Modes de propagation d’un ligneux fourrager sahélien, Maerua Crassifolia Forsk

Dans le Sahel, le système d’élevage est de type extensif, essentiellement basé sur la l’utilisation des ressources naturelles (fourrages herbacés et aériens). Les espèces ligneuses (arbres, arbustes et arbrisseaux) jouent un rôle très important dans l’alimentation du bétail par le fourrage aérien qu’elles fournissent. Elles assurent l’essentiel des apports en azote et en éléments minéraux pendant la saison sèche (PELLEW, 1981 ; TOUNKARA, 1991). L’éleveur joue parfois le rôle d’intermédiaire entre le fourrage et l’animal en favorisant l’accès à l’animal. La connaissance des espèces fourragères permet de cerner davantage la problématique de l’alimentation dans le développement de l’élevage sahélien.

Dans l’option de satisfaire durablement les besoins des pasteurs en fourrage aérien, notre choix a porté sur un ligneux fourrager sahélien : Maerua crassifolia. Ligneux très sobre et plastique (BOUDET, 1975), Maerua crassifolia est une espèce adaptée à la fois aux conditions de sécheresse et aux sols pauvres. C’est l’espèce principale des zones arides où les pluviométries annuelles sont inférieures à 100 mm (MAYDELL von, 1983). Elle est aussi présente dans des zones semi-arides où la pluviométrie optimale nécessaire pour cette espèce se situerait entre 300 à 700 mm. Dans ces milieux, l’espèce colonise des plaines, des dépressions et des dunes sableuses, des sols limoneux ou argileux. En Afrique, l’espèce est également présente dans les parties occidentale (Burkina, Sénégal, Niger) et centrale (CURASSON, 1954 ; WHITE, 1983).

Au Sénégal, l’espèce est présente dans la zone sylvo-pastorale où elle est souvent à l’état rabougri, en raison de son appétibilité pour le bétail, particulièrement en saison sèche, lorsqu’il n’y a plus de fourrage vert. Au Niger, M. crassifolia est présente dans la région de l’Aïr, au Nord, très abondante dans la vallée de Dallol Bosso et particulièrement à la station sahélienne expérimentale de Toukounouss (Département de Filingué) où elle constitue avec Balanites aegyptiaca, les seuls ligneux fourragers en saison sèche (ACHARD et CHANONO, 1995 ; DIATTA et al., 2004). Les feuilles et les graines sont aussi utilisées dans l’alimentation humaine : cela augmente la pression subie dans ces zones. A cette forte pression, il faut ajouter l’attaque des graines par des insectes avant leur maturité, qui vient réduire considérablement voire annihiler les possibilités de régénération naturelle par voie sexuée. Une des solutions pour résoudre cette contrainte est d’explorer différentes modes de propagation. On peut citer la germination, le bouturage, le drageonnage mais aussi la micropropagation in vitro. Les premiers travaux sur le bouturage de M. crassifolia ont été entrepris par BANOIN (1992).

NOTION DE MODE DE PROPAGATION

La propagation est la multiplication des êtres vivants par voie de reproduction. Elle peut désigner aussi l’extension de l’aire occupée par une espèce (LAROUSSE, 1996). Chez les Spermaphytes, il existe deux voies de propagation :
❖ la voie sexuée ou par graines ; elle fait intervenir la graine qui, après germination, va donner naissance à un nouvel individu. Elle est source de variations génétiques.
❖ la voie végétative. La propagation par voie végétative peut être :
o naturelle (rejets, drageons, stolons)
o artificielle (bouture, marcotte et multiplication végétative in vitro). C’est l’ensemble de ces aptitudes utilisées par les plantes pour se multiplier que nous avons désignées par le vocable « Modes de propagation ».

MULTIPLICATION PAR VOIE SEXUÉE 

La première étape de cette voie est la germination. L’élément de base de ce type de multiplication est la graine. On entend par germination l’ensemble des processus qui vont du début de la réhydratation de la graine ou du fruit à la percée radiculaire des téguments de la graine (COME, 1982 ; HELLER et al., 1989). Pour qu’une graine puisse germer, il lui faut réunir un certain nombre de conditions dont la première est sa maturation (condition interne), c’est-à-dire que toutes ses parties constitutives (enveloppes séminales et son amande qui comprend l’embryon et les tissus de réserve) doivent être morphologiquement différenciées (COME, 1970 ; ROBERTS, 1972). Autrement dit, la germination correspond aux processus métaboliques que subit une graine après réhydratation et qui va l’acheminer vers le processus de croissance. La germination est caractérisée par trois éléments essentiels : une importante et intense absorption d’eau, une forte activité métabolique traduite par une reprise de l’activité respiratoire et une thermogenèse intense. En outre, c’est un processus endergonique qui consomme beaucoup d’énergie, celle-ci étant fournit sous forme de molécules d’ATP. La synthèse d’ATP résulterait du fonctionnement de la voie cytochromique qui transporte les électrons et qui fonctionnerait dés les premières minutes de l’imbibition pour augmenter la charge énergétique (HELLER et al., 2004). Cette définition de la germination ne fait cependant pas l’unanimité auprès des physiologistes et des agronomes du fait de la complexité des processus métaboliques impliqués. Toutefois il a été démontré que ce processus comprend plusieurs étapes physiologiques successives. La phase essentielle de la germination s’achève avant la croissance de la radicule et est dénommée germination stricto sensu (EVENARI, 1957). Plusieurs travaux de recherche ont permis de distinguer 3 phases essentielles dans le processus de germination (au sens large) d’une graine. Il s’agit de :
– la phase d’imbibition qui se traduit par l’absorption d’eau par la graine qui était dans un état de déshydratation maximale. La teneur en eau des graines chute de 90 à 10 % (COME, 1982). Durant la phase d’imbibition, on assiste à une entrée rapide et forte de l’eau dans la graine à cause de son potentiel hydrique très élevé (CHONG et BIBLE, 1994). Cette phase d’imbibition s’accompagne d’une élévation de l’intensité respiratoire mais elle est assez brève et ne dure que de 6 à 12 h selon les semences (HELLER et al, 1989).
– la phase de germination stricto sensu qui est caractérisée par une stabilisation de l’hydratation et de l’activité respiratoire à un niveau qui demeure élevé. Au cours de cette étape, des phénomènes métaboliques sont mis en jeu en l’occurrence l’hydrolyse des réserves de la graine. Cette activité enzymatique baisse le potentiel hydrique de l’embryon ce qui entraîne une synthèse de nouvelles substances de faible poids moléculaire. Celle-ci est aussi relativement courte, elle dure entre 12 – 48 h. Pendant cette période, la graine peut être réversiblement déshydratée et réhydratée sans endommager l’embryon à savoir sa viabilité. Cette phase s’achève avec l’émergence de la radicule hors des téguments séminaux.
– la dernière phase qui est caractérisée par une reprise de l’absorption d’eau et une élévation de la consommation d’oxygène. Elle correspond à un processus de croissance affectant d’abord la radicule puis la tigelle et est qualifiée de ce fait par certains auteurs de phase de germination visible du fait de l’élongation plus rapide de la radicule. L’apparition de la radicule, et ainsi son élongation, constitue un critère simple de définition d’une semence qui a germé. Autrement dit, c’est la visibilité de la radicule permet d’attester que la germination stricto sensu a eu lieu.

MULTIPLICATION PAR VOIE VÉGÉTATIVE 

La reproduction asexuée est un processus rapide qui elle permet la production d’un grand nombre de descendants avec une vitesse de prolifération parfois élevée par rapport à celle de la voie sexuée. Ainsi certaines plantes peuvent se reproduire par la voie végétative en émettant naturellement des drageons, des rejets, des stolons etc. Parfois elles peuvent être reproduites par l’homme grâce à des méthodes horticoles telles que le bouturage et le marcottage.

