RHEOLOGIE DU SANG
Généralités
La rhéologie décrit l’écoulement de tout type de matériau, en particulier des fluides, incluant leurs caractéristiques propres et celles des canaux par lesquels ils s’écoulent. Poiseuille (1841) démontre que l’écoulement volumétrique est directement proportionnel à la différence de pression le long d’un tube et à la quatrième puissance du rayon du tube soit: R = 8ηl/7πr4, si r est constant (« η » est le coefficient de viscosité). Les unités utilisées sont le Pascal-seconde (Pa·s), d’anciennes unités sont toujours utilisées, le Poiseuille (1 Pl = 1 Pa·s) ou la poise (1 Po = 0,1 Pl = 0,1 Pa·s).
Modification moléculaire de l’hémoglobine S
Le milieu intra-érythrocytaire est un fluide para- cristallin de haute viscosité. Les 270 millions de molécules d’Hb contenues dans chaque hématie sont pratiquement en contact les unes avec les autres; des forces répulsives les empêchent de polymériser. Murayama (1966) énonce les premières hypothèses concernant les bases moléculaires de la gélation de la désoxyHbS en structures fibreuses tubulaires, à l’intérieur des hématies: les molécules échangent des liaisons et forment un gel constitué de longues chaînes tactoïdes (Murayama., 1966) déformant les globules en forme de faucille. Après désoxygénation la cinétique de la gélation de HbS est en accord avec un seuil de nucléation (Behe et al. , 1978). Hofrichter et al. (1974) l’interprètent en terme de limite de nucléation, suivie de croissance rapide des microtubules. Les agrégats pré-nucléaires, cinétiquement instables, sont susceptibles de dissociation rapide, si ce n’est qu’à l’étape de formation du noyau (HN) la réversibilité est abolie et le noyau capable de soutenir une croissance rapide. Le schéma le plus simple pour produire un noyau suffisant, implique l’adjonction séquentielle de molécule d’HbS à un nombre grandissant d’ensembles de pré-nucléation (fig. 1).
H1 ↔ H2 ↔ H3 ↔ . . . . . . HN-1 → HN → Croissance
L’hémoglobine S dans les globules rouges entraîne trois conséquences:
– la diminution de la solubilité de l’Hb par réduction de la saturation en O2 entraînant la formation d’agrégats polymériques et de fibres de molécules d’HbS qui déforment et fragilisent les érythrocytes;
– les agrégats polymériques d’HbS dans les globules fixent peu ou pas d’oxygène (la diminution de l’affinité pour O2 des globules porteurs de l’HbS est aggravée par l’élévation importante de la 2,3-DPG);
– la rigidification des globules par polymérisation intracellulaire des molécules d’HbS .
Condition d’écoulement
Si les hématies s’allongent et s’effilent « en bancs de poissons » leur profil altère peu la dynamique de l’écoulement et permet aux hématies de franchir des vaisseaux de petit calibre. La viscosité en fonction de la désoxygénation présente une hystérèse dans les cycles de « gelling/ungelling » (Briehl et al., 1994). Une rhéologie anormale des drépanocytes régule le débit dans la microcirculation. La drépanocytose, par polymérisation de la désoxyHbS sous forme d’un gel extrêmement visqueux rend les érythrocytes susceptibles d’obstruer la micro vascularisation (Evans et al., 1984; Wang et al., 2002). Les ISC (« Irreversibly Sickled Cells »), rigides, tourbillonnant en tous sens, créant des rouleaux, sont très anormales sur le plan rhéologique: peu déformables, susceptibles d’adhérer à l’endothélium, surtout dans les secteurs vasculaires soumis à inflammation. Plus important que sa dimension réelle, le « volume efficace » d’une particule dépend de sa forme et de son comportement dans le courant: l’asymétrie et les oscillations augmentent le volume du milieu affecté et son influence sur la viscosité (fig. 4, 5) ;( Baskurt et al., 2003).
Hématocrite
La viscosité du sang est liée à la valeur de l’hématocrite, à la viscosité du plasma (phase portante) et aux propriétés rhéologiques des globules (99% des éléments cellulaires (fig. 6) ;( Baskurt et al., 2003). Pour un hématocrite de 25%, une diminution de la saturation en O2 de 92% à 46% augmente peu la viscosité, alors qu’à une valeur d’hématocrite de 45%, une réduction semblable de la saturation d’oxygène augmente significativement la viscosité.
Hydratation des globules
Les propriétés rhéologiques des drépanocytes déshydratés ne sont que partiellement réversibles par hydratation, suggérant des changements squelettiques membraneux permanents, impliqués dans le processus de rigidification. Néanmoins, la réduction de la concentration d’hémoglobine de cellule par leur dilatation ou la prévention de la génération de cellules déshydratées devrait améliorer leur compétence rhéologique. Clark et al. (1980) étudient la déformabilité cellulaire de populations de ISC pour conclure que la déshydratation et l’augmentation de la viscosité interne sont responsables des anomalies rhéologiques, progressives et cumulatives. La concentration d’hémoglobine cytoplasmique semble avoir un effet prépondérant. La déshydratation influence la rigidité en augmentant la concentration d’hémoglobine via un gel réversible de l’hémoglobine associé à la membrane, en augmentant sa viscosité cytoplasmique. Le risque augmenté de polymérisation dans les cellules est la conséquence du temps de transit plus long dans des zones de basse tension d’oxygène: les cellules rigides retardent ou bloquent l’écoulement capillaire (Linderkamp et al., 1982) par:
● liaison augmentée de HbS avec la membrane, aux concentrations d’hémoglobine élevées, formant un gel;
● une augmentation du « cross-link » des protéines squelettiques.
