Modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques chez le sujet âgé

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Modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques chez les sujets âgés8, 11, 12

Modifications pharmacocinétiques

La pharmacocinétique correspond au devenir d’un principe actif médicamenteux dans l’organisme. Tous les paramètres pharmacocinétiques peuvent être modifiés par les effets du vieillissement.
• Au niveau de l’absorption, on constate une diminution de la vidange gastrique, une augmentation du pH gastrique, une diminution de la motilité gastro-intestinale et une baisse du flux sanguin splanchnique.
• Au niveau de la distribution, il existe une diminution du compartiment hydrique augmentant le risque de surdosage des médicaments hydrosolubles, une augmentation de la masse grasse favorisant le risque d’accumulation et de relargage prolongé des médicaments liposolubles, une diminution de la masse musculaire entrainant une diminution du volume de distribution des substances hydrophiles et enfin une baisse de l’albuminémie responsable d’une augmentation de la fraction libre active de certaines substances, avec risque de toxicité.
• Au niveau du métabolisme, on note une altération des fonctions hépatiques (diminution de la masse hépatique et diminution du flux sanguin hépatique) avec baisse de la clairance ayant pour conséquence un allongement de la demi-vie et une majoration des taux sériques des médicaments.
• Enfin, au niveau de l’excrétion, il existe une altération de la fonction rénale (baisse du flux sanguin rénal, diminution de la filtration glomérulaire, atteinte de la sécrétion et de la réabsorption tubulaire). Ce vieillissement rénal peut aboutir à une moins bonne excrétion de médicaments ou de métabolites actifs avec risque d’augmentation des taux sériques.

Modifications pharmacodynamiques

La pharmacodynamique correspond aux effets d’un médicament sur l’organisme. Le nombre de récepteurs et leur sensibilité peuvent être modifiés chez la personne âgée. Ces altérations pharmacodynamiques peuvent n’avoir aucune manifestation clinique, entrainer un effet indésirable ou bien une inefficacité clinique. L’effet des médicaments sera plus ou moins important selon que l’on observe une diminution ou une augmentation de la sensibilité des récepteurs. Certains organes sont particulièrement sensibles comme par exemple le cerveau vis-à-vis des psychotropes ou la vessie vis-à-vis des anti-cholinergiques. On peut également noter une altération des mécanismes de contre régulation du système nerveux autonome qui peut être responsable d’une hypotension orthostatique. Ces modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques, induites par le vieillissement, expliquent en partie l’incidence plus élevée des effets indésirables médicamenteux chez le sujet âgé. Pour autant, les médicaments prescrits chez le sujet âgé sont très souvent les mêmes que chez le sujet jeune et ne font que rarement l’objet d’essais cliniques spécifiques. Cependant, depuis 1995, l’European Agency for the Evaluation of Medication Products (EMA) a établi des recommandations précisant les modalités d’évaluation des nouveaux médicaments chez les personnes âgées. Leur respect est théoriquement indispensable à la constitution de dossiers pour l’autorisation de mise sur le marché. Les principales recommandations sont les suivantes13, 14.
• Les médicaments traitant des pathologies spécifiques de la vieillesse (démence) et ceux fréquemment utilisés en gériatrie (antihypertenseurs, antalgiques, anticoagulants, psychotropes…) doivent être plus particulièrement évalués chez le sujet âgé.
• Des études pharmacocinétiques spécifiques doivent être entreprises notamment par rapport à l’élimination rénale et/ou hépatique, ainsi que des études d’interactions avec des médicaments fréquemment associés en pratique.
• Des études pharmacodynamiques spécifiques doivent être menées pour les médicaments agissant sur le système nerveux central (psychotropes).
• Les études de phase 2 et de phase 3 doivent inclure des sujets de plus de 65 ans.

Polypathologie, polymédication

Il n’existe pas de définition réelle de la polypathologie mais ce terme est couramment utilisé pour désigner l’association de plusieurs pathologies. En pratique, on parle de polypathologie dès lors que la personne souffre d’au moins deux maladies. La quasi-totalité des personnes de 70 ans et plus souffre de polypathologie. Seul 3% des personnes de cet âge ne déclarent pas de maladies et 4% en déclarent une. Ce sont donc 93% des personnes de 70 ans qui sont polypathologiques, la moitié de ces personnes déclarant au moins 6 maladies1. La prévalence de nombreuses maladies augmente avec l’âge. Différents facteurs peuvent expliquer cette polypathologie, comme la durée d’exposition à certains facteurs environnementaux, le vieillissement des organes ou encore les progrès thérapeutiques réalisés dans la prise en charge des maladies chroniques15.
La polymédication correspond à la prise concomitante de plusieurs médicaments par un même malade sur la prescription d’un ou plusieurs médecins et/ou du fait d’une automédication. Stricto-sensu, la polymédication commence avec la prise de deux médicaments. Les différentes études font référence à des niveaux très différents de polymédication2. D’après Legrain et al, en 2000, la consommation moyenne quotidienne des personnes de plus de soixante-cinq ans vivant à domicile etait de 3.6 médicaments16.
• 3.3 médicaments pour les 65 à 74 ans.
• 4 médicaments pour les 75 à 84 ans.
• 4.6 médicaments pour les plus de 85 ans.
Une vaste étude menée en Europe (2707 patients inclus avec une moyenne d’âge de 82.2 ans) a montré que 51% des sujets inclus prenaient plus de 6 médicaments par jour17.
L’enquête PAQUID, réalisée en 1994 auprès de 3800 personnes âgées a montré qu’à domicile, 89% prenaient un traitement, en moyenne 4.5 médicaments par jour. Quarante-trois pour cent prenaient entre 5 et 10 médicaments par jour et 2.3% en prenaient plus de 1018. D’autres données de consommation médicamenteuse sont issues de l’enquête ESPS réalisée en 2002 par l’institut de recherche en économie de la santé. (IRDES) 19. Cette enquête a montré que, un jour donné chez les personnes de plus de 65 ans vivant à domicile, 85.6% des sujets consommaient des médicaments, prescrits ou non. La consommation de médicaments prescrits augmentait avec l’âge. (74.9% de 60 à 69 ans, 82.4% de 70 ans à 79 ans et 87% a partir de 80 ans). A l’inverse, la consommation de médicaments non prescrits diminuait avec l’âge. (4.4% de 60 à 69 ans, 4.1% de 70 à 79 ans et 1.4% à partir de 80 ans). Par ailleurs, les femmes consommaient en moyenne plus de médicaments que les hommes, et la consommation en institution était supérieure à la consommation à domicile. Plus d’un tiers des médicaments consommés en France l’était par les plus de soixante-cinq ans20. En Europe, cette tranche d’âge consommait en moyenne deux à trois fois plus de soins médicaux que les moins de soixante-cinq ans21.
Il existe un lien entre le nombre total de médicaments prescrits et la survenue d’effets indésirables médicamenteux (EIM) et donc de risque d’hospitalisation2. Une étude a démontré que, après soixante-dix ans, 66% des sujets (au domicile ou institutionnalisés) étaient traités par au moins un médicament potentiellement dangereux22. La polymédication favorise la diminution du rapport bénéfice/risque de certains médicaments du fait d’interactions ou de modifications pharmacologiques 23,
24. Une étude prospective réalisée en 1999 dans 10 services d’accueil et d’urgences français pendant 2 semaines montre que le pourcentage de malades venus pour EIM augmente en fonction du nombre de médicaments pris25.
• 10.9% chez les malades ne prenant qu’un médicament.
• 19.9% chez ceux recevant 2 à 4 médicaments.
• 26.7% chez ceux recevant 5 à 9 médicaments.
• 32% chez ceux recevant 10 médicaments ou plus.
Inversement, des études ont montré que la diminution raisonnée de certains médicaments réduisait de façon significative les effets secondaires sans altérer la qualité de vie26. Les interactions médicamenteuses augmentaient avec le nombre de médicaments27, 28. Chez le sujet âgé elles résultaient souvent d’associations peu dangereuses chez l’adulte plus jeune29. La polymédication pouvait être responsable de confusion, d’oubli ou de double prise pouvant favoriser la mauvaise observance des traitements30.

Iatrogénie médicamenteuse.

