Jean Vercoutter écrivait que « l’Égypte peut servir de lien entre l’Afrique, l’Europe et le Moyen-Orient » . L’Égypte constitue un carrefour et elle s’ouvre à l’Afrique, l’Europe et l’Asie. Elle a pu nouer des relations multiples avec ces peuples voisins. Mais depuis très longtemps, les nombreuses études en égyptologie portaient seulement sur la nature des relations entre l’Égypte et l’Afrique. Pourtant les influences égyptiennes s’étendent au-delà de l’Afrique puisque « les fouilles archéologiques viennent de révéler une extension insoupçonnée de l’influence de la civilisation égyptienne en Asie et en Europe » . Cette accessibilité géographique prouve, à l’évidence, que l’Égypte entretenait des rapports avec les Occidentaux et les Sémites. Peut-être le centrage des études sur l’Égypte-Afrique s’explique par la négrité de la civilisation égyptienne. Désormais, il faut regarder hors de l’Afrique. Donc un rééquilibrage de la recherche historique serait nécessaire pour se faire aussi une idée de la nature des relations entre l’Égypte et le reste du monde.
Précisément, notre thème d’étude est Moïse et l’Exode : pour une histoire véritable. Cet évènement biblique et coranique s’inscrit bien dans l’histoire de l’Égypte ancienne. La plupart des auteurs en sont convaincus. Alors « il n’est guère de savants qui mettent en doute à présent, que des clans hébreux soient à un moment donné, descendus dans la vallée du Nil et qu’après une période de grande adversité, ils l’aient quittée brusquement sous la conduite d’un chef inspiré » . C’est la raison pour laquelle les auteurs se contentent de dater le récit de Moïse dans la chronologie de l’histoire pharaonique sur la base d’hypothèses. C’est le cas de Manéthon qui fixe l’Exode à la deuxième période intermédiaire . Pour Arthur Weigall, l’Exode se situerait à la XVIIIe dynastie . Quant à Maurice Bucaille, il estime que l’Exode date de la XIXe dynastie .
LES FACTEURS EXPLICATIF
délimitation du sujet
Contexte historique
Replacer l’avènement de Moïse et de l’Exode dans le cadre général de la chronologie pharaonique ne pose pas de difficultés majeures aux spécialistes. Mais s’il s’agit de dater précisément cet épisode, l’exercice pourrait être complexe. C’est sous cet angle seulement que les auteurs ont fait recours à un échafaudage de calculs et d’hypothèses pour déterminer approximativement ce phénomène exodique. Et, dans ce cas, chacun y va selon son commentaire et les preuves qui lui semblent convenables, d’où le constat des nombreuses conclusions opposées voire contradictoires. Cette absence de consensus minimum sur la datation de l’époque de Moïse et de l’Exode est causée par la rareté des documents historiques. Comme dans les parties qui suivent, nous aurons la possibilité de fixer probablement la date de l’Exode. Il nous revient ici de donner le contexte historique de notre étude.
Les Hébreux ou Israélites sont originaires du Nord-Ouest de la Mésopotamie . Certainement, on peut les considérer comme des Asiatiques. Examinant toutes les périodes de l’histoire de l’Égypte ancienne, la seule conclusion tirée et qui correspondrait aux récits de Moïse et de l’Exode, nous ramène d’emblée à une époque précise appelée le Nouvel Empire égyptien. Cette période avait été marquée par une forte relation entre l’Égypte et les Asiatiques. C’est à partir du Nouvel Empire que « les empires asiatiques sont alors en pleine expansion et se heurtent à l’Égypte» . Au Nouvel Empire, l’Égypte était en contact direct avec les Asiatiques. Ces derniers étaient les vassaux des souverains égyptiens. Les tablettes d’El Amarna nous ont bien renseigné sur la nature de ces relations. Ce n’est qu’à partir de cette période que l’Égypte commença à nouer de nombreuses relations avec les Asiatiques. Elle éprouva ainsi les incommodités de sa position de carrefour . En effet, le phénomène de Moïse et de l’Exode s’inscrit bien dans ce contexte général de l’histoire de l’Égypte ancienne, empreint d’une politique diplomatique des rois égyptiens. Alexandre Moret précise bien ce changement de stratégie des Égyptiens en disant que « désormais, l’Égypte, jusque-là retranchée dans sa vallée entre déserts, se lie délibérément au monde asiatique, où elle va tenter d’établir sa prédominance » . Les souverains de l’Égypte menaient une politique d’expansion territoriale. Ils avaient des colonies en Asie. De ce fait, il y avait une forte interdépendance entre deux peuples, deux contrées ou deux civilisations. Durant cette période, l’Asie était la sphère d’influence de l’Égypte. C’est dans cette phase d’interrelations qu’il faut situer l’épisode de Moïse et de l’Exode.
Le Nouvel Empire égyptien marqua le contexte général de l’histoire de Moïse et de l’Exode. Il présentait toutes les caractéristiques décrites dans les récits de Moïse et de l’Exode. La preuve la plus probante est à rechercher dans l’emploi du mot pharaon. Le Texte coranique débutait l’histoire de Moïse en lançant un avertissement à l’endroit des croyants « nous te racontons en toute vérité, de l’histoire de Moïse et de pharaon ». Pharaon désignait ici le souverain d’Égypte, le roi lui-même. Il renvoyait à la personne physique du roi. Le mot est utilisé pour représenter l’aspect humain de l’adversaire de Moïse. Il ne sert pas à indiquer un pays, à nommer un groupe de personnes ou une collectivité, au contraire, il qualifie le souverain d’Égypte.
Au Nouvel Empire, l’expression pharaon avait pareillement le sens et la même valeur que celle qui a été employée dans les Écritures Saintes. Au sujet de cette question, Jean Yoyotte nous informe que « pharaon vient de l’expression per-aâ qui s’appliquait, sous l’Ancien Empire, à la grande maison du prince, y inclus sa résidence et ses ministres et qui au Nouvel Empire, en est venue à désigner la personne du roi » . Sur cette base, le récit des Écritures Saintes concorde parfaitement avec les données objectives de l’histoire. Le Nouvel Empire égyptien avait sûrement un rapport avec l’épisode de Moïse et de l’Exode. La signification du mot pharaon dans le récit de Moïse et dans les textes égyptiens du Nouvel Empire cadre de manière définitive le contexte historique de cet évènement. Cette similitude frappante a une grande portée historique. Elle n’est pas à négliger. Considérant la forte relation entre l’Égypte et les Asiatiques sous cette période, puis la nette analogie de la signification du mot pharaon dans les Écritures Saintes et les textes égyptiens, on peut en déduire que le Nouvel Empire, regroupant les XVIIIe et XIXe dynasties, constituait le cadre général, l’ambiance ou le contexte dans lequel s’inscrit le phénomène exodique.
Par conséquent, l’avènement de Moïse et de l’Exode est ainsi clairement reconstitué dans la chronologie de l’histoire pharaonique. L’Exode décrit dans l’Ancien Testament est très profondément lié à l’Égypte . Ce constat a une grande valeur scientifique. Les preuves apportées plus haut l’ont confirmé. Les reflets de l’Exode sont analysables dans l’histoire de l’Égypte ancienne. La politique extérieure de l’Égypte au Nouvel Empire était caractérisée par un solide système de relations internationales . L’Exode des Hébreux ne saurait être circonscrit que dans cette ambiance qui présentait les traits dominants des récits de Moïse et de l’Exode. C’était l’époque de forte relation entre les Égyptiens et les Asiatiques. Une telle conception seulement serait si vague et imprécise pour déterminer le contexte historique de notre étude. Mais l’élément fondamental qui appuie ou renforce cette idée serait, sans nul doute, la ressemblance constatée au niveau du trait sémantique du terme pharaon tel qu’il a été perçu au Nouvel Empire égyptien et dans les textes des Écritures Saintes. Ces deux faits combinés permettent largement de cerner d’une manière générale le contexte historique du phénomène exodique dans la chronologie pharaonique. Peut-être l’étude du cadre géographique nous édifiera davantage.
Cadre géographique
Pour toute étude scientifique, la description de l’espace dans lequel s’inscrivent les évènements est d’une importance capitale. La circonscription des faits étudiés dans un cadre spatial précis participera à une bonne compréhension du thème en question. Le traitement du cadre géographique de l’Égypte ancienne, terre de civilisation, pays des mystères, constitue un exercice passionnant. La morphologie de cette contrée est différente de toute autre zone géographique du monde car « l’Égypte est large et spacieuse, va partout un peu en pente, est bien arrosée et formée de limon ». Ces dires d’Hérodote montrent que l’Égypte a une position géographique privilégiée. Ce pays est entouré par des déserts et des mers et longé par le Nil, l’un des plus grands fleuves du monde qui assurait non seulement la prospérité de l’Égypte mais aussi et surtout la fertilité de son sol. Ainsi « la terre d’Égypte est noire et friable (étant faite des alluvions apportés d’Éthiopie par le Nil) ». L’alluvionnement est causé par les crues du Nil. Cette formation d’alluvions provient aussi de la diminution de la pente décrite plus haut par Hérodote.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIERE PARTIE : LES FACTEURS EXPLICATIFS
Chapitre 1 : délimitation du sujet
A. Contexte historique
B. Cadre géographique
Chapitre II : Avant l’Exode : approche descriptive des relations entre l’Égypte et l’Israël antique à travers la littérature existante
A. D’après les Textes des Écritures
B. Le débat scientifique sur la situation des Hébreux en Égypte
C. Tentative d’identification des Hébreux dans les textes égyptiens
DEUXIEME PARTIE : MOÏSE ET l’EXODE : pour une histoire véritable
Chapitre III : Moïse
A. Étymologie de son nom
B. La culture égyptienne de Moïse
Chapitre IV : Moïse et l’exode : essai de datation dans la chronologie pharaonique
A. Étude des hypothèses avancées
B. L’époque la plus probable
Chapitre V : L’image de l’Égypte dans le récit de Moïse
A. Les sciences occultes dans le récit de Moïse et en Égypte ancienne : les nombreuses analogies
B. Convergences des lois mosaïques avec les institutions religieuses de l’Égypte pharaonique
C. La religion de Moïse est-elle égyptienne ?
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE