Mise en contexte: réalisation d’activités motrices
La réalisation d’activités motrices, comme que faire du vélo ou jouer du piano, est complexe. Tout d’abord, elle nécessite notre capacité à exécuter des mouvements volontaires, par exemple, notre capacité à appuyer sur les pédales ou serrer les freins du vélo. Bien que cette capacité motrice soit essentielle à la bonne réalisation d’une activité motrice, il n’en demeure pas moins que la tâche motrice n’est pas réalisée avec aisance dès la première pratique. En effet, en plus de cette composante motrice, la réalisation d’activités motrices nécessite une composante cognitive qui consiste en notre capacité à apprendre et mémoriser des séquences motrices. Par exemple, pour freiner, il faut apprendre à arrêter de pédaler et appuyer sur les deux freins du vélo en même temps. Il est aussi à mentionner que la réalisation des actions motrices est teintée par une composante limbique (émotionnelle). En effet, la réalisation d’une activité motrice fait intervenir notre motivation qui peut être intrinsèque, c’est-à-dire liée à notre plaisir, ou extrinsèque, c’est-à-dire liée aux conséquences qui en résultent (obtention d’une conséquence positive ou évitement d’une conséquence négative). Par exemple, un cycliste de haut niveau sera motivé à améliorer ses performances dans le but de gagner une compétition. Ainsi, la réalisation d’une tâche motrice est complexe et elle fait intervenir l’ensemble de notre cerveau. Dans ce contexte, les travaux de recherche présentés dans cet ouvrage ont porté sur l’exécution ainsi que sur l’apprentissage et la mémorisation d’une tâche motrice.
Neurobiologie du mouvement
Au niveau cérébral, l’exécution du mouvement est organisée de manière hiérarchique et plusieurs structures cérébrales participent au processus. Presque l’ensemble du cortex est impliqué dans la réalisation d’un mouvement volontaire. Le cortex représente le chef d’orchestre. Il organise et produit les séquences motrices afin de les transmettre à la moelle épinière, qui informera en retour les muscles du mouvement à effectuer (Kolb et Whishaw, 2002). De manière plus exhaustive, lorsque nous exécutons un mouvement volontaire, le cortex pré frontal définit l’action à réaliser et planifie le mouvement. Les instructions sont ensuite transmises à l’aire motrice supplémentaire et au cortex prémoteur, qui effectuent une représentation adaptée, organisent et produisent les séquences motrices. Puis, les séquences motrices sont transmises au cortex moteur, qui donnera l’ordre d’exécuter le mouvement en véhiculant l’information à la moelle épinière. Les informations sensorielles en provenance des cortex somatosensoriel et visuel sont aussi importantes pour la réalisation d’un mouvement. Elles contribuent, entre autres, à la formation d’une image mentale du corps dans l’espace, à définir les paramètres à adopter (durée et amplitude de contraction des muscles) et à informer le cortex moteur que le mouvement est accompli (Kolb et Whishaw, 2002).
Pour réaliser un mouvement harmonieux, le cortex ne fonctionne pas tout seul. Il doit interagir avec deux autres structures : le striatum et le cervelet. Chacune de ses structures participe à sa manière au contrôle du mouvement en formant un réseau cortico-striatal et un réseau cortico-cérébelleux. Le réseau cortico-striatal joue un rôle dans la fluidité du mouvement. Il permet de produire des mouvements qui ne seront ni trop rapides, ni trop lents. Le réseau cortico-cérébelleux joue un rôle, entre autres, dans la coordination et la précision du mouvement. Ces deux structures sont essentielles à la réalisation adéquate du mouvement et leurs dysfonctionnements induisent inévitablement des troubles du mouvement. Les études cliniques ont permis d’observer qu’un dysfonctionnement au niveau du striatum induit soit des troubles hyperkinétiques, comme dans le cas de la maladie de Huntington, soit des troubles hypokinétiques, comme dans le cas de la maladie de Parkinson, alors qu’une atteinte du cervelet induit des mouvements erratiques, imprécis et mal coordonnés (Kolb et Whishaw, 2002).
Mémorisation d’une séquence motrice Afin de réaliser avec aisance une tâche motrice, les séquences motrices doivent être apprises et mémorisées. Pour cela, les séquences motrices sont effectuées de manière répétée et plusieurs séances d’entraînement sont nécessaires. L’apprentissage et la mémorisation de ces séquences s’effectuent donc graduellement à travers la pratique. Une fois apprise et mémorisée, la tâche motrice pourra être rapidement effectuée malgré une période prolongée sans pratique (Kami et coll., 1998; Ungerleider et coll., 2002; Doyon et coll., 2009). D’après les travaux de Kami, Doyon et leurs collaborateurs, les processus d’apprentissage et de mémorisation impliquent diverses phases et structures cérébrales (Figure 1.1, p. 4) (Kami et coll., 1998; Ungerleider et coll., 2002; Doyon et coll., 2009). Tout d’abord, une phase d’apprentissage rapide durant laquelle une large amélioration des performances et de la capacité à réaliser les séquences motrices est observée. La phase d’apprentissage rapide correspond à la première séance d’entraînement. Durant cette phase, les réseaux cortico-cérébelleux et cortico-striatal sont activés.
Ces réseaux participent à l’émergence de plans moteurs et l’élaboration d’une stratégie optimale d’exécution. Il s’en suit une phase de consolidation. La consolidation est le processus par lequel la représentation neuronale des séquences motrices sera stabilisée durablement. Durant cette phase, l’activité de l’hippocampe et du striatum est augmentée. La consolidation est influencée par des facteurs tels que le sommeil. Elle permet de maintenir, voire d’augmenter, les performances lors de l’initiation de la deuxième séance d’entraînement. La deuxième séance ainsi que les séances d’entraînement ultérieures représentent la phase d’apprentissage lente. Lors de cette phase, le gain de performance se fait graduellement à travers les différentes séances d’entraînement. L’augmentation des performances pour chaque séance d’entraînement est moindre comparativement à celle observée durant la première séance d’entraînement. Lors de cette phase, l’implication du réseau cortico-striatal augmente alors que l’implication du réseau cortico-cérébelleux diminue. Ces réseaux contribuent à la stabilisation des performances, l’automatisation et le maintien à long terme de la tâche motrice (Kami et coll., 1998; Ungerleider et coll., 2002; Doyon et coll., 2009).
Composition cellulaire
Au niveau cellulaire, le striatum est composé principalement de neurones épineux Gabaergiques de taille moyenne (plus de 90 %). Ces neurones de projection libèrent l’acide y-aminobutyrique (GABA), le principal neurotransmetteur inhibiteur du cerveau (Parent et Hazrati, 1995; Kreitzer, 2009; VaIjent et coll., 2009; Surmeier et coll. , 2011a). Ils sont séparés en deux populations en fonction de leurs sites de projection et des molécules qu’ils expriment. D’une part, une population de neurones épineux se projette au niveau du globus pallidus interne (GPi) et de la substance noire pars reticulata (SNr). Cette population de neurones exprime la substance P, la dynorphine et le récepteur dopaminergique Dl. Elle constitue la voie directe des ganglions de la base. D’autre part, une population de neurones épineux se projette sur le globus pallidus externe (GPe) et exprime l’enképhaline et les récepteurs dopaminergiques D2• Elle forme la voie indirecte des ganglions de la base (Gerfen et coll., 1990; Le Moine et Bloch, 1995; Surmeier et coll., 1996; Gong et coll. , 2003; Bertran-Gonzalez et coll., 2008; Matamales et coll., 2009). II est à mentionner qu’un faible pourcentage de neurones épineux coexprime les récepteurs dopaminergiques DI et D2 (5 % dans le striatum dorsal; Bertran-Gonzalez et coll. , 2008). De plus, le striatum est aussi composé de quatre classes d’interneurones, représentants 5 à 10 % de l’ensemble des neurones: les interneurones cholinergiques, les interneurones GA.BAergiques exprimant la calrétinine, les interneurones GABAergiques exprimant la parvalbumine et les interneurones GABAergiques exprimant le neuropeptide Y, la somatostatine et l’oxyde nitrique synthase (Parent et Hazrati, 1995; Kreitzer, 2009; Valjent et coll., 2009; Surmeier et coll., 2011a).
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RESUME
LISTE DES FIGURES ET TABLEAU
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
CHAPITRE 1 INTRODUCTION
1.1 Mise en contexte: réalisation d’activités motrices
1.1.1 Neurobiologie du mouvement
1.1.2 Mémorisation d’une séquence motrice
1.2 Le striatum
1.2.1 Division structurelle et fonctionnelle
1.2.2 Composition cellulaire
1.2.3 Fonctionnement du striatum : les ganglions de la base
1.2.4 L’afférence glutamatergique
1.2.4.1 Les récepteurs NMDA
1.2.4.2 Les récepteurs métabotropes du groupe 1
1.2.4.3 Les voies de signalisation glutamatergique
1.2.5 L’ afférence dopaminergique
1.2.5.1 La dopamine
1.2.5.2 Les récepteurs dopaminergiques
1.2.5.3 La voie dopaminergique Dl
1.2.5.4 La voie dopaminergique D2
1.2.6 Modulation de la transmission synaptique par le système dopaminergique
1.2.6.1 Modulation de l’excitation des neurones épineux du striatum par le système dopaminergique
1.2.6.2 Modulation de la plasticité synaptique par le système dopamlnerglque
1.3 Exemple de trouble de l’exécution du mouvement: la maladie de Parkinson et les dyskinésies induites par la L-DOP A
1.3.1 La maladie de Parkinson
1.3.1.1 L’épidémiologie
1.3.1.2 La physiopathologie
1.3.1 .3 Les symptômes
1.3.1.4 Les traitements
1.3.2 La L-DOPA: de la perte à l’excès de mouvements
1.3.3 Les dyskinésies induites par la L-DOPA
1.3.3.1 Physiopathologie des dyskinésies: modifications présynaptiques
1.3.3.2 Physiopathologie des dyskinésies: modifications postsynaptiques
1.3.4 Les modèles animaux de la maladie de Parkinson
1.3 .5 Modèle animal des dyskinésies induites par la L-DOPA: le rat 6-0HDA
CHAPITRE II HYPOTHÈSES DE RECHERCHE
2.1 Est-ce que PKA par son action sur STEP61 est impliquée dans l’apprentissage moteur?
2.2 Est-ce que l’innervation dopaminergique est nécessaire lors de l’apprentissage moteur?
2.3 Est-ce que les calpaïnes et cdk5 sont impliquées dans le contrôle du mouvement?
CHAPITRE III REGULATION OF TYROSINE PHOSPHATASE STEP61 BY PROTE IN KINASE A DURING MOTOR SKILL LEARNING IN MICE
3.1 Contribution des auteurs
3.2 Résumé
3.3 Premier article scientifique
Abstract
Introduction
Materials and Methods
Ethics Statement
AnimaIs
Experimental Design
Pharmacological Treatments
Rotarod Test
Motor Ability Tests
Western Blotting
Statistical Analysis
Results
Modulation of STEP61 Phosphorylation during Rotarod Training
Striatal PKA Inhibition Impaired Rotarod Learning
Integrity of Motor Abilities during Striatal PKA Inhibition
PKA Activity Altered Striatal STEP61 Phosphorylation
Discussion
Supporting Information
References
Figures
CHAPITRE IV PARTIAL DOPAMINE DEPLETION IN MPTP-TREATED MICE DIFFERENTIALLY ALTERED MOTOR SKILL LEARNING AND ACTION CONTROL
4.1 Contribution des auteurs
4.2 Résumé
4.3 Deuxième article scientifique
Abstract
Introduction
Materials and methods
AnimaIs
Treatments
Rotarod test
Wire suspension test
Pole test
Western blotting
Statistical analysis
Results
MPTP treatment-induced striatal DA depletion
DA depletion influenced rotarod performances
Motor abilities were not affected by DA depletion
Discussion
Acknowledgements
References
Figures
CHAPITRE V STRIATAL INHIBITION OF CALPAINS PREVENTS LEVODOPAINDUCED NEUROCHEMUCAL CHANGES AND ABNORMAL INVOLUNTARY MOVEMENTS IN HEMUPARKINSONIAN RAT MODEL.
5.1 Contribution des auteurs
5.2 Résumé
5.3 Troisième article scientifique
Abstract
Introduction
Materials and Methods
AnimaIs
Experimental design
6-0HDA lesions
Intrastriatal inhibition of calpains and cdk5
L-DOPA treatment
Apomorphine test
Analysis of the cylinder, stepping and vibrissae-elicited reaching
tests
Analysis of AIMs
Western blotting analysis
Immunofluorescence ana1ysis
Data ana1ysis
Results
Validation of the unilateral 6-0HDA-Iesioned rat model
Calpains and cdk5 inhibitors did not alter the antiparkinsonian effect of L-DOPA
L-DOPA combined with MDL28170 increased TH levels in 6-0HDA-lesioned rats
Striatal biochemical modifications induced by calpains or cdk5 inhibition
Intrastriatal inhibition of calpains or cdk5 prevented AIMs emergence induced by L-DOPA
Discussion
Antiparkinsonian effects of L-DOPA are not altered by calpains or cdk5 inhibition
Inhibition of calpains and cdk5 activities prevents LID emergence
Calpains activity influences the TH levels of dopamine neurons
Concluding remarks
Acknowledgments
References
Figures
CHAPITRE VI DISCUSSION GÉNÉRALE
6.1 Est-ce que PKA par son action sur STEP61 est impliquée dans l’apprentissage moteur?
6.1.1 PKA est impliquée dans l’apprentissage moteur
6.1.2 L’activité de STEP61 est modulée durant l’apprentissage moteur
6.1.3 PKA est impliquée dans l’exécution du mouvement
6.2 Est-ce que l’innervation dopaminergique est nécessaire lors de l’apprentissage moteur?
6.3 Est-ce que les calpaïnes et cdk5 sont impliquées dans le contrôle du mouvement
6.3.1 Les calpaïnes et cdk5 dans les dyskinésies induites par la L-DOPA
6.3.2 Mécanismes moléculaires du striatum par lesquels les calpaïnes et cdk5 jouent un rôle dans les dyskinésies induites par la L-DOPA
6.3.2.1 La phosphorylation de dynamine
6.3.2.2 La phosphorylation d’ERK1I2
6.3.2.3 L’augmentation de l’expression de la tyrosine hydroxylase
6.4 Conclusion générale
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPIDQUES
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