L’Organisation Mondiale de la Santé définit la pathologie iatrogène comme « toute réponse nuisible et non recherchée qui se manifeste à des doses utilisées à des fins prophylactiques, thérapeutiques et diagnostiques ».
Elle est deux à sept fois plus élevée après 65 ans et les effets indésirables sont plus sévères. Elle serait responsable de 15 à 20% des hospitalisations en gériatrie. C’est la relation ambiguë entre le vieillissement et les effets indésirables décrite en 1991 par Gurwitz31-,34. On estime qu’environ un tiers des effets indésirables survenant chez le sujet âgé pourraient être évités par une prescription médicamenteuse appropriée35. Quatre grandes classes médicamenteuses sont responsables de 50% des hospitalisations pour effets secondaires médicamenteux36. Il s’agit :
• des anticoagulants
• des antiagrégants plaquettaires
• des anti-inflammatoires non stéroïdiens
• des diurétiques
Soulignons également le grand nombre d’effets indésirables liés aux psychotropes ainsi qu’aux médicaments à action anti-cholinergique36.
La pathologie iatrogène est bien individualisée en gériatrie. Elle a un rôle primordial dans l’aggravation de la fragilité de la personne âgée. Elle peut être par exemple responsable de prescriptions en cascade, de perte d’autonomie fonctionnelle, d’entrée en institution gériatrique et plus généralement d’altération de la qualité de vie.
Plusieurs enquêtes ont montré qu’un tiers à la moitié des effets indésirables survenant chez le sujet âgé seraient évitables35. On distingue trois types d’erreurs de prescriptions chez les sujets âgés37:
• Excès de traitement ou overuse. Il s’agit de la prescription de médicaments pour lesquels il n’y a pas d’indications ou qui ont une efficacité limitée.
• La prescription inappropriée ou misuse.
• Insuffisance de prescription ou underuse. Il s’agit de l’insuffisance de prescription de médicaments ayant prouvé leur efficacité.
De plus, l’automédication est à prendre en considération. On estime qu’une personne âgée sur trois prend un médicament sans que son médecin le sache38, 39.

Observance médicamenteuse

L’observance se définit comme « le niveau de concordance entre les recommandations du médecin et le comportement du patient ». Elle concerne non seulement le protocole de prescription du médicament, mais aussi les conseils de mode de vie et la planification de l’ensemble des soins40. Une mauvaise observance peut engendrer un échec thérapeutique, une diminution de la qualité de vie, des hospitalisations en séries et des coûts médicaux importants41. Il est donc indispensable pour tout médecin de parler d’adhésion avec le patient en amont de tout problème pour obtenir une meilleure implication thérapeutique de sa part.
Cette observance est difficilement quantifiable. Evaluer de façon précise l’observance des traitements est une mission complexe pour laquelle il n’existe pas de méthode de référence. De plus cette évaluation peut s’avérer encore plus délicate chez le sujet âgé souvent polypathologiques et polymédiqués. La meilleure méthode serait l’observation en continu du patient ce qui, en pratique, est difficilement réalisable42, 43.
Pour le patient, prendre son traitement de façon conforme à la prescription peut s’avérer difficile. Plusieurs étapes se succèdent : il faut se procurer le médicament prescrit, puis le prendre à la bonne dose, au moment adéquat, d’une certaine manière et pour la durée prescrite. Chacun de ces facteurs est déterminant et l’échec du patient dans une seule de ces séquences entraine un défaut d’observance.
On divise classiquement les erreurs d’observance en cinq catégories44.
• Erreur à type d’omission. (Absence de prise)
• Erreur d’intention. (Prise d’un médicament dans une mauvaise indication)
• Erreur de doses. (Sur ou sous dosage)
• Erreur dans l’heure ou dans les conditions de la prise.
• Automédication.
La plupart des études s’intéressent à la première catégorie c’est-à-dire à l’absence de prise. C’est en effet la plus fréquente des erreurs45. Cependant, les différentes erreurs d’observance ne sont pas exclusives et les patients cumulent souvent plusieurs types d’erreurs46. Plusieurs études sur ce sujet ont été réalisées. Elles sont hétérogènes en termes de méthodologie, de population et de caractéristiques de malades étudiés. Ainsi selon les études le taux d’observance variait de 26 à 59%3. Une étude réalisée en 2004 portant sur 197 patients vivants à domicile en Ile de France avec une moyenne d’âge de 78.5 ans montrait une observance thérapeutique déclarée de 65%, toutes affections confondues47. Enfin, pour Vik et al, 40 à 60 % des sujets âgés seraient concernés par des erreurs d’observance48. Or, d’après Osterberg et al, il existe un lien étroit et direct entre connaissance du traitement et observance thérapeutique49.
L’observance suppose un rôle actif du patient sur son traitement. L’information médicale donnée au patient apparait comme un élément essentiel dans la relation de confiance qui peut s’établir entre patient et professionnel de santé et qui permet d’améliorer l’adhésion du patient à ses traitements50. Développer une information pharmacothérapeutique de qualité doit donc être susceptible d’améliorer l’observance médicamenteuse des patients50.
Les causes de non adhésion au traitement sont multiples51, 52.
• En fonction de la maladie :
La représentation de la maladie peut être perçue différemment par le patient et par le professionnel de santé. La perception médiocre de son état de santé et enfin une mauvaise qualité de vie sont autant de facteurs pouvant modifier l’adhésion au traitement.
• En fonction du traitement :
La polymédication, une posologie ou une forme galénique non adaptée, des changements fréquents de traitements ou le fait qu’il existe différentes dénominations pour un même médicament (Dénomination Commune Internationale, générique…) sont autant de facteurs pouvant être responsable d’une diminution de l’observance. Enfin, le coût des médicaments est de plus en plus responsable d’un défaut d’adhésion au traitement53.
• En fonction du patient :
Le déficit cognitif peut être responsable d’une incompréhension de la nécessité du traitement ou d’une mauvaise compréhension des posologies. Le déficit fonctionnel comme la perte de la dextérité, les difficultés de coordination ou encore les troubles visuels ou auditifs et enfin l’état psychologique ou émotionnel, le niveau socioculturel, ou l’isolement social peuvent également modifier l’observance médicamenteuse54.
• En fonction de la relation patient-professionnel de santé :
L’intervention de plusieurs prescripteurs (médecin généraliste, spécialistes), le manque d’empathie, de communication et d’information sur la maladie et le traitement55 et enfin le manque d’implication du patient dans la décision thérapeutique peuvent également nuire à une bonne observance médicamenteuse56.

Résultats selon les autres paramètres étudiés

Les patients qui déclaraient connaître leur traitement habituel représentaient 67.5% (n=135) de l’ensemble de la cohorte. La moyenne d’âge de ces patients était de 83.5 ans ± 6.5 ans. Il s’agissait plus souvent de femmes que d’hommes (76% vs 24%)
Soixante dix pour cent des patients de cette étude (n=141) préparaient eux-mêmes leurs médicaments, Il s’agissait de femmes plus souvent que d’hommes (74% vs 26%). La moyenne d’âge de ce groupe de patients était de 83.5 ans ± 6.3 ans.
Seulement 37% des patients (n=74) se déplaçaient à la pharmacie. La moyenne d’âge était de 81.6 ans ± 6.4 ans. Les femmes étaient les plus représentées. (72% vs 28%).
La figure 9 montre qu’après information de chaque patient sur son ordonnance de sortie d’hospitalisation et vérification de ce qui était retenu, les indications, la durée de traitement et la répartition quotidienne étaient les items les mieux connus, respectivement 53.9%, 51.2% et 50.7%. Les noms des médicaments étaient moins bien connus, à hauteur de 39.9% tandis que les précautions et les posologies étaient connues dans 47.8% et 42.5% des cas respectivement.

Selon l’âge

Notre étude a montré une relation inverse significative entre l’âge des patients et la connaissance des traitements.
La plupart des études retrouvent également une relation négative entre l’âge du patient et son degré de connaissance des traitements. Ainsi Bertrand et al58, Gary et al59 et Jaye et al60 ont montré une diminution de la connaissance des médicaments avec l’âge.
Ceci peut s’expliquer par les modifications cérébrales associées à l’âge. Ces modifications sont liées au processus de vieillissement normal, mais également au retentissement sur le cerveau des pathologies vasculaires et dégénératives et enfin au retentissement cérébral du vieillissement des autres organes responsable de modifications hormonales, sensorielles ou circulatoires61.

Selon les fonctions cognitives.

Notre étude a montré que les fonctions cognitives des patients, évaluées par le MMS étaient un facteur majeur de la connaissance des traitements. Il existait en effet, selon nos calculs statistiques, une corrélation positive significative entre les fonctions cognitives et la connaissance des médicaments.
Un travail incluant 119 patients âgés de 82 ans en moyenne a montré qu’une des variables majeures explicatives de la connaissance du traitement, facteur de bonne observance était le statut cognitif évalué par le MMS62.
Nos résultats sont donc en accord avec ce point. Ce test simple et rapide à réaliser pour la détection des troubles cognitifs semble donc être très utile en pratique quotidienne pour alerter sur les risques de mauvaise observance.

Selon le nombre de médicaments

Notre étude a montré que le nombre de médicaments influençait la connaissance des médicaments.
Ainsi, dans notre cohorte, les patients recevant 1 ou 2 médicaments en connaissaient 70% alors que ceux en recevant 3 et plus en connaissaient moins de 40%.
De nombreuses études s’accordent sur le lien négatif entre nombre de médicaments et observance avec une valeur seuil à 3 médicaments63, 64. Or le lien direct entre connaissance et observance a été souligné précédemment. Une autre étude a montré que les patients ayant 1 ou 2 médicaments connaissaient 5 fois mieux la manière de les prendre et 3 à 4 fois mieux leurs noms et leurs effets indésirables que ceux qui recevaient 3 médicaments ou plus65. Jeandel et al, quant à eux, aboutissent à la conclusion qu’une ordonnance contenant plus de 4 médicaments est corrélée à une méconnaissance du traitement66. De même pour Chung et al qui retrouvent des conclusions similaires dans leur étude portant sur la connaissance des traitements de 88 patients âgés de plus de 65 ans67.
Dans notre étude le nombre moyen de médicaments par personne était de 7.1. Un travail mené en Europe en 2007 montrait que 51% des patients inclus de moyenne d’âge de plus de 80 ans consommaient plus de 6 médicaments par jour20. D’après Gonthier et al, les personnes de plus de 70 ans vivant à domicile consommaient en moyenne 4 à 6 médicaments par jour27. Nos constatations semblent en accord avec ces résultats.
En revanche, d’autres travaux plus anciens rapportaient une consommation médicamenteuse moindre. Ainsi, dans l’étude de Legrain et al, les sujets de plus de 65 ans consommaient en moyenne 3.9 médicaments différents par jour. Ce chiffre s’élevait à 4.4 pour les plus de 80 ans17.
Dans leur travail, Legrain et al s’appuyaient sur une étude réalisée par l’institut de Recherche en Economie de la Santé datant de 2002. Cette différence avec les chiffres observés dans notre étude peut s’expliquer par une augmentation de la consommation en médicaments chez les sujets âgés comme le met en évidence une étude réalisée sur une période de 21 ans68 : augmentation du nombre de conditionnements, croissance de la consommation fortement marquée chez les personnes âgées.

