Musiques électroacoustiques et architecture du système

Naissance des musiques électroacoustiques 

Cette section est une synthèse tirée de Manning (2004) qui replace les musiques électroacoustiques dans le contexte historique. Nous avons résumé dans cette section les idées principales qui concernent la naissance des musiques électroacoustiques et les expérimentations ayant donné lieu aux premières pièces du genre. Il nous semble important de mentionner que la principale vocation de cette section est didactique et qu’elle ne constitue pas une étude musicologique personnelle. Cependant, la présence de cette section est indispensable, car elle décrit comment les nouvelles pratiques musicales ont émergé et permet ainsi de comprendre les origines et les procédés courants employés dans les musiques électroacoustiques.

Développements avant 1945

Apparitions des premiers instruments de musique non acoustiques

Les premiers instruments de musique utilisant des procédés de génération sonore non acoustiques sont apparus au début du 20e siècle. Le premier de ces instruments est le Dynamophone (ou Telharmonium) conçu par Thaddeus Cahill à partir de 1897 et présenté en public pour la première fois en 1906 (figure 2.1).

Cet instrument est le premier à avoir utilisé un procédé électromécanique pour la génération sonore. Ainsi, cet instrument utilisait principalement une roue phonique placée devant un microphone pour produire le signal sonore. Il faudra ensuite attendre l’entre-deux-guerre pour voir apparaitre les premiers instruments électroniques. Les principaux sont le Thérémin présenté en 1924 (figure 2.2), le Spharophon (1927), le Dynaphone (1927), les Ondes Martenot et le Trautonium (figures 2.3 et 2.4) présentés en 1930. La plupart de ces instruments utilisaient un clavier et ne pouvaient jouer qu’une seule note à la fois (instruments monophoniques).

Malgré les contributions de compositeurs établis tel que Messiaen, Koechlin, Honegger, Hindemith ou encore Milhaud, le répertoire compte un nombre limité de compositions dédiées à ces instruments. Les compositeurs ayant montré le plus d’intérêt pour ces instruments sont ceux qui écrivaient des musiques de films. Cependant, les Ondes Martenot ont tout de même réussi à se faire une place relative notamment dans les pièces de Messiaen (Turangalîla-Symphonie, Trois Petites Liturgies). Les Ondes Martenot sont aujourd’hui encore enseignées au conservatoire de Paris.

Vers de nouvelles formes d’expression

Les nouveaux procédés de génération sonore ont attiré l’attention du mouvement futuriste qui cherchait à imiter les sons industriels. Ce mouvement fut initié par le poète italien Filippo Marinetti en février 1909 lors de la publication du Manifesto of Futurist Poetry. Les intentions musicales de ce mouvement furent par la suite exprimées par Balilla Pratella dans Manifesto of Futurist Musicians en octobre 1910. Ce document propose un rejet des principes et méthodes traditionnelles musicales d’enseignement pour leur substituer une expression libre inspirée par la nature dans toutes ses manifestations. D’autres ouvrages du mouvement furent publiés dans les mois suivants. Dans The art of noise, Luigi Russolo proposait d’utiliser des sources sonores environnementales dans la composition musicale : “Les sons musicaux sont trop limités à des variétés de timbres qualitatives. Les orchestres les plus complexes se limitent à quatre ou cinq catégories d’instruments de timbres différents : les instruments joués à l’archet, les instruments à cordes pincées, la famille des cuivres, la famille des bois et les instruments à percussions … Nous devons sortir de ce cercle restreint des sons musicaux purs et conquérir l’infinie variété des bruits” (Russolo (1913)). Ces propositions furent matérialisées par la construction d’instruments bruitistes : les Intonarumori, en collaboration avec le percussionniste Ugo Piatti. Ainsi, le premier concert basé sur ces instruments, l’Art des bruits, eut lieu à Milan en juin 1913 au théâtre Storchi.

Finalement, le mouvement futuriste ne provoqua pas une révolution majeure mais sa remise en cause des relations bien établies entre les sciences de l’acoustique et l’art musical furent prophétiques. D’ailleurs, le futuriste Busoni avec son Sketch of a New Esthetic of Music (Busoni (1911)) attira l’attention du jeune Edgard Varèse qui se rebella contre le conservatoire de Paris afin de pouvoir explorer des nouveaux concepts d’expression musicale. On peut citer Varèse comme étant le compositeur de son époque ayant le plus contribué à l’acceptation de sources sonores diverses dans la composition musicale à travers son oeuvre. Malheureusement, il n’eut accès  moyens techniques qu’il espérait que dans les années 50, vers la fin de sa vie. Les écrits de Varèse sur le potentiel des instruments électroniques dans la composition musicale furent approuvés par John Cage, un compositeur américain d’une esthétique musicale pourtant bien différente. En 1937, lors d’un congrès à la Seattle Arts Society, John Cage déclarait : “Alors que par le passé, les points de divergence se situaient entre la dissonance et la consonance, dans un futur proche cela sera entre le bruit et les sons dit musicaux. Où que nous soyons, tout ce que nous entendons est principalement du bruit… Nous voulons capturer et contrôler ces sons, nous ne souhaitons pas les utiliser comme des traitements de studio mais comme des instruments… De nombreux concepteurs d’instruments musicaux électriques essayent d’imiter les instruments du 18e et 19e siècle… Alors que Thérémin proposait un instrument avec des possibilités nouvelles véritables, les Théréministes ont fait de leur mieux pour faire sonner l’instrument comme un vieil instrument en lui donnant avec difficulté un doux vibrato pour interpréter les pièces majeures du passé. Les caractéristiques spécifiques des instruments électriques seront de donner un contrôle total sur la structure harmonique des sons (à l’opposé des bruits) et de rendre ces sons utilisables à n’importe quelle fréquence, amplitude et durée”. La renaissance des arts d’après guerre fut un terrain plus favorable au développement de la musique électronique. En Europe, deux grands pôles prirent l’initiative de s’investir dans ce domaine : la Radiodiffusion Télévision française (RTF) à Paris avec la musique concrète et la Norwestdeutscher Rundfunk (NWDR) à Cologne avec l’elektronische musik. Malgré une grande curiosité réciproque, les deux écoles ont connu quelques divergences à leurs débuts au sujet des pratiques de composition.

Paris et la musique concrète

Naissance d’un groupe de recherche

Le courant français a pour principal initiateur Pierre Schaeffer, un ingénieur polytechnicien ayant commencé des recherches dans le domaine des sciences de l’acoustique musicale en France à partir de 1942 en créant le Studio d’Essai. L’équipement de l’époque était rudimentaire puisqu’il s’agissait principalement d’un enregistreur sur disque. En 1951, la RTF accepta de financer un nouveau studio pour les recherches de Schaeffer. La nouveauté la plus importante était l’utilisation de l’enregistreur à bande comme outil principal à la place de l’enregistreur sur disque. Un des enregistreurs à bande disponible permettait de reproduire cinq pistes sonores à la fois ce qui ouvrit la porte à la distribution des canaux audio sur un ensemble de plusieurs haut-parleurs. Trois magnétophones particuliers furent également introduits dans le nouveau studio : le Morphophone (réverbération basée sur des échos du son original), deux types de Phonogènes qui étaient conçus pour jouer des bandes en boucle à différentes vitesses (le premier type permettait un contrôle continu de la vitesse, le deuxième était associé à un clavier et effectuait des transpositions de hauteurs fixes en variant la vitesse). Le nouveau studio connu une expansion importante des activités et des collaborateurs de Schaeffer. Ainsi, le groupe fut renommé “Groupe Recherche de Musique Concrète” pour devenir le “Groupe de Recherches Musicales” (GRM) en 1958.

Les débuts de la musique concrète

Le premier travail de Schaeffer, Etude aux chemins de fer (la première des Cinq études de bruits), pose une constante de ce qui deviendra la musique concrète : la composition à partir d’enregistrements issus de sources sonores diverses. Cette première pièce est composée à partir d’enregistrements effectués à la Gare des Batignolles à Paris. Les sources sonores enregistrées incluaient le sifflement de locomotives à vapeur, leurs accélérations et les wagons passant d’un rail à un autre. La pièce est basée principalement sur des juxtapositions de parties (à l’opposé de la superposition de plusieurs parties), ce qui amplifie le caractère répétitif des sons. Pendant l’été 1949, Schaeffer a commencé à se réapproprier les instruments de musique en tant que sources sonores ce qui lui permet de renouer avec les travaux de Varèse initiés 20 ans plus tôt. La pièce suivante de Schaeffer est Suite pour quatorze instruments et a pour caractéristique d’être le point de départ de son travail sur la syntaxe de la musique concrète. Cette pièce en cinq mouvements met en valeur divers procédés caractéristiques de la musique concrète : Courante est une monodie assemblée par juxtaposition de petits extraits de l’ensemble de la librairie d’enregistrements sonores, Gavotte utilise l’interprétation par divers instruments d’une petite phrase musicale en juxtaposition pour créer un ensemble de variations. On peut noter un emploi intensif de la transposition de hauteur en jouant les enregistrements à des vitesses différentes. Schaeffer ne tarda pas à donner une première définition au concept d’objet sonore : évènement sonore élémentaire qui est isolé de son contexte original et examiné pour ses caractéristiques natives en dehors du continuum temporel normal.

Symphonie pour un homme seul est la première pièce de Schaeffer en collaboration avec le compositeur Pierre Henry. Les préoccupations de Schaeffer étaient alors l’extension des possibilités des sources sonores instrumentales par l’intermédiaire des nouveaux moyens techniques et également le développement du principe d’objet sonore et leurs règles de composition. Dans cette pièce, Schaeffer et Henry distinguent deux types de sources sonores : celles produites par l’homme (respirations, fragments de voix, cris, fredonnements, sifflements) et celles résultantes de la communication de l’homme avec son environnement (bruits de pas, claquements de portes, percussions, piano préparé, instruments orchestraux). Un exemple de divergence entre les courants français et allemands est la première diffusion de Symphonie pour un homme seul aux radios de Cologne (NWDR), Hambourg, Baden-Baden et Munich en 1951. Les sympathisants de l’elektronische musik, un courant musical allemand qui se développait pendant la même période que la musique concrète, accueillirent la pièce avec une certaine hostilité. Malgré cela, cette pièce sera par la suite acceptée et considérée comme un classique.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Contexte
1.2 Objectifs et problématiques
1.3 Contributions
1.4 Présentation du manuscrit
2 Musiques électroacoustiques et architecture du système
2.1 Introduction
2.2 Naissance des musiques électroacoustiques
2.2.1 Développements avant 1945
2.2.1.1 Apparitions des premiers instruments de musique non acoustiques
2.2.1.2 Vers de nouvelles formes d’expression
2.2.2 Paris et la musique concrète
2.2.2.1 Naissance d’un groupe de recherche
2.2.2.2 Les débuts de la musique concrète
2.2.2.3 Formalisation et notation
2.2.3 Cologne et l’elektronische musik
2.2.3.1 Création du studio de Cologne
2.2.3.2 Les premières pièces d’elektronische musik
2.2.4 Milan, un autre studio européen important
2.3 Définitions
2.4 Analyse des musiques électroacoustiques
2.4.1 Etat de l’art
2.4.2 Approche analytique de trois musicologues
2.5 Un système interactif d’aide à l’analyse des musiques électroacoustiques
2.5.1 Etat de l’art
2.5.2 Architecture du système
2.5.2.1 Contraintes fonctionnelles
2.5.2.2 Choix d’architecture
2.5.3 Corpus synthétique
2.5.3.1 Corpus M
2.5.3.2 Corpus P
2.6 Conclusion
3 Segmentation interactive de musiques électroacoustiques
3.1 Introduction
3.2 État de l’art
3.2.1 Approches par mesures de similarités
3.2.2 Approches par détections de ruptures
3.2.3 Approches par programmation dynamique
3.2.4 Approches par clustering
3.2.5 Approches issues d’autres domaines
3.3 Segmentation interactive
3.3.1 Architecture
3.3.2 Extraction de descripteurs
3.3.3 Construction d’un descripteur de timbre adapté
3.3.3.1 Algorithme de Fisher
3.3.3.2 Sélection d’attributs
3.3.4 Représentation d’unités sonores
3.3.4.1 Segmentation de bas-niveau
3.3.4.2 Intégration temporelle
3.3.5 Clustering hiérarchique
3.3.6 Clustering interactif
3.3.6.1 Coupes globales et locales
3.3.6.2 Comparaisons de deux scénarios d’interaction
3.4 Evaluation
3.4.1 Critères d’évaluation
3.4.2 Expériences
3.4.2.1 Simulation utilisateur
3.4.2.2 Comparaison de performances pour les deux scénarios d’interaction
3.5 Conclusion
4 Classification interactive d’objets sonores
4.1 Introduction
4.2 Etat de l’art
4.2.1 Classification d’instruments dans la musique polyphonique
4.2.2 Retour de Pertinence et Apprentissage actif
4.2.3 Classification multilabel
4.2.4 Classification d’images
4.3 Exploitation des informations d’initialisation
4.4 Descripteurs utilisés
4.5 Apprentissage interactif
4.5.1 Architecture de la boucle d’interaction
4.5.2 Sélection dynamique d’attributs
4.5.3 Prédiction au niveau des segments de mixtures
4.5.4 Apprentissage actif
4.5.4.1 Présentation
4.5.4.2 Adaptation à notre problème
4.6 Comparaison de deux approches interactives
4.6.1 Approche par passages multiples (PM)
4.6.1.1 Concept
4.6.1.2 Stratégies d’échantillonnage
4.6.2 Approche par passage unique (PU)
4.6.2.1 Concept
4.6.2.2 Stratégies d’échantillonnage
4.6.2.3 Gestion de classifieurs
4.7 Evaluation
4.7.1 Simulation utilisateur
4.7.1.1 Segmentation
4.7.1.2 Choix des segments les plus représentatifs
4.7.1.3 Classification des objets sonores
4.7.2 Résultats
4.7.2.1 Performances
4.7.2.2 Complexité des méthodes
4.7.2.3 Analyse des descripteurs sélectionnés
4.8 Conclusion
5 Conclusion

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