Les pleurésies ou épanchements liquidiens de la grande cavité pleurale sont fréquemment rencontrés dans les centres hospitaliers. Dans les pays développés, la fréquence des épanchements notamment infectieux est en nette diminution du fait d’un diagnostic précoce et d’une antibiothérapie adaptée [15]. En 50 ans leur fréquence est passée de 1/50 à 1/155 cas et leur pronostic a également été transformé favorablement [20]. Dans les pays en voie de développement où le retard diagnostique et thérapeutique reste fréquent, les pleurésies conservent une part des aspects qu’elles révélaient autrefois en Europe et aux Etats-Unis [47]. Elles ont de multiples étiologies, mais difficiles à mettre parfois en évidence comme c’est le cas de la tuberculose [11, 21, 22]. Ces étiologies varient en fonction des pays. En Occident l’une des premières étiologies est le cancer [12] et en Afrique la tuberculose [28]. Dans ces pays en voie de développement, les patients sont souvent vus à des stades de complications [29] et il faut recourir fréquemment à d’autres moyens thérapeutiques comme la chirurgie et la kinésithérapie respiratoire [6].
Embryologie
La plèvre provenant du cloisonnement du cœlome intra embryonnaire, est une membrane séreuse, et possède donc la même origine mésodermique que les autres séreuses tel que le péricarde, le péritoine et la vaginale testiculaire.
Anatomie
La plèvre est constituée de deux feuillets qui se réfléchissent au niveau du hile pulmonaire : le feuillet viscéral, en continuité directe avec le parenchyme pulmonaire, et le feuillet pariétal, qui tapisse la cavité thoracique. Ces deux feuillets glissent l’un sur l’autre au cours de la respiration, séparés par un mince film liquidien pauci cellulaire. Les deux feuillets délimitent deux cavités virtuelles indépendantes (droite et gauche) appelées cavités pleurales qui sont séparées par le médiastin.
Plèvre viscérale
Elle est mince, transparente et tapisse intimement le poumon dont elle laisse transparaître la lobulation. Elle se réfléchit en plèvre pariétale au niveau du hile. Elle tapisse les faces scissurales des lobes et les scissures, lesquelles sont parfois incomplètes à peine ébauchées ou même absentes ; les lobes sont alors réunis par des ponts parenchymateux. La plèvre viscérale est unie au parenchyme pulmonaire par une mince couche de tissu cellulaire conjonctif sous pleural qui se poursuit à l’intérieur du parenchyme en formant la trame ou l’interstitium du poumon.
Ainsi il n’existe aucun plan de clivage chirurgical entre plèvre viscérale et parenchyme [52].
Plèvre pariétale
La plèvre pariétale est très adhérente aux plans sous-jacents. Elle comporte trois segments (costal, diaphragmatique et médiastinal) qui se poursuivent l’un dans l’autre sans aucune solution de continuité et forment les culs-de-sac pleuraux. Elle tapisse presque entièrement la face endothoracique de la cavité thoracique et repose sur la paroi par l’intermédiaire du fascia endothoracique.
– La Plèvre costale :
En avant elle tapisse la paroi des cartilages costaux jusqu’au bord du sternum, et se réfléchit alors en arrière pour devenir plèvre médiastinale. Latéralement, elle recouvre la concavité costale et les espaces intercostaux. En arrière elle s’étend jusqu’aux gouttières latéro-vertébrales. En bas elle se réfléchit pour devenir plèvre diaphragmatique.
– La Plèvre diaphragmatique :
Elle est plus mince et extrêmement adhérente à la face supérieure des coupoles diaphragmatiques, qu’elle ne recouvre qu’en partie. A gauche, elle tapisse les deux tiers antéro-externes de la coupole et laisse libre la partie du diaphragme destinée à l’insertion du péricarde. A droite, elle est plus étendue et tapisse toute la partie de la coupole située en dehors d’une ligne antéropostérieure passant par le bord externe de l’orifice de la veine cave inférieure. A gauche comme à droite elle se réfléchit en dedans pour devenir plèvre médiastinale et en dehors pour devenir plèvre costale [53].
– La Plèvre médiastinale :
Elle s’étend selon une direction antéropostérieure depuis les gouttières costovertébrales en arrière jusqu’à la face postérieure du sternum en avant.
Cavité pleurale
Les plèvres viscérale et pariétale, unies au niveau du hile pulmonaire entourent la cavité pleurale fermée de toute part.
Culs-de-sac pleuraux
Ils sont au nombre de quatre :
– Le cul-de-sac costo-médiastinal antérieur ;
– Le cul-de-sac costo-médiastinal postérieur ;
– Le cul-de-sac médiastino-diaphragmatique ;
– Le cul-de-sac costo-diaphragmatique.
