Modes de savoirs infirmiers

Modes de savoirs infirmiers

Le terme « savoir » se réfère ici à un ensemble de connaissances. Carper (1978 ; dans Pépin et al., 2010) a décrit quatre modes de développement et d’utilisation du savoir infirmier que Pépin et al (2010) ont ensuite définis à partir de ses travaux. Le mode empirique : il pourrait se résumer à la dimension scientifique et fait référence aux savoirs issus de la recherche, de l’observation, de l’exploration et de la description des phénomènes. Il consiste à remettre en question les interventions infirmières et à y intégrer les savoirs issus de la recherche en les conceptualisant et les structurant pour qu’elles puissent être validées. Ce savoir découle des questions « Qu’est-ce que c’est ? » et « Comment cela fonctionne-t-il ? » (Chinn & Kramer, 2008 ; dans Pépin et al., 2010). Le principe même de ce travail de Bachelor se superpose au mode de savoir empirique tel que défini ici. Nous partons d’une question issue de la pratique pour élaborer un savoir scientifique sur cette pratique.

Le mode esthétique : également appelé l’art des soins infirmiers, il renvoie aux ressources créatives de l’infirmière pour faire face à une situation ou entrer en relation avec le patient. Il découle des activités quotidiennes de l’infirmière et se réfère à la beauté d’un geste, à son adresse et à l’intensité d’une relation qui vont faire une différence pour l’autre et le transformer. Pour permettre à l’infirmière de mieux comprendre la signification des soins réalisés et de préserver ses propriétés humaines, Chinn et Kramer (2008; dans Pépin et al., 2010) lui proposent de se demander : « Qu’est-ce que cela signifie ? » et « Comment est-ce significatif ? ». L’objet de notre question de départ est justement de déterminer si l’examen clinique apporte une réelle plus-value au patient. La littérature fait émerger aussi la question de savoir si cette nouvelle compétence infirmière est en accord avec le sens de la pratique infirmière et si elle permet ou non de se rapprocher du patient, ce qui relie ce travail au savoir esthétique.

Le mode personnel : il pourrait se résumer par l’effort de compréhension de soi et de l’autre. Il prend appui sur l’expérience personnelle de l’infirmière ; difficile à quantifier, il englobe ce que l’infirmière connaît d’elle-même, tant au niveau intellectuel qu’intuitif. L’authenticité, l’ouverture, l’empathie découlent de ce mode de savoir et lui permettent d’avoir une approche plus fine et élaborée pour faire face à une situation donnée en mobilisant son propre vécu. On parle alors d’utilisation thérapeutique de soi. Chinn et Kramer (2008 ; dans Pépin et al., 2010) proposent deux questions simples à l’infirmière afin qu’elle développe sa connaissance d’elle-même et ait une pratique plus réflexive : « Est-ce que je sais ce que je fais ? » et « Est-ce que je fais ce que je sais ? ». Notre question de départ suppose également d’aller interroger ce mode de savoir personnel en lien avec l’introduction de l’examen clinique dans la pratique infirmière. Le mode éthique : aussi appelé la dimension morale, il s’appuie sur des codes, des principes, et des valeurs. Il consiste à la prise en compte de ces derniers par l’infirmière lors des situations de soins. « Est-ce juste ? », « Est-ce responsable ? », telles sont les questions qui permettent à l’infirmière de développer une réflexion sur sa pratique et sa compréhension morale des situations rencontrées. Johns (2004 ; dans Pépin et al., 2010) rajoute que c’est également en justifiant ses actes et par le dialogue d’ordre moral, qu’elle pourra acquérir ce mode de savoir. Notre question de départ conduit inévitablement à se poser des questions que l’on peut qualifier d’ordre éthique.

L’élargissement des compétences infirmières, dont fait partie l’examen clinique, pose la question des motivations à ce changement. Est-ce que l’intérêt du patient est vraiment au centre de ce changement ? Est-ce que l’examen clinique sert simplement à décharger les médecins et à réduire les coûts de la santé ou est-ce que le patient en retire bel et bien un bénéfice ? C’est une des questions-clé de notre travail, qui permet de la relier de manière évidente au mode de savoir éthique.

Revue exploratoire de la littérature

Plusieurs éléments sont ressortis de la recherche exploratoire. D’abord, la majeure partie de la littérature sur la question de l’examen clinique infirmier provient de pays anglophones tels le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, mais aussi du Japon et plus rarement de Suisse. Cette provenance de la littérature peut notamment s’expliquer par l’expérience de ces pays en matière d’examen clinique, ce dernier ayant été intégré dans le domaine infirmier plus précocement que dans la majeure partie des pays européens. L’utilisation de l’examen clinique a toujours fait partie des soins infirmiers depuis Florence Nightingale, au XIXe siècle. Auparavant, la pratique de l’examen clinique par les infirmières n’était pas basée sur un apprentissage théorique mais était essentiellement acquise sur le terrain (Reaby, 1991). De nos jours, la profession infirmière doit faire face à de nombreux changements et la pratique d’un examen clinique plus large et systématique semble être devenue nécessaire pour répondre aux besoins actuels. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois dans l’histoire de la profession que de nouvelles compétences s’ajoutent au rôle infirmier. A l’origine, la prise des paramètres vitaux relevait de la tâche du médecin. Le monitorage de la fonction cardiaque et l’administration de perfusions sont également passés du médecin à l’infirmière et ont alors changé de manière radicale le visage de la profession. Aujourd’hui, la profession infirmière doit une nouvelle fois s’adapter aux besoins du système de santé (Coombs & Morse, 2002).

Toute la littérature analysée fait ce même constat, quel que soit le pays d’origine. On observe depuis plusieurs décennies des changements à plusieurs niveaux : d’ordre démographique tels le vieillissement de la population, l’augmentation de l’espérance de vie et l’augmentation des maladies chroniques et par conséquent de l’évolution des besoins de la population, mais aussi d’ordre économique avec des contraintes et des budgets toujours plus restreints, des temps d’hospitalisation raccourcis et des problématiques d’accès aux soins. Ces facteurs ont un impact direct dans le domaine de la santé, lui aussi en changement structural avec le développement des soins à domicile, de la médecine et des nouvelles technologies et avec la diminution du nombre de médecins et de leurs heures de travail (Baid, 2006; Coombs & Morse, 2002; Duff, Gardiner, & Barnes, 2007; Lillibridge & Wilson, 1999; Wheeldon, 2005). Ce contexte est aussi réel en Suisse, comme le constate l’Association Suisse des Infirmières et Infirmiers (ASI) : « En raison de cette évolution, le besoin en prestations infirmières et médicales va augmenter tout comme leur complexité. » (SBK – ASI, 2011, p.4). Dans ce contexte global, la profession évolue et les infirmières ont l’opportunité d’occuper des positions stratégiques dans les organismes publics de santé : dans les milieux de soins hospitaliers, ou ailleurs comme dans les milieux ruraux en l’absence de médecins généralistes ou en collaboration avec ceux-ci (Cahill, 1996; Schroyen, George, Hylton, & Scobie, 2005).

Se développent également des cliniques gérées entièrement par des infirmières qui se concentrent sur la promotion de la santé et l’éducation, plutôt que le traitement de la maladie, en particulier dans le domaine des maladies chroniques, comme les thérapies contre le cancer, les soins des plaies, l’arrêt du tabac et les maladies coronariennes (Joanna Briggs Institute, 2009). Pour pouvoir occuper ces positions, les infirmières doivent étendre leurs compétences, dont l’examen clinique est une composante essentielle. Ainsi, depuis les années 1960, les infirmières aux Etats-Unis qui valident le programme d’infirmière praticienne sont formées à l’examen clinique et le pratiquent avec un haut niveau de savoir, de compétence et de fiabilité (Reaby, 1991). En Australie, l’utilisation de l’examen clinique par les infirmières a commencé à être encouragée à la fin des années 80 et encore plus récemment en Nouvelle Zélande (Reaby, 1991). Au Royaume Uni, les soins infirmiers ont été plus lents à réaliser son importance (West, 2006), tout comme en Suisse, où il a été introduit dans la formation initiale au niveau Bachelor en 2012 (Haute Ecole de Suisse Occidentale, 2012), l’évolution des besoins de santé entraînant une adaptation nécessaire des soins infirmiers (Lindpainder et al., 2009).

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Table des matières

Liste des tableaux
Liste des abréviations
Résumé
Remerciements
1. Introduction
2. Problématique
2.1. Survenue de la question de départ
2.2. Pertinence de la question de départ pour les soins infirmiers
2.2.1. Le métaparadigme infirmier
2.2.2. Modes de savoirs infirmiers
2.3. Revue exploratoire de la littérature
3. Concepts et champs disciplinaires infirmiers
3.1. Démarche de soins infirmiers
3.2. Examen clinique
3.2.1. Définition de l’examen clinique
3.2.2. Examen clinique infirmier et examen clinique médical
3.3. Pratique avancée
3.3.1. Définition et compétences de l’IPA34
3.3.2. Types de pratiques avancées
3.3.3. Examen clinique dans la pratique avancée
3.1. Cadre conceptuel : les travaux de Patricia Benner
4. Méthode
4.1. Définition de la question de recherche (méthode PICOT)
4.1.1. Le type de question
4.1.2. Population/problème
4.1.3. Intervention/Intérêt
4.1.4. Comparaison
4.1.5. Outcomes (résultats)
4.1.6. Formulation de la question de recherche
4.2. Méthode de recherche des articles
4.3. Critères de sélection des articles
5. Synthèse des résultats et discussion
5.1. Synthèse des résultats des articles
5.1.1. Examen clinique : bénéfices pour le patient et la pratique infirmière
5.1.2. Facilitateurs et obstacles à l‘utilisation de l’examen physique
5.1.3. Une frontière floue entre les différents rôles
5.2. Développement des résultats en lien avec la question PICOT
5.3. Propositions pour la pratique
5.3.1. Implications pour l’enseignement
5.3.2. Clarifier les rôles
5.3.3 Vers une réorganisation des soins
6. Conclusion
6.1. Apports du travail de Bachelor
6.2. Facteurs contraignants et facilitateurs
6.3. Limites
6.4. Perspectives pour la recherche
7. Références
8. Appendices

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