Multiplication par voie végétative naturelle 

Le drageonnement 

Le drageon est un rejet de racine. Il provient de racines superficielles. C’est l’axe végétal souterrain qui produit, à partir de bourgeons adventifs, de nouvelles pousses à quelques mètres de la plante émettrice (DA LAGE, 2000). C’est une tige naissant sur la racine déjà établie, que la racine soit dans ou hors du sol, encore connectée à la souche ou non (BELLEFONTAINE et al., 2002 ; BELLEFONTAINE et MONTEUUIS, 2002). Par drageonnage ou drageonnement, on désigne l’action de drageonner (DICTIONNAIRE HACHETTE, 2002). Cependant pour BELLEFONTAINE (2005), il y a une différence entre ces deux termes. Lorsqu’il y a une émission naturelle de drageons (phénomène naturel), on parle de drageonnement. En revanche, lorsque cette émission est induite par l’homme, on parle de drageonnage. Dans les deux cas, il s’agit de l’apparition de pousses néoformées sur des racines superficielles de l’arbre-mère à partir de bourgeons adventifs, en général entre 5 et 15 cm de profondeur. La formation de drageons est plus fréquente chez les dicotylédones que chez les monocotylédones et les drageons peuvent se situer soit à quelques centimètres de l’arbre-mère, soit à plus de 40 mètres chez Populus alba, soit encore jusqu’à plus de 80 mètres (Prunus avium, Sorbus torminalis). L’aptitude au drageonnement est variable selon les espèces. Chez certaines elle est nulle, chez d’autres elle peut être faible, moyenne ou élevée. L’âge auquel les espèces peuvent drageonner varierait selon les espèces (jeune, à un âge avancé après la dégénérescence ou plusieurs années après la mort du pied). Le drageonnage a souvent lieu sur des racines traçantes ou plus rarement, sur l’axe racinaire principal (pivot). Il semble évident que le drageonnement se produit principalement, mais pas exclusivement, lorsqu’un stress intervient. Il peut être dû à l’âge, aux feux, à la sécheresse, au froid, à l’altitude, à la latitude lorsqu’une espèce est à sa limite maximale de son aire de distribution naturelle ou si elle a été introduite dans un climat différent, à l’abattage, aux vents et cyclones, à une inondation plus ou moins longue, etc. (BELLEFONTAINE, 2005) Le drageonnement permet à la plante de coloniser ou de s’installer dans des milieux très différents, notamment là où la reproduction sexuée est compromise. Diverses conditions écopédologiques favorisent la multiplication végétative au détriment de la reproduction sexuée (notamment lorsqu’on assiste à une succession d’années sèches où toutes les conditions propices à la germination et à la croissance ultérieure des plantules ne sont pas réunies) : pentes fortes, zones inondables, zones très sèches, etc. (BELLEFONTAINE, 2005).

Les rejets 

Le rejet ou rejeton est une nouvelle pousse naissant sur la souche du tronc ou des branches de certaines espèces ligneuses ou vivaces à partir de bourgeons adventifs ou proventifs (MAROUF, 2000). Pour le rejet basal et le rejet de collet, souvent aucun traumatisme n’est nécessaire. Ils se forment spontanément. Le rejet basal se rencontre le plus souvent en forêt tropicale humide chez les monocotylédones et les dicotylédones (plantes cespiteuses, saxicoles et épiphytes). De nombreuses dicotylédones ligneuses de taille moyenne ont cependant des rejets basaux (BELLEFONTAINE, 2005). Le rejet basal est un rejet le plus souvent issu juste sous la surface ou au niveau du sol, soit d’un bourgeon axillaire au repos depuis plusieurs mois ou années, soit d’origine adventive (c’est à-dire qu’il provient de la néoformation d’un méristème) à partir des tissus de l’écorce vivante de la base d’une tige sénescente. L’affaissement de cette dernière se traduit par l’initiation d’un nouvel individu issu du marcottage par néoformation de racines adventives. Lorsque ces racines s’implantent dans le sol, une ou plusieurs tiges dressées apparaissent, issues de bourgeons axillaires des derniers nœuds ou de l’apex de la tige. BELLEFONTAINE (2005) a qualifié de « persistance végétative » (qui, selon lui n’est pas une véritable multiplication végétative) cette dynamique de remplacement et de rajeunissement des parties aériennes et souterraines d’une même plante au même endroit puisque la plante se perpétue dans le temps et non dans l’espace. Cette persistance végétative ne permet pas à la plante de conquérir directement de nouveaux espaces, sauf au moment où la première tige s’affaisse. Ce mode de croissance se retrouve sur des espèces telles que Miconia calvescens, à Tahiti par exemple. Le bourgeon qui donnera naissance au nouveau rejet basal provient d’une zone plus ou moins tubérisée, à l’aisselle d’une des pièces foliaires réduites à des cataphylles. Il s’agit en fait d’un stolon très court. La tubérisation dans les sous-bois des forêts tropicales n’entraîne pas une « multiplication végétative » effective, contrairement à ce que l’on peut observer chez des populations clonales de milieux ouverts ou de sous-bois tempérés. La répétition basale caractérise souvent les plantes poussant dans des milieux contraignants comme les pentes fortes, les sols pauvres ou hydromorphes, les savanes régulièrement incendiées, etc. En règle générale, le fait de former un stolon doit être considéré comme un comportement témoignant d’un haut niveau d’énergie, car la plante-mère poursuit sa croissance normale tout en allouant des ressources à la plante-fille. En revanche, un rejet basal apparaît lorsque la tige-mère devient sénescente et réduit sa croissance : il y alors transfert des ressources vers la plante-fille, ce transfert s’accompagnant à court terme de la disparition de la plante-mère.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE I : NOTION DE MODE DE PROPAGATION
INTRODUCTION
1.1. MULTIPLICATION PAR VOIE SEXUEE
1.2. MULTIPLICATION PAR VOIE VEGETATIVE
1.2.1. Multiplication par voie végétative naturelle
1.2.1.1. Le drageonnement
1.2.1.2. Les rejets
1.2.2. Multiplication par voie végétative artificielle
1.2.2.1. Le bouturage
1.2.2.2. Le drageonnage
1.2.2.3. Les rejets de souche
1.2.2.4. Les marcottes terrestres
1.3. RÉGÉNÉRATION NATURELLE
1.4. MULTIPLICATION VEGETATIVE IN VITRO
1.4.1. Généralités
1.4.2. Milieux de culture
1.4.3. Régulateurs de croissance
1.4.4. Enracinement
1.4.5. Acclimatation
REFERENCES
CHAPITRE II : POTENTIEL DE RÉGÉNÉRATION NATURELLE DE MAERUA CRASSIFOLIA FORSK., EN ZONE SAHÉLIENNE
INTRODUCTION
2.1. MATERIEL ET METHODES
2.1.1. La zone d’étude
2.1.2. Les méthodes utilisées
2.1.3. Evaluation de l’importance des ligneux
2.1.4. Définition des capacités de régénération des ligneux
2.2. RESULTATS
2.2.1. L’état actuel du peuplement
2.2.1.1. La structure du peuplement
2.2.1.2. Les structures démographiques de M. crassifolia
2.2.1.3. La répartition selon la grosseur
2.2.1.4. La répartition selon la hauteur
2.2.2. Les capacités de régénération
2.3. DISCUSSION – CONCLUSION
2.3.1. Hétérogénéité spatiale du peuplement
2.3.2. Renouvellement des espèces
REFERENCES
CHAPITRE III : ÉVALUATION DES POTENTIALITÉS GERMINATIVES DE MAERUA CRASSIFOLIA FORSK., CAPPARACEAE
3.1. MATERIEL ET METHODES
3.1.1. Origine des semences
3.1.2. Méthodes utilisées
3.1.3. Expression des résultats
3.2. RESULTATS
3.2.1. La viabilité des graines
3.2.2. Le temps de latence
3.2.3. La vitesse de germination
3.2.4. La durée et le taux de germination
3.2.5. Echelle de Moore et capacité germinative des graines de M. crassifolia
3.2.6. Durée de conservation et capacité germinative
3.3. DISCUSSION
3.3.1. La viabilité, l’origine et l’âge des graines
3.3.2. L’origine, l’âge et le temps de latence des graines
3.3.3. L’origine et la capacité germinative des graines
3.3.4. L’âge et la germination des graines
3.4. CONCLUSION
REFERENCES
CHAPITRE IV : POSSIBILITÉS DE BOUTURAGE CHEZ MAERUA CRASSIFOLIA FORSK., CAPPARACEAE
INTRODUCTION
4.1. MATERIEL ET METHODES
4.1.1. Présentation de Maerua crassifolia
4.1.2. Origine des boutures
4.1.3. Culture des boutures
4.1.4. Traitement des données et expression des résultats
4.2. RESULTATS
4.2.1. Caractéristiques du bouturage
4.2.1.1. Le délai de reprise ou temps de latence
4.2.1.2. La durée de reprise
4.2.1.3. La capacité de bouturage ou le taux de reprise
4.2.1.4. La vitesse de reprise
4.2.2. A la recherche de la période optimale de reprise
4.2.1. La capacité de reprise
4.2.2. La vitesse de reprise
4.3. DISCUSSION
4.4. CONCLUSION
REFERENCES
CHAPITRE V : LE DRAGEONNAGE, UNE POSSIBILITÉ DE MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE CHEZ MAERUA CRASSIFOLIA FORSK., CAPPARACEAE
CONCLUSION GÉNÉRALE

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