Vascularisation de la plèvre
La plèvre pariétale a une vascularisation artérielle systémique issue des branches des artères intercostales, diaphragmatiques et mammaires internes. Le drainage veineux se fait dans le système azygos. La plèvre viscérale est, quant à elle, vascularisée d’une part par des branches de l’artère bronchique sur ses faces médiastinales et diaphragmatiques, d’autre part par des branches des artères pulmonaires sur sa face costale. Elles drainent dans les veines pulmonaires. La circulation lymphatique pleurale est caractérisée par l’existence dans la partie déclive de la plèvre costale et à la surface de la plèvre diaphragmatique des pores mettant en communication directe les espaces lymphatiques et l’espace pleural. Au niveau pariéto-costal, le drainage se fait en avant vers la chaîne mammaire interne et en arrière vers les ganglions intercostaux. Le drainage diaphragmatique se fait vers les ganglions médiastinaux.
Les vaisseaux sous séreux, de part et d’autre du diaphragme présentent des larges anastomoses trans-diaphragmatiques. Au niveau viscéral, la plèvre se draine dans les ganglions médiastinaux.
Innervation de la plèvre
Le feuillet pariétal réflexogène est très riche en terminaisons nerveuses (branches des nerfs intercostaux, du nerf phrénique et du nerf pneumogastrique) ce qui explique la sensation douloureuse et la toux qui accompagne une pleurésie, ainsi que la nécessité d’infiltration suffisante de la plèvre en anesthésie locale lors d’un drainage transcutané. A l’inverse, le feuillet viscéral est peu sensible.
Histologie
Plèvre viscérale
Les différentes couches constitutives de la cavité pleurale vers le parenchyme pulmonaire sont :
– Une couche de tissu conjonctif sous mésothélial ;
– Un mésothélium ;
– Une couche de fibro-élastique en continuité avec les cloisons inter alvéolaires.
Plèvre pariétale
Elle comprend de la cavité pleurale vers la paroi :
– Un mésothélium ;
– Une couche sous mésothéliale ;
– Un plan fibro-élastique profond en continuité avec le périoste costal.
Physiologie
A l’état physiologique normal il existe entre les deux feuillets de la plèvre une pression négative : la pression pleurale. Cette pression n’est pas homogène, fait capital mis en évidence par Parodi dès 1933 et désormais reconnu comme essentiel en physiologie respiratoire. L’espace pleural contient normalement une très faible quantité de liquide de l’ordre de 0,1 à 0,2 ml/kg de poids. La concentration en protéines est de 15 gr/litre avec environ 1500 cellules/mm3 essentiellement des monocytes En situation physiologique, le transfert de liquide vers l’espace pleural se fait selon la loi de Starling, essentiellement à partir du feuillet pariétal vascularisé par la circulation systémique à haute pression. Les « échanges de soluté à travers une membrane semi-perméable dépendent de l’équilibre entre les pressions hydrostatiques et oncotiques de chaque coté de cette membrane »
Qv = Kf ((Pc-Pis) Ŕ (qpi Ŕ qis)) [58]
Qv = débit du liquide rapporté à la surface capillaire.
Kf = le coefficient de filtration capillaire.
Pc = la pression capillaire hydrostatique.
Pis = la pression hydrostatique dans l’espace interstitiel
(équivalent à la pression intra pleurale).
Qpi = la pression oncotique plasmatique.
Qis = la pression oncotique de l’espace interstitiel.
Modification de la pression colloïde osmotique du liquide pleural
Le liquide pleural a le même profil que le sérum avec un taux un peu plus bas d’albumine, de bêta globulines et de fibrinogène. Cette similitude a été retrouvée dans des pleurésies de causes variées, et l’électrophorèse des protéines n’est d’aucun secours pour le diagnostic étiologique d’un épanchement liquidien de la plèvre. La réabsorption du liquide pleural dépend de sa pression colloïde. Lorsque la concentration protéique du liquide atteint 40g/l, la réabsorption s’annule au niveau de la plèvre viscérale. Par ailleurs, un taux particulièrement bas de protéines dans le liquide pleural, lié à une hypo albuminémie majeure comme on peut l’observer dans un syndrome néphrotique, peut être responsable, non seulement de l’absence de réabsorption au niveau de la plèvre viscérale, mais aussi d’une filtration exagérée au niveau des deux feuillets pleuraux avec constitution d’une anasarque pleurale.
Modification de la pression hydrostatique capillaire pulmonaire
Le rôle de l’hypertension veineuse pulmonaire dans la constitution d’un épanchement pleural n’est pas franchement établi. Les effets de l’hypertension veineuse systémique et pulmonaire ont été étudiés chez le chien : l’hypertension veineuse systémique isolée s’est révélée incapable de produire une pleurésie ; seule son association avec une hypertension veineuse pulmonaire s’accompagne d’un épanchement pleural, préférentiellement de siège droit.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première Partie : RAPPELS
I. GENERALITES
1. Définition
2. Rappels
2.1. Embryologie
2.2. Anatomie
2.2.1. Plèvre viscérale
2.2.2. Plèvre pariétale
2.2.3. Cavité pleurale
2.2.4. Culs-de-sac pleuraux
2.2.5. Vascularisation de la plèvre
2.2.6. Innervation de la plèvre
2.3. Histologie
2.3.1. Plèvre viscérale
2.3.2. Plèvre pariétale
2.4. Physiologie
2.5. Physiopathologie
2.5.1. Modification du coefficient de filtration
2.5.2. Modification de la pression colloïde osmotique du liquide pleural
2.5.3. Modification de la pression hydrostatique capillaire pulmonaire
2.5.4. Modification de la réabsorption lymphatique
II. DIAGNOSTIC POSITIF
1. Circonstances de découverte
2. Clinique
2.1. Interrogatoire
2.1.1. Signes fonctionnels
2.1.2. Signes généraux
2.1.3. Examen physique
3. Signes paracliniques
3.1. Imagerie thoracique
3.1.1. Radiographie thoracique
3.1.2. Echographie thoracique
3.1.3. Scanner thoracique
3.2. Thoracentèse
3.3. Etude du liquide pleural
3.4. Biopsie pleurale à l’aveugle
3.5. Biopsie dirigée sous thoracoscopie
4. Evolution
III. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
IV. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
1. Pleurésies transsudatives
1.1. Insuffisance cardiaque gauche
1.2. Insuffisance hépatocellulaire sévère
1.3. Syndrome néphrotique
1.4. Causes idiopathiques
2. Pleurésies exsudatives
2.1. Pleurésies d’origine infectieuse
2.2. Pleurésies néoplasiques
2.3. Collagénoses
2.4. Causes d’origine sous diaphragme
2.5. Autres causes des pleurésies
3. Pleurésies chyleuses ou chylothorax
V. PRISE EN CHARGE
1. Buts
2. Moyens
2.1. Moyens médicaux
2.1.1. Antibiothérapie
2.1.2. Fibrinolyse
2.2. Moyens instrumentaux
2.3 Moyens chirurgicaux
2.3.1. Drainage pleural
2.3.2. Décortication pulmonaire
2.3.3. Autres moyens chirurgicaux
2.4. Kinésithérapie respiratoire
3. Indications
3.1. Traitement médical
3.2. Traitement chirurgical
4. Surveillance
4.1. Eléments de surveillance clinique
4.2. Eléments de surveillance radiologique
4.3. Surveillance biologique
5. Résultats-Pronostic
Deuxième Partie : NOTRE TRAVAIL
I. PATIENTS ET METHODES
1. Cadre d’étude
2. Type d’étude
3. Critères d’inclusion
4. Recueil de données
5. Paramètres étudiés
6. Saisie et analyse des données
II. RESULTATS
1. Etude descriptive
1.1. Aspects épidémiologiques
1.1.1. Répartition selon le sexe
1.1.2. Répartition selon l’âge
1.1.3. Répartition selon le statut matrimonial
1.1.4. Répartition selon la catégorie professionnelle
1.1.5. Antécédents
1.2. Signes cliniques
1.2.1. Répartition selon les signes cliniques
1.2.2. Répartition selon la localisation de la pleurésie
1.2.3. Répartition selon l’aspect macroscopique du liquide pleural
1.3. Signes paracliniques
1.3.1. Imagerie thoracique
1.3.1.1. Radiographie thoracique de face
1.3.1.2. Scanner thoracique
1.3.2. Etude du liquide pleural
1.3.2.1. Biochimie du liquide pleural
1.3.2.2. Cytologie du liquide pleural
1.3.2.3. Bactériologie du liquide pleural
1.3.3. Biopsie pleurale à l’aveugle
1.3.4. IntraDermoRéaction à la Tuberculine (IDRT)
1.3.5. Sérologie rétrovirale pour le VIH
1.4. Pathologies associées
1.5. Etiologies
1.6. Moyens diagnostiques de la tuberculose
1.7. Prise en charge
1.8. Evolution
2. Etude analytique : Particularités liées au décès
2.1. Aspects épidémiologiques
2.1.1. Répartition des patients selon le sexe et le décès
2.1.2. Répartition des patients selon les antécédents et les décès
2.1.3. Répartition des patients selon le délai diagnostique et les décès
2.2. Signes cliniques
2.2.1. Répartition des patients selon l’hémoptysie et les décès
2.2.2. Répartition des patients selon la dyspnée et les décès
2.2.3. Répartition des patients selon l’existence de douleurs thoraciques et les décès
2.2.4. Répartition des patients selon le poids médian et les décès
2.2.5. Répartition des patients selon l’existence d’AEG et les décès
2.2.6. Répartition des patients selon l’existence de fièvre, de frissons et de sueurs et les décès
2.3. Répartition des patients selon les étiologies retenues et le décès
COMMENTAIRES
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES