MODIFICATIONS PONDERALES GRAVIDIQUES
La définition de l’obésité pendant la grossesse varie d’un auteur à l’autre, et comprend les femmes dont le poids équivaut à 110 % à 120 % de leur poids corporel idéal, ou supérieur à 91kg [15], ou encore dont l’IMC > 30 [20, 40].
La prise de poids au cours de la grossesse est un événement physiologique. Elle est liée d’une part à la croissance des tissus fœtaux, et d’autre part aux modifications métaboliques maternelles avec constitution de réserves de tissu adipeux. Habituellement, le gain pondéral est faible au premier trimestre, et plus marqué au cours des deuxième et troisième trimestres [1]. Les objectifs de gain pondéral au cours de la grossesse devraient être de 7 kilogrammes en cas d’obésité, de 7 à 10 kilogrammes en cas de surpoids, de 11 à 16 kilogrammes lorsque le poids est normal, et de 12 à 18 kilogrammes en présence d’une insuffisance pondérale. Rapportée au 2ème et 3ème trimestre de la grossesse, la prise de poids des femmes obèses devrait se situer aux alentours de 1,3 kilogramme par mois [9].
La prise de poids s’effectue normalement de manière harmonieuse :
– en début de grossesse il existe des variations importantes liées à de fréquents troubles digestifs ;
– entre 12 et 37 SA, la prise de poids est linéaire, les œdèmes physiologiques ne modifient pas cet « axe d’homéostasie pondérale » ;
– en fin de grossesse, une stabilisation s’effectue et la courbe tend à s’infléchir.
Cependant, ce gain pondéral observé est intimement lié aux modifications anatomo-physiologiques de l’organisme maternel pendant la grossesse, classiquement appelées « syndrome maternel ».
Modifications de l’espace extracellulaire pendant la grossesse
L’espace extracellulaire est composé principalement de l’espace intravasculaire (le plasma), et de l’espace interstitiel [54]. Ces espaces contiennent, en dehors de la grossesse, respectivement 7,5%, et 20 % de l’eau totale. Les 6 à 8 kg du gain pondéral observé au cours de la grossesse dépendent de l’expansion du volume extracellulaire, mais le volume plasmatique augmente, surtout au troisième trimestre, plus que le volume interstitiel [32]. Le mécanisme induisant ce phénomène n’est pas clair, mais le résultat est intéressant pour faire face à l’état de vasodilatation veineuse, et pour permettre une perfusion adéquate des organes maternels et du placenta. L’augmentation des liquides interstitiels varie d’une femme à l’autre avec l’importance des œdèmes [32]. Le volume de l’espace extracellulaire est principalement conditionné par le sodium, et par l’accumulation d’eau secondaire à l’accumulation de sodium. La grossesse normale se caractérise par l’accumulation d’environ 900 mmol de sodium. Cela représente la rétention de seulement 3 à 4 mmol/j. Les facteurs conditionnant le métabolisme du sodium sont nombreux [32].
➤ Filtration glomérulaire
Elle augmente dès 6 SA et, dès la fin du premier trimestre, atteint des valeurs situées à 50 % au-dessus des valeurs pré gravidiques. L’augmentation de sodium filtré est compensée par une modification de la réabsorption tubulaire [32].
➤ Hémodynamique intra rénale
Le flux sanguin rénal augmente plus que la filtration glomérulaire, tôt dans la grossesse. La fraction de filtration, c’est-à-dire le rapport entre la filtration glomérulaire et le flux rénal, est abaissée à mi-grossesse, et accrue au troisième trimestre. Le mécanisme responsable de l’accroissement du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire est complexe, et habituellement, cet accroissement précède l’augmentation du volume plasmatique. L’équilibre entre la prostacycline et la thromboxane pourrait jouer un rôle, de même que l’endothéline ou le monoxyde d’azote [32].
➤ Système rénine – angiotensine (SRA) – aldostérone
Tous les composants du SRA et l’aldostérone sont augmentés dans la grossesse normale.
– Rénine et prorénine : la production de rénine et de son substrat est accrue dans la grossesse normale. La rénine provient essentiellement du rein maternel, mais aussi d’organes extra rénaux, notamment du placenta et de l’utérus, et peut-être du foie. Les ovaires, en début de grossesse, puis l’utérus (la caduque) et le rein fœtal, sécrètent de grandes quantités de prorénine (dix fois plus qu’en dehors de la grossesse), et contiennent tous les composants du SRA. Le rôle de cette prorénine dans la grossesse normale est une vasodilatation, avec comme conséquence, une augmentation du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire.
– Angiotensine II : l’angiotensine II plasmatique est accrue dans la grossesse normale. Ceci est dû à l’augmentation de la rénine, et non à une variation de l’activité de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.
– Aldostérone : l’aldostérone plasmatique est accrue dans la grossesse normale, et cet accroissement est indépendant de celui de la rénine .
Il existe cependant une relation étroite entre des modifications aiguës des concentrations de rénine et d’aldostérone suivant les manipulations brutales de l’apport sodé [32].
➤ Œstrogènes
Ils sont un facteur de rétention sodée, à la fois par action rénale directe, et en accroissant la production hépatique de rénine. De plus, les œstrogènes peuvent être responsables d’une augmentation de la substance mucopolysaccharidique de la peau, et des tissus sous-cutanés ; et cette modification favorise les rétentions liquidiennes [32].
➤ Posture
Le décubitus est une position puissamment antinatriurétique au cours de la grossesse, sans doute en augmentant la réabsorption tubulaire proximale [32].
➤ ATPase membranaire
Le transport transcellulaire du sodium et du potassium dépend de la pompe sodiumpotassium ATPase. Au niveau du rein, cet enzyme favorise la réabsorption sodée. L’action de cette enzyme est accrue au cours de la grossesse. Le rôle précis de ce phénomène n’est pas connu [32].
Modifications des protéines plasmatiques et sériques pendant la grossesse
La grossesse entraînerait une baisse de la concentration totale sérique en protéines au cours des 3 premiers mois, puis les taux se stabiliseraient à partir du milieu de la gestation. Le taux sérique des protéines diminuerait ainsi globalement de 10 g/L. Ces modifications seraient variables selon la sous – classe protéique [32] :
– la préalbumine subit des variations non significatives pendant la grossesse ;
– la concentration sérique en albumine diminue rapidement au cours des 3 premiers mois, puis continue à baisser lentement jusqu’au terme de la grossesse, le taux moyen passant ainsi de 35 à 25 g/L ; et
– la concentration en gammaglobulines diminue, mais cette baisse est faible et semble ne concerner que les IgG3.
Modifications des lipides pendant la grossesse
Au cours de la grossesse, la concentration du sérum en lipides augmenterait progressivement passant de 6 à 10 g/L. Ces modifications quantitatives s’accompagneraient de profonds changements qualitatifs. L’origine de ce bouleversement physiologique serait probablement hormonal [23]. Ces modifications intéressent les triglycérides, le cholestérol, les lipoprotéines, les phospholipides, et les acides gras libres.
Modifications des glucides pendant la grossesse
L’étude des glucides ne peut être envisagée sans tenir compte des apports digestifs [12]. Pendant la digestion, Dans les 5 à 6 heures qui suivent un repas, la grossesse se caractérise par une résistance aux effets de l’insuline : c’est-à-dire qu’il faut davantage d’insuline pour abaisser la glycémie. Cela a été parfaitement démontré par la technique dite des clamps euglycémiques : avec cette technique, l’action d’une quantité déterminée d’insuline est réduite de 50 à 70 % au-dessous des taux observés en dehors de la grossesse. Cette diminution de l’action de l’insuline paraît liée à l’influence d’hormones appelées « facteurs contra-insuline » comme l’hPL (hormone placentaire lactogène humaine), et à un moindre degré la progestérone, la prolactine et le cortisol. Avec l’avancée de la grossesse, et ces sécrétions contre insuline qui augmentent, la résistance à l’insuline croît. Il est possible que les taux élevés d’acides gras libres, que l’on observe dans la grossesse, jouent un rôle dans cette résistance à l’insuline. La diminution de l’action de l’insuline impose, pour maintenir l’euglycémie, une sécrétion accrue d’insuline. Cela est permis par une hyperactivité des cellules β-pancréatiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. GENERALITES
I.1. DEFINITIONS
I.2. EPIDEMIOLOGIE
I.3. ETIOPATHOGENIE
I.4. MODIFICATIONS PONDERALES GRAVIDIQUES
I.4.1. Modifications de l’espace extracellulaire pendant la grossesse
I.4.2. Modifications des protéines plasmatiques et sériques pendant la grossesse
I.4.3. Modifications des lipides pendant la grossesse
I.4.4. Modifications des glucides pendant la grossesse
I.4.5. Eléments du gain pondéral
I.5. OBESITE ET GRAVIDO – PUERPERALITE
I.5.1. Obésité et grossesse
I.5.1.1. Avortements spontanés
I.5.1.2. Troubles hypertensifs
I.5.1.3. Diabète gestationnel
I.5.1.4. Grossesse prolongée et dépassement de terme
I.5.2. Obésité et issues obstétricales
I.5.2.1. Accouchement par voie basse
I.5.2.1.1. Durée du travail
I.5.2.1.2. Extraction instrumentale
I.5.2.2. Macrosomie et dystocie des épaules
I.5.2.3. Césarienne
I.5.2.4. Accouchement vaginal sur utérus cicatriciel
I.5.2.5. Anesthésie obstétricale
I.5.2.6. Maladie thrombo-embolique
I.5.3. Obésité et post-partum immédiat
I.5.4. Obésité et issues périnatales
I.5.4.1. Malformations
I. 5.4.2. Mortinatalité
I.5.4.3. Devenir des enfants
I.5.5. Excès pondéral et contraception
I.6. PRISE EN CHARGE
II. METHODOLOGIE
II.1. CADRE D’ETUDE
II.1.1. Situation géographique et cadre général
II.1.2. Description du cadre d’étude proprement – dit
II.2. TYPE D’ETUDE
II.3. POPULATION D’ETUDE
II.4. INCLUSION
II.4.1. Critères d’inclusion
II.4.2. Critères de non inclusion
II.5. STRATEGIE DE COLLECTE DES DONNEES
II.6. VARIABLES ETUDIEES
II.7. ANALYSE
III. RESULTATS
III.1. ETUDE DESCRIPTIVE
III.1.1. Epidémiologie
III.1.1.1. Fréquence
III.1.1.2. Caractéristiques générales de notre population d’étude
III.1.1.2.1. Origine géographique
III.1.1.2.2. Gestité et parité
III.1.1.2.3. Age
III.1.1.3. Constantes biométriques maternelles
III.1.2. Etude clinique
III.1.2.1. Antécédents obstétricaux
III.1.2.2. Déroulement de la grossesse
III.1.2.3. Caractéristiques de l’accouchement
III.1.2.3.1. Modalités d’admission
III.1.2.3.2. Hauteur utérine
III.1.2.3.3. Présentation
III.1.2.3.4. Entrée en travail
III.1.2.3.5. Complications du travail
III.1.2.3.6. Voie d’accouchement
III.1.2.3.6.1. Accouchement par césarienne
III.1.2.3.6.2. Accouchement par voie basse
III.1.2.3.7. Etat du périnée
III.1.2.3.8. Sexe des nouveau-nés
III.1.2.3.9. Poids des nouveau-nés
III.1.2.3.10. Score d’Apgar à la naissance
III.1.2.4. Pronostic maternel
III.1.2.4.1. Morbidité maternelle
III.1.2.4.2. Mortalité maternelle
III.1.2.5. Pronostic néonatal
III.1.2.5.1. Morbidité néonatale
III.1.2.5.2. Mortinatalité
III.2. ETUDE ANALYTIQUE
III.2.1. Lien entre surpoids/obésité et paramètres materno-périnatals
III.2.1.1. Lien entre surpoids/obésité et antécédents obstétricaux
III.2.1.2. Lien entre surpoids/obésité et prééclampsie
III.2.1.3. Lien entre surpoids/obésité et grossesse prolongée
III.2.1.4. Lien entre surpoids/obésité et rupture prématurée des membranes
III.2.1.5. Lien entre surpoids/obésité et souffrance fœtale aigue
III.2.1.6. Lien entre surpoids/obésité et voie d’accouchement
III.2.1.7. Lien entre surpoids/obésité et lésions périnéales
III.2.1.8. Lien entre surpoids/obésité et paramètres néonatals
CONCLUSION