Propriété rhéologique importante, la récupération de la forme cellulaire après déformation lente (quelques minutes) évalue la tendance des cellules à maintenir une déformation permanente, plus longue que le temps de transit capillaire, qui pourrait être impliquée dans la production d’ISCs. La rhéologie anormale du drépanocyte peut changer cette distribution et, dans les cas sévères, provoquer une occlusion capillaire, quand leur déformation devient irréversible. Les contributions relatives de la membrane et du cytoplasme dans la déformabilité des drépanocytes sont mal connues.
Il est vraisemblable que la déformabilité module le taux d’admission des érythrocytes dans les capillaires et influence la perte de pression quand ils sont de calibre inférieur au diamètre de la cellule (Evans et al., 1984).
Facteurs plasmatiques
Un taux élevé de fibrine augmente la viscosité plasmatique et favorise rouleaux et agrégats cellulaires. Dans le même sens, agissent les protéines inflammatoires déséquilibrant l’électrophorèse des protéines ( Baskurt et al., 2003). A l’inverse, la diminution de l’albumine, souvent observée au cours de l’hyperviscosité, est également active, facilitant l’interaction cellulaire et les désordres ioniques au niveau des membranes des cellules.
Altération du passage vasculaire
Au niveau des capillaires, tout concourt à réaliser de mauvaises conditions rhéologiques: hématocrite élevé, PO2 basse (25 à 40 mmHg), temps de transit long, pouvant conduire à la gélation de HbS et à la falciformation en un temps extrêmement court. L’altération majeure du sang drépanocytaire est la diminution de la déformabilité des globules, par polymérisation de HbS, à ses lésions membranaires et à l’hyperviscosité liée à l’augmentation de la concentration intracellulaire des molécules d’hémoglobines polymérisées.
Modifications membranaires des globules rouges
La principale manifestation de l’atteinte membranaire par la falciformation est une déformation du globule, due à la polymérisation de l’hémoglobine, affectant la membrane mécaniquement fragilisée. Les propriétés rhéologiques qui caractérisent l’érythrocyte incluent la déformabilité de la membrane (rigidité statique) et un « recoverability factor » qui décrit le comportement anélastique après déformation, réduit pour les cellules déshydratées. Le facteur « récupération », mesure de l’étendue du comportement anélastique.
Un gel d’hémoglobine, réversible, adjacent à la membrane serait responsable du comportement anélastique. Eisinger et al (1982) ont montré que la concentration en hème dans la couche limite membraneuse était plus grande que celle à l’intérieur de cellule. Les agressions morphologiques répétées s’accompagnent d’un phénomène de vésiculation de la membrane, comparable à un vieillissement accéléré: les lésions deviennent rapidement irréversibles (la maladie est qualifiée de « maladie de la membrane érythrocytaire). Au début l’agression mécanique de la membrane des drépanocytes par les cristaux d’hémoglobine, conduit à des lésions partiellement réversibles. Les agressions morphologiques répétées vont lentement entraîner une rigidification complète et irréversible. Elle est aussi considérée comme une « maladie rhéologique ». La polymérisation de HbS dans le globule rouge induit des modifications de la membrane. La déformation physique de la cellule entraîne la libération des microvésicules (Evans et al. 1984). L’évaluation des réponses aux déformations pourrait aider à comprendre les rôles relatifs de la membrane et du cytoplasme dans la rhéologie cellulaire. La rigidité, la déformabilité cellulaire dépendent de facteurs intrinsèques et extrinsèques. Les variables importantes qui influencent les propriétés micro-rhéologiques des globules normaux et des drépanocytes sont les propriétés intrinsèques.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
Chapitre I : RHEOLOGIE DU SANG
I. Généralités
II. Modification moléculaire de l’hémoglobine S
III. Condition d’écoulement
IV. Hématocrite
V. Hydratation des globules rouges
VI. Facteurs plasmatiques
VII. Altération du passage vasculaire
VIII. Modifications membranaires des globules rouges
Chapitre II : LA DREPANOCYTOSE
I. Généralités
II. Physiopathologie
II.1. Rappels sur la structure de l’hémoglobine
II.2. Polymérisation de l’hémoglobine et falciformation
II.3. L’interaction du globule rouge SS avec l’endothélium vasculaire
II.4. La crise vaso-occlusive et ses conséquences
III. Diagnostic
III.1.Signes cliniques et les complications
III.2. Signes biologiques
IV. Traitement
IV.1. Médecine moderne
IV.2. Stratégies thérapeutiques à base d’extraits de plantes
Chapitre III : Rappel bibliographique sur Terminalia avicennioides
I. Classification scientifique
II. Etude botanique
II.1. Répartition géographique et habitat
II.2. Description de la plante
III. Composition chimique
IV. Etudes ethno-pharmacologiques et pharmacologiques
IV.1. Ethnopharmacologie
IV.2. Pharmacologie
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL EXPERIMENTAL
Chapitre I : méthodologie générale
I. Cadre d’étude ; population d’étude et objectif de l’étude
I.1. Cadre d’étude
I.2.Population d’étude
I.3. objectif de l’étude
II. Matériels et réactifs
II.1. Matériel végétal
II.2. Matériel Expérimental
II.3. Les prélèvements sanguins
II.4. Réactifs utilisés
III. Méthodes d’étude
III.1. Extraction
III.2. Mode opératoire
III.3. Mesure de la viscosité
III.4. Analyse statistique
Chapitre II : Résultats
Chapitre III. Discussion
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES