Morphologie des polymères semi-cristallins

L’histoire industrielle des polymères thermoplastiques est très récente comparée à d’autres industries comme celles du verre et de la métallurgie. Elle connait un grand essor au cours de la seconde moitié du 20ième siècle. De par leur grande diversité, les polymères ont su progressivement s’imposer et proposer de nouvelles solutions pouvant se substituer aux matériaux déjà existants tels que les métaux et les céramiques dans des applications nécessitant des propriétés thermomécaniques toujours plus avancées. De plus, dans le contexte actuel où les exigences industrielles en matière de coûts, de sécurité et de respect de l’environnement deviennent de plus en plus importantes, ces nouveaux matériaux se révèlent être de sérieux candidats de par la simplicité de leur mise en forme, leur faible masse volumique, leur inertie chimique, leur recyclabilité… Par conséquent, les polymères appartiennent de nos jours à la famille des matériaux de grandes diffusions. Cependant, les étroites relations existantes entre leurs propriétés finales et leurs microstructures restent, au demeurant, partiellement méconnues.

Depuis les années 1970, de nombreux travaux ont permis de commencer à comprendre les micromécanismes de déformation des polymères semi-cristallins, avec la mise en évidence de la transformation par étirage de la structure sphérolitique en structure fibrillaire (Frank et al. (1958), Peterlin (1966 -1971), Argon (1973), Schultz (1974), Bowden et Young (1974), …). Dans les années 1980, les modèles initialement développés pour les matériaux métalliques, ont été transposés aux polymères dans le but de décrire leur comportement thermomécanique (Haudin (1982), Escaig (1982), Escaig et Lefebvre (1985), G’sell et Jonas (1981), …). Enfin le développement de l’informatique a permis l’utilisation de puissant calculateur autorisant la simulation du comportement mécanique d’objets et la prédiction de leurs propriétés en service. Ces simulations numériques, moins onéreuses que le prototypage, reposent sur l’utilisation de lois de comportement dont l’optimisation, la précision et la fiabilité constituent aujourd’hui la motivation de nombreux mécaniciens (Dahoun et al. (1991), Arruba et Boyce (1993), van Dommelen et al. (2003), Billon (2003), Laiarinandrasana (2009)…). Les lois de comportement mécanique doivent tenir compte des évolutions de la microstructure en temps réel aux cours de diverses sollicitations mécaniques. L’endommagement volumique, en compétition avec l’orientation macromoléculaire, est l’un des paramètres microstructuraux clés à prendre en compte afin de s’affranchir de l’hypothèse souvent non pertinente de l’incompressibilité plastique.

Morphologie des polymères semi-cristallins

Généralités : les grandes familles de polymères 

Dans les années 1920, les travaux d’Herman Staudinger (prix Nobel de chimie en 1953) introduisent le concept de chaînes macromoléculaires ouvrant ainsi l’ère de la chimie macromoléculaire. Les polymères sont constitués de macromolécules résultant de l’enchaînement d’unités moléculaires les monomères, organisés en chaînes par liaisons covalentes. Cette architecture moléculaire confère aux polymères des propriétés chimiques et mécaniques spécifiques. On distingue les polymères naturels (le caoutchouc naturel, le bois, la soie ou encore l’ADN), des polymères synthétiques (le nylon, le kevlar, le téflon, ou le plexiglas) obtenus par voie de synthèse.