Selon les classes médicamenteuses

Lors de l’exploitation des résultats, nous nous sommes intéressés plus particulièrement à cinq classes médicamenteuses. Les motifs de ce choix ont été les suivants:
• Les médicaments cardiologiques de par leur fréquence de prescription.
• Les médicaments anticoagulants et antiagrégants plaquettaires de par leur fort potentiel iatrogénique.
• Les médicaments à visée neuro-psychotrope également pour leur potentiel iatrogénique.
• Les médicaments antalgiques car ils étaient les plus connus par les patients dans notre étude.
• Les antibiotiques car ils étaient les moins connus par les patients dans notre étude.
Nous avons constaté que les médicaments à visée cardiologique (en excluant les médicaments anticoagulants et les médicaments antiagrégants plaquettaires) constituaient la spécialité la plus prescrite : 81% des patients de notre étude consommaient au moins un médicament cardiologique. Cette classe représentait plus d’un quart de l’ensemble des prescriptions. Ce chiffre semble plus élevé que dans la littérature. En effet, l’enquête ESPS réalisée en France en 2000 montrait que la classe médicamenteuse la plus prescrite chez les plus de 65 ans vivant à leur domicile était effectivement les médicaments cardiologiques, mais seulement 51% des patients en consommaient69.
Depuis 10 ans, les recommandations cardio-vasculaires ont largement évolué. Il existe de nombreuses modifications dans la prise en charge cardiologique des patients ainsi que dans le nombre de médicaments cardiologiques à disposition des médecins. Ces modifications des recommandations cardio-vasculaires expliquent certainement la différence entre notre étude et l’enquête ESPS.
Cette différence peut également en partie s’expliquer par le fait que le nombre de patients de l’enquête ESPS était beaucoup plus important que celui de notre étude. La forte proportion des médicaments cardiologiques est le témoin d’une prévalence élevée des maladies cardio-vasculaires chez le sujet âgé70, 71.
Cependant, malgré la fréquence de prescription, l’analyse de nos résultats a montré que cette classe thérapeutique était insuffisamment connue des participants. Les paramètres les mieux connus étaient l’indication (51.7%), la répartition quotidienne (52.2%) et la durée (51.7%) des médicaments à visée cardiologique. Parmi l’ensemble des précautions données concernant cette classe thérapeutique, seulement 35% avaient été retenues. Or, nous connaissons le rôle primordial de cette classe thérapeutique, en permanente réévaluation, dans l’augmentation de l’espérance de vie.
La seconde classe thérapeutique à laquelle nous nous sommes intéressés est représentée par les médicaments anticoagulants et antiagrégants plaquettaires. Nous avons vu que les maladies cardio-vasculaires étaient une des principales pathologies chez le sujet âgé. Or, la maladie thrombo-embolique, artérielle et veineuse, fait partie intégrante de la pathologie cardio-vasculaire.
La prévalence du risque thrombotique augmente avec l’âge. On estime que par rapport à la population de moins de 65 ans le risque thrombotique est multiplié par 4 chez les 65-79 ans et par 5.6 chez les plus de 80 ans72, 73. Il en est de même pour la prévalence de la fibrillation auriculaire chronique74.
Presque 6 personnes sur 10 dans notre étude consommaient un médicament anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire. Ce chiffre élevé est directement lié à la grande fréquence des maladies cardio-vasculaires et donc des médicaments à visée cardiologique. Il parait important quand on connait le potentiel iatrogénique de ce type de traitement, en particulier le risque de complications hémorragiques. A noter que l’aspirine même à petites doses et les autres antiagrégants plaquettaires exposent également à un risque accru d’accidents hémorragiques75. Les résultats de notre étude sur la connaissance de cette classe thérapeutique montrent, comme pour les médicaments cardiologiques, une connaissance très insuffisante, et à peine plus de 60% des précautions données retenues.
D’après Geffroy et al, la susceptibilité particulière des malades âgés au risque hémorragique est liée au contexte de comorbidité (insuffisance hépatique, insuffisance rénale, insuffisance cardiaque, cancer, malnutrition, antécédents d’accident vasculaire cérébral), à la fréquence des interactions médicamenteuses, à la forte prévalence des lésions digestives favorisant l’hémorragie, à la fréquence particulière des chutes dans cette population, à la plus grande sensibilité aux anti-vitamines K, à la fragilité vasculaire, aux modifications de la synthèse des facteurs de coagulation, et enfin à des difficultés d’observance74. D’autres études ont aussi montré non seulement la plus grande fréquence, mais également la gravité accrue des accidents hémorragiques chez le sujet âgé du fait d’une moindre tolérance à la déglobulisation31. Ces médicaments doivent faire l’objet d’une réévaluation régulière du rapport bénéfice-risque. Une étude réalisée en 2008 a montré une diminution significative des événements hémorragiques survenant sous AVK lorsqu’une double information était donnée par le médecin et le pharmacien76.
Dans notre étude, un patient sur sept (14%) consommait un médicament à visée neuro-psychotrope. Il s’agissait dans la majorité des cas de traitements hypnotiques. Ce chiffre est moins élevé que dans l’enquête ESPS en 2000 où 21% des sujets consommaient un médicament du système nerveux central ainsi que dans la revue de Capet et al où 25% des sujets âgés consommaient quotidiennement des anxiolytiques ou des hypnotiques77. Or, le risque majeur de chutes, de troubles de la vigilance et de la mémoire, de confusion mentale ou d’altération cognitive lié à cette classe thérapeutique est bien décrit. De plus, les altérations des fonctions cognitives liées aux psychotropes peuvent mimer à tort à un syndrome démentiel débutant31.
Soulignons également la faible connaissance par les patients de leurs traitements psychotropes lors de l’analyse de nos données. Il est légitime de se poser la question de savoir si cette classe thérapeutique ne serait pas mieux connue en diminuant son volume de prescription. En effet, ce type de thérapeutique est responsable d’effets secondaires bien connus chez la personne âgée comme les troubles de la vigilance et de la mémoire, une altération cognitive et un risque de confusion77. Le médicament psychotrope n’est-il pas lui-même responsable en partie de ce faible niveau de connaissance ?
Les Français restent les premiers consommateurs mondiaux de psychotropes alors qu’ils n’ont pas plus de syndromes anxieux que les autres sujets occidentaux78. Ceci s’explique par des indications quelquefois abusives, mais aussi des durées de traitements excessives et dangereuses, avec risque de dépendance78.
Malgré tout, il faut noter que la dépression est plus fréquente chez le sujet âgé (prévalence variant de 10 à 25% selon la population étudiée) et qu’elle est également potentiellement plus grave que chez le sujet jeune avec une surmortalité associée à la dépression de l’ordre de 10% à un an, un risque de récidive et de passage à la chronicité élevé et une forte association au risque de déclin de l’autonomie77.
Notre travail a montré que la classe thérapeutique la plus connue était les antalgiques. Ainsi, l’indication de ces traitements était connue dans presque 8 cas sur 10. Ce chiffre élevé vient probablement de l’efficacité ressentie par les patients de ce type de médicaments. En effet, les sujets âgés sont souvent algiques et trouvent dans ce type de thérapeutique un bénéfice important, notamment en terme de qualité de vie.
Différentes études ont montré que les indications des médicaments à visée symptomatique comme les antalgiques étaient mieux connues que les médicaments à visée préventive79 tels que les médicaments à visée cardiologique. Cependant, les antalgiques sont des traitements souvent utilisés en automédication et ne sont pas dénués d’effets secondaires, notamment si l’on inclut les antalgiques de classe II et les anti-inflammatoires-non-stéroïdiens. (AINS). En ce qui concerne les AINS, on estime que chez les personnes de plus de 65 ans, ils sont responsables d’accidents hémorragiques digestifs graves trois fois plus fréquents, d’insuffisance rénale aiguë trois à quatre fois plus fréquente et de décompensation cardiaque deux fois plus fréquente que chez les sujets plus jeunes80,81.
Parmi les 103 médicaments antalgiques de notre étude, nous n’avons recensé que 6 médicaments anti-inflammatoires. Ce chiffre parait faible mais il faut garder en mémoire qu’il est probablement sous-estimé par l’automédication concernant cette classe thérapeutique.
La classe médicamenteuse la moins connue des patients dans notre travail était représentée par les antibiotiques. A peine plus d’un tiers des indications des antibiotiques étaient connues. Cette connaissance insuffisante est probablement expliquée par le fait que la quasi-totalité de ces traitements étaient introduits pendant le séjour hospitalier pour un problème aigu, bien souvent responsable de l’hospitalisation. Cependant, cette classe thérapeutique ne représente que 4% de l’ensemble des médicaments de notre travail, ce qui limite l’interprétation de nos chiffres.
De même, la durée des traitements antibiotiques n’était connue que dans 38% des cas. Ce type de thérapeutique est toujours prescrit pour une durée limitée, souvent courte, en opposition avec les traitements psychotropes et cardiologiques que nous avons évoqués précédemment. L’association d’une indication connue dans à peine plus d’un tiers des cas et d’une durée de traitement connue dans moins de 40% doit faire craindre une mauvaise observance des traitements antibiotiques avec un risque, notamment d’inefficacité.

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Table des matières

Introduction
A/ Epidémiologie et pharmacologie de la personne âgée
I/ Epidémiologie et vieillissement de la population
II/ Modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques chez le sujet âgé
1 Modifications pharmacocinétiques
2 Modifications pharmacodynamiques
III/ Polypathologie et polymédication
IV/ Iatrogénie médicamenteuse, effets indésirables médicamenteux
V/ Observance médicamenteuse
B/Etude prospective locale
I/ Patients et méthode
1. Critères d’inclusion
2. Critères d’exclusion
3. Dossier standardisé
4. Evaluation des explications, restitution des données
5. Problèmes rencontrés
II/ Résultats de l’étude
1. Résultats selon l’âge
2. Résultats selon les fonctions cognitives
3. Résultats selon le nombre de médicaments et les classes médicamenteuses
4. Résultats selon les autres paramètres étudiés
III/ Discussion des résultats de l’étude
1. Selon l’âge
2. Selon les fonctions cognitives
3. Selon le nombre de médicaments
4. Selon les classes médicamenteuses
C/ Optimisation de l’utilisation des médicaments : stratégies d’intervention
I/ Règles de prescription
II/ Sécuriser les prises médicamenteuses
III/Relation médecin malade : rôle du médecin généraliste
IV/ Rôle du pharmacien
V/ Carte de traitement
Conclusion
Annexes
Abréviations
références

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