PREVISION DE LA DEFORMATION
Un modèle analytique de compaction des sols (SoilFlex) développé par Keller et al. (2007) a été testé sur les deux sites en utilisant les caractéristiques du porteur, les mesures de densité apparente réalisées avant tassement, d’humidité des sols au moment de la circulation du porteur et de propriétés mécaniques réalisées à AZ (Saffih-Hdadi et al., 2009). Pour CA, les paramètres mécaniques requis par SoilFlex (paramètres de la relation contrainte-déformation) ont été calculés à partir de des relations calibrées avec les données d’AZ entre paramètres mécaniques d’une part et densité apparente et humidité du sol d’autre part (fonction de pédotransfert).
Pour tester la validité des simulations du modèle, nous avons comparé les valeurs de densité apparente après tassement prédite par le modèle à celles observées immédiatement après le passage du porteur . La déformation est prédite de manière très satisfaisante surtout à AZ où les paramètres mécaniques ont été mesurés, ceci à l’exception de la couche de surface (0–10 cm) pour les deux sites. En augmentant la valeur du paramètre de « rebound » (indice de gonflement), les prédictions de densité apparente après compaction pour la couche de surface sont largement améliorées. Nous avons émis l’hypothèse que cette augmentation du gain en volume dès que la contrainte est enlevée (déchargement) est intimement liée à la forte teneur en matière organique de l’horizon de surface. Cette hypothèse est renforcée par l’analyse de covariance réalisée sur la densité apparente de la couche 0–10 cm. En effet, dans le traitement C (control, sol non perturbé), plus le sol est riche en carbone, plus il est humide et moins il est dense, ce qui devrait augmenter sa sensibilité à la compaction (Saffih-Hdadi et al., 2009). Cependant, dans le traitement T (trafficked, sol compacté), la relation entre densité apparente et humidité du sol d’une part avec la teneur en carbone organique d’autre part est inchangée et est parallèle à celle du traitement C. Ainsi plus le sol est riche en carbone plus sa sensibilité au tassement augmente si on considère les propriétés du sol qui déterminent usuellement cette sensibilité. Pourtant l’impact de l’engin sur sa densité apparente (différence entre les résultats des traitements T et C) est identique à celui d’un échantillon moins riche en carbone. Il semblerait qu’un paramètre mécanique supplémentaire soit à prendre en compte pour des sols riches en carbone, qui pourrait dépendre plus spécifiquement de la qualité de la matière organique (Soane, 1990).
Prendre en compte les valeurs extrêmes des conditions initiales (minima et maxima des valeurs de densité apparente et humidité avant circulation du porteur) n’a pas augmenté la qualité des prédictions de SoilFlex. Même si ce constat est à élargir et à valider dans d’autres cas de tassement de sols forestiers, il présente un intérêt dans le cas de ces sols fortement hétérogènes en simplifiant la procédure de calcul de déformation. Cependant, les résultats des simulations SoiFlex sont à considérer avec précaution dès que les sols sont très humides lors du passage de l’engin (cas qui peuvent se rencontrer même s’ils doivent être normalement évités, note de service ONF 09-T-297), probablement car l’estimation des propriétés mécaniques se fait en dehors des limites de validité des fonctions de pédotransfert.
QUEL INDICATEUR POUR QUELLE FONCTION ?
Densité apparente
L’indicateur le plus souvent utilisé dans les études de qualité physique des sols est la densité apparente (masse de sol sec rapportée à son volume brut ou apparent).
En effet, contrairement à d’autres paramètres physiques, la densité apparente est sensible aux actions anthropiques et, pour un sol donné, n’est normalement affectée que par ces actions (Schoenholtz et al., 2000). De plus, la densification du sol est directement connectée à une perte de porosité et elle a pu être mise en relation avec une diminution de la prospection racinaire associée à une perte de productivité végétale dans certains cas (Miller et al., 2004). Cependant, il a été démontré que ce n’est pas toujours l’indicateur de dégradation physique le plus sensible dans le cas de sols forestiers (Ampoorter et al., 2010). Un des indicateurs inclus dans le Processus de Montréal porte sur la quantification de la «proportion des surfaces forestières affectée par un changement significatif de densité apparente d’au moins un des horizons de surface du sol (0–30 cm)».