Il existe de nombreux critères permettant de classer les polymères, outre de par leur origine comme discutée précédemment, il existe des classements par composition chimique de leur squelette carboné, par masse molaire moyenne, etc. L’architecture macromoléculaire des polymères induite par des procédés de polymérisation distincts permet la classification des polymères en deux familles ayant des comportements thermomécaniques différents : les polymères thermoplastiques et les polymères thermodurcissables. La famille des thermodurcissables comprend des polymères tels que les polyépoxydes, les polyuréthanes réticulés ou encore les polyesters insaturés. Ces derniers durcissent suite à une réaction de réticulation irréversible accélérée par la température, qui confère à ces matériaux un réseau macromoléculaire covalent tridimensionnel. Ils sont alors à usage unique et donc nonrecyclable. Les thermoplastiques quant à eux se ramollissent avec l’augmentation de la température. Leurs chaînes macromoléculaires sont le plus souvent mono- ou bidimensionnelles. Le passage de ces polymères à l’état liquide s’effectue lorsque l’agitation thermique devient suffisante pour rompre les liaisons faibles (de Van der Waals ou liaison Hydrogène) entre les segments macromoléculaires voisins sans affecter les liaisons covalentes de chaque macromolécule. Ce mécanisme est réversible ce qui confère à certains polymères thermoplastiques des propriétés de recyclabilité. Le polypropylène isotactique, matériau considéré dans ce travail, fait partie de la famille des polymères thermoplastiques.

Les Polymères semi-cristallins 

Au-dessus de sa température de fusion, notée Tf , le polymère est à l’état liquide, ses macromolécules sont distribuées de façon aléatoire sous forme de pelote statistique appelée état amorphe. Lors d’un refroidissement à partir de l’état fondu, les mécanismes thermodynamiques de germination et de croissance à l’origine de la structure cristalline de ces polymères sont susceptibles d’être activés. Cette capacité à cristalliser est régie par les conditions thermodynamiques du refroidissement (en particulier la vitesse de refroidissement) et de la chimie du matériau (gêne stérique, présence d’agents nucléants, tacticité …). Du fait du repliement des chaînes macromoléculaires au sein des cristallites l’ordre cristallin ne peut être total, on parle donc de polymère semi-cristallin. Ils peuvent alors être caractérisés par la valeur de leur taux de cristallinité défini par la fraction volumique Φc ou massique Xc de phase cristalline dans le matériau. Une seconde température propre est importante pour la description des polymères, il s’agit de la température de transition vitreuse, notée Tg, propre à la phase amorphe. En dessous de cette température, la mobilité globale devient extrêmement lente. La phase cristalline s’organise en lamelles, appelées cristallites, enrobées dans de la phase amorphe confinée . Les molécules de liaison ou molécules de liens relient entre elles différentes zones cristallines, c’est-à-dire qu’elles composent deux cristallites adjacentes en traversant la phase amorphe interlamellaire. Les grandeurs caractéristiques de cette microstructure semi-cristalline , il s’agit de l’épaisseur des lamelles cristallines Lc, de l’épaisseur de la phase amorphe interlamellaire La, et la somme de ces deux longueurs définissent la longue période notée Lp. La répétition du motif phase amorphe interlamellaire et lamelle cristalline définit la structure semi-cristalline des polymères semi-cristallins.

Les polymères semi-cristallins peuvent présenter différentes structures cristallines, dépendant des conditions de mise en forme (température, sollicitation mécanique, refroidissement). Dans des conditions statiques et isothermes, la cristallisation se réalise par germination et croissance de sphérolites. Des vitesses de refroidissement lentes favorisent le développement de la phase cristalline et la production de gros sphérolites (Cangemi (2002)).dans le cas d’un polybutène observé au microscope optique avec polarisation croisée. Au cours de la cristallisation, les lamelles cristallines croissent selon un arrangement radial dans toutes les directions de l’espace, pour former des sphérolites. La taille des sphérolites varie de quelques microns à quelques centaines de microns de diamètre (Basset (1984) ; Olley (1989) ; Haudin (2001)).

Comportement mécanique des polymères semi-cristallins

L’étude du comportement mécanique que nous réalisons porte sur des sollicitations en traction uniaxiale à température ambiante (~20°C). Dans le cas des polypropylènes cette température est supérieure à la température de transitions vitreuse (Tg), et inférieure à la température de fusion (Tf). Nous nous attachons donc à décrire le comportement mécanique des polymères semi-cristallins dans cette gamme de température.

Mécanismes de déformation des polymères semi-cristallins

Déformation de la phase amorphe

Entre Tg et Tf la phase amorphe présente un comportement caoutchoutique (Treloar (1975)). On distingue deux types de phase amorphe. A de faibles taux de cristallinité, on rencontre une phase amorphe indépendante libre. Tandis qu’à des taux de cristallinité élevés la phase amorphe est confinée entre les cristallites (ou lamelles cristallines), il s’agit de la phase amorphe interlamellaire. La phase amorphe est liée aux cristallites par les molécules liens qui permettent la transmission des contraintes aux lamelles cristallines adjacentes dès les premiers stades de la déformation (Castagnet (1998)).

Le premier mode de déformation est le glissement interlamellaire . Il résulte d’un cisaillement entre deux lamelles cristallines sous l’effet d’une contrainte appliquée (Peterlin (1969) ; Balta-Calleja et Peterlin (1970) ; Kaufman et Schultz (1973) ; Butler et al., (1995) ; Haudin et G’sell (1995), Coulon et al., (1998)). il en résulte une orientation importante des lamelles dans la direction de la sollicitation mécanique.

Le second mode de déformation de cette phase amorphe est la séparation interlamellaire . Elle se traduit par une variation de la distance entre deux lamelles cristallines lorsqu’une contrainte est appliquée perpendiculairement aux lamelles (Balta-Calleja et Peterlin (1970) ; Petermann et Schultz (1978) ; Haudin et G’sell (1995)). Cette séparation induit une augmentation de la longue période. La phase amorphe présente entre deux lamelles se désenchevêtre et occupe un plus grand espace. Cette dilatation de la phase amorphe peut permettre l’apparition de microcavités (Balta-Calleja et Peterlin (1970) ; Keller et Pope (1971) ; Friedrich (1983) ; Castagnet et al. (2000) ; Tijssen et al. (2000)).

Déformation de la phase cristalline

Les cristallites de polymères se déforment par glissement suivant les plans réticulaires les plus denses de la maille cristalline. A la différence des métaux, seuls les systèmes de glissements dont le plan contient l’axe des chaînes macromoléculaires sont actifs (Peterlin (1971)). Cela s’explique par la présence des liaisons covalentes fortes le long des chaînes. Par conséquent, les plans de glissement privilégiés sont parallèles aux chaînes macromoléculaires et sollicitent uniquement les liaisons de faible énergie de type van der Waals (Lin et Argon (1988)). Si la direction des macromolécules est selon l’axe c des cristaux [001], l’indice de Miller des plans de glissement est (hk0). Deux directions de glissement sont alors possibles : i) parallèle à l’axe des chaînes <001> et ii) perpendiculaire à l’axe des chaînes .

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALES
CHAPITRE I : ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES
I.1 Introduction
I.2 Morphologie des polymères semi-cristallins
I.2.1 Généralités : les grandes familles de polymères
I.2.2 Les Polymères semi-cristallins
I.3 Comportement mécanique des polymères semi-cristallins
I.3.1 Mécanismes de déformation des polymères semi-cristallins
I.3.1.1 Déformation de la phase amorphe
I.3.1.2 Déformation de la phase cristalline
I.3.1.3 Fragmentation des lamelles cristallines
I.3.1.4 Processus de déformation des sphérolites
I.3.2 Micromécanismes de l’endommagement volumique
I.4. Le polypropylène
I.4.1 Matrice de référence : Le polypropylène isotactique
I.4.1.1 Synthèse et informations microstructurales
I.4.1.2 Informations mécaniques spécifiques à la déformation du iPP
I.4.2. Matériau composite : Le polypropylène ‘choc’
I.4.2.1 Introduction aux mélanges de polymères
I.4.2.2 Influence des nodules d’EPR sur la matrice PP
I.4.2.3 Influence des charges minérales sur le PP/EPR
I.5 Diffusion Raman et Polymères
I.5.1 Principe de la spectroscopie Raman
I.5.2 Informations présentes dans un spectre Raman
I.5.3 Raman et Essai mécanique
I.6. Diffusion de la lumière : Cas de la diffusion de Mie
CHAPITRE II : TECHNIQUES EXPRIMENTALES & MATÉRIAUX
II.1 Méthode de caractérisation
II.1.1 Essais mécaniques à pilotage d’extensométrique vidéo : VidéoTractionTM
II.1.1.1 Préparation des échantillons
II.1.1.2 Le système VidéoTractionTM
II.1.1.3 Mini-machine de traction
II.1.2 Calorimétrie différentielle à balayage (DSC)
II.1.3 Diffusion des rayons X en transmission
II.1.3.1 Montage expérimental
II.1.3.2 Diffraction des rayons X aux grands angles (WAXS)
II.1.3.3 Diffusion des Rayons X aux petits angles (SAXS)
II.1.4 Radiographie X
II.1.5 Tomographie X
II.1.6 Spectroscopie Raman
II.1.7 Diffusion de lumière incohérente
II.1.8 Analyse dynamique mécanique
II.1.8 Microscopie électronique à balayage
II.2 Matériaux de l’étude
II.2.1 Choix des matériaux
II.2.1.1 Le Polypropylène isotactique 3050 MN1
II.2.1.2 Les PP/EPR de l’étude
II.2.2 Caractérisation de la mise en forme et détermination de la microstructure initiale des plaques injectées
II.2.2.1 Microstructure initiale du polypropylène isotactique MN1
II.2.2.2 Rappel de résultats de caractérisation des autres matériaux
II.2.2.3 Prélèvement des éprouvettes dans les plaques injectées
II.2.3 Spectres Raman des matériaux de l’étude
CHAPITRE III : RÉSULTATS
III.1.Comportements mécaniques vrais en traction uniaxiale
III.1.1. Influence de la peau d’injection
III.1.2. Influence de la vitesse de déformation
III.1.3. Comparaison des matériaux
III.2 Etude microstructurale in situ par diffraction des rayons X aux grands angles et par spectroscopie Raman à lumière polarisée : Suivi de l’orientation des chaînes macromoléculaires au cours d’un essai mécanique en traction uniaxiale
III.2.1 Evolution des clichés 2D WAXS au cours de la déformation des quatre matériaux de l’étude
III.2.2 Observations de l’évolution de la maille cristalline α du PP dans le domaine viscoélastique
III.2.3 Quantification de l’évolution de l’orientation des plans cristallographiques de la matrice PP des matériaux par rapport à l’axe de traction
III.2.3.1 Facteur de Hermans
III.2.2.2 Orientation par Spectroscopie Raman
III.3 Etude microstructural de l’endommagement volumique
III.3.1 Evolution de la déformation volumique par VidéoTractionTM
III.3.2 Mesure SAXS
III.3.2.1 Evolution des clichés SAXS post mortem à différents taux de déformation
III.3.2.2 Caractérisation des diffuseurs dans le domaine de Guinier
III.3.3 Caractérisation par tomographie aux rayons X
III.3.4 Observation au microscope électronique à balayage
III.3.4.1 Observations Post Mortem
III.3.4.2 Observations MEB in situ (sur film)
III.3.5 Caractérisation de l’endommagement volumique par spectroscopie Raman
III.3.5.1 Représentation en 3D des spectres Raman au cours d’un essai detraction
III.3.5.2 Evolution de l’intensité Raman pour chaque matériau en fonction de la vitesse
III.4 Diffusion de Lumière
III.4.1 Evolution de la diffusion de la lumière avec la déformation
III.4.2 Evolution de la longueur de transport LTR
III.4.3 Indice d’anisotropie du milieu
CHAPITRE IV : DISCUSSION
CONCLUSION GÉNÉRALES

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