Les moustiques sont des insectes diptères colonisant l’écosystème aquatique (état larvaire) ainsi que les écosystèmes terrestre et aérien (état adulte). Ils constituent un intérêt pour la recherche car ils sont vecteurs de maladies et responsables de nuisances (piqûres, bourdonnements gênants). Certaines espèces du genre Culex sont responsables de filarioses (exemple : la filariose lymphatique), d’encéphalites (exemple : l’encéphalite japonaise). D’autres espèces du genre Aedes transmettent des virus causant des maladies telles que la fièvre-jaune, la dengue. L’espèce Anopheles gambiae gambiae est surtout vectrice du Plasmodium falciparum principal responsable du paludisme. Les maladies transmises par les moustiques sont répandues dans beaucoup de pays du globe. Au Sénégal et dans beaucoup de pays africains, le paludisme, la fièvre-jaune et la dengue continuent de poser des problèmes de santé publique.
Pour lutter contre les maladies et les nuisances causées par les moustiques, on a utilisé des méthodes mécaniques (remblayage et destruction des gîtes naturels et artificiels), chimiques (utilisation d’insecticides chimiques de synthèse) et biologiques (utilisation d’agents ou de produits naturels pathogènes des moustiques). Les insecticides chimiques appartiennent généralement aux organophosphorés, aux organochlorés, aux pyréthrinoїdes et aux carbamates. Bien qu’ils soient efficaces dans la lutte contre les moustiques, ces insecticides chimiques de synthèse présentent néanmoins des inconvénients notamment leurs coûts qui peuvent être relativement élevés. Ils peuvent aussi être à l’origine de divers problèmes environnementaux à cause de leurs résidus toxiques (Bouguera et Philogène, 1994; Klocke, 1987). En effet, pour Barbouche et al. (2001), l’accumulation significative de matières actives des pesticides dans les écosystèmes traités constitue un problème majeur : la pollution. Ces résidus toxiques n’épargnent pas les organismes non-cibles. À tous ces inconvénients, s’ajoute aussi le grand problème de résistance des moustiques face aux insecticides chimiques de synthèse. En effet en 1975, Apperson et Georghiou ont montré une multi-résistance des larves de Culex tarsalis face aux pesticides organophosphorés. Konan et al. (2003) ont, quant à eux montré une résistance de Culex quinquefasciatus Say, 1823 à la Deltaméthrine. Mouchet et al. (1960) ont aussi montré une résistance de Culex pipiens fatigans (Wied) à divers insecticides comme le D.D.T. (Dichloro-Diphenyl-Trichloroethane), la Dieldrine et le H.C.H. (Hexachlorocyclohexane).
Pour assurer un meilleur contrôle des larves de moustiques tout en préservant le milieu naturel, de nouvelles méthodes préventives ainsi que de nouveaux produits naturels à effet insecticide sont à l’étude dans le monde. Ainsi, des résultats ont été obtenus par des auteurs sur les insecticides biologiques tels que les insecticides microbiens. Larget-Thierry et al. (1984) ont montré que la sensibilité des stades larvaires est proportionnelle à la concentration en ß-exotoxine du Bacillus thuringiensis. En plus, cette βexotoxine induit un effet retard sur les mues larvaires ainsi que des effets tératogènes pendant la nymphose. Ganushkina et Vojtsik (1986) ont montré des sensibilités différentes des larves d’Anopheles stephensi, Anopheles atroparvus, Anopheles sacharovi, Aedes aegypti, et Culex pipiens molestus à des préparations bactériennes de Bacillus thuringiensis sérotype 14 et Bacillus sphaericus. La sensibilité la plus faible a été notée chez Anopheles sacharovi. Avec Metharizium anisopliae (Metschnikoff, Sorokin), Ravallec et al. (1986) ont trouvé que les larves d’Aedes albopictus contaminées par cette hyphomycète se comportent comme un réservoir d’inoculum capable d’infecter les larves prédatrices de Toxorhynchites amboinensis (Doleschall).
D’importants résultats portant sur des produits naturels extraits de plantes ont été obtenus. On peut citer les cas de la Pyréthrine, de la Nicotine et de la Rétonone qui sont déjà connus comme agents de lutte contre les moustiques. La Pyréthrine est un insecticide botanique extrait des fleurs du chrysanthème (Chrysanthemum cinerariaefolium). La Nicotine est un alcaloïde contenu en grande concentration dans les feuilles de tabac. La Rétonone est un insecticide botanique obtenu à partir d’extrait de racine de Derris ou de Lonchocarpus. Selon Philogène (1991), beaucoup de chercheurs se sont intéressés à une méliacée originaire de l’Asie (le margousier ou neem : Azadirachta indica, A. Juss) à cause de ces propriétés insecticides. La molécule d’azadirachtine contenue dans les feuilles et les fruits de neem, provoque chez les moustiques par ingestion ou par contact des effets anti appétants, des effets toxiques (Azmi et al., 1998; Batra et al., 1998; Scott et Kaushick, 2000; Aliero, 2003;Wandscheer et al., 2004), des effets répulsifs (Mishra et al., 1995,Tawatsin et al., 2001; Ravindran et al., 2002; Hadis et al., 2003; Barnard et Rui-de-xue, 2004), des effets nocifs sur la reproduction (Singh, 2003,Tianyun Su et Mulla,1998, Tianyun Su et Mulla, 1999, Rajkumar et Jebanesan, 2005), des effets antimitotiques (Salehzadeh et al., 2003), des effets histopathologiques (Seye et al., 2006 (b), Ndione et al., 2006, Ndione et al., 2007) et des effets inhibitrices sur le développement (El hag et al., 1999).
Bio-écologie des moustiques
Lors de leur reproduction, les femelles fécondées par les mâles déposent leurs œufs à la surface d’eaux stagnantes ou sur des terres inondables. Les œufs ont des formes variables suivant les genres :
• isolés et munis de flotteurs ce qui les rend insubmersibles (Anopheles),
• groupés en barquettes flottantes de 50 à 300 œufs (Culex),
• isolés de couleur sombre acquise après la ponte (Aedes).
L’éclosion de ces œufs donne des larves qui le plus souvent sont détritiphages (Culex) mais certaines sont prédatrices ou même cannibales (Culex tigripes, Toxorhynchites sp). Le développement larvaire des Culicidae se caractérise par deux phases distinctes formant un cycle :
– une phase pré-imaginale qui se déroule en milieu aquatique et regroupe l’œuf qui, au bout de 1 à 2 jours éclos et donne des larves de stade 1(L1). Ces larves vont ensuite muer après 1 à 2 jours en larves de stade 2 (L2). Ce stade 2 est suivi par le stade 3 (L3) et le stade 4 (L4) à des intervalles d’environ 2 jours chacun. La larve de stade 4 reste pendant 2 à 3 jours avant de changer en nymphe. (Extrait du site web : http:// www.mosquito.org / mosquito-information / biology. Aspx). La nymphe est obtenue par métamorphose de la larve de stade 4.
– une phase aérienne, l’adulte ou imago. En effet, au terme d’une métamorphose complète la nymphe se transforme en adulte au bout de 1 à 2 jours. Les moustiques sont donc des insectes holométaboles .
La plupart des femelles de moustique ont besoin d’un repas de sang des vertébrés pour embryonner leurs œufs (espèces dites anautogènes). Certaines comme le genre Toxorhynchites n’ont pas besoin de sang pour assurer le développement de leurs ovaires (espèces dites autogènes) (Ndiaye, 1990). Les mâles par contre se nourrissent de jus sucrés, nectars et autres sécrétions végétales.
Morpho-anatomie des larves de moustiques
Organisation externe
Les larves de Culex quinquefasciatus, Aedes aegypti, et Anopheles gambiae s.l. sont vermiformes. Elles mesurent 2 à 12 mm et sont dépourvues d’appendices locomoteurs mais possèdent :
– une tête portant des soies antennaires, des soies frontales, des antennes et des yeux ;
– un thorax avec des soies thoraciques ;
– un abdomen portant huit tergites abdominaux, un segment anal avec ou sans siphon respiratoire. En effet, les larves de Culex quinquefasciatus et d’Aedes aegypti possèdent un siphon respiratoire. Alors que celles d’Anopheles gambiae s.l ne possèdent pas de siphon respiratoire .
Organisation du tube digestif
Les larves de moustique ont un tube digestif qui débute par la bouche, puis l’œsophage. Ce dernier se termine par deux expansions latérales appelées caeca gastriques. Le tube digestif se poursuit par l’intestin antérieur, puis moyen, ensuite postérieur et se termine par l’iléon et l’anus. Au niveau de l’intestin postérieur partent des tubes de Malpighi (organes excréteurs). La colonne alimentaire se trouve dans la lumière du tube digestif. Entre cette dernière et l’apex des cellules intestinales, on rencontre la membrane péritrophique dont le rôle est de protéger les cellules intestinales des particules alimentaires en brassage .
Les différentes formes de lutte contre les larves de moustiques
Il existe plusieurs stratégies de lutte contre les moustiques. Il s’agit de :
– la lutte mécanique : consiste à détruire les gîtes de moustique par voie mécanique. Il s’agit essentiellement du remblayage des eaux stagnantes, de la destruction des petits et moyens gîtes larvaires potentiels et d’une bonne protection des réservoirs d’eaux potables.
– la lutte chimique : utilise les insecticides de la première génération (composés à base d’arsenic, de soufre, de chaux, de dérivés du pétrole, de substances à base de fluor) et ceux de la deuxième génération (organochlorés, les organophosphorés, les carbamates).
– la lutte biologique : utilise comme moyen d’autres organismes naturels antagonistes (bactéries, champignons etc.) ou des extraits de plantes à potentiel insecticide.
– cas particulier du neem (Azadirachta indica, A. Juss) : Le neem ou margousier (Azadirachta indica, A.Juss) est une méliacée originaire de l’Asie du sud-est. Le neem est un arbre poussant surtout dans les régions semi-arides. Depuis 1963, des recherches ont révélé la présence d’un limonoide l’azadirachtine (Fig. 7) comme principe actif le plus important dans l’activité du neem. Klocke (1987) a identifié d’autres substances notamment d’autres limonoïdes (la Salanine et le Méliantrol), un flavonoïde (quercetine), une ßsistostérol (la nimbostérol), la Nimbine, la Nimbidine. Siddiqui et al. (2000) ont aussi identifié deux nouveaux triterpénoides dont le Deacetylnimocinol et Meliacinol. Ses dernières sont en quantité moindre par rapport à l’azadirachtine dans le neem mais ont montré néanmoins des actions toxiques sur les larves de moustiques du genre Aedes aegypti (Siddiqui et al., 2000). Sur le développement des moustiques, l’azadirachtine semble bloquer la synthèse de l’ecdysone (Philogène, 1991). La molécule d’azadirachtine protège contre les piqûres de Anopheles (Diptera : Culicidae) (Sharma et al., 1995), est répulsif envers les adultes de Culex quinquefasciatus et Aedes sp et tue leurs larves.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE I : GÉNÉRALITES
I.1. Classification
I.2. Bio écologie des moustiques
I.3. Morpho-anatomie des larves de moustique
a. Organisation externe
b. Organisation du tube digestif
I. 4. Les différentes formes de lutte contre les larves de moustique
CHAPÎTRE II : ÉTUDE DE LA TOXICITÉ DU NEEM ET DE LA SENSIBILITÉ DES DIFFÉRENTES LARVES DE MOUSTIQUE
II.1. INTRODUCTION
II.2. MATÉRIEL ET MÉTHODES
II.2.1. Matériel
II.2.1.1. Matériel végétal utilisé pour les tests : le neem
II.2.1.2. Choix des larves pour les tests
II.2.2. Méthodes
II.2.2.1. Procédure de détermination des Doses Létales 50 (DL 50)
a. des larves d’Aedes aegypti
Traitement
Témoin
b. des larves d’Anopheles gambiae s.l et Culex quinquefasciatus
II.2.2.2. Traitement statistique des résultats
a. Correction des Taux Bruts de mortalité (TBM)
b. Analyse statistique
II.2.2.3. Comparaison de la sensibilité des trois genres de moustique
II.2.2.4. Comparaison de la toxicité des trois produits de neem
II.3. RÉSULTATS
II.3.1. Les conditions de traitement des larves au laboratoire
II.3.2.Variation du taux de mortalité
II.3.2.1. des larves d’Aedes aegypti
II.3.2.2. des larves d’Anopheles gambiae s.l.
II.3.2.3. des larves de Culex quinquefasciatus
II.3.3.Comparaison de la sensibilité des trois genres de moustique
II.3.3.1. Avec le traitement par l’huile de neem formulée(HNF)
II.3.3.2. Avec le traitement par le Suneem
II.3.3.3. Avec la Poudre de neem
II.3.4.Comparaison de la toxicité des produits de neem
II.4. DISCUSSION
II.5. CONCLUSION
CHAPÎTRE III : EFFETS HISTOPATHOLOGIQUES DU NEEM (Azadirachta indica, A. Juss) SUR DES LARVES DE MOUSTIQUE (EN MICROSCOPIES PHOTONIQUE ET ÉLECTRONIQUE)
III.1. INTRODDUCTION
III.2. MATÉRIEL ET MÉTHODES
III.2.1 Matériel
a. Matériel biologique utilisé
b. Matériel pour les biotests : les produits de neem
III.2.2. Méthodes
III.2.2.1. Effets histopathologiques au niveau abdominal
A. Microscopie photonique
a. Fixation
b. Déshydratation, imprégnation et inclusion
c. Taille et coupe des blocs
d. Étalement des coupes
e. Coloration
-Trichome de Masson
– Hématoxyline-Éosine-Safran (HES)
B. Microscopie électronique
a. Fixation
b. Rinçage
c. Post-fixation
d. Déshydratation
e. L’imprégnation
f. Inclusion
g. Taille des blocs
h. Coupe
Les coupes semi-fines
Les coupes ultra-fines
i. Déplastification et coloration des coupes
j. Observation
III.3 RÉSULTATS
III.3.1.Les dégâts cellulaires de l’appareil digestif de la larve
III.3.1. 1.En Microscopie photonique
a. Caeca gastriques
Témoins
Échantillons traités
b. L’intestin antérieur
Témoins
Échantillons traités
c. L’intestin moyen
Témoins
Échantillons traités
d. L’intestin postérieur
III.3.1.2. Histopathologie du tube digestif en Microscopie électronique
a. Témoins
b. Échantillons traités
III.4. DISCUSSION
III.5. CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE