Mondialisation et hiérarchisation des territoires
L’approche phénoménologique en études urbaines et régionales
Occupant aujourd’hui une importante place au sein des études urbaines et régionales, l’utilisation de la phénoménologie en sciences sociales a débuté au cours des années 1960et 1970 (Simard, 2000 : 29). Il est dit de cette approche philosophique qu’elle a vu le jour officiellement au début du XXe siècle avec les travaux d’Edmund Husserl (1859-1939).Ce serait ce dernier qui en aurait élaboré le principe de base, prônant le retour à l’étude du phénomène en tant que tel. Notons toutefois que, tel que le fait le sociologue André Akoun, le terme phénoménologie avait d’abord été employé par Kant dans Les premiers principes métaphysiques de la science de la nature, paru en 1786 (Akoun, Ansart, 1999 :397). Toujours selon Akoun, Hegel aurait donné son sens actuel à la phénoménologie,dans la Phénoménologie de l’esprit, soit un siècle avant Husserl. Akoun écrit, en parlant de Hegel : « Celui-ci inaugure le mouvement de la connaissance qui fait de l’apparaître,du phénomène, le porteur d’un sens qu’on ne peut découvrir qu’en allant aux choses mêmes » (Akoun, Ansart, 1999 : 397). Pour en revenir à Husserl, soulignons qu’il n’était pas question pour lui de faire de la science uniquement à travers livres, théories et interprétations. En ce sens, il tenait clairement à se distinguer de l’approche herméneutique en philosophie, caractérisée par l’interprétation et la recherche de sens caché. Il plaidait pour un « retour aux choses elles-mêmes, par-delà l’écrit, les formules et les théories (…) », allant « des simples mots…vers les choses elles-mêmes » (Grondin, 2003 : 22).
Largement utilisée en géographie, la phénoménologie s’illustre comme l’approche théorique des géographes humanistes depuis les années 1970 (Morissonneau, Sirois,1985). Pour Sanguin, l’approche phénoménologique permet également « de mettre l’emphase sur l’étude des intentions, des valeurs et des buts d’un groupe humain donné »
Plus précisément, l’herméneutique est aujourd’hui comprise comme « la science de l’interprétation des objets symboliques (art, mythes, conduites, textes, etc.) en vue de les déchiffrer, d’en rechercher les significations multiples » (Akoun, Ansart, 1999 : 254).
(Sanguin, 1981 : 561). Ainsi, il insiste sur l’importance, pour le géographe humaniste, de s’intéresser à la description des intentions et des sentiments liés à l’espace par les acteurs, plutôt que de chercher à expliquer les phénomènes spatiaux en se limitant à la recherche de mesures objectivement vérifiables (Sanguin, 1981 : 566).
L’aspect concret entourant ce retour au phénomène a peut-être joué en faveur du fait que différents domaines scientifiques s’intéressant à l’humain se sont appropriés à leur manière la phénoménologie. Selon Depraz, « (…) la phénoménologie ne possède en fait rien qui soit à elle puisqu’elle se nourrit de cet appétit de dépossession d’elle-même au contact de l’autre » (Depraz, 2006 : 16). Elle identifie trois phases relatives à la pratique de l’approche phénoménologique, qui touchent des praticiens de différents domaines scientifiques, soit :
• lue phase : Les fondateurs
Le grand fondateur, Husserl, issu du milieu des mathématiques, s’intéressera plus tard à la philosophie, puis intégrera à sa vision des notions de psychologie. L’apport de Heidegger, qui passa de la théologie à la philosophie pour devenir élève de Husserl est également riche, entre autre avec la notion de transcendance. Fink, disciple de Husserl, y ajoutera son concept de « spectateur phénoménologisant ».
• 2e phase : Les marxistes-existentialistes
L’entrée de philosophes français donne lieu à un tournant plus engagé pour l’approche phénoménologique. Nous pensons ici à Sartre, qui confronta la phénoménologie avec différentes théories issues de la psychologie, pour enfin développer son approche d’expérimentation existentialiste. Ensuite, Merleau-Ponty, dans cette même veine, s’intéressera non seulement à la place de la phénoménologie en psychologie, mais également au sein des théories biologiques du vivant.
• 3L phase : Les métaphysiciens
Cette phase, toujours selon Depraz, marque l’arrivée des sciences humaines dans la pratique de la phénoménologie. Elle souligne l’apport de Lévinas, qui intégrera la vision phénoménologique à l’anthropologie religieuse. Enfin, celle-ci sera présente également chez M. Henry, qui orientera ses réflexions vers l’économie, l’esthétique, la psychanalyse et le christianisme.
• 4e phase : Les contemporains
Finalement, les phénoménologues actuels seraient retournés à l’essence même de la phénoménologie, soit le phénomène et à son aspect pragmatique. Ce serait le cas de Derrida, qui prône l’abandon de l’argumentation en philosophie pour recourir à la narration et au témoignage. Marion met l’emphase, pour sa part, sur un retour au «je », à une description des expériences sans références théoriques ou textuelles.
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Table des matières
Remerciements
Résumé
Liste des Tableaux
Liste des Figure
Introduction
Chapitre 1 : Revue des écrits
1.1 L’approche phénoménologique en études urbaines et régionales
1.2 L’espace et son appropriation
1.2.1 Les conceptions de l’espace
1.2.2 Le concept d’appropriation
1.3 Le rapport à l’espace à l’ère de la mondialisation
1.3.1 Mondialisation, métropolisation et « image » des lieux
1.3.2 Mondialisation et hiérarchisation des territoires
1.3.3 La « ville moyenne »
1.4 De l’écologie sociale aux espaces publics
1.4.1 L’écologie sociale
1.4.2 Les effets de proximité
1.4.3 Les espaces publics au cœur des quartiers
Chapitre 2 : Objectifs et méthodologie
2.1 Problématique
2.2 Méthodologie
Chapitre 3 : Article 1
« L’appropriation de sites et paysages urbains requalifiés. Regard sur le Vieux-port de Chicoutimi »
L’appropriation des espaces publics et du paysage urbain
Site et contexte du projet
La méthodologie de recherche
Les résultats de l’enquête
Appropriation matérielle de la zone portuaire
L’appropriation symbolique du site
L’appropriation politique du site
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 4 : Article 2
« Les effets de proximité dans F appropriation collective d’un grand parc paysager à Saguenay »
Introduction 85 De l’écologie sociale aux représentations de l’espace
La question des effets de proximité
La méthodologie de l’enquête
Les concepts d’effets de proximité et de quartier
Le terrain de l’enquête et le classement des répondants
Les questions et l’administration du sondage
Les Résultats de l’enquête
Le profil des répondants
La fréquentation et les pratiques reliées au site
L’appropriation collective du site et le concept de convivialité
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 5 : Bilan des résultats
5.1 L’appropriation des espaces publics à vocation collective
5.1.1 Appropriation matérielle
5.1.2 Appropriation symbolique
5.1.3 Appropriation politique
5.2 La part des effets de proximité dans l’appropriation collective des espaces publics
5.2.1 Profil des usagers et lieu de résidence
5.2.2 Pratiques et habitudes de fréquentation
5.2.3 Perceptions en regard de la convivialité du site
Conclusion générale
Bibliographie générale
Annexe 1
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