Modifications épigénétiques de l’ADN
La diversité du monde du vivant provient essentiellement d’une expression différenciée de l’information génétique. Cette dernière est contenue dans l’acide désoxyribonucléique (ADN). Depuis la découverte de la structure de l’ADN par Watson et Crick dans les années 1950 , cette molécule n’a cessé d’être étudiée notamment pour sa fonctionnalité en tentant de répondre à cette question : Comment un phénotype est-il exprimé à partir d’un génotype ? Le code génétique repose sur la lecture des quatre bases de l’ADN : l’adénine (A), la thymine (T), la cytosine (C) et la guanine (G). La séquence formée par l’enchaînement de ces bases est lue puis est transcrite en acide ribonucléique (ARN), avant d’être traduite en protéine. On ne dénombre pas moins d’une centaine de modifications de l’ARN que ce soit au niveau des ARN de transfert qu’au niveau des ARN messagers, qui permettent, entre autre, une expression des gènes différenciées . Ces modifications de l’ARN sont répertoriées dans plusieurs base de données comme RMBase (RNA Modification dataBase) .
L’ADN n’a pas une composition aussi diversifiée que l’ARN mais A, T, C et G ne sont pas les seules bases de l’ADN présentes au sein des organismes . Un nombre important de modifications a été répertorié comme on peut le voir sur la Figure 1, issue de la base de données DNAmod .
Ces bases modifiées peuvent provenir :
➤ De dégâts oxydatifs , chimiques ou encore photochimiques . On peut citer la 8- oxoguanine (8oxoG) et la 5-hydroxyméthyluracile (5hmU)6 ou encore la 6- méthylguanine (m6G) et la 3-méthyladénine (3mA). Ces dégâts peuvent induire des mutations et causer la mort cellulaire. Par exemple, la m6G induit des mésappariements lors de la réplication de l’ADN provoquant des mutations de l’ADN.
➤ De modifications introduites par des enzymes au sein du biopolymère ou sur le nucléotide avant son incorporation dans l’ADN par une polymérase. Ces modifications ont un rôle biologique :
♦ Elles peuvent jouer un rôle au sein des mécanismes de défense entre organismes. C’est le cas de la N6-méthyladénine (6mA) qui fait partie du système de restriction-modification chez les bactéries. Ce système permet de distinguer l’ADN de la cellule hôte, de l’ADN d’un organisme étranger. Plus précisément, la présence de 6mA dans la séquence d’ADN de la cellule hôte empêche la digestion enzymatique de son génome par une enzyme de restriction, sensible à la méthylation de l’ADN14. L’ADN étranger non-méthylé est dégradé lors de son entrée dans la cellule hôte, garantissant ainsi la préservation du code génétique de l’organisme.
♦ Elles peuvent jouer un rôle lors de la régulation de l’expression des gènes. C’est le cas de la 5-méthylcytosine (5mC), aussi nommée la 5ème base de l’ADN. Cette base fait partie des modifications épigénétiques de l’ADN.
Certaines de ces modifications des bases de l’ADN sont bien connues et leur rôle biologique bien caractérisé, d’autres identifiées récemment sont actuellement sujettes à de nombreuses études afin de mieux comprendre leur fonction.
Epigénétique : définition
La modification de l’ADN la plus étudiée est la 5-méthylcytosine (5mC) qui est impliquée dans la régulation épigénétique. Le concept de l’épigénétique provient d’une interrogation simple : comment expliquer une si grande variation phénotypique entre cellules d’un même individu, d’une même espèce, si ceux-ci possèdent la même information génétique ? Conrad Waddington fut le premier à tenter de répondre à cette question en introduisant le terme « épigénétique » dans les années 40. Il définit celui-ci comme étant la branche de la biologie qui étudie l’interaction entre les gènes et leurs produits, c’est-à-dire les processus permettant d’accéder à un phénotype donné (« the branch of biology which studies the causal interaction between genes and their products, which bring the phenotype into being »). Cependant, la compréhension des mécanismes impliqués dans l’expression des génomes n’a cessé d’évoluer depuis lors, amenant l’émergence d’une définition consensus de l’épigénétique comme étant l’ensemble des changements des phénotypes héréditaires ne provenant pas d’une modification directe de la séquence d’ADN (« stably heritable phenotypes resulting from changes in chromosome without changes in gene sequence » ).
La régulation de l’expression d’un gène provient de trois processus épigénétiques : les ARN non codants , les modifications des histones (protéines qui régulent l’état de compaction de la chromatine, son accessibilité) et la méthylation de l’ADN.
Méthylation de l’ADN
La méthylation de la cytosine en position C-5 est une modification épigénétique importante et très conservée de l’ADN chez différents organismes (plantes, champignons, animaux). En effet, la présence des 5mC dans les régions promotrices modifie la transcription des gènes associés. Le groupement méthyle empêche la liaison de certains facteurs de transcription sur l’ADN et permet aussi de recruter des protéines spécifiques des 5mC. Ces protéines induisent une compaction de l’ADN, réduisant ainsi la transcription. La 5mC est ainsi considérée comme une modification épigénétique répressive. Elle intervient dans différents processus de régulation de l’expression des gènes -par exemple la différentiation cellulaire, l’inactivation d’un des deux chromosomes X chez les femelles des mammifères ou encore la stabilité chromosomique. On retrouve aussi des variations dans les profils de méthylation de l’ADN dans certaines pathologies parmi lesquelles certains cancers . Chez les mammifères, la méthylation des cytosines se fait principalement sur un motif formé de deux nucléotides, cytosine et guanine, appelé CpG. Les motifs CpG ne sont pas uniformément répartis dans le génome humain. Ces dinucléotides sont regroupés en îlots CpG concentrés dans les régions promotrices des gènes, les transposons ou les séquences répétées . La présence de groupements méthyles permet aussi de recruter des partenaires protéiques impliqués dans le remodelage de la chromatine via la modification des histones.
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Table des matières
Introduction
1 Modifications épigénétiques de l’ADN
Epigénétique : définition
Méthylation de l’ADN
1.2.1 Méthylation de novo par les DNMT3
1.2.2 Maintien de la méthylation par la DNMT1
1.2.2.1 Une première proposition de mécanisme de maintenance
1.2.2.2 Maintien de la méthylation de l’ADN : nouveau modèle.
1.2.2.3 UHRF1 : un acteur épigénétique majeur
Régulation de la méthylation de l’ADN
1.3.1 La déméthylation passive de l’ADN
1.3.2 La déméthylation active de l’ADN : les premières hypothèses.
1.3.2.1 La déméthylation enzymatique
1.3.2.2 Les mécanismes de réparation de l’ADN
Les nouveaux acteurs de l’épigénétique et leurs rôles dans la régulation de la méthylation
1.4.1 L’oxydation des 5mC comme étape cruciale de la déméthylation
1.4.1.1 Les enzymes TET et l’oxydation de la 5mC
1.4.1.2 La famille enzymatique TET
1.4.1.3 Réaction catalysée par les enzymes TET
1.4.1.4 Substrats des enzymes TET : nouvelles bases épigénétiques
1.4.2 Le rôle des bases oxydées dans la déméthylation de l’ADN.
1.4.2.1 La dilution passive des bases oxydées (AM-PD)
1.4.2.2 Une élimination enzymatique directe des bases oxydées
1.4.2.3 Réparation des bases oxydées par le BER (AM-AR)
Bilan des mécanismes généraux de la méthylation de l’ADN
2 Méthodes de caractérisation de protéines affines pour les nouvelles bases épigénétiques dérivées de la 5mC
EMSA (Electrophoretic mobility shift assay) ou gel retard
2.1.1 Principe général de l’EMSA
2.1.2 Application de l’EMSA
L’analyse protéomique pour la caractérisation de protéines partenaires
2.2.1 Le « pull-down » ou la purification d’affinité : principe
2.2.2 Le « pull-down » ou la purification d’affinité : applications
2.2.2.1 Stratégie « Label-free »
2.2.2.2 Stratégie avec marquage
Bilan des études de protéomiques permettant l’identification des protéines
partenaires des dérivées oxydés de la 5mC
3 Méthodes de pontage entre deux partenaires d’interaction
Le Formaldéhyde : un agent de pontage chimique
Les agents de pontage photo-chimiques
3.2.1 L’ADN comme agent de photomarquage
3.2.2 Les agents de photomarquage classiques
3.2.2.1 Les azotures d’aryle
3.2.2.2 Les diazirines
3.2.2.3 La benzophénone
3.2.3 Les agents de photomarquage analogues de nucléobases
3.2.3.1 Les dérivés halogénés
3.2.3.2 Les dérivés de nucléobases thiolés
Incorporation des agents photoactivables dans des sondes oligonucléotidiques.
3.3.1 La synthèse enzymatique
3.3.2 La synthèse chimique
3.3.2.1 Stratégie de fonctionnalisation pré-synthétique
3.3.2.2 Stratégie de fonctionnalisation post-synthétique
Le PAL (photoaffinity labeling) couplé à la spectrométrie de masse.
Projet de thèse
Partie résultats
4 Conception et évaluation de différentes sondes oligonucléotidiques photoactivables et mise au point des conditions de photomarquage
Synthèse de sondes ODN photoactivables
4.1.1 Conception des sondes
4.1.2 Synthèse des séquences oligonucléotidiques modifiées
4.1.2.1 La synthèse d’oligonucléotides sur support solide
4.1.2.2 Incorporation des agents photoactivables benzophénone et diazirine
4.1.3 Récapitulatif des oligonucléotides utilisés
Comparaison et évaluation des sondes ODN photoactivables simple brin
4.2.1 La hRPA comme protéine modèle pour les sondes ADN simple brin
4.2.1.1 Evaluation de l’affinité de hRPA pour les différents ODN par EMSA
4.2.1.2 Évaluation de l’efficacité de photomarquage des différents ODN avec hRPA
4.2.1.3 Identification de hRPA dans les complexes covalents formés par spectrométrie de masse
4.2.2 Évaluation de l’efficacité de photomarquage des différentes sondes ODN dans un mélange protéique
4.2.2.1 Identification de hRPA dans les complexes covalents formés
4.2.3 Photomarquage avec la sonde ODN-4 ST dans un extrait cellulaire eucaryote
4.2.3.1 Identification de hRPA dans les complexes covalents formés
4.2.3.2 Détermination du caractère sélectif de nos sondes modifiées simple brin
Conclusion
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Mots clés : Photomarquage, Spectrométrie de masse, Epigénétique, Modifications de l’ADN, Pull-down