Les îles fluviales végétalisées sont des éléments clés des cours d’eau car elles influencent sa structure et la biodiversité présente dans ces hydrosystèmes (Corenblit et al., 2014). D’un point de vue morphologique, une île fluviale a été définie comme « une caractéristique géomorphique entourée de chenaux, qui est supérieure au niveau moyen de l’eau et qui persiste suffisamment longtemps pour permettre l’établissement d’une couverture végétale permanente si une humidité adéquate est disponible » (Osterkamp, 1998). Cependant, la distinction entre les barres végétalisées et les îles reste problématique. En effet, bien que des études aient démontrées que les processus impliqués dans leur création participent à l’évolution morphologique des rivières multicanaux ainsi qu’au stockage des sédiments, les premières étapes de l’évolution de l’état de barre à l’état d’île ne sont pas connues en termes de vitesse, de processus sédimentaires impliquant une jeune végétation ligneuse pionnière et de taux d’accrétion verticale et /ou latérale dans des conditions d’apport sédimentaire quasi illimité (Wintenberger et al., 2015). Là n’est pas le but de cette étude qui va plutôt se concentrer sur l’évolution morphodynamique d’une barre sédimentaire non migrante, à l’origine d’îles fluviales. De fait, les barres non migrantes (par exemple, les barres ponctuelles, les barres médianes) correspondent à l’accumulation de sédiments se développant en raison d’une discontinuité dans la géométrie du canal, à l’inverse des barres libres qui apparaissent en raison de l’instabilité morphodynamique. Par conséquent, ce sont des formations relativement stables en raison de leur conditions de formation, sur lesquelles la végétation ligneuse peut se développer. Une fois établi, l’obstacle qu’engendre le couvert végétal va influencer le développement morphologique de la barre en augmentant la résistance à l’écoulement, diminuant la vitesse d’écoulement, et en augmentant le dépôt et la fixation des sédiments (Wintenberger et al., 2015).
Description du site d’étude
Contexte général de la Loire
La Loire est le fleuve le plus long de France avec une longueur totale de 1012 km débutant au pied du mont Gerbier de Jonc (Massif central) pour se jeter dans l’océan Atlantique près de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) (Fig. 1). Il est alimenté par quatre grands affluents : l’Allier, le Cher, le Maine et la Vienne, pour un bassin versant qui s’étend sur 117 000 km² (Latapie et al., 2014). Le régime hydrologique de la Loire est considéré comme très variable avec des débits très faibles en été et relativement important en hiver et au printemps. Les inondations sont notamment causées par des orages survenant dans la partie amont du fleuve lors de ces saisons, et par d’importantes précipitations provenant de l’océan Atlantique (Dacharry, 1996).
Les activités humaines (remblai, construction d’épis utile à la navigation, extraction intense des sédiments, etc.) ont fortement modifiés la Loire au cours de ces derniers siècles, causant ainsi un rétrécissement de la largeur du canal actif et l’incision du chenal principal (Gasowski, 1994). Ces structures ont également eu pour conséquence l’accumulation de sédiments à leur aval, induisant le développement d’une végétation pionnière ligneuse, fermant les chenaux secondaires et réduisant ainsi le transport sédimentaire des crues (Latapie et al., 2014). De plus, cela a conduit à des ajustements de la largeur des îlots et des chenaux secondaires (Rodrigues et al., 2006) ainsi qu’une évolution morphologique rapide de la rivière, passant d’une rivière en tresse à un style anabranché (Wintenberger et al., 2015).
Par conséquent, pour éviter les inondations, l’Etat (DDT) et la DREAL met en œuvre un plan de travaux de restauration consistant à retirer la végétation présente sur ces îlots et à abaisser la topographie. En effet, la végétation cause le ralentissement de l’écoulement hydraulique, induisant une montée des eaux et dans certains cas des inondations. De plus, en convertissant les îles boisées en barres sédimentaires, cela se traduit par une réduction du risque inondation et la création de sites vierges favorables à l’installation de semis tels que les salicacées (Wintenberger et al., 2019).
Localisation de la barre sédimentaire
L’étude porte sur une barre sédimentaire située dans la Réserve Naturelle Nationale de Saint-Mesmin, à 649 km en aval de la source de la Loire et à 4 km en aval d’Orléans. Elle s’étend sur 263 hectares avec une zone centrale et un périmètre de protection, incluant la pointe de Courpain (confluence de la Loire et du Loiret situé à environ 1.2 km de la RNN) et les îles de Mareau-aux-Prés (Fig. 2).
Dans cette zone, le socle rocheux est constitué de calcaire lacustre tertiaire recouvert de sédiments siliceux de la Loire provenant du cours supérieur (torrent). Des affleurements du substratum rocheux peuvent apparaitre dans le chenal principal en raison des importantes extractions de sédiments qui ont eu lieu dans le passé. La rivière est caractérisée par un plan de méandre de faible amplitude dont l’indice de sinuosité est de 1.04, combiné à une section transversale variant de 270 à 430 m et de pente moyenne 0.01% (Latapie et al., 2014). Le débit annuel moyen mesuré à la station de jaugeage d’Orléans (10 km en amont) est égal à 344 m3/s, et le débit de crue sur 2 ans est de 1700 m3/s. Cette configuration morphologique a conduit à la formation d’îles d’âges et de taille différentes, qui se sont développées à partir de la colonisation d’une végétation ligneuse sur des barres déjà existantes et mentionnées sur la carte de 1848 (Fig. 3).
La barre sédimentaire étudiée, composée d’un mélange de particules siliceuses allant des galets aux sables fins, est apparue sous sa forme actuelle au cours des années 2003 et 2004 (Wintenberger et al., 2015). En 2004, elle a été colonisée par des semis qui se sont développés en un peuplement très dense de Populus nigra (peuplier noir) et a rapidement évolué en île jusqu’en 2012 (Villar, 2011).
Conséquences des travaux de restauration
Comme il a été dit précédemment, le lit du fleuve de la Loire subit chaque année des travaux d’entretien et de restauration afin de prévenir des risques d’inondation. Les secteurs d’intervention sont sélectionnés en fonction des aléas et des enjeux environnants. Ces travaux d’entretien engendrent des impacts sur les fonctionnements écologiques et sédimentaires, mais ne sont pas étudiés à une échelle fine sur le moyen terme. En septembre 2012, des travaux d’entretiens ont été réalisés sur l’îlot C des îles de Mareau-auxPrés (Fig. 2), puisqu’il était considéré comme un obstacle potentiel au bon écoulement de l’eau dans des situations de fortes crues au niveau de la Loire moyenne (Lefebvre, 2019). Ces travaux consistaient à retirer l’ensemble de la végétation présente sur cette île et d’extraire également les systèmes racinaires de façon à abaisser l’altitude et à homogénéiser les sédiments jusqu’à 0.5 m de profondeur. La nouvelle barre vierge se caractérisait par une surface plane de 26 700 m² et une granulométrie homogène des sédiments dont l’altitude variait de 83.1 et 84.5 m audessus du niveau de la mer. Entre 2012 et 2013 cette barre a fait l’objet d’une étude visant à identifier les facteurs moteurs de la morphodynamique des barres non migrantes lors des inondations survenues après ces travaux d’entretiens. Cette étude a ainsi montré la présence de deux zones distinctes sur la barre (Fig. 4) :
– Une zone fixe (armure) située au centre de la barre caractérisée par des changements morphologiques mineurs (sédiments érodés et / ou déposés à une échelle allant du centimètre au décimètre) (Wintenberger et al., 2019),
– Une zone mobile ou les changements morphologiques sont beaucoup plus importants (érosion et dépôt dont l’épaisseur varie d’une échelle de l’ordre du décimètre à un mètre) (Wintenberger et al., 2019) .
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Table des matières
Introduction
1. Description du site d’étude
1.1. Contexte général de la Loire
1.2. Localisation de la barre sédimentaire
1.3. Conséquences des travaux de restauration
2. Matériel et méthodes
2.1. Etude topographique
2.2. Chaines d’érosion
2.3. Granulométrie
3. Résultats
3.1. Topographie
3.2. Chaines d’érosion
3.3. Granulométrie
4. Discussion
Conclusion
Bibliographie
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