Modifications des génomes, du transcriptome et du phénotype
La formation des polyploïdies
Lors de la formation des polyploïdes, la transmission de la diversité des espèces parentales peut avoir un rôle majeur de leur diversité. Certaines espèces ont une origine multiple et sont issues de croisements réciproques4 tels que Tragopogon (Figure 4). D’autres espèces ont une origine associée à peu de croisements tel que Spartina voire unique tel que Arabidopsis suecica (Chen et Ni, 2006 ; Figure 4). La diversité génétique des espèces ayant une origine unique serait plus faible que celles des espèces ayant une origine multiple favorisant l’introduction d’une plus grande part de la diversité des espèces parentales. Cette variabilité initiale peut être altérée par des pressions de sélection anthropiques et naturelles. Cependant, les mécanismes concernant la régulation de l’expression des gènes dupliqués chez les allopolyploïdes peuvent influer et générer de la diversité aussi bien génétique que morphologique. Le passage de l’état diploïde à l’état allopolyploïde peut se faire soit par une hybridation interspécifique entre autopolyploïdes5 (Figure 5.A), soit par la fusion de gamètes non réduites (Figure 5.B), soit par d’un doublement chromosomique6 (Figure 5.C), (Chen, 2007). La fusion de gamètes non-réduits serait le modèle prédominant7 du passage de l’état diploïde à l’état polyploïde. Lors de la méiose, un organisme à 2n chromosomes forme des cellules à n chromosomes. Pour obtenir ces cellules, une étape de réplication de l’ADN est suivie de deux divisions successives, réductionnelle8 et équationnelle9 Cette méiose peut être perturbée et conduire à la formation de gamètes non-réduits (2n chromosomes), (Bretagnolle et Thompson, 1995). Deux types de gamètes non-réduits peuvent être observés, les « FirstDivision Restitution » et les « Second-Division Restitution » (Figure 6). Les gamètes de type FDR possèdent une chromatide (recombinée ou non) de chaque chromosome présent chez l’organisme 2n (Figure 6). Les gamètes 2n obtenus ne présentent pas de traces de la première division méiotique. A contrario, les gamètes de type SDR possèdent des paires de chromatides sœurs (Figure 6). Les gamètes obtenus ne présentent pas de traces de la seconde division méiotique. Les différents comportements méiotiques chez les polyploïdesLe phénomène de polyploïdisation a un impact majeur sur la méiose. En général, lespolyploïdes pairs (4n, 6n …) sont dits « stables », c’est à dire fertiles et les polyploïdesimpairs (3n, 5n…) sont plus ou moins stériles. Cette stérilité est due à la difficulté de répartirde manière équitable, au cours de la méiose, les chromosomes entre les deux cellules filles(Luchetta et al., 2005). En fonction de caractéristiques génétiques et cytogénétiques, descomportements méiotiques différents sont observés :Chez les polyploïdes polysomiques, des multivalents sont formés à la suited’appariements entre plus de 2 chromosomes homologues. Les autopolyploïdes sont souvent polysomiques (Butruille et Boiteux, 2000). Toutefois, il faut noter que les polyploïdes polysomiques ne conduisent pas nécessairement à la formation de multivalents comme par exemple chez la Canne à sucre (Al-Janabi et al., 1993) Chez les polyploïdes disomiques, seuls des bivalents sont formés à la suite d’appariements se faisant uniquement entre chromosomes homologues (Chen, 2007). En générale, les allopolyploïdes sont considérés comme disomiques. Toutefois, il faut différencier les amphidiploïdes pour lesquels la formation de bivalents est stricte et les allo polyploïdes segmentaires pour lesquels la formation de multivalents est possible. Si les chromosomes homéologues possèdent des segments homologues, l’appariement peut se faire entre les chromosomes homéologues (Chen, 2007).
Les espèces polyploïdes chez les êtres vivants
Depuis longtemps, la polyploïdie a été reconnue comme un mécanisme de l’évolution des eucaryotes (Osborn et al., 2003). Elle est présente chez les êtres vivants à différentes fréquences et sous des formes d’hybrides inter- et intra-spécifiques (Rieseberg et al., 2003 ; Mavàrez et al., 2006 ; Chen, 2007). La polyploïdie a été observée chez les champignons, au cours d’études sur des levures (Saccharomyces cerevisiae ; Albertin et al., 2009), ou desoomycètes (Phytophthora sp. ; Martens et De Peer, 2010), les végétaux et les animaux.
Fréquence et récurrence de la polyploïdie chez les végétaux
La polyploïdie est un mécanisme majeur d’adaptation et de spéciation chez les végétaux (Ramsey et Schemske, 1998, Otto et Whitton, 2000 ; Adams, 2007). Une étude récente10 montre que, pour 15% des angiospermes et 31% des ptéridophytes, les évènements de spéciation seraient accompagnés d’une augmentation du niveau de ploïdie (Wood et al.,2009). La plupart des plantes cultivées ou encore la quasi-totalité des plantes ornementales sont polyploïdes (Luchetta et al., 2005). Des formes performantes de polyploïdes sont cultivées comme le blé, le coton, la banane, la canne à sucre ou encore le café, et de nombreuses études ont été menées sur ces diverses plantes. La polyploïdisation peut être très récente. C’est le cas du Tragopogon, où deux espèces allopolyploïdes (T. miscellus et T. mirus) se sont formées naturellement il y a moins de 80 ans. Il a été observé qu’un nouveau Tragopogon allotétraploïde apparaîtrait tous les ans. (Tate et al., 2006 ; Chen, 2007). Des marques de polyploïdies plus anciennes sont fréquemment observées chez les génomes des plantes. Ces paléopolyploïdes ont subi au moins un évènement de duplication du génome entier (WGD) suivi d’une perte massive de gènes et d’une réorganisation génomique par diploïdisation (Wolfe, 2001 ; Chen, 2007). Parmi eux on trouve Arabidopsis, Gossypium ouencore Zea mays (Chen, 2007). Chez les angiospermes, Cui et al. (2006) ont montré que destraces de paléopolyploïdie étaient présentes dans presque toutes les espèces étudiées sauf Amborella trichopoda11. Pour nombre d’entre elles, plusieurs évènements de polyploïdie se sont superposés au cours du temps évolutif ce qui confirme le caractère récurrent de la polyploïdie dans l’évolution des espèces.
|
Table des matières INTRODUCTION REVUE BIBLIOGRAPHIQUE I. POLYPLOÏDIE : Modifications des génomes, du transcriptome et du phénotype I.1 GENERALITES SUR LA POLYPLOÏDIE ET LES POLYPLOÏDES I.1.1 Notion de spéciation I.1.1.1 Définition I.1.1.2 Les spéciations homoploïde et polyploïde I.1.2 Le phénomène de polyploïdisation I.1.2.1 Les différents types de polyploïdie I.1.2.2 La formation des polyploïdies I.1.2.3 Les différents comportements méiotiques chez les polyploïdes I.1.3 Les espèces polyploïdes chez les êtres vivants I.1.3.1 Fréquence et récurrence de la polyploïdie chez les végétaux I.1.3.2 Fréquence et récurrence de la polyploïdie chez les animaux I.1.4 Rôle de la polyploïdie dans l’adaptation et l’évolution des espèces I.1.4.1 Diversification et évolution des espèces I.1.4.2 Adaptation et plasticité phénotypique I.2 ROLE DE LA POLYPLOÏDIE DANS L’EXPRESSION GENIQUE I.2.1. Etudes du transcriptome I.2.2.1 Notions d’additivité et de non-additivité I.2.2.2 Observation de l’expression relative des gènes homéologues I.2.2.3 Les autopolyploïdes et les variations d’expression génique I.2.2.4 Les allopolyploïdes et les variations d’expression génique I.2.2 Etude du protéome, métabolome I.3 MECANISMES DE REGULATION CONTRIBUANT AUX VARIATIONS DANS L’EXPRESSION DES GENES CHEZ LES POLYPLOÏDES I.3.1 Le devenir des copies de gènes dupliqués I.3.1.1 La pseudogénisation et la néofonctionalisation I.3.1.2 La Sous-fonctionnalisation I.3.1.3 Conservation et équilibre de dosage I.3.2 Les mécanismes de régulation I.3.2.1 Augmentation des possibilités de variations dans l’expression « dose-dépendante » des gènes I.3.2.2 Altération des interactions régulatrices I.3.2.3 Mécanismes génétiques et épigénétiques I.3.3 Evolution des espèces polyploïdes II. COFFEA ARABICA : MODELE BIOLOGIQUE D’ETUDE II.1 LE GENRE COFFEA II.1.1 Classification II.1.2 Relations phylogénétiques II.2 LE CAS DE L’UNIQUE ALLOTETRAPLOÏDE, COFFEA ARABICA : ORIGINES ET CARACTERISTIQUES II.2.1 Origine de Coffea arabica II.2.2 Caractéristiques du génome et système de reproduction de C. arabica II.2.3 Ressources génétiques et amélioration chez Coffea arabica II.2.4 Les caféiers et leur milieu naturel II.2.5 L’adaptation des caféiers en conditions de culture III. OBJECTIFS DE LA THESE CHAPITRE I : MISE AU POINT DE LA PREMIERE PUCES A ADN CHEZ LE CAFE Introduction au chapitre Article « The ‘PUCE CAFÉ’ project: the first 15K coffee microarray, a new tool for discovering candidate genes correlated to agronomic and quality traits. BioMed central Genomics 12: 5 CHAPITRE II : DIVERGENCE ET DISTANCES TRANSCRIPTOMIQUES SOUS CONTRAINTES THERMIQUE ENTRE ALLOPOLYPLOÏDE ET SES ESPECES PARENTALES DIPLOÏDES Introduction au chapitre PARTIE I : DIVERGENCE TRANSCRIPTOMIQUE ET EXPRESSION NON-ADDITIVE CHEZ L’ALLOPOLYPLOÏDE ET SES ESPECES PARENTALES DIPLOÏDES Article « Genomic expression dominance in the natural allopolyploid Coffea arabica is massively affected by growth temperature. New Phytologist PARTIE II : DISTANCE DU TRANSCRIPTOME DE L’ESPECE ALLOPOLYPLOÏDE PAR RAPPORT A CELLES DE SES DEUX ESPECES PARENTALES SOUS CONTRAINTES THERMIQUES INTRODUCTION RESULTATS Mesures de la distance euclidienne basée sur les variations du transcriptome des espèces en fonction des conditions de températures Détermination des unigènes communs aux trois espèces ou exclusifs en réponse au stress de chaleur Les processus biologiques impliqués dans les groupes d’unigènes communs aux trois espèces ou ‘spécifiques’ à chacune d’elle DISCUSSION et CONCLUSION CHAPITRE III : PLASTICITE DES ALLOPOLYPLOÏDES FACE A DIFFERENTS REGIME THERMIQUES : COMPARAISON ENTRE COFFEA ARABICA ET SES DEUX ESPECES PARENTALES INTRODUCTION MATERIELS ET METHODES Matériels biologiques Croissance en phytotron Analyses chimiques Analyses de qRT-PCR (Quantitative Reverse Transcriptase Polymerase Chain Reaction Analyses statistiques
Télécharger le rapport complet