Mouvement dans la sphère de l’individu
Pour Pasquier (2008) le corps « s’impose comme contrainte première de toute vie en société et est immédiatement requis comme ressource pour répondre à cette contrainte ».
Maria Montessori, au travers de son ouvrage « L’enfant dans la famille » , décrit le premier travail de l’enfant consistant entre autres à apprivoiser ce corps et développer les premières modalités d’interaction au travers d’une appropriation physiologique et d’une série d’essais en tout genre, qui s’affinent au fil des années. A l’arrivée en maternelle, notre rôle d’enseignant consiste (entre autres) à accompagner la poursuite du développement sensori moteur afin de fournir à l’enfant un environnement propice à la continuité de cet apprentissage.
Il passe par la précision du geste et l’entrainement, tournés vers de nouvelles acquisitions corporelles et de nouvelles modalités d’interactions physiques et humaines.
Il s’agit donc ici d’envisager le corps dans ses fonctions d’a cquisition et d’expression au service de l’individu.
Corps et acquisition
Dans le numéro 19 de la revue pédagogique PRISMES, Denis Hauw , professeur de psychologie du sport, mène une réflexion sur la place du corps dans les apprentissages et notamment en tant qu’interface entre le milieu interne de l’individu, et son environnement externe. Il insiste sur la manière dont le corps permet l’expérimentation par l’action en lien avec l’intériorité qui permet un engagement émotionnel dans l’action. Il se fait écho des critiques de l’approche behaviouriste en ces termes « Elle propose une lecture de l’apprentissage fondée sur un morcellement de l’humain, en considérant le cognitif comme isolé des émotions, du corps ou encore de la culture. De nombreuses ressources ne seraient alors ni considérées ni envisagées de façon interactive. Elle repose sur une conception de la régulation de l’ac tivité sous un mode cybernétique où les buts sont clairs et bien délimités, et cela sans prise en compte ni des solutions moyennes adoptées, alors même qu’elles ne sont pas totalement satisfaisantes, ni des situations mal délimitées ou encore des raisonnements abductifs typiquement humains et non algorithmiques. Enfin, elle convoque une perspective de type « commande » ou « prescription » qui s’oppose à une approche « autonome » de l’activité humaine, c’est-à-dire à une possibilité donnée à tout individu d’organiser son activité de façon originale, singulière en relation avec les situations qu’il rencontre. »
Notre processus d’acquisition fait du corps l’indispensable (et unique) lien entre le monde et l’intériorité de l’individu. Hauw postule que l’apprentissage passe par un ancrage corporel, résultant d’une séquence orientation, désorientation, réorientation d’une connaissance initialement acquise par le corps en tant que siège de la perception. Il développe le concept « d’activité située » c’est-à-dire que l’apprentissage est « couplé aux conditions dans lesquelles le phénomène est appréhendé : un espace, une temporalité, des formes que le corps perçoit, expérimente et qui lui dictent ses conditions d’existence ».
Ce n’est effectivement pas par hasard que les programmes scolaires nous enjoignent à placer les élèves dans la plus grande variété de situations possibles : d’autres y ont réfléchi avant nous. Le système scolaire chinois nous ramène cependant au fait qu’il s’agit tout de même bien là d’une conviction d’ordre presque philosophique sur la posture enseignante en France.
Mais l’acquisition ne tient lieu que de la moitié de l’échange car si nous agissons en récepteurs, il nous faut également endosser le rôle d’émetteur pour interagir avec le monde qui nous entoure. Et qu’est-ce qu’éduquer sinon bousculer et ainsi modifier au quotidien les connaissances, croyances, et représentations de nos élèves ? Encore faut-il qu’ils aient le temps la capacité, la motivation et l’opportunité de les conscientiser et pour ce-faire de les exprimer.
Mouvement, expression et compréhension : un lien fort entre le corps et l’émotion
« Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique » : la nomenclature des programmes 2015 en dit long sur l’importance du mouvement dans la compréhension de notre environnement, et adresse aussi le sujet de l’expression.
Comment s’exprime l’individu ? Nous pourrions dire qu’avant tout il s’exprime par des actions (faire, bouger, parler…) volontaires ou involontaires.
Parmi les moyens d’expression classiques, vient naturellement à l’esprit le langage, lié à nos habitudes de communication « d’adultes », mais il est souvent précédé ou accompagné du geste. Il peut s’agir d’un geste expressif construit comme peindre ou jouer de la musique, ou spontané comme sauter de joie, et trépigner d’impatience mais dans tous les cas il reste généralement lié à nos émotions au sens où elles nous poussent à l’action.
Comment sait-on quelle émotion nous ressentons ? Les sophrologues proposeraient sans doute « En scannant notre corps » car il s’agit là d’un pan important de leurs pratiques, rejoignant Damasio (1995) sur la théorisation des émotions secondaires. Là encore c’est en passant par le corps, l’identification des tensions musculaires, des rythmes respiratoires et cardiaques, et autres paramètres purement physiques que se construit peu à peu la conscientisation (compréhension et régulation) de nos émotions. Des théories sur la place de l’émotion dans l’apprentissage ont été mises au point et étayées, notamment par Pestalozzi avec son triptyque « tête, cœur, main » et Damasio dont les travaux mettent en lumière la large place de l’émotion dans la cognition. L’acquisition de telles compétences en lien avec le corps serait donc prometteuse si nous parvenions à y faire accéder les élèves, et cela n’a pas échappé aux enseignants au vu de la multiplication des exercices de pleine conscience dans les classes, à l’appui par exemple d’ouvrages comme « Calme et attentif comme une grenouille » d’Eline Snel dont le succès parle de lui-même.
De manière complémentaire, les neurosciences tendent à prouver, que les émotions jouent un rôle central dans nos processus décisionnels (et par voie de conséquences dans nos actions et nos comportements). Damasio énonce, dans la préface de la nouvelle édition de 2006 de « L’erreur de Descartes : la raison des émotions » : « Ce livre porte sur l’aspect neurologique de l’émotion et sur ses implications dans la prise de décision en général et le comportement social en particulier. […] En me basant sur l’étude neurologique de patients souffrant à la fois de défauts de prise de décision et de troubles de l’émotion, j’ai avancé l’hypothèse, dite des marqueurs somatiques, selon laquelle l’émotion participait à la raison et qu’elle pouvait assister le processus du raisonnement au lieu de nécessairement le déranger, comme on le supposait couramment. Aujourd’hui, cette idée ne fait plus hausser les sourcils ».
Qu’en est-il dans une classe de maternelle ? Si nous postulons que la maturité de la cognition en matière d’émotion progresse tout au long de la vie et qu’à l’arrivée en milieu scolaire, l’enfant est doté d’un système ultra performant, très ramifié mais très peu hiérarchisé (Alvarez 2015 , Gueguen 2014), nous pouvons en déduire que la canalisation de l’ activité et du mouvement va passer par la canalisation des émotions. Selon Goleman (1995) , l’émotion (liée à l’amygdale) précède le raisonnement (lié au cortex préfrontal, zone moins « ancienne » de notre cerveau) : en grossissant le trait, à l’école maternelle nous nous adressons à des êtres « émotionnels » et à l’école primaire à des êtres « raisonnants », avec toute une construction progressive le long du chemin par ailleurs décrite par Maria Montessori au début du XXe siècle dans le passage de « l’esprit absorbant de l’enfant » à « l’esprit raisonnant de l’enfant ». Les « théories de l’esprit » abordées par Thommen, E. (2007) viennent préciser cette évolution.
« Les théories de l’esprit acquises par les enfants renvoient à leur capacité à dissocier leurs croyances de celles d’autrui et de la réalité. Cela leur permet d’admettre qu’autrui peut savoir quelque chose qu’ils ignorent et qu’autrui peut agir en fonction d’une croyance contraire à la réalité. Dès l’âge de cinq ans, l’enfant devient capable d e raisonner sur les états mentaux puis de distinguer les états mentaux qui correspondent aux verbes mentaux du langage . ». Cette théorie est complétée par celle du contrôle de l’action (Kuhl, 1985) qui fait état d’une phase de « motivation pré-décisionnelle », suivie d’une phase « d’atuo-régulation et d’action ».