Pennington & Laffan (2004) ont testé la pertinence de cet indicateur en le mettant en pratique dans le suivi de l’impact d’exploitations forestières. Ils ont trouvé que les changements de densité apparente suite aux exploitations forestières pouvaient avoir lieu dans les deux sens (augmentation, ou diminution suite à l’incorporation des résidus organiques dans le sol). De plus la variabilité associée à la mesure de densité apparente est tellement forte qu’ils n’ont pas trouvé cet indicateur pertinent pour caractériser de manière facile, peu coûteuse et sensible, la dégradation du sol suite à des opérations sylvicoles. Notamment, la forte teneur en matière organique des sols forestiers (et la diversité probable de qualité de la matière organique entre les sites à comparer) joue un rôle non négligeable à la fois sur la densité apparente du sol et sur son comportement mécanique . Ainsi la forte variabilité des propriétés physico-chimiques des sols forestiers due à l’absence d’homogénéisation par les pratiques culturales (De Vos et al., 2005) peut conduire à une mauvaise estimation de l’impact d’une opération sylvicole mécanisée sur la densité apparente du sol (Ampoorter et al., 2010). De plus, le comportement de gonflement – retrait des sols est fortement affecté par le tassement (Schäffer, 2007). Ainsi, l’amplitude de la différence de densité apparente entre un sol compact et un sol non perturbé peut varier fortement avec la teneur en eau du sol au moment de la mesure. Boivin et al. (2006) ont mis en évidence un effet significatif sur la courbe de retrait de sols dû à des passages répétés de voitures (parking temporaire) ; l’impact qui y était évalué par des mesures classiques (densité apparente, résistance à la pénétration, courbe de rétention en eau) n’était pas facile à interpréter, à cause de la forte teneur en éléments grossiers et des variations de teneur en eau.
Résistance à la pénétration
La résistance à la pénétration du sol présente l’intérêt d’être une mesure non, ou peu, destructrice à l’échelle d’un site expérimental, pour comparer la facilité des racines à croitre dans le sol perturbé par rapport au sol non perturbé. Les appareils récents permettent, en outre, des mesures indépendantes de l’opérateur.
Cependant, la valeur de la résistance mécanique du sol dépend fortement de son humidité qui est également affectée, d’une part, par les constituants et, d’autre part, par la compaction.
Notamment à CA, six mois seulement après le passage du porteur aucune différence de résistance à la pénétration ne pouvait être constatée entre les traitements T et C alors que plus d’un an après, une différence significative l’était. A AZ, quelle que soit l’humidité, la différence de résistance à la pénétration entre traitements était toujours significative, même si son amplitude variait fortement d’une campagne de mesure à l’autre. Cette différence de réponse de la variable résistance à la pénétration face à la dégradation physique a été attribuée à des différences de texture et d’agents structurants (notamment oxydes de fer et d’aluminium). Le sol à CA est sensible à des phénomènes d’éclatement des agrégats quand le sol s’humidifie et de prise en masse quand le sol se dessèche, phénomènes accentués par la circulation du porteur. Ainsi à CA, l’impact du porteur sur la qualité physique des sols (densité apparente, résistance à la pénétration) peut paraître faible quand les sols sont humides au moment de la mesure. C’est quand les sols sont secs que l’impact de la dégradation physique y est très important. Certes, les conséquences physiques du passage du porteur sont difficiles à quantifier à CA, mais cela n’empêche pas le dysfonctionnement fort (perte de stabilité structurale vis-à-vis des contraintes internes d’humectation – dessiccation) induit par la perturbation. Ce résultat est en accord avec les résultats de Schäffer (2007) obtenus par analyse des courbes de retrait de sols comprimés à différents niveaux de contraintes. Même si le passage d’un engin tend à augmenter la résistance du sol à des contraintes extérieures (e.g. contrainte de pré-compression, résistance à la pénétration), il tend également à diminuer sa résistance à des contraintes internes liées aux variations de potentiel matriciel. Ainsi, il n’est pas aberrant de trouver une résistance à la pénétration aussi, voire, plus faible, pour un sol compacté que pour un sol non affecté par la circulation d’engin quand les sols sont humides, même si ce n’est pas vrai pour tous les sols.
Composition de l’atmosphère du sol
Plusieurs travaux ont démontré que la variation de densité apparente était en fait un indicateur peu sensible pour quantifier l’impact du passage d’engin sur le fonctionnement du sol (Hånkansson & Lipiec, 2000 ; Frey et al., 2009 ; Ampoorter et al., 2010). En particulier, les conditions de transferts des gaz et d’eau sont plus affectées par la diminution du volume de pores grossiers plutôt que par la diminution de porosité totale (Alaoui et al., 2011). La densité apparente du sol ne donne qu’une image très imparfaite de l’impact d’un engin sur la structure du sol (Alaoui et al., 2011 ; Hankansson & Lipiec, 2000). De plus, la diminution de la porosité totale est souvent associée à une réorganisation de l’espace poral, e.g. changement de distribution de taille de pores, diminution de la connectivité porale.
Ainsi, il est probable que la dynamique des gaz de l’atmosphère du sol après tassement soit plus sensible à la dégradation physique, due à des contraintes externes, que des paramètres physiques plus globaux comme la densité apparente ou la résistance à la pénétration (Ampoorter et al., 2010). En effet, la concentration de l’atmosphère du sol en un gaz donné dépend de la résultante entre sa vitesse de production par rapport à celle de consommation et son transfert vers l’atmosphère.
La vitesse de production/ consommation des gaz est liée à l’activité biologique qui est essentiellement déterminée par des facteurs biotiques (interactions entre organismes vivants) et abiotiques (température et humidité du sol), eux mêmes affectés par la déformation du sol. La vitesse de transfert d’un gaz donné est essentiellement déterminée par le flux de diffusion gazeuse et donc, par le gradient de concentration du gaz et le coefficient de diffusion gazeuse. Le coefficient de diffusion gazeuse est très sensible à la dégradation physique, à la fois à cause de la déstructuration de la phase solide et du changement de régime hydrique. Sur les deux sites étudiés, l’analyse de la composition de l’atmosphère du sol a montré une forte réactivité à la dégradation des propriétés physiques du sol .
Elle renseigne sur la résultante des fonctions sources et puits, et par là même, directement sur les conditions d’accessibilité en différents gaz pour le développement racinaire et l’activité biologique. La méthode utilisée ne donne pas accès au dosage des gaz dissous ; quand le sol est gorgé d’eau, elle ne permet pas de ne prélever que les gaz du sol, et un vacutainer rempli d’eau est impossible à doser en chromatographie gazeuse. On a constaté que les capteurs de gaz des placeaux T étaient plus souvent engorgés que ceux des placeaux C, indicateur indirect des conditions d’accessibilité des racines au dioxygène (quasi-nulles dans ce cas précis).
QUEL INDICATEUR POUR QUELLE RESTAURATION?
Densité apparente
Les questions relatives à l’utilisation de la densité apparente comme indicateur d’impact des activités d’exploitation exerçant de fortes pressions sur les sols ont déjà été soulevées par de nombreux auteurs. La valeur de la densité apparente est très dépendante des constituants des sols, ce qui peut empêcher la caractérisation de l’impact d’une même pratique culturale sur différents sols (da Silva et al. 1997) et son évolution dans le temps (mesure destructrice qui empêche le prélèvement des échantillons successifs au même endroit). Plusieurs solutions ont été alors proposées :
Normaliser l’impact de pratiques culturales sur la densité apparente par rapport aux constituants du sol via une régression multivariée. L’inconvénient de cette approche est qu’elle requiert une méthodologie lourde avec la mesure, pour chaque échantillon de sol, de sa densité apparente, ainsi que de ses constituants chimiques (en particulier le carbone organique) et physiques (en particulier la teneur en argile).
Normaliser la densité apparente mesurée pour chaque cas, à la densité apparente de référence obtenue grâce à un test de compaction standard (Proctor ou compression uniaxiale d’échantillons à une pression de 200 kPa). Cette technique permet d’obtenir un degré de compaction (densité apparente/densité apparente de référence) qui ne dépend alors que des pratiques culturales et permet de discriminer ces pratiques même en comparant des sols très différents (da Silva et al. 1997 ; Håkansson, I., Lipiec, J. 2000). Cependant, cela nécessite un appareillage lourd pour déterminer la densité apparente de référence ou, à nouveau, la détermination des propriétés physico-chimiques pour estimer la densité apparente de référence par des fonctions de pédotransfert avec les limites de fiabilité que cela suppose (e.g. Keller & Håkansson, 2010).
Ces deux premières solutions permettent en effet de s’affranchir de l’effet local de la variabilité des constituants du sol sur la caractérisation de l’état de compaction de sols différents soumis à une même pratique culturale. Elles sont adaptées pour l’étude de l’effet d’un engin par exemple, mais seulement à un instant donné. Quand on veut ensuite étudier la dynamique temporelle de l’effet de cette contrainte, il faut non seulement prendre en compte la variabilité des constituants du sol mais aussi la variabilité des conditions d’humidité. En effet, des phénomènes de gonflement – retrait peuvent conduire à un biais dans l’étude de la dynamique de l’état de compaction d’un sol si les conditions de saturation en eau sont différentes . C’est pourquoi l’analyse de la courbe de retrait offre un grand potentiel pour étudier la dynamique de restauration de la structure du sol.
Résistance à la pénétration
L’étude de la résistance à la pénétration sur les deux sites a montré une absence de restauration de ce paramètre. Trois à quatre ans après compaction, les sols du traitement T ont toujours une résistance à la pénétration, après normalisation avec la teneur en eau, significativement plus élevée que ceux du sol C . L’amendement calco-magnésien n’a pour l’instant pas diminué l’impact du tassement sur la résistance à la pénétration des sols, il est probable que l’effet de la remédiation ne soit visible qu’au bout d’un laps de temps plus long (Ampoorter et al., 2011). De plus, l’humidité des sols amendés (témoin et tassé) était plus faible en juin 2011 que celle des sols non amendés, probablement en relation avec une consommation d’eau plus forte et/ou une amélioration des transferts hydriques. Par conséquent, logiquement, leur résistance à la pénétration était plus élevée que celle des sols non tassés. Normalement l’apport de cations devrait favoriser l’agrégation et diminuer la résistance à la pénétration (Ampoorter et al., 2011). Il sera ainsi intéressant de continuer à comparer les traitements amendés avec les traitements non amendés, pour tester si la différence de résistance à la pénétration est seulement liée à une différence d’humidité ou si un autre processus intervient. Contrairement à la mesure de densité apparente, le problème de la variabilité spatiale des constituants du sol ne se pose pas pour le suivi temporel de la résistance à la pénétration. En effet, la mesure au pénétromètre est très peu destructrice et permet un suivi systématique « aux mêmes endroits » d’une année à l’autre. De plus, cela permet également de réaliser un grand nombre de mesures par traitement, site et année. Enfin, contrairement aux différentes campagnes de mesure de la densité apparente, les sols lors des différentes campagnes de mesure de la résistance à la pénétration ont été de plus en plus secs d’une année à l’autre . Ainsi, la résistance à la pénétration augmente depuis le début des mesures (2008).
Atmosphère du sol
La composition de l’atmosphère du sol notamment en CO2 et O2 s’est avérée être un indicateur très sensible au changement de structure du sol, que ce soit à cause de la contrainte appliquée par le porteur ou après tassement, du fait de la régénération naturelle de la porosité du sol.
Le suivi de l’atmosphère du sol a débuté trois mois après le passage du porteur à CA et un peu moins d’un an après le tassement à AZ. Même si ce ne fut que pendant quelques mois à AZ, nous avons pu capter un effet initial très fort du tassement sur la composition de l’atmosphère du sol en CO2 . Un effet initial similaire a également été observé à CA. Pour les deux sites, cet effet a duré jusqu’à la première période de sécheresse édaphique après le passage du porteur. Pendant cette première période, l’atmosphère du sol perturbé était beaucoup plus riche en CO2 et moins riche en O2 que l’atmosphère du sol témoin et ceci quelles que soient les conditions de diffusion (porosité libre à l’air). Après la première sécheresse, dans l’atmosphère du sol tassé, pour une même valeur de porosité libre l’air, la teneur en CO2 était plus faible et la teneur en O2 plus forte que pendant la phase initiale. Ceci traduit des conditions de diffusion améliorées alors que l’espace poral où se déroule cette diffusion reste inchangé (même porosité totale et même volume de porosité occupé par l’air). Ainsi, sur les données brutes de teneur en CO2 et O2 à CA, on peut observer une forte diminution de l’impact du tassement au cours du temps. Cette régénération des conditions de transfert des gaz, ne se traduit cependant pas sur la porosité libre à l’air. Par conséquent, nous avons émis l’hypothèse que, la structure du sol tassé étant plus instable, des fissures se sont formées lors de la première sécheresse édaphique après compaction. Ainsi même si la porosité libre à l’air est toujours inférieure dans le sol tassé à celle mesurée dans le sol témoin, les conditions de diffusion gazeuse se sont améliorées probablement en augmentant la connectivité des espaces poraux libres à l’air. Ce résultat est conforme à l’évolution de l’impact du porteur sur la densité apparente, même si le constat d’une évolution concernant la composition de l’atmosphère du sol intervient plus subitement, par comparaison avec l’évolution plus continue de la densité apparente. La diffusion gazeuse étant beaucoup plus sensible à un changement de structure que la densité apparente, il est normal qu’un début de fissuration influence différemment l’atmosphère du sol et la densité apparente. Li & Zhang (2009) ont montré que les processus d’humectation – dessiccation n’affectaient que l’espace poral intra-agrégats. D’après leurs résultats, la restauration de densité apparente constatée dans les premiers cm du traitement T des deux sites ne proviendrait pas d’une régénération du volume poral inter-agrégats. Cela pourrait expliquer un impact toujours significatif sur le paramètre « porosité libre à l’air » alors que les conditions de diffusion gazeuse pour une même valeur de porosité libre à l’air se sont améliorées depuis la première période de sécheresse édaphique.
RECOMMANDATIONS POUR LA GESTION DES SOLS SENSIBLES ET PISTES DE DEVELOPPEMENT
Les deux sites étudiés ont la particularité d’être très sensibles à la dégradation physique par les engins réalisant les opérations sylvicoles. En effet, la rupture texturale et la présence d’un substrat imperméable vers 50 cm de profondeur font que la couche limoneuse de surface est très souvent humide voire engorgée (traces d’hydromorphie d’intensité variable). Ainsi, même si la circulation du porteur n’a crée que des ornières peu profondes (en moyenne 5 cm, les ornières les plus profondes étant habituellement exclues des échantillonnages réalisés pour cette étude), son impact sur le fonctionnement du sol est élevé notamment en intensifiant l’anoxie et l’engorgement temporaire du sol. Sur les deux sites, l’amplitude des variations d’humidité a augmenté avec la circulation du porteur, augmentant la fréquence et la durée des périodes de stress hydrique, que ce soit en sécheresse (sol aussi, ou plus, sec que le témoin) ou en phase d’excès d’eau. De plus, le tassement a provoqué une diminution de la stabilité structurale sur le sol le plus limoneux et le plus acide (CA), ce qui a pour conséquence de diminuer l’étendue des humidités propices à la croissance racinaire (perte de structure du sol à la fois à l’état humide et à l’état sec). L’engorgement du sol provoquant une augmentation de la mobilité du fer, il est probable que la «perte», ou plus exactement la redistribution hétérogène des oxydes de fer (agent structurant) va limiter le retour vers un état structural stable et propice au bon enracinement du peuplement. Ainsi, il est primordial de protéger ces sols sensibles de toute dégradation physique en choisissant : i- le matériel adapté pour les opérations sylvicoles, ou un moyen alternatif pour les sols les plus sensibles ; ii- les conditions propices à la circulation des engins (sols secs et/ou gelés) ; et iii- un réseau de cloisonnement adapté et une interdiction formelle de circuler hors de ces pistes. Il est à noter que le sol tassé est toujours plus humide (humidité volumique) que le sol non perturbé, ce qui pose problème dans le cas de cloisonnements qui sont régulièrement utilisés par des engins, et qui doivent rester praticables. Dans ce cas, un travail du sol sur le cloisonnement peut être une solution en fonction du bilan économique de l’opération. Des simulations de déformation d’un sol donné (texture, teneur en carbone et humidité) par un matériel donné (e.g. poids, caractéristiques des pneumatiques) permettent de choisir l’engin adapté ainsi que les conditions climatiques adéquates pour un impact minimal. Cependant, il est nécessaire de garder à l’esprit qu’une variation de densité apparente n’est pas le seul critère à considérer, en particulier dans le cas de sol à tendance hydromorphe où une faible augmentation de densité apparente peut conduire à une augmentation conséquente de l’engorgement temporaire.
Le choix du type de mécanisation, ou d’alternative, à utiliser pour les opérations forestières doit intégrer les dégâts au sol, car même si leurs conséquences sur le peuplement ne sont pas immédiates, elles peuvent diminuer fortement la résilience des peuplements face aux stress (hydriques, tempêtes) qui pourraient augmenter de fréquence avec les changements climatiques en cours. Par exemple, les plants de chênes sessiles du traitement T à CA ont eu un meilleur taux de reprise que ceux du traitement T à AZ. Il est probable que le premier printemps des plants de CA (2009) ayant été plus sec que celui des plants de AZ (2008), la meilleure réserve utile du traitement T a permis de compenser la moins bonne qualité structurale par rapport au traitement C à CA. Cependant, au vu de nos résultats, le développement racinaire des plants à CA a de fortes chances d’être contraint dans le traitement T, ne serait ce que suite à l’été 2011 où la résistance à la pénétration mesurée dans le traitement T a probablement fortement limité la poussée racinaire. Les conséquences à court et à long terme sur les peuplements forestiers ne sont pas les seules à prendre en considération lors du choix du type de mécanisation et des conditions d’intervention. Il ne faut en effet pas oublier les autres fonctions du sol, e.g. qualité de l’eau, de l’air, biodiversité, érosion.
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Table des matières
Introduction
Matériel et méthodes
Sites d’étude
Instrumentation et suivi
Synthèse des acquis
Prévision de la déformation
Quel indicateur pour quelle fonction ?
Densité apparente
Résistance à la pénétration
Composition de l’atmosphère du sol
Quel indicateur pour quelle restauration?
Densité apparente
Résistance à la pénétration
Atmosphère du sol
Recommandations pour la gestion des sols sensibles et pistes de développement
Conclusion générale
Références
I Soil compaction due to heavy forest traffic: measurements and simulations using an analytical
soil compaction model
II Assessment of the natural recovery rate of soil specific volume following forest soil
compaction
III Soil resistance to penetration following to forest traffic and its evolution without mechanical
loosening as influenced by pH and lime addition
IV Soil CO2 concentration and efflux as affected by heavy traffic in FOREST IN northeast France
V Forwarder traffic impacted over at least four years soil air composition of two forest soils in
northeast France
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