L’usage de la réalité virtuelle gagne du terrain. Les progrès technologiques majeurs de ces dix dernières années ont permis la diffusion et la démocratisation de la réalité virtuelle. Ainsi, la médecine, l’enseignement, la formation, la recherche scientifique, l’art sont autant de domaines bénéficiant d’applications en réalité virtuelle. L’industrie manufacturière n’échappe pas à la règle. Ainsi les disciplines comme le marketing, la conception, le développement, la maintenance, la communication entre les équipes sont autant d’activités qui peuvent bénéficier de l’apport des techniques de réalité virtuelle, qui prennent part au cycle de vie d’un produit.
Un des champs applicatifs dans le domaine industriel concerne la conception de produits. A l’heure actuelle, la différenciation des produits et la rapidité de développement sont devenus un critère de premier ordre pour la compétitivité sur les marchés mondiaux. Les cycles de développement ont été réduits, tout en augmentant la variété de l’offre en produits nouveaux pour s’ajuster, au mieux, aux besoins croissants des utilisateurs. Il est donc nécessaire de gagner à la fois en performance et en qualité. En outre, la conception de produits intègre davantage de fonctionnalités innovantes pour lesquelles on ne maîtrise pas forcément tous les risques de développement. Ces fonctionnalités novatrices impliquent des compétences dans des domaines de plus en plus variés (électronique, mécanique, etc…). Pour maîtriser les risques de développement, l’industrie utilise des revues d’intégration autour de prototypes, impliquant les différents acteurs de la conception. Cependant, le recours à des prototypes physiques ne répond plus aux contraintes de coût et de développement moderne de plus en plus distribués dans des services différents ou sous-traitants. L’apparition de la conception assistée par ordinateur (CAO) a offert une première réponse à cette problématique en donnant naissance aux premières maquettes numériques qui permettent de contrôler informatiquement la conception de produits. Ainsi, les maquettes numériques remplacent peu à peu les prototypes physiques au sein du processus de développement. Cependant, la maquette numérique au sein des postes de conception CAO n’autorise que peu d’interaction et n’offre pas réellement la possibilité au concepteur de percevoir la maquette dans l’espace et d’en estimer les dimensions. La maquette numérique, au sein des postes CAO, n’est donc pas adaptée à la réalisation de revue d’intégration. Ainsi, les industriels ont exprimé le besoin de mieux interagir avec la maquette numérique, ce qui a entraîné la recherche de nouvelles interfaces et le recours à l’utilisation de la réalité virtuelle pour réaliser les revues d’intégration. Cependant, actuellement, de telles revues de projet sont limitées à la visualisation et l’interaction avec une maquette statique, sans réelle possibilité de modifications. La possibilité de pouvoir tester et modifier la maquette numérique constitue une demande de la part des industriels.
Cycle de Développement d’un produit
Depuis le début des années 80, le modèle communément utilisé pour modéliser le développement d’un produit est le modèle en V. Dans ce modèle, on part des besoins des utilisateurs finaux pour aller jusqu’à la phase de fabrication, en montant en complexité croissante au niveau de la conception. Puis, après la réalisation des premières versions, on évalue et teste ce produit en allant du détail à l’ensemble .
Le modèle en V met en évidence le fait qu’il est difficile de totalement détacher la phase de conception d’un projet de sa phase de réalisation. Il montre également la nécessité d’anticiper et de préparer, dès les étapes descendantes, les objectifs des futures étapes montantes de validation : ainsi les objectifs de validation sont définis lors des spécifications, ceux des tests unitaires lors de la conception, etc.
Il s’agit d’un modèle simplifié qui permet d’avoir une vision d’ensemble du développement d’un produit. Cependant, il existe un écart entre le modèle en V et le développement effectif de produits complexes s’étalant sur de longues durées . En effet d’une part, le modèle en V se base sur une vision claire et stable des besoins fonctionnels et des solutions techniques en jeu durant le développement. Ainsi plus on va loin dans la complexité du développement, plus on s’éloigne des utilisateurs finaux et de leurs besoins qui sont sujets à évolution dans le temps . D’autre part, des retours réels liés à l’étape de conception ne surviennent qu’à l’issue de l’étape de réalisation qui intervient très tardivement dans le développement, ce qui ne permet pas d’avoir la flexibilité nécessaire pour le développement de produits sujets à des perturbations dans l’expression des besoins ou sur le plan des cohérences techniques, tels que les projets complexes. Ainsi au cours des phases d’implémentation, il est fréquent que les spécifications initiales apparaissent incomplètes, partiellement fausses ou irréalisables. Ainsi, on se rend souvent compte, au cours des phases d’implémentation, que les spécifications initiales étaient incomplètes, fausses ou irréalisables.
Il est donc nécessaire d’anticiper et d’analyser les risques de perturbations qui pourraient intervenir sur les étapes en aval afin de corriger la définition du produit avant de passer à une étape ultérieure du développement. Pour ce faire, le projet initial est découpé dès l’étape de spécifications fonctionnelles, en sous-ensembles interdépendants qui seront développés en parallèle par différentes équipes. Ces dernières travaillent de manière indépendante et peuvent se situer sur des lieux géographiques différents ou dans des entreprises sous-traitantes (Harold A. Linstone et Murray Turoff 2002). Le développement de chaque sous-ensemble est cadré dans un domaine d’évolution préalablement défini pour être en accord avec toutes les équipes intervenant sur ce produit. Cette approche est qualifiée de conception concourante « set based » (Al-Ashaab, A. et al. 2009). Cette parallélisation des tâches de conception réduit le temps de développement et fait remonter plus rapidement les éventuels problèmes rencontrés. Les solutions proposées sur chaque sous-ensemble sont régulièrement confrontées lors de phases d’intégration durant lesquelles les solutions proposées sont globalement analysées, et les interdépendances entre les sous-ensembles recadrées.
Ceci aboutit à un processus collaboratif et itératif permettant le façonnage de plus en plus complet du produit. Ce processus itératif suit alors un cycle en spirale . Ce dernier a été défini par (Boehm 1986) et présente des similitudes avec le modèle de cycle de Deming. On observe quatre étapes dans ce cycle :
1. Détermination des objectifs et des alternatives, et analyse des risques,
2. Conception en vue des objectifs et des alternatives,
3. Réalisation de la solution retenue,
4. Contrôle et validation de la solution.
Chaque cycle aboutit à la réalisation d’un ou de plusieurs prototypes ou Représentations Intermédiaires (RI) du produit, qui cherchent à répondre à un questionnement posé durant l’analyse de risques dans le but de valider ou non les hypothèses de conception sur un détail ou sur l’ensemble du produit (Kadri 2007). Les Représentations Intermédiaires sont des supports qui ponctuent le processus de conception tout au long du développement. Elles caractérisent différents niveaux de concrétisation du produit. Il peut s’agir de modèles de style, de modèles géométriques numériques, de diagrammes fonctionnels, de prototypes ou maquettes.
Cependant, dans un tel processus, répondre à un certain nombre de besoins est indispensable afin d’améliorer le cycle de développement d’un produit (Mégard et Millet 2007) :
– Dans le cadre d’un projet collaboratif, un des besoins les plus importants est d’avoir une vision commune du développement. En effet, une vision différente des besoins, d’un collaborateur à l’autre, risquerait de mener à des incohérences sur la définition du produit. Ainsi, il est nécessaire de maintenir la cohérence de l’information au sein des différents partenaires et de vérifier que tous soient dans le même état d’avancement. Cela demande la mise en place d’une communication outillée et fonctionnelle afin que chacun des intervenants ait la même information en même temps.
– De ce premier besoin découle la nécessité de réduire les temps de développement des maquettes afin que chaque intervenant puisse disposer d’un référentiel commun, support de communication, à chaque instant. Ce référentiel doit être facile d’accès, car il permet une meilleure synchronisation entre les équipes de développement.
– Avec l’apparition des produits dérivés, il faut évaluer un produit sous différentes versions. En effet, par exemple, lorsque l’on développe une voiture, on conçoit différentes variantes de la voiture : la version professionnelle, la version « conduite à gauche, etc. ». Il est donc nécessaire d’avoir un système qui permet d’évaluer facilement les différentes versions.
– Un autre besoin est la capitalisation des temps passés au développement de prototypes afin qu’ils contribuent à l’avancée de la définition du produit.
– La gestion de la confidentialité est un autre point, important, dans le développement d’un produit. Les phases de développement étant sujettes à l’espionnage industriel, les données doivent donc être sécurisées. Cependant, une gestion de confidentialité trop contraignante peut entraver le bon développement d’un produit. Cela demande donc une gestion adéquate.
On peut distinguer deux types de maquettes utilisées au sein du processus de développement d’un produit : les maquettes physiques ou Physical Mock-Up (PMU) et les maquettes numériques ou Digital Mock-Up (DMU).
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : CONTEXTE ET BESOIN
1.1. INTRODUCTION
1.2. CYCLE DE DEVELOPPEMENT D’UN PRODUIT
1.3. UTILISATION DE LA REALITE VIRTUELLE POUR LE DEVELOPPEMENT DE PRODUITS
1.4. PERSPECTIVES ET BESOINS DE LA REALITE VIRTUELLE POUR LA REVUE DE PROJET
1.4.1. Conception centrée sur l’utilisateur
1.4.2. Modifier la maquette depuis un environnement virtuel
1.5. OBJET DE CETTE THESE
1.6. CONCLUSION
CHAPITRE 2 : PROBLEMATIQUE DE LA RV-CAO
2.1. INTRODUCTION
2.2. MODELISATION CAO
2.2.1. Modélisation au travers des caractéristiques de forme
2.2.2. Modélisation de formes libres en conception
2.3. PROBLEMATIQUE DE LA MODELISATION CAO
2.3.1. Problématique liée à l’arbre de conception
2.3.2. Problématique liée à la définition géométrique
2.3.3. Problématique liée à l’interface
2.4. COUPLAGE CAO – RV
2.4.1. Différentes approches de couplage
2.4.2. Différents liens possibles
2.4.3. Classification des méthodes existantes
2.5. APPROCHE PROPOSEE POUR LA REVUE DE PROJET
2.6. CONCLUSION
CHAPITRE 3 : MODIFICATION INTERACTIVE DE FORMES
3.1. INTRODUCTION
3.2. DEFORMATIONS SPATIALES (ETAT DE L’ART)
3.2.1. Différentes topologies de contrôle
3.2.2. Combinaison de plusieurs topologies de contrôle
3.2.3. Déformations spatiales par déplacement de l’espace de déformation
3.3. CONCRETISATION DE FORMES IMAGINEES
3.4. METHODES DE MODIFICATION INTERACTIVE DE FORMES
3.4.1. Modification directe par outil
3.4.2. Modification par esquisse ou ligne caractéristique
3.4.3. Modification par points de contrôle
3.5. APPROCHE RETENUE POUR LA REVUE DE PROJET
3.5.1. Déformation proposée
3.5.2. Interaction proposée
3.6. CONCLUSION
CHAPITRE 4 : METHODE DE MODIFICATION GEOMETRIQUE D3
4.1. INTRODUCTION
4.2. PRINCIPE DE LA METHODE
4.3. MATERIEL UTILISE ET MANIPULATION DES OUTILS
4.4. SELECTION
4.4.1. Outils de sélection
4.4.2. Intégration de la sélection sur la surface
4.5. DEFORMATION
4.5.1. Suivi du mouvement de l’utilisateur
4.5.2. Calcul de la déformation
4.5.3. Optimisation du calcul de la déformation
4.6. CONTRAINTES
4.6.1. Contrainte inhibitrice
4.6.2. Contrainte réflectrice
4.7. IMPLEMENTATION
4.8. EXEMPLES D’APPLICATIONS
4.8.1. Déplacement d’éléments
4.8.2. Modification de forme
4.8.3. Modification de plusieurs pièces
4.8.4. Utilisation de pièces comme outil
4.9. CONCLUSION
CHAPITRE 5: INTEGRATION A UN SYSTEME CAO
5.1. INTRODUCTION
5.2. RECONSTRUCTION DES PARTIES DEFORMEES
5.2.1. Construction des contours de sélection
5.2.2. Construction d’armatures
5.2.3. Reconstruction des surfaces
5.3. REPRISE DES MODIFICATIONS IMMERSIVES
5.3.1. Reprise par réitération
5.3.2. Reprise par modification de features
5.3.3. Reprise de l’armature et points de passage
5.4. CONCLUSION
CHAPITRE 6 : EXPERIMENTATIONS ET EVALUATION
6.1. INTRODUCTION
6.2. LE PROTOCOLE
6.2.1. Tâche
6.2.2. Dispositif expérimental
6.2.3. Métrique de comparaison
6.3. DEROULEMENT DU TEST
6.4. TEST D’APPRENTISSAGE
6.4.1. Hypothèses
6.4.2. Formes à reproduire
6.4.3. Population
6.4.4. Résultats
6.5. TEST DE PERFORMANCE
6.5.1. Hypothèses
6.5.2. Formes à réaliser
6.5.3. Population
6.5.4. Résultats
6.6. DISCUSSION DES RESULTATS EXPERIMENTAUX
6.7 CONCLUSION
CONCLUSION
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