Multilinguisme et plurilinguisme

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Ce que dit l’institution

Selon les programmes

 Dans les programmes de maternelle :
Contrairement à des anciens programmes comme ceux de 1989 par exemple où l’on ne proposait à l’étude qu’une seule langue étrangère, sans doute dans une volonté de mettre en avant et préserver le monolinguisme français, progressivement les programmes ont permis une ouverture aux langues, plus large. C’est en effet dans les programmes de 2002 qui font suite à la création du CECRL qu’un bouleversement majeur s’opère. C’est à partir de ces programmes que la notion de découverte de la diversité linguistique et culturelle est mise en avant. C’est à eux que l’on doit l’apparition des langues régionales à l’école, entendus comme langues autres que les français implantés en France depuis longtemps (basque, breton, langue d’oc) mais n’incluant pas les langues de l’immigration ou des variantes du français. On y trouve également des éléments encourageants permettant d’accorder une place aux langues et cultures d’origines des élèves. On peut citer à ce propos le fait que « la multiplicité des langues parlées sur le territoire national et, plus particulièrement, celles qui sont les langues maternelles de certains élèves » doit être prise en compte. En utilisant le terme de langues parlées sur le territoire cela offre la possibilité de s’appuyer sur un panel de langues sans aucune restriction. Et la nécessité de « prendre soin de ne pas oublier les traditions orales régionales ainsi que celles des aires culturelles des enfants étrangers ou d’origine étrangère qui fréquentent l’école ». Au travers de cette diversité, il est possible d’effectuer des « rapprochements qui manifestent le caractère universel de cette culture. » 20 Il vise aussi à faire découvrir, d’une manière plus générale, « l’enrichissement qui peut naître de la confrontation à d’autres langues, d’autres cultures et d’autres peuples, y compris lorsqu’ils sont liés à l’histoire personnelle ou familiale de certains élèves de la classe ». Ces programmes préconisent donc une grande ouverture à la diversité en mettant en valeur les langues et cultures des élèves mais aussi en apportant aux élèves bilingues voir plurilingues ou dont le français n’est pas la langue maternelle un soutien particulier. Néanmoins aucune mention n’est faite de la façon de mettre en place toutes ces mesures, ni des actions et activités à mettre en œuvre par l’enseignant. Les programmes de 2008 sont quant à eux centrés sur les savoirs fondamentaux on pourrait même y voir un abandon de l’ouverture aux langues. Bien que le fait d’encourager les activités d’écoute, de redite, de mémorisation d’histoire et comptines variées ainsi que « l’importance de nourrir la curiosité des élèves dans la découverte du monde »21 offre tout de même une certaine liberté qui pourrait permettre d’y intégrer des langues diverses et cultures variées.
Cependant, en consultant la brochure à l’attention des professeurs, intitulé « Le langage à l’école maternelle» publié en 2011 qui vient compléter les programmes de 2008 on trouve à nouveaux des éléments en faveur de la prise en compte de la diversité des langues et cultures. En effet, dans le paragraphe concernant le choix des textes, il est « indispensable » de confronter les élèves à des textes divers et cette variété peut passer par « des textes d’ici et d’ailleurs jouant sur la diversité des langues et des cultures. » La littérature de jeunesse permet de prendre en compte la diversité culturelle des élèves, car « ceux qui viennent d’ailleurs peuvent retrouver des contes et des mythes liés à leurs origines ; les personnages, les univers recréés par l’illustration, des noms ou des formules sont familiers à leurs proches. » Il est « possible également que les grands frères ou grandes sœurs viennent à l’école pour lire un livre », ce qui peut être très important « pour valoriser des familles dont le français n’est pas la langue maternelle ». De plus, dans une logique de transversalité l’enseignant peut puiser dans les supports utilisés en « didactique des langues vivantes » (flashcards, lotos, mémory…) pour rendre plus « attractives, rythmées et efficaces » des séances de langage.
Dans le paragraphe consacré aux élèves à besoins particulier, la valorisation des langues maternelles est encouragée, et elles ne sont pas considérés comme « préjudiciables à l’apprentissage du français ». Bien au contraire, les parents sont incités à permettre à leurs est recommandé de « faire une place au diverses langues maternelles dans la classe ». Toute une rubrique est consacrée à ces recommandations. Les objectifs étant de « rassurer les enfants sur le statut de leur langue » ; mais aussi liés « à la citoyenneté (ouverture à la différence, qui est ouverture au monde et incitation à la décentration, reconnaissance des différences culturelles comme valorisation de l’altérité) et liés à l’apprentissage : les comparaisons entre langues, même à un niveau accessible en maternelle, aident à l’analyse.
Dans les programmes de l’école maternelle du 26 novembre 2015 il est explicitement question d’éveil à la diversité linguistique, titre d’un sous-domaine du domaine « mobiliser le langage dans toutes ses dimensions ». Ce dernier étant très synthétique on peut le citer entièrement ici : « À partir de la moyenne section, ils vont découvrir l’existence de langues, parfois très différentes de celles qu’ils connaissent. Dans des situations ludiques (jeux, comptines…) ou auxquelles ils peuvent donner du sens (DVD d’histoires connues par exemple), ils prennent conscience que la communication peut passer par d’autres langues que le français : par exemple les langues régionales, les langues étrangères et la langue des signes française (LSF). Les ambitions sont modestes, mais les essais que les enfants sont amenés à faire, notamment pour répéter certains éléments, doivent être conduits avec une certaine rigueur. »
Bien qu’étant la rubrique où l’on devrait trouver le plus d’éléments concernant l’éveil aux langues nous sommes forcés de constater que les informations sont très succinctes et qu’aucune mention n’est faite de la valorisation des langues premières des élèves. Ce qui est paradoxal au vu des éléments relevés précédemment pour les programmes de 2008. On pourrait y voir un changement d’orientation drastique quant à la valorisation de la diversité linguistique en maternelle.
Cependant, en analysant le Bulletin Officiel dans son intégralité, on peut notamment voir dès le premier paragraphe, que dans le but de favoriser le bien-être et la scolarisation des enfants, les programmes préconisent qu’une attention particulière soit portée à la diversité des familles. Cela représente une première ouverture qui permet de penser la prise en compte des langues des familles au sein de l’école.
De plus, dans le paragraphe 3 il est précisé que pour établir « les bases de la citoyenneté des élèves » il est nécessaire de les ouvrir à « la pluralité des cultures dans le monde ». Cela leur permettra de se construire « une première sensibilité aux expériences morales » (en éprouvant de l’empathie et en questionnant les stéréotypes). L’idée derrière le terme de « pluralité des cultures » n’est pas explicitée, nous ne pouvons donc pas savoir ce qu’il faut en tirer. Par ailleurs, il aurait été intéressant là aussi de préciser que cette ouverture peut s’appuyer sur la diversité des cultures déjà présentes au sein de la classe, de l’école ou encore des familles.
Il y a néanmoins d’autres éléments exploitables dans les différents domaines :
Dans le domaine 1, (Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions, il est question de travailler sur le langage, entre autres en « écoutant d’autres langues parlées ». A travers ces moments de réception les élèves sont amenés à « reconnaître, rapprocher et catégoriser »
On pourrait s’appuyer également sur le domaine 3 (agir s’exprimer comprendre à travers les activités artistiques) car l’éveil à la diversité linguistique passe par des moments de langages à plusieurs. A travers la compréhension d’histoires entendues, l’écoute de supports sonores de différents styles et cultures par exemple, où, intéressés par la ou les langues qu’ils entendent, les élèves font spontanément et sans en avoir conscience des tentatives pour reproduire et mémoriser les sons, les comptines et chansons qu’ils entendent. Cela participe à l’acquisition des attendus de fin de cycle qui sont d’« avoir mémorisé un répertoire varié de comptines et d’exprimer son ressenti ou sa compréhension sur un extrait musical ».
Il s’agit également d’une part de pouvoir s’intéresser aux syllabes et aux phonèmes en se détachant du sens des mots. Ils doivent donc être capables selon les attendus de fin de cycle de « repérer des régularités dans la langue orale en français mais aussi le cas échéant dans une autre langue ».
D’autres parts, le but est aussi de permettre aux enfants de comprendre que les signes écrits qu’ils perçoivent quelle que soit la langue valent du langage.
Dans le domaine 5 (explorer le monde), il est aussi question de permettre aux élèves de découvrir des pays et des cultures pour les ouvrir à la diversité du monde. Néanmoins cette découverte se ferait « en lien avec une première sensibilisation à la pluralité des langues », à travers des projets visant à « communiquer à distance avec des personnes parfois très éloignés ».
Il semble important de préciser que lorsqu’on consulte les ressources d’accompagnement d’Eduscol l’éveil à la diversité linguistique n‘y figure pas.
Tous ces éléments nous amènent à conclure que même si les programmes de maternelle proposent une ouverture aux langues et cultures significative et une certaine liberté pédagogique, rien n’est réellement spécifié en ce qui concerne le bagage linguistique et culturel des élèves en la mise en œuvre concrète en classe.
 Dans les programmes pour les cycles (2, 3, 4) de 2008
Le premier point soulevé pour les langues vivantes dans le BO de 2008 concerne la conscience des élèves de l’existence de langues différentes dans leur environnement. En effet cela peut engendrer une attitude d’ouverture, sinon de curiosité par rapport aux langues et les élèves peuvent de ce fait avoir déjà des compétences auditives ou autres qui se développent.
Il est recommandé pour la classe de CP de sensibiliser les élèves à « une langue vivante, à l’oral ». Au CE1 une « association entre l’oral et l’écrit doit être opérée dans l’enseignement d’une langue, en mettant au premier plan les activités liées à l’oral ». On peut s’étonner que dans ce paragraphe sur les langues vivantes, aucune mention ne soit faite de l’aspect culturel. Ayant à aborder le vocabulaire relatif à la personne et à la vie quotidienne ces deux éléments me semblent être des pistes qu’il serait bon de prendre en compte pour faire progresser les élèves en ce sens. Néanmoins, il est possible d’utiliser certains éléments contenus dans la rubrique « Découverte du monde » tel que le fait de devoir acquérir des connaissances sur le monde. C’est donc dans les attendus de fin de cycle, dans les éléments visant à acquérir la compétence n°5 du Socle Commun de Connaissances de Compétences et de Culture (les représentations du monde et l’activité humaine), en lien avec la culture humaniste, que la notion de culture est réellement abordée et que des exemples de situation pouvant être exploités sont énoncés (« dire de mémoire quelques textes en prose ou poèmes courts, s’exprimer par l’écriture, le chant, la danse, le dessin, la peinture, le volume (modelage, assemblage) ; et découvrir quelques éléments culturels d’un autre pays »).
 Dans les programmes pour les cycles de 2015 et 2018
Pour l’enseignement des langues vivantes en cycle 2 et 3 la préoccupation première d’une séance de langues doit être de « donner l’envie d’apprendre des langues diverses et s’ouvrir à d’autres cultures. ». Partir d’une culture et d’une langue présente dans l’environnement familial des élèves représente donc un levier indéniable pour mettre les élèves en confiance pour les amener vers ces découvertes.
En seconde préoccupation apparaît la stimulation de la curiosité. « De ce fait il est important de combiner langue et culture, car la culture sous toutes ses formes trouve sa place dans une approche communicative ». Dans ce cadre des activités ritualisées répétitives et quotidiennes sont préconisées pour une véritable progression. « Les thèmes à aborder doivent être proche des enfants. » D’ailleurs on trouve dans les ressources d’accompagnement des pistes, à adapter, faire évoluer en fonction des profils des élèves et des données propres à la classe. Néanmoins on n’y trouvera pas de pratiques de classe détaillées, ce qui laisse aux enseignants une certaine liberté pédagogique. C’est à eux d’apprécier comment atteindre les objectifs du programme.
On relèvera également qu’il est fait mention du fait que les connaissances acquises par les élèves en dehors de l’école, dans leurs familles ou ailleurs, sont nombreuses et variées (aussi bien en ce qui concerne la langue orale que la culture), qu’il faut en tenir compte et qu’il faut les valoriser car « ces connaissances implicites peuvent être utilisées comme fondement des apprentissages explicites ». Dans ce cas la question est de savoir comment mettre en place cette valorisation, et que proposer aux élèves ?
Nous retiendrons également que les programmes mettent l’accent sur le fait qu’il faille absolument qu’il y ait une continuité et une progressivité tout au long de la scolarité obligatoire, sans oublier de prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de certains élèves (allophones, nouvellement arrivés, etc.…). Or lorsqu’on consulte les
documents d’accompagnement les langues sur lesquels s’appuient les ressources sont essentiellement des langues de grande diffusion bien souvent inconnues des élèves avant qu’ils les aient abordées à l’école et les langues régionales. De plus le domaine « éveil à la diversité linguistique » est remplacé par celui des Langues Vivantes Étrangères et régionales qui visent à faire acquérir aux élèves des compétences communicationnelles orales et écrites principalement en anglais et de façon optionnelle dans des langues hautes.

Selon le Cadre Européen Commun de référence pour les langues

Publié en 2001 par le Conseil de l’Europe ce document est un support pour apprendre, enseigner et évaluer. Il a pour but d’encourager le développement du plurilinguisme et donc l’acquisition d’une « compétence plurilingue et pluriculturelle » En effet il vise avant tout à « l’interaction entre différentes langues peu importe le degré de maîtrise de chacune d’elle » par les individus et « l’expérience de plusieurs cultures ». En définissant des niveaux de compétences sachant que le degré d’acquisition varie d’un individu à un autre, la « maîtrise quasi totale d’une ou plusieurs langues » semble ne pas être son objectif principal.
Le document s’organise dans des tableaux qui présentent des compétences « spécifiques, linguistiques, pragmatiques, sociolinguistiques et socioculturelles. » Il est élaboré selon une échelle de niveau de maîtrise allant du « niveau introductif (A1) » en passant par les niveaux « intermédiaire (A2), seuil(B1), avancé(B2) et autonome(C1) » pour arriver au niveau maîtrise(C2) ». Cependant ces tableaux ne présentent pas de compétence qui intègre réellement plusieurs langues qui les relient entre elles, que l’on pourrait nommées « compétence plurilingue intégrative »22. En effet il est tout à fait possible d’avoir des niveaux d’acquisition différents dans les langues que l’on utilise mais cela n’empêche en aucune façon une interaction entre celles-ci.
Si l’on tient compte des ambitions présentées dans les parties théoriques du CECRL, commencer systématiquement des séances d’éveil aux langues, et cela dès la moyenne section, pourrait sans doute permettre de gravir progressivement certains échelons à allure différente bien sûr dans les différentes langues. Néanmoins en assurant une continuité des pratiques, et une mise en relation des langues, des compétences indéniables pourraient se développer. Tout d’abord en maternelle, les élèves développeraient essentiellement la compétence « comprendre » du CECRL, en passant essentiellement par l’écoute. Progressivement en élémentaire ils pourraient acquérir celles de la « compréhension en lecture, l’expression orale, pour prendre part à une conversation, et en continu » ; et idéalement aboutir à des compétences à l’écrit. Des activités de production comme évoquées dans le cadre pourraient alors sans doute être menées en fin de cycle 3 grâce à un encadrement par des élèves locuteurs natifs qui auraient alors un rôle de « référent ». Bien entendu il s’agit d’hypothèses non vérifiées mais permettant de mettre en évidence le fait que pour développer « les compétences à communiquer langagièrement et à interagir culturellement » et respecter la logique du CECRL, qui vise à n’exclure aucune langue, l’éveil aux langues pourrait être un point de départ essentiel. Pour se faire il serait intéressant que l’école puisse faire une place à toutes les langues présentes sur le territoire « quel que soit leur statut scolaire et social, qu’il s’agisse des langues premières des élèves, des langues proposées à l’enseignement dans les programmes, des langues et variantes de langues de l’environnement ou de toute autre langues ».

État des lieux des politiques linguistiques

Il faut savoir/Il convient de rappeler que les langues n’ont pas toujours eu une place importante à l’école. Il me paraît donc essentiel d’effectuer un retour dans l’histoire pour évoquer les changements majeurs qui ont jalonnés cette évolution. Tout d’abord, l’introduction de l’enseignement des Langues Vivantes en France remonte à l’année 1829 et concerne particulièrement les classes du secondaire. C’est H. de Vatimesnil qui en est le principal instigateur. 23 En 1950 l’école primaire ouvre ses portes aux langues vivantes étrangères. Les premières expérimentations concernent essentiellement les élèves de cours moyens, on parle alors « d’Enseignement d’Initiation aux Langues Étrangères » (EILE) impulsé par Lionel Jospin)24. Cet enseignement réside sur la base du volontariat des enseignants. Celle-ci sera suivie par la création « du dispositif ILV (Initiation aux Langues Vivantes) », intégrant de manière officielle l’enseignement des LV dans les programmes des cycles 2 et 3. Cette initiation débute réellement en classe de CE1. Elle se poursuit jusqu’au secondaire dans une logique d’intensification années après années. La formation des enseignants aux langues vivantes devient alors une priorité. Des « actions en matière de formation doivent désormais être envisagées à échelle départementale et académique » F. BAYROU (Ministre de l’Éducation Nationale de 1993 à 1997)25. Puis en parallèle de l’élaboration par le Conseil de l’Europe du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues qui apporte une nouvelle vision, Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale (2000-2002) instaure un enseignement des Langues Vivantes à partir de la grande section de maternelle. Dans ces deux approches le but est officiellement le même : une ouverture aux langues européennes et ce, le plus tôt possible dans le cursus scolaire. Cette mise en place se fait progressivement, bien que quelque peu ralenti par les mesures prises par Luc Ferry au début des années 2000. Mais la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de la république du 8 juillet 2013 relance la dynamique en réaffirmant cette volonté que « tout élève bénéficie, dès le début de sa scolarité obligatoire (cour préparatoire), de l’enseignement d’une langue vivante étrangère ». Et comme vu précédemment dans l’analyse des programmes de 2015, l’éveil à la diversité linguistique est instauré dès la moyenne section
Par ailleurs, comme on a pu le voir dans les programmes et comme on peut le voir dans la loi de refondation « l’apprentissage des langues étrangères parlées dans les pays avec lesquels des accords de coopération régionale sont en vigueur » est promu. Mais ils offrent aussi la possibilité que l’enseignement « des langues et cultures régionales soit favorisé, prioritairement dans les régions où elles sont en usage ». J’ajouterais également qu’ils encouragent le fait que « les élèves puissent bénéficier d’une initiation à la diversité linguistique. Les langues parlées au sein des familles pouvant être utilisées à cette fin. » A la lecture de ces deux textes, ainsi que celle du CECRL on peut noter également une grande importance de l’aspect culturel qui doit être largement pris en compte dans l’élaboration des séances car permettant aux élèves de s’ouvrir à l’autre et sur le monde et de remplacer le jugement stéréotypé par une curiosité bienveillante. Cela démontre une volonté de mettre en avant, dans les textes institutionnels le fait que l’ouverture à la diversité linguistique et culturelle représente un levier essentiel pour accéder au domaine 2 du Socle Commun de Connaissance de Compétences et de Culture : « La formation de la personne et du citoyen ».

Ce que dit la recherche

L’école face à la diversité linguistique

Dans le contexte de mondialisation actuel et par rapport à toutes les migrations familiales qui s’effectuent, la diversité linguistique et culturelle qui en découle ne peut être ignorée. L’école, miroir de la société se trouve inéluctablement impactée par ces bouleversements. Néanmoins, la prise en compte effective de cette diversité reste pourtant très peu présente dans les pratiques scolaires alors qu’elle constitue un atout majeur permettant de créer du lien au-delà des frontières. En effet, comme le démontre une enquête (Clerc, 2007) effectuée auprès d’enseignants intervenant en classe « ordinaire » en zone d’éducation prioritaire, interrogés par écrit sur leur vision du plurilinguisme de leurs élèves, il arrive que cette ou ces langues soient considérées comme un handicap, les propos de cette enseignante de CRI en témoigne : « je pense que c’est un handicap dans la mesure où peu d’élèves maîtrisent véritablement l’arabe […] la connaissance de leur langue d’origine est approximative tant sur le plan syntaxique que sur le plan lexical . 26. Ces propos traduisent également une pensée selon laquelle être bilingue ou plurilingue ne constitue un atout que si on possède une maîtrise parfaite orale et écrite des langues.
Par ailleurs, les programmes font généralement référence à Une langue vivante sans préciser laquelle mais dans les faits c’est essentiellement l’anglais qui est étudié en France, sinon qui occupe le statut de première langue vivante suivie généralement de l’espagnol (à partir de la cinquième). D’autres parts, les enquêtes internationales montrent que les français sont mauvais possèdent un niveau plus faible en langues étrangères.
L’apprentissage de la première langue vivante par pays et niveau © Commission européenne Cette enquête semble valider l’hypothèse énoncée précédemment. Plus précisément elle montre que les français ont de bons résultats au niveau débutant et introductif mais qu’ils sont peu nombreux à atteindre le niveau seuil voir celui avancé. D’autres études montrent que c’est surtout l’expression orale qui fait défaut.
Il convient de se demander d’où résulte ce faible taux de réussite. La recherche tend à l’expliquer par le manque de formation ou la formation inappropriée des enseignants. Selon Bernard Viselthier, docteur en études germaniques, leur manque de maîtrise leur poserait des difficultés à s’exprimer uniquement en langue cible ce qui empêcherait les élèves de s’imprégner suffisamment de la langue. Le domaine des langues a d’ailleurs été supprimé des épreuves du CRPE (Concours de Recrutement des Professeurs des Écoles) bien que toujours présent dans la maquette de formation du Master MEEF. Par ailleurs certains chercheurs s’accordent à dire que le problème vient du fait que les élèves pensent en français et non dans la langue étudiée27. Se pose alors la question du traitement de l’erreur en France, la nécessité d’une production parfaite n’incite pas à la prise de risque, à s’exprimer et au lâcher prise.28
D’autres chercheurs attribuent cette hétérogénéité des niveaux soit au pessimisme soit au perfectionnisme des Français ou encore à la complexité de la langue française. Selon une étude du Cnesco (Conseil national de l’évaluation du système scolaire) c’est l’introduction effective dès le plus jeune âge qui ferait défaut. Ce conseil tout comme Brigitte Gruson29, dénonce le manque d’heures dévolues aux séances de langue dans les maquettes. Il explique aussi cette situation par le fait qu’« on a longtemps cru que le développement du plurilinguisme ferait régresser notre propre langue »
Loin de vouloir avancer une réponse exacte à cette question c’est l’étude des possibilités qui fera l’objet de mon analyse. Plus particulièrement les approches faisant appel à l’ouverture aux langues, car dans la mesure où l’école se réclame d’être dans une dynamique où les élèves doivent s’ouvrir au monde, la diversification linguistique et culturelle ne serait-elle pas un levier essentiel pour faire partager aux élèves certaines valeurs de la république qui en découlent soit la tolérance, et l’ouverture aux autres par exemple.

L’ouverture aux langues

Une sensibilisation, de plus en plus tôt, ou faisant appel à des pédagogies diverses, à l’intercompréhension entre langues parentes, à la mise en place d’une didactique intégrée ou s’inspirant de programmes de recherches tel que Evlang, Eurydice, Eole ou Elodil, basées sur les approches plurielles et l’ouverture à l’altérité, apportent néanmoins des pistes intéressantes, qui pourraient permettre de faire évoluer les choses.
Les premiers travaux ayant poussé la réflexion en ce sens sont ceux de Eric Hawkins et son équipe en Angleterre dans les années 80, dont les axes fondamentaux sont de « combattre l’échec scolaire en langue, favoriser les relations entre les groupes ethniques, placer le langage dans ses dimensions cognitives, mettre en évidence le lien entre les langues, la communication et la citoyenneté pour comprendre les notions d’égalité et de diversité culturelle afin de les accepter »30 . Il est l’un des premiers à aborder la notion de « language awareness »31. Ces approches seront reprises par Moore en 1995 et ailleurs dans le monde, en Europe, par exemple avec l’élaboration du projet EOLE par Christiane « éveil aux langues » (Équipe de Michel Candelier, 2003) à travers les projets EVLANG (partenariat avec la Suisse (dont une bonne partie des chercheurs constituait l’équipe EOLE), l’Autriche, l’Italie et l’Espagne, 1997-2000) et Juana Linguarium( 2000-2004).32 Comme le confirme les dire de l’association ÉDILiC (Éveil à la DIversité LInguistique et Culturelle) l’Éveil aux langues s’est développé dans d’autres pays et au-delà des frontières européennes (projet ELODiL au Canada en 2002 puis en Colombie en 2005). Comme nous l’avons vu précédemment l’éveil aux langues s’inscrit également dans les programmes sous la dénomination d’éveil à la diversité linguistique et est en lien étroit avec les travaux du conseil de l’Europe, en complémentarité avec le CECRL pour le développement du plurilinguisme. Ces projets ont également conduit à l’élaboration du CARAP (Cadre de Référence pour les Approches Plurielles des langues et des cultures).
Que sous-entend donc ce terme d’éveil aux langues ?
L’éveil aux langues entre dans la catégorie des approches plurielles car il ne vise pas l’étude d’une langue en particulier mais une approche faisant appel à plusieurs langues et cultures. En effet il ne s’agit pas d’étudier mais de découvrir de façon active, de mettre en contact différentes langues du monde, peu importe leur statut, et en s’intéressant aussi aux langues présentes dans l’environnement (langues des familles…). Cet éveil répond à trois objectifs : cognitif, affectif et social. Le but est d’éduquer les élèves au plurilinguisme, c’est à dire de créer chez eux une attitude positive d’ouverture à la diversité linguistique et culturelle. Cela permet aux élèves de mieux comprendre le monde et de développer leur citoyenneté. Il s’agit également pour eux de « développer des capacités d’observation et de raisonnement et des aptitudes facilitant l’accès à la maîtrise des langues enseignées ».33 En d’autres termes, l’éveil aux langues peut aussi être utilisé comme levier pour l’étude de la ou des langue(s) que l’école se destine à enseigner. Grâce aux activités proposées dans les démarches pédagogiques tel que l’écoute, la reproduction, la répétition de mots dans d’autres langues; la mémorisation; la différenciation de sons; la distinction, reconnaissance de syllabes (appropriation du langage) ; et découverte des cultures) , l’éveil aux langues permet de surcroît de rentrer dans des approches interdisciplinaires, « qui se révèlent susceptible de contribuer au développement de ce que l’on appelle des compétences transversales »34 telles que la capacité à « observer/analyser les langues, à s’appuyer sur la compréhension d’un phénomène relevant d’une langue pour mieux comprendre un phénomène concernant une autre langue » 35, à exposer ou discuter un point de vue, faire des recherches, ou manifester de la curiosité .
Pour M. Candelier : « Il y a éveil aux langues lorsqu’une part des activités porte sur des langues que l’école n’a pas l’ambition d’enseigner (qui peuvent être ou non des langues maternelles de certains élèves). Cela ne signifie pas que seule la partie du travail qui porte sur ces langues mérite le nom d’éveil aux langues. Une telle distinction n’aurait pas de sens, car il doit s’agir normalement d’un travail global – le plus souvent comparatif, qui porte à la fois sur ces langues, sur la langue ou les langues de l’école et sur l’éventuelle langue étrangère (ou autre) apprise. »36
Le problème fondamental auquel se heurte cette approche est la vision que les individus ontdes langues et leur intérêt pour la diversité de ces langues d’où l’importance de développer des outils pour bousculer ces représentations. « Si celui dont j’étudie la langue ne respecte pas la mienne, parler sa langue cesse d’être un geste d’ouverture, il devient un acte d’allégeance et de soumission »37.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Sommaire
Introduction
1. CADRE THEORIQUE 
1.1. Définition des termes
1.1.1. Distinction entre langue et langage
1.1.2. Multilinguisme et plurilinguisme
1.1.3. Langues maternelles, langues de scolarisation, langues vivantes
1.2. Ce que dit l’institution
1.2.1 Selon les programmes
1.2.2 Selon le CECRL
1.2.3 État des lieux des politiques linguistiques
1.3 L’état de la recherche
1.3.1 L’école face à la diversité linguistique
1.3.2 L’ouverture aux langues
2. CADRE OPERATOIRE 
2.1. Hypothèses
2.2. Expérimentation
2.2.1 Contexte
2.2.2 Descriptions des séances et questionnaires
3. RESULTATS ET ANALYSE DES SEANCES ET QUESTIONNAIRES
Conclusion
Bibliographie

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *