitations durant cette période. Cependant, le temps peut être parfois perturbé par des interférences des moyennes latitudes sur la circulation tropicale qui se manifestent aussi bien en surface, dans les basses et moyennes couches, que dans les couches supérieures. Elles peuvent entraîner la formation de perturbations tropicales, génératrices dans certaines conditions météorologiques de rares précipitations. Ces pluies, appelées au Sénégal pluies de « heug » ou « pluies de mangues » ou encore « pluies hors saison » donnent un cachet particulier à la période hivernale, surtout caractérisée par l’absence de précipitations et par des manifestations de lithométéores provenant du Sahara ou de ses abords immédiats (Sagna, 2005). La Basse-Casamance est faiblement concernée par les pluies « hors saison » mais leur survenue peut poser des problèmes aux récoltes non sécurisées.
Au plan des activités rurales, la saison sèche dite furantaray en Diola Fogny commence à la fin des récoltes pour se terminer généralement à la fin du mois d’avril ou peu avant les premières pluies. Loin d’être une saison morte, elle est une période intense et importante au niveau social et économique. Au plan social, elle correspond à la phase principale d’initiation au bukut – une cérémonie traditionnelle très importante en pays diola qui consacre le passage de l’adolescence à l’âge adulte –, aux séances de luttes et autres cérémonies traditionnelles culturelles ou cultuelles. Au niveau économique, elle prépare la saison des pluies en ce qu’elle permet aux agriculteurs de faire suffisamment de réserves de riz pilé à consommer pendant la période de culture des rizières, de réfectionner les maisons et clôtures ou d’en construire de nouvelles, d’entretenir les jardins de plantation, etc. La réussite de la saison des pluies dépend donc étroitement de la préparation faite en saison sèche puisque les populations rurales se dégageront de toutes leurs obligations sociales, politiques, religieuses pour se consacrer aux activités agricoles.
La saison des pluies ou hivernage
Communément appelée hivernage, la saison des pluies est la période la plus attendue en milieu rural du fait de l’intervention des précipitations dont dépendent les activités agricoles. Elle survient généralement entre mai et novembre, période au cours de laquelle l’anticyclone de Sainte-Hélène, constamment renforcée par les AMP en provenance du pôle sud du fait de l’hiver austral, migre vers le Nord en repoussant l’Equateur Météorologique vers sa position la plus septentrionale. Notre domaine d’étude est alors couvert par le flux de mousson dont l’exploitation par les perturbations peut provoquer des précipitations. L’importance de celles-ci dépend des structures de l’Equateur Météorologique (EMI et EMV) et de leur migration. Cette période se particularise donc par la prédominance des principaux facteurs de la pluviogenèse tropicale. L’origine des précipitations et leur nature sont alors intimement liées à l’importance de chaque facteur et à leurs interactions par rapport au milieu concerné. Les pluies de début et de fin de saison pluvieuse, observées dans la zone étudiée, sont apportées en grande partie par les lignes de grains qui se forment dans la structure EMI. Les pluies abondantes et continues enregistrées au coeur de la saison pluvieuse sont, quant à elles, le résultat de la présence de la structure verticale de l’équateur météorologique (Sagna, 2005 ; Leroux, 1983). Sa remontée au cours de la saison des pluies et la fréquence des perturbations cycloniques donnent une importance particulière aux totaux pluviométriques puisqu’ils y sont généralement supérieurs à 200 mm par mois, notamment entre juillet et septembre.
La saison des pluies appelée fujamaray se confond avec la période des activités agricoles. C’est durant cette période que se déroulent l’essentiel des opérations culturales (labour, semis, repiquage, désherbage, surveillance des champs…). Au niveau économique, elle est la plus intense et la plus importante en ce sens que le Diola se consacre, pour l’essentiel, à la culture de ses champs et de ses rizières. Les hommes font les labours et les femmes repiquent les plants de riz qu’elles auront transplantés du champ de riz (la pépinière) située soit dans la brousse, soit en bordure des rizières dans le cas des bas-fonds, soit à proximité des habitations. La fin des cultures correspond à la période de surveillance du développement des plants de riz, de la quantité d’eau dans les parcelles car trop d’eau comme très peu d’eau risque de compromettre la récolte. Le désherbage des parcelles cultivées permet d’empêcher l’envahissement des jeunes plants par les mauvaises herbes.
Les saisons intermédiaires
Les populations rurales de Basse-Casamance discernent, au-delà des saisons indiquées plus haut, les saisons intermédiaires qui ont également une signification dans la structuration et le déroulement des activités rurales. En effet, la période qui précède la saison des pluies, comprise entre fin octobre et décembre ou saison fraîche appelée kuwëgenëk, est celle qui correspond globalement aux récoltes agricoles qui consacrent la fin des activités agricoles sous pluie.
La période de mai à mi-juin ou këriƞëk, c’est-à-dire celle qui précède les premières pluies, voit non seulement fleurir la plupart des arbres et arbustes mais il s’agit également de celle au cours de laquelle les agriculteurs procèdent à la préparation des champs et des rizières. C’est durant cette période aussi que les femmes préparent l’engrais vert pour fertiliser les rizières.
On peut retenir que l’alternance de la saison sèche et de la saison des pluies en Basse-Casamance, en fonction du flux qui prédomine (alizé ou mousson), s’explique par le dynamisme des échanges méridiens qui s’y expriment. Cette alternance des saisons a une grande incidence sur le cycle végétatif et le déroulement des activités humaines. Par ailleurs, les saisons intermédiaires représentent, dans l’imaginaire paysan, des périodes qui ont tout leur sens dans la vie traditionnelle en milieu rural de Basse-Casamance. Il faut préciser que, pour l’essentiel, l’agriculture est exclusivement dépendante des précipitations estivales. C’est la raison pour laquelle l’année agricole se confond avec la saison des pluies ou hivernage.
L’analyse de l’évolution des paramètres climatiques
L’analyse des paramètres climatiques revêt une importance particulière pour notre étude. En effet, la variabilité climatique influence fortement les écosystèmes et les activités humaines, surtout en Afrique de l’Ouest où la dépendance aux aléas naturels, particulièrement aux précipitations, est la plus importante (Fontaine et al., 2012).
Pour l’analyse des paramètres climatiques, nous avons retenu la série chronologique de 1951 à 2014. Le choix de cette période se justifie d’abord par la nécessité de prendre en compte une période suffisamment longue afin d’obtenir des résultats plus fiables. Ensuite, cette série chronologique permet de comparer les phases les plus déterminantes de la récente histoire climatique de notre zone d’étude dans la mesure où la rupture de stationnarité de la pluviométrie observée en Afrique de l’Ouest se situe vers la fin des années 1960. Cette période permet aussi de tenir compte à la fois des années relativement humides de la période 1951-1970, et des années relativement sèches de la période 1971-1990. Par ailleurs, il faut noter la nécessité de disposer de données homogènes aux différentes stations de la Basse-Casamance. Cette nécessité n’a cependant permis de ne retenir que deux paramètres climatiques (précipitations et températures) et quatre stations (Diouloulou, Bignona, Ziguinchor et Oussouye) qui sont les seules à satisfaire au critère de la longueur de la série chronologique. Les autres stations sont, soit trop lacunaires (Cabrousse), soit de création relativement récente (Cap Skirring).
Les données utilisées proviennent des archives de l’Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie du Sénégal (ANACIM). Les quelques rares lacunes des données pluviométriques décelées sur certaines stations ont été comblées par les relevés pluviométriques de la Direction Régionale du Développement Rural (DRDR) de Ziguinchor.
En outre, il convient de souligner les difficultés d’obtention des données climatiques auprès des structures assermentées, nous contraignant à ne retenir que les précipitations et les températures qui sont effectivement les deux principaux paramètres climatiques en milieu tropical.
L’analyse du profil historique de la variabilité climatique récente en Basse-Casamance s’est appuyée sur des outils statistiques pour déterminer la significativité des changements et identifier la non-stationnarité des séries. Nous avons, pour cela, choisi le test de Pettitt (1979) en raison de sa robustesse et de ses performances en termes de puissance puisqu’il reprend les fondements du test de Mann-Whitney en le modifiant. Son utilisation est ici motivée par l’obtention d’une plus grande fiabilité dans les résultats de nos analyses. Ce test, non paramétrique et libre, dérive du test de Mann-Kendall et permet de détecter la rupture, si elle existe, d’une série temporelle à une date inconnue. Il consiste à découper la série principale de N éléments en deux sous-séries à chaque instant t compris entre 1 et N-1. La série principale présente une rupture à l’instant t si les deux sous-séries ont des distributions différentes (Kingumbi et al., 2000). L’hypothèse nulle est l’hypothèse de non-rupture (Paturel et al., 1998). Aussi, les hypothèses du test sont : H0 : la série est stationnaire ; H1 : la série présente une rupture. Les statistiques du test Z sont obtenues de la façon suivante : ?=??? |?(?)|,K=1,…n−1 Avec : ?= ΣΣ????? (??−??).
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Table des matières
Abréviations et acronymes
Introduction générale
Première partie : Fondements des systèmes agraires de Basse-Casamance
Chapitre I : Peuplement et organisation spatiale des établissements humains en Basse-Casamance
I – La Basse-Casamance, une des trois entités de la Casamance
II – Peuplement et population de Basse-Casamance
1 – Le peuplement de la Basse-Casamance
2 – La population de la Basse-Casamance : diversité intra et inter-ethnique
2.1 : Diversité intra-ethnique et distribution spatiale des Diola en Basse-Casamance
2.2 – La diversité ethnique et la structure démographique en Basse-Casamance
2.2.1- La diversité ethnique en Basse-Casamance
2.2.2 – La structure démographique
2.2.3 – Organisation spatiale des établissements humains et évolution démographique selon le lieu de résidence
Conclusion chapitre I
Chapitre II : Aménagements agricoles traditionnels, gestion foncière et mode de mise en valeur
I – Les aménagements agricoles traditionnels en Basse-Casamance
1 – La place de la riziculture et du riz dans les agrosystèmes de Basse-Casamance
2 – L’organisation de l’espace rizicole dans les agrosystèmes de Basse-Casamance
3 – Les cultures de plateau ou agriculture sèche
4 – Les techniques culturales et les instruments aratoires
II – Gestion foncière et modes de mise en valeur agricole dans les systèmes agraires de Basse-Casamance
1 – La gestion coutumière de la terre dans les agrosystèmes de Basse-Casamance
2 – Les systèmes agraires et la division sociale du travail en Basse-Casamance
Conclusion chapitre II
Conclusion première partie
Deuxième partie : Mutations environnementales dans les systèmes agraires de Basse-Casamance
Chapitre III : Evolution récente des conditions climatiques en Basse-Casamance
I – Les traits généraux du climat de Basse-Casamance
1- La circulation atmosphérique
1.1 – Les manifestations de l’alizé en Basse-Casamance
1.2- La circulation de mousson
2– L’Equateur Météorologique
3– Le domaine climatique de la Basse-Casamance
4– Les saisons climatiques et les divisions du temps de travail en Basse-Casamance
4.1– La saison non pluvieuse ou saison sèche
II – L’analyse de l’évolution des paramètres climatiques
1- Le régime pluviométrique de Basse-Casamance et son évolution récente
1.1. L’évolution des pluies au cours de l’année
1.2 – L’évolution interannuelle des pluies
Conclusion chapitre III
Chapitre IV : Analyses des ressources pédologiques et hydriques : état des lieux et évolutions récentes
I – Quelques considérations géologiques et géomorphologiques sur la Basse-Casamance
II – Les sols de Basse-Casamance et leur évolution récente
1- Les types de sols et leurs caractéristiques générales
2- – L’évolution récente des sols de Basse-Casamance
III – Le réseau hydrographique de la Basse-Casamance et ses caractéristiques actuelles
1) – Quelques généralités sur le réseau hydrographique de la Basse-Casamance
2) – Les caractéristiques des eaux de Basse-Casamance durant la sécheresse des années 1970 et 1980
3)- Caractéristiques récentes des eaux de surface en Basse-Casamance
Conclusion chapitre IV
Chapitre V : Dynamique des paysages de Basse-Casamance de 1972 à 2014
I – Les images satellitaires et leur traitement
II – L’analyse de la dynamique des paysages de 1972 à 2014 en Basse-Casamance
1) – L’occupation des sols en 1972 en Basse-Casamance
2) – L’occupation des sols en 1984 : une période de crise environnementale
3) – L’occupation des sols en Basse-Casamance en 1999
4) – L’occupation des sols en Basse-Casamance en 2014
III – Le bilan des changements d’occupation des sols en Basse-Casamance entre 1972 et 2014
Conclusion chapitre V
Conclusion deuxième partie
Troisième partie : Paysages agraires, dynamiques des terroirs rizicoles et politiques publiques agricoles
Chapitre VI : Dynamique des terroirs rizicoles et caractérisation des exploitations agricoles familiales en Basse-Casamance
I – Les terroirs rizicoles de Basse-Casamance : dynamique et tendances actuelles
1) – Les terroirs rizicoles du « système agraire diola originel »
2) –Thionck-Essyl, un terroir rizicole villageois du Buluf
3) – Les terroirs rizicoles de la zone dite mixte : l’exemple d’Adéane
4) – Baïla, un terroir rizicole villageois à la lisière de deux systèmes agraires
5) – Coubanao, un terroir villageois des Kalounayes à influence manding
6) – Le terroir rizicole de Kafountine
II – Les caractéristiques des exploitations agricoles familiales en Basse-Casamance
1 – Caractérisation des chefs de ménages des exploitations agricoles de Basse-Casamance
2) – Caractérisation des exploitations agricoles familiales
3) – Les pratiques de fertilisation des sols et les modes de semis
4) – Le niveau d’équipement dans les exploitations agricoles en Basse-Casamance
5) –La production agricole et son utilisation en Basse-Casamance
6) – La sécurité alimentaire
Conclusion chapitre VI
Chapitre VII : Politiques publiques agricoles au Sénégal et implications en Basse-Casamance 282
I – Bref historique sur l’évolution des politiques agricoles au Sénégal
1) – Le Programme Agricole (1960-1980) : implication de l’Etat dans le secteur agricole
2) – La Nouvelle Politique Agricole et les programmes spécifiques : désengagement de l’Etat et responsabilisation des paysans
II – Les implications des politiques publiques agricoles en Basse-Casamance
1) – La Basse-Casamance dans la mouvance des projets du Programme Agricole
2) – La période des grands projets de gestion des ressources en eau en Basse-Casamance
3) – Les tentatives de relance du développement rural en Basse-Casamance dans un contexte de conflit armé
III – Recherche, formation et services techniques agricoles et ruraux
Conclusion chapitre VII
Conclusion troisième partie
Conclusion générale
Références bibliographiques
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