In fine, le corps est notre moyen d’expression unique, que ce soit au travers du comportement et son lot de mouvements volontaires ou pas, de la voix et du langage ou même du subconscient avec son lot de somatisations. Son expression est indispensable à notre équilibre. A l’extrême, et pour illustrer que s’exprimer pour interagir est un besoin vital, nous pouvons citer le livre poignant de Jean-Dominique Bauby « Le scaphandre et le papillon ». Il y décrit le « lockedin syndrom », par lequel il se retrouve enfermé dans son propre corps immobile avec pour unique moyen de communication le battement d’une paupière : tout ce qui peut nous permettre d’entrer en communication avec autrui et notre environnement sera mobilisé, de manière volontaire ou pas : notre survie d’« animal social » en dépend.
Pour ce qui est de l’expression involontaire, les travaux de Paul Eckman (notamment sur le mensonge) présentent plus de vingt années de recherches sur les micro-expressions faciales et leurs liens avec les émotions
A l’échelle du corps, d’autres s’attachent à répertorier les types de mouvement (volontaires ou involontaires) et leurs fonctions, comme Jacques Leplat qui indique quatre fonctions principales du geste : « référentielle » (par exemple pour aider quelqu’un à se garer en l’informant avec un geste de la distance à un autre véhicule) ; « déictique ou monstrative » (pour désigner), « injonctive » (comme l’agent de circulation qui vous fait signe d’arrêter votre véhicule), « phatique » (pour mobiliser l’attention, comme mettre sa main derrière l’oreille pour demander d’écouter). Ces fonctions rejoignent en partie celles décrites par Jean -François Moulin (2004) dans le contexte de la classe qui relève les caractéristiques d’une « gestualité à distance » comportant des gestes « illustrateurs » -proches du mime- , « régulateurs » -par exemple pour donner la parole-, « adaptateurs » – tournés vers soi comme passer la main dans ses cheveux ou vers un objet comme tripoter un stylo-, et « déictiques » ayant pour but « d’attirer l’attention de l’auditeur et qui renforcent ou remplacent les indications verbales ».
Moulin ajoute toutefois la présence complémentaire d’une « gestualité de contact et de toucher » et insiste sur son importance dans la ritualisation des relations. Il leur attribue quinze fonctions diverses que je ne citerai pas ici et allant de la répression à la captation.
L’observation, et le vécu des gestes comme un préalable à la compréhension
Il n’y a pas d’action sans une forme de planification de l’action, pas de planification sans une certaine forme de conceptualisation et pas de conceptualisation sans observation participative ou non. L’observation me semble donc occuper une place privilégiée dans l’élaboration de nos actions. Jacques Leplat , ajoute un lien intéressant entre l’observation et l’intention de l’auteur du geste observé (p.14) : « La découverte des neurones miroirs apporte un éclairage nouveau pour la compréhension des situations d’imitation en montrant « qu’observer une action, c’est déjà l’exécuter » (Jeannerod, 2005, p. 156). […] pour que l’imitation soit réussie, il faut que l’action exécutée corresponde non seulement à l’action observée mais aussi à son contenu. On a constaté qu’un enfant tend à reproduire non pas ce que l’agent observé a réellement fait, mais ce qu’il avait l’intention de faire. Par exemple, si on lui montre un geste raté, l’enfant refera le geste abouti et non le geste raté. C’est donc qu’il ne simule pas seulement ce qu’il a vu, il anticipe l’intention de l’acteur à partir de ce qu’il voit. […] Cet exemple nous montre bien que l’imitation est fondée sur la simulation de l’état mental de l’acteur, plus que sur la simple reproduction du geste observé » (p. 158). Dans un article récent, Guillain et Pry (2012) remarquent eux aussi que « les neurones moteurs ne codent pas des mouvements particuliers : ils s’activent en fonction de la signification de l’action observée et ils répondent seulement à la vue d’une action finalisée ; ils déchargent, par exemple, lors de l’observation d’un geste de saisie, mais jamais à la vue de la main ou de l’objet considérés séparément… » (p. 116). » La congruence entre l’état mental d’une part et l’action et le geste de l’autre est donc fondamentale.
Leplat va même plus loin en décrivant la nécessité, au-delà de l’observation, de réaliser l’activité avec son propre corps pour en permettre la transcription et porter la compréhension des messages : Les mêmes auteurs notent que « l’action observée doit être transcrite dans le système moteur de celui qui l’observe » (p. 117) et ils rappellent que « Wallon soulignait, lui aussi, la nécessité d’une incarnation motrice de l’action observée pour qui veut la comprendre et la reproduire » (id.).
Ainsi, l’enseignant et ce qu’il donne à observer de lui et des autres élèves, par leurs actions et interactions à tout instant, pose des jalons fondamentaux pour les apprentissages de tous.
Sortir de la sphère de l’individu pour passer à l’échelle de l’interaction semble dès lors pertinent pour orienter les pratiques d’enseignement et de mise au point de l’environnement.
Le mouvement dans l’interaction : un système à dimensions multiples
Ecologie développementale
Après avoir initialement considéré l’idée de développer ici un élargissement du scope d’étude du mouvement de l’individu à la réciprocité en miroir enseignant – élève, j’ai finalement choisi d’élargir le spectre à l’ensemble des interactions dans cet « écosystème » particulier qu’est la classe. Mon collègue et moi avons changé la configuration spatiale de la classe que nous partageons à trois reprises cette année. Chacun e des modifications (déplacement ou retrait de mobilier) a été guidée par nos observations antérieures, mais a également eu des répercussions très manifestes sur les interactions subséquentes entre l’environnement classe et les élèves, et les élèves entre eux. J’ai donc commencé à envisager ma classe comme un véritable écosystème. Après quelques recherches sur le sujet, j’ai découvert la publication de Wohlwill (1980) sur l’écologie développementale qui faisait écho à ces considérations. En effet si la relation enseignant – élève est très spécifique, elle est au quotidien indissociable de la situation de groupe classe dans un lieu particulier. La relation n’est donc que très épisodiquement duelle. Anne-Marie Fontaine auteure du livre « Observer en équipe dans les lieux d’accueil de la petite enfance » et à l’origine de la publication « Écologie développementale des premières interactions entre enfants : effet des matériels de jeu » a présenté le 27/03/2018 à l’occasion des assises de la maternelle au CNAM de Paris, les résultats d’une recherche sur la modification de l’occupation de la classe par les enfants en fonction de l’emplacement et de la hauteur des meubles – je n’ai malheureusement pas trouvé de publication associée et m’en tiens donc aux supports visuels présentés, la conférence est disponible en ligne -. Elle a mesuré les fréquences de présences dans les divers lieux de la classe selon les configurations matérielles et mis en évidence un « fort effet systémique des barrières visuelles sur le comportement spontané des enfants » et notamment sur les interactions entre enfants et enfants -adultes. Elle a noté que la partie de l’espace de jeu d’où l’enfant voit l’adulte est préférentiellement utilisée, augmentant ainsi la densité des enfants dans les espaces intermédiaires, ou proches des adultes, et ainsi les risques de conflit en présence de barrières visuelles. Anne-Marie Fontaine a employé par ailleurs une métaphore intéressante, indiquant que l’enseignant agissait dans la classe comme « une base de sécurité » qui pourrait être représentée par « un phare directionnel », relevant l’importance du regard et des déplacements des adultes dans l’espace. Son propos a été étayé en conclusion de cette journée de conférences, par Boris Cyrulnik (intervention disponible en ligne à la même adresse ) qui a précisé : « dans la théorie de l’attachement, on a sous-estimé l’importance des relations intersubjectives entre enfants ». Ceci nous incite donc à élargir les paramètres d’observation à l’ensemble de la classe en tant qu’environnement et du groupe en tant que système global de comportements individuels et inter-individuels. Mais n’est-ce finalement pas de cela qu’ont toujours parlé les enseignants en disant que leur classe « tourne », de la gestion du « faire groupe », au sens d’animer une micro-société humaine pacifiée ? Et cette « animation » n’est elle pas ce que nous appelons par ailleurs la gestion de classe ?
Interactions et gestion de classe
Il semble exister, comme pour finalement tous les sujets, une grande variété de définitions de ce qu’est la gestion de classe. Maulini 1999 en décrit quelques-unes et indique « Les praticiens sont fondés à considérer que les modalités pratiques de gestion de classe sont situées à l’intersection des considérations déontologiques (les intentions socio -pédagogiques de l’enseignant) et scientifiques (ses théories de l’action et de l’apprentissage). » A ce stade de ma réflexion je définirais volontiers la gestion de classe comme la capacité de l’enseignant à gérer les interactions en milieu scolaire, quelles qu’elles soient (entre les enfants, entre l’enseignant et les élèves, entre les situations, entre les apprentissages, entre les élèves et l’environnement, entre les humains et la matière. Ce dernier item d’interaction avec la matière n’a rien d’anecdotique notamment dans les classes de maternelle, où la matière fait partie intégrante du volet « découverte du monde » des programmes et où les modalités de préparation ne sont pas sans surprise pour l’enseignant débutant. Je me souviens avec émotion de mes 25 élèves de 3-4 ans, au cours de notre première session de manipulation de pâte à sel. La consistance de la pâte avait été soigneusement préparée en amont, elle était parfaite. Un paramètre qui fera sourire les enseignants chevronnés m’avait pourtant échappé : la transpiration des mains. Je n’avais pas prévu de farine supplémentaire dans la classe et les petites mains moites ont rapidement rendu la pâte à sel très gluante. Les enfants n’aimant pas la sentir collée aux doigts, se sont quasiment tous mis instantanément à secouer les mains : la suite de cette situation n’a rien eu d’évident à rattraper pour un débutant. No us verrons dans la partie pratique de cette étude les éléments relevés par les enseignantes en lien avec le mouvement en matière de gestion de classe.
Présentation, mode de diffusion et de traitement du sondage
Le sondage diffusé présentait quelques définitions (notamment celles du mouvement, du geste, et du geste professionnel), six questions d’ordre générique regroupées dans une rubrique « pour mieux nous connaitre » afin de pouvoir établir un profil type de répondant, suivies de dix-sept questions concernant le mouvement dans le contexte scolaire (voir annexe 1). Le profil majoritaire des répondants est « enseignante chevronnée en classe multi-niveau de maternelle » comme attesté par les exploitations graphiques des six premières questions en annexe 2.
Les réponses à toutes les questions étaient volontairement facultatives, afin de permettre de « sauter » les moins intéressantes ou les moins inspirantes et de ne pas rendre le répondant « captif ». Ce sondage a été diffusé via l’outil « google forms » au travers des réseaux personnels des enseignants contactés (dont leurs forums), et inclut des enseignants du système de l’éducation nationale « standard », des enseignants appliquant la pédagogie Freinet et des enseignants appliquant la pédagogie Montessori sans toutefois associer les réponses reçues à un type de pédagogie spécifique. Il n’est donc pas possible de différencier les réponses (là n’était pas le propos de l’étude), qui sont par ailleurs anonymes.
Le sondage a été ouvert sur une période d’un mois (du 06/03/2018 au 07/04/2018) et a permis de récolter les points de vue de 85 répondants (89 répondants ont été recensés par l’outil, mais 4 n’ont répondu à aucune question) en France métropolitaine et outre-mer (toujours sans distinction). Nous avons obtenu en moyenne 82 réponses à chacune des 23 questions posées et l’analyse menée en annexe 3 permet a priori d’exclure un éventuel biais statistique.
L’ensemble des réponses telles qu’extraites du cumul des formulaires de sondage représente plus de 600 pages (avec toutefois des redondances, les questions étant répétées sur chaque formulaire).
Facteurs d’interprétation de l’émotion de l’enfant au travers de son mouvement
A la question « Y-a-t-il selon vous un lien entre le mouvement de l’élève et son état émotionnel ? », plus de 80% des répondants répondent positivement. Il semble donc exister un lien perçu entre le mouvement et l’état émotionnel de l’enfant.
Quelle émotion dans l’interdit de mouvement ?
Nous retenons une réponse qui interpelle sous forme de question : « seriez-vous bien émotionnellement avec une interdiction de bouger ? ». Elle rejoint l’idée que la contrainte physique (injonction de ne pas bouger) peut générer des émotions néfastes à l’apprentissage : « certains élèves trouvent dans le mouvement un moyen d’évacuer leur énergie et réalisent parfois des actes inutiles pour l’apprentissage. La rigidité observée dans certaines matières scolaires (comme les maths) influe à mon avis sur l’état émotionnel de l’élève et provoque l’ennui, exactement comme la méthode magistrale. Dans les séances de sport par exemple, l’enfant ressemble à un prisonnier mis en liberté ».
Le mouvement comme générateur d’émotions
Une approche biochimique complète ces éléments et considère le mouvement en soi comme générateur d’émotions : « les hormones en jeu dans l’apparition des émotions sont en corrélation étroite avec les 11 paires de nerfs rachidiens qui partent du bulbe. L’excitation nerveuse vibratoire déclenchée par un mouvement génère en effet des émotions particulières ». Dans le même courant de pensée, l’émotion est parfois décrite comme corollaire de la pratique et de l’éveil sensoriel : « tous ses sens sont en éveil ainsi que les émotions qu’il peut ressentir et éprouver en pratiquant l’atelier ».
Le mouvement comme symptôme d’une émotion préexistante
Le mouvement est volontiers décrit comme symptôme d’une émotion préexistante ou comme étant influencé par l’état émotionnel du sujet, comme en témoignent les réponses suivantes : « avant la compréhension de la norme sociale l’enfant exprime ce qu’il ressent dans la globalité de son corps », « le mouvement peut traduire un inconfort, un stress dû à la situation de l’élève par rapport à l’apprentissage en cours ou bien par rapport à ce qu’il a pu vivre avant l’école ou dans la cour (fréquent en REP) », « le corps donne des indications sur ce que nous ressentons et sur notre état émotionnel », « le chaos extérieur est souvent le signe d’un chaos intérieur », « je pense que les émotions, lorsqu’elles sont fortes (positives ou négatives), impliquent forcément le mouvement des enfants », « l’état émotionnel d’un enfant est observable dans sa motricité : un enfant qui a peur ou qui est en colère, a une motricité très spécifique. Le mouvement de l’enfant est un indicateur très pertinent de son état intérieur », « les agités chroniques me semblent être des enfants sous pression. », « le mouvement nécessite un engagement qui varie selon les états affectifs et les expériences émotionnelles de l’élève ».
Variabilité et interprétation
Une forte variabilité individuelle est observable sur le sens à donner au mouvement ou à l’absence de mouvement dans le cadre de l’interprétation de l’état émotionnel : « Là encore, cela dépend beaucoup de l’enfant. Une agitation peut traduire de l’anxiété, de même qu’une immobilité. Les regards sont aussi un indice » « c’est difficile à généraliser, j’hésite ! Certains sont immobiles et pourtant clairement bouleversés ! ».
Dans tous les cas, l’interprétation est nécessairement multifactorielle et subjective (liée à celui qui interprète et liée au sujet observé) : « Il n’y a pas de schéma typique, cela dépend totalement de l’élève considéré et de la situation », « Quand on connaît ses élèves on peut interpréter ».
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Table des matières
1. Introduction
2. Partie théorique et réflexions inspirées par la littérature
2.1. Définitions
2.2. Mouvement dans la sphère de l’individu
2.2.1. Corps et acquisition
2.2.2. Mouvement, expression et compréhension : un lien fort entre le corps et l’émotion
2.2.3. L’observation, et le vécu des gestes comme un préalable à la compréhension
2.3. Le mouvement dans l’interaction : un système à dimensions multiples
2.3.1. Ecologie développementale
2.3.2. Interactions et gestion de classe
3. Partie pratique
3.1. Présentation, mode de diffusion et de traitement du sondage
3.2. Analyse des réponses
3.2.1. Contribution du mouvement aux apprentissages
3.2.2. Mouvement et agitation
3.2.3. Facteurs d’interprétation de l’émotion de l’enfant au travers de son mouvement
3.2.1. Pratiques enseignantes
4. Discussion
5. Conclusion
Références
Annexes
Annexe 1 : Exemple de formulaire de réponse au sondage
Annexe 2 : Profils des répondants
Annexe 3 : Nombre de réponses obtenues par questions
Annexe 4 : Valeurs et objectifs majoritaires qui sous -tendent les pratiques
Développement personnel de l’enfant
Développement social, et construction du monde
Savoirs et compétences
Modalités
Conclusion de l’annexe
Table des illustrations
Table des matières
Résumé
Abstract
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