HISTORIQUE
Le nerf récurrent a été découvert au IIème siècle par Galien qui décrivit un nerf venant du cerveau de chaque côté du cou, qui descendait vers le cœur, puis remontait vers le larynx et provoquait l’ouverture des cordes vocales. Il le nomma nerf récurrent et découvrit aussi qu’il s’agissait d’une branche du nerf vague vu que la section de ce dernier chez le porc occasionnait une aphonie. Galien confirma ainsi que le NLI était le nerf moteur du larynx en découvrant chez d’autres porcs, des chèvres, des singes et des oiseaux au long cou que son interruption occasionnait une altération sévère de la phonation. Cette découverte marquait un grand tournant de l’histoire en prouvant que la voix générée par le larynx était contrôlée par le cerveau et non par le cœur comme on le croyait à l’époque. Au VIIème siècle Paulus Aeginata suggérait que le nerf récurrent pouvait être évité durant la chirurgie thyroïdienne. La littérature médicale arabe du IXème au XIIème siècle faisait également référence au nerf récurrent. Au Moyen âge, les expériences sur les NLI chez le porc se sont répétées. Cependant la progression de la connaissance anatomique du nerf récurrent s’était faite à la Renaissance. En effet en 1503, Leonardo Da Vinci avait dessiné la première représentation anatomique du NLI, probablement chez un singe et les premiers schémas de la glande thyroïde lui sont aussi attribués. En 1523, le dessin du cœur de Bérengaire (Berengarius) montrait clairement un nerf laryngé récurrent gauche. Il avait aussi mentionné qu’un chirurgien méconnaissant l’anatomie du NLI pouvait provoquer une altération de la voix. Vésale en 1543, était particulièrement intéressé par le nerf récurrent et avait également produit d’excellents schémas anatomiques des NLI. A Paris en 1545, une pièce de dissection anatomique de Charles Estienne mettait clairement en évidence les deux NLI. En 1823, Stedman décrivit le premier cas de NLI non récurrent (NLINR) dans une étude cadavérique. Cependant ce n’est qu’en 1932 que le risque chirurgical de cette anomalie a été souligné par Pemberton. A cette époque, l’association du NLINR avec l’artère lusoria, une anomalie vasculaire liée à une artère subclavière droite naissant à gauche de la ligne médiane, était bien connue. Meckel en 1832 a été le premier à démontrer l’existence de branches de division extra-laryngées du NLI qu’il avait observé exclusivement à droite. C’est Théodore Kocher de Berne qui a ramené la mortalité opératoire liée à la thyroïdectomie de 14,8% en 1882 à moins de 0,18% en 1898. Sa technique méticuleuse a été à l’origine d’une diminution de l’incidence des lésions nerveuses récurrentielles post-thyroïdectomie à un taux similaire à celui de nos jours. De nombreux progrès supplémentaires dans l’anatomie et la physiologie des NLI, des muscles du larynx et des cordes vocales ont été par la suite réalisés. Lahey, en 1938, fut le premier à décrire une technique de repérage systématique du trajet du nerf récurrent au cours de la thyroïdectomie afin de le préserver. Ceci malgré la controverse donna le cap et la direction de la chirurgie thyroïdienne moderne. En 1971, Blondeau et son équipe entreprirent de nombreux travaux visant à rendre systématique la dissection complète du nerf récurrent au cours de la thyroïdectomie. Ils démontrèrent que l’exposition du NLI faisait diminuer la fréquence des paralysies récurrentielles postthyroïdectomie. Cette attitude est actuellement la plus adoptée avec le développement du monitoring récurrentiel peropératoire comme moyen de repérage.
Segment thoracique
– A l’origine : Le NLI entre en rapport en haut avec la crosse de l’aorte qu’il rétro-croise d’avant en arrière, en bas avec le pédicule pulmonaire constitué par la bronche principale gauche, la branche gauche de l’artère pulmonaire et les nœuds lymphatiques pré et sus bronchiques. En avant les rapports se font avec le ligament artériel, l’aorte ascendante, le ganglion de Wrisberg et en arrière avec l’aorte thoracique descendante.
– Dans le médiastin postérieur : Le NLI entre en rapport avec en arrière la face antérieure de l’œsophage qui déborde la trachée, en avant le tronc veineux brachio-céphalique gauche, en dedans l’angle oeso-trachéal. En dehors 3 plans qui sont de dedans en dehors : un plan vasculaire avec notamment l’artère carotide commune gauche, l’artère sub-clavière gauche, le conduit thoracique et la veine intercostale supérieure gauche, un plan nerveux constitué par l’entrecroisement du X gauche et du phrénique gauche enfin un plan séreux représenté par la plèvre médiastinale.
– Au niveau de l’orifice supérieur du thorax : Le nerf récurrent entretien des rapports avec : en arrière la face antéro-gauche de l’œsophage et le plan vertébral, en avant le paquet vasculo-nerveux du cou et la crosse du conduit thoracique, en dedans l’angle oeso-trachéal gauche et en dehors le dôme pleural.
Le nerf récurrent non récurrent
Le nerf récurrent non récurrent (figure 8) est la variation anatomique du NLI la plus dangereuse, associée à un risque accru de lésion au cours de la thyroïdectomie. Son incidence varie entre 0,6 et 1,3%. Il s’agit d’une anomalie de trajet où le NLI naît du nerf vague et rejoint directement le larynx sans faire sa boucle habituelle sous l’artère sub-clavière droite. Généralement observé à droite, il peut en cas de situs inversus être présent à gauche. Soustelle et al et Avisse et al [2, 42] ont subdivisé le trajet du nerf récurrent non récurrent en deux types :
Type I : le nerf a un trajet horizontal. Il se détache du tronc du X à hauteur du pôle supérieur de la thyroïde et se dirige en dedans pour pénétrer dans le larynx.
Type II : le nerf a un trajet ascendant concave en haut, parallèle à l’artère thyroïdienne inférieure, pouvant ainsi mimer celui d’un nerf récurrent normal. Il se détache du tronc du X à des niveaux variables et gagne le sillon trachéooesophagien à hauteur du pôle inférieur de la thyroïde.
Cette variation nerveuse s’accompagne parfois de malpositions vasculaires liées à une anomalie de développement des arcs branchiaux : il peut s’agir à droite d’une artère sub-clavière rétro-œsophagienne (arteria lusoria), parfois responsable d’une dysphagie (dysphagia lusoria) et à gauche d’un situs inversus.
Description de l’acte opératoire (Loboisthmectomie)
La thyroïdectomie était réalisée dans tous les cas après un consentement éclairé du patient. La préservation des NLI au cours de la thyroïdectomie nécessite une bonne exposition de la loge thyroïdienne qui passe par une hyperextension cervicale. L’abord s’était fait par cervicotomie de type Kocher, suivie d’un décollement des lambeaux sous le platysma jusqu’à exposer en haut le cartilage thyroïde, latéralement les muscles SCM et en bas l’extrémité médiale des clavicules. Après repérage de la ligne blanche une aponévrotomie médiane verticale a été réalisée afin d’ouvrir la loge thyroïdienne. Les muscles sous-hyoïdiens étaient réclinés latéralement permettant d’exposer la face superficielle du corps thyroïde. Lorsqu’il s’agissait d’un goitre volumineux, ces muscles étaient sectionnés afin d’améliorer l’exposition. La dissection prudente aux ciseaux et l’exploration de la loge thyroïdienne à l’aide de l’index avaient permis d’exposer la glande thyroïde après ligature de la veine thyroïdienne moyenne lorsqu’elle était présente, de même que les éléments de balisage que sont la carotide commune, la trachée et l’œsophage. Les vaisseaux du pôle supérieur étaient identifiés en déplaçant l’écarteur de Farabeuf vers le haut, après traction du lobe vers le bas. La ligature sélective du pédicule thyroïdien supérieur avait permis d’éviter une lésion de la branche externe du nerf laryngé supérieur. Pour le repérage du nerf récurrent, nous avions opté pour l’approche latérale, s’aidant du tubercule de Chassaignac (apophyse transverse de C6) en-dessous duquel l’ATI identifiée facilite l’identification du NLI. L’approche inférieure n’a été utilisée que dans les volumineux goitres. Après son identification, le NLI était exposé sur toute sa longueur dans la loge thyroïdienne. La ligature des branches thyroïdiennes de l’ATI se faisait au contact de la glande afin de préserver la vascularisation des parathyroïdes qui étaient vues et préservées. Les veines thyroïdiennes inférieures étaient aussi sectionnées et liées au contact de la glande. Après ces différentes étapes la thyroïdectomie était faite par section du ligament de Grüber. En cas de thyroïdectomie totale les mêmes gestes étaient répétés de l’autre côté.
Dans la chirurgie thyroïdienne
La recherche, le contrôle et la préservation de l’intégrité du nerf récurrent et de toutes ses branches de division est essentielle durant la chirurgie thyroïdienne afin d’en minimiser la morbidité [17]. Ceci passe par une dissection minutieuse jusqu’à sa pénétration dans l’angle crico-trachéal [35]. « Le danger de l’apercevoir » longtemps mis en avant pour justifier sa non dissection n’est plus admis, d’où la nécessité d’une laryngoscopie indirecte ou d’une nasofibroscopie avant et après thyroïdectomie. Le risque de lésion iatrogène du NLI est estimé à 5,2% en cas de division extralaryngée contre 1,6% en l’absence de division extra-laryngée [24]. Ces lésions peuvent être mécaniques, thermiques et/ou vasculaires [17]. Le nerf récurrent est beaucoup plus vulnérable au niveau de son segment supérieur du fait de la fréquence des branches de division extra-laryngées mais aussi de sa fixité à ce niveau qui l’expose au traumatisme par traction excessive sur la glande thyroïde [1, 47, 48]. Ceci doit être présent à l’esprit surtout lorsqu’une approche supérieure s’impose pour sa recherche [35]. Celle-ci est indiquée dans les volumineux goitres, les goitres plongeants ou en cas de suspicion d’un NLI non-récurrent [14]. Dans ces situations la PCCT et la parathyroïde supérieure sont des repères assez fiables pour la découverte du nerf récurrent. L’ATI constitue un repère important dans l’identification du nerf récurrent par une approche latérale surtout dans notre contexte où le monitoring est inexistant. Malgré la plus grande fréquence de la situation rétro-artérielle du NLI, le chirurgien doit toujours garder à l’esprit l’inconstance de ses rapports pouvant occasionner une lésion d’un nerf récurrent en position pré-artérielle ou entre les branches de l’ATI. En effet la position du pré-vasculaire du NLI ou entre les branches de l’ATI a été identifiée par certains auteurs comme un facteur de risque de traumatisme iatrogène surtout en cas de traction excessive du lobe thyroïdien vers la ligne médiane ou d’une dissection non méticuleuse [8, 14, 25]. L’augmentation de volume des goitres multinodulaires ou des nodules thyroïdiens surtout lobaires peut entrainer un accolement de la capsule thyroïdienne au NLI avec un risque accru de traumatisme lors de l’exposition du lobe thyroïdien ou de sa traction excessive [43]. L’ALI est un compagnon quasi constant du NLI dont le traumatisme par méconnaissance constitue un facteur de risque de paralysie récurrentielle postthyroïdectomie du fait d’hémostases intempestives à proximité du NLI. Les parathyroïdes inférieures peuvent être utiles pour son identification par approche inférieure.
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Table des matières
INTRODUCTION
RAPPELS
1. HISTORIQUE
2. EMBRYOLOGIQUE
3. ANATOMIQUE
3.1. Anatomie descriptive
3.2. Rapports
3.3. Branches
3.4. Systématisation
3.5. Le nerf récurrent non récurrent
3.6. Anatomie chirurgicale et recherche du nerf récurrent
4. Physiologie
5. Exploration
5.1. Clinique
5.2. Paraclinique
PATIENTS, MATERIEL ET METHODE
1. TYPE D’ETUDE ET METHODOLOGIE
2. PATIENTS
2.1. Population d’étude
2.2. Critères d’inclusion
2.3. Paramètres étudiés
2.4. Critères de non-inclusion
3. MATERIEL
3.1. Outils de collecte des données
3.2. Techniques de collecte des données
4. METHODE
4.1. Description de l’acte opératoire
4.2. Repères anatomiques et unités de mesure
4.3. Saisie et analyse des données
RESULTATS
1. CARACTERISTIQUES ANTHROPOMETRIQUES ET PROFESSIONNELLES DES PATIENTS
1.1. Age en années
1.2. Sexe
1.3. Nationalité
1.4. Profession
2. MORPHOTYPE
3. INTERVENTION CHIRURGICALE
3.1. Indication
3.2. Geste chirurgical
3.3. Trajet
3.4. Dimensions
3.5. Division extra-laryngée
3.6.Niveau de pénétration laryngée par rapport à la petite corne du cartilage thyroïde (PCCT)
3.7. Rapports du NLI avec les banches de l’ATI
3.8. Rapports du nerf récurrent avec le lobe thyroïde
3.9. Glandes parathyroïdes
3.10. Rapports du NLI avec l’artère laryngée inférieure
4. Suites opératoires
DISCUSSION
I. METHODOLOGIE
II. RESULTATS
1. Nos résultats
2. Discussion selon la littérature
III. APPLICATIONS
CONCLUSION
REFERENCES
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