Modéliser les transferts couplés au sein des matériaux bio-sourcés

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Particularité de la rénovation thermique en milieu urbain

Le projet ENERPAT se focalise sur la rénovation thermique du bâti en centre urbain. Le contexte urbain du centre-ville est en effet souvent plus complexe car il cristallise des enjeux politiques, culturels, sociaux et économiques en un même lieu et donc autant d’acteurs différents. Chaque transformation ayant lieu dans le centre urbain peut donc être sujet à conflit, les intérêts des uns pouvant être contradictoires avec ceux des autres.
La Communauté d’Agglomération du Grand Cahors pilote et accompagne des opérations visant à impulser une dynamique autour de la rénovation énergétique de l’habitat. Cette mobilisation s’exprime à travers des programmes locaux de l’habitat (PLH) et des opérations programmées d’amélioration de l’habitat en collaboration avec l’ANAH.
En avril 2015, le Grand Cahors a lancé une Opération Publique d’Amélioration de l’Habitat de Renouvellement Urbain (OPAH-RU). Ce dispositif permet à des propriétaires, qu’ils soient occupants ou bailleurs, de bénéficier de subventions pour réaliser des travaux dans leurs logements. La durée de l’OPAH-RU est de 5 ans (2015-2020). Cette nouvelle OPAH-RU vise à renforcer l’attractivité du cœur de l’agglomération du Grand Cahors, à encourager le maintien ou le retour des familles en ville. Le site patrimonial remarquable profite du dispositif renforcé avec des subventions spécifiques :
– pour des travaux d’économies d’énergie dans le cadre de la démarche ENERPAT ;
– pour des travaux de fusion de petits logements afin de créer des logements familiaux ;
– pour favoriser l’accession à la propriété ;
– pour des travaux de remise sur le marché de logements vacants.
Néanmoins, le faible nombre de propriétaires occupants dans le centre ancien (Ville de Cahors 2017) et la configuration multi-propriétaires des immeubles cadurciens ne facilitent pas les démarches vers la rénovation, notamment pour des travaux sur les parties communes.

Utiliser les isolants bio-sourcés

En Europe, les laines minérales ainsi que les mousses issues de la chimie du pétrole (mousse de polyuréthanne, polystyrène expansé ou extrudé) dominent le marché (Papadopoulos 2005), les éco-matériaux ne représentant pour l’instant qu’une faible part du marché de l’isolation.
Or, le choix du matériau est une bonne base pour se diriger vers une architecture soutenable. L’éco matériau doit répondre aux critères de l’éco-conception (Cripps 2004; Peuportier 2003), c’est-à-dire:
– limiter les impacts environnementaux durant tout son cycle de vie ;
– procurer des conditions de confort aux occupants du bâtiment pendant son exploitation ;
– ne pas présenter de danger pour la santé tant pendant la phase de mise en œuvre que d’utilisation du bâtiment ;
– apporter un bénéfice économique et social.

Un matériau soutenable

Les matériaux bio-sourcés sont, par définition, des matériaux issus de la biomasse d’origine végétale ou animale et sont utilisés dans le secteur de la rénovation thermique en tant qu’isolants manufacturés ou en vrac (laines de fibres végétales, textile recyclés, etc…), sous forme d’enduits correctifs (chaux et chanvre, terre et paille) ou de panneaux.
En particulier, les matériaux issus des agro-ressources présentent de nombreux avantages en termes de soutenabilité, s’ils respectent certains critères :
– provenir de ressources locales afin de promouvoir une économie valorisant les circuits courts qui limite la production de carbone et favorise ainsi une économie locale ;
– être peu transformés ou en vrac pour réduire les étapes d’une transformation industrielle et ainsi diminuer l’empreinte carbone ;
– provenir de sorties de filières pour transformer des déchets en ressources. Parmi eux, la chènevotte par exemple, qui est la partie ligneuse de la tige du chanvre, est un rebut de l’industrie textile et représente 60% de la plante Le choix de travailler avec des sorties de filière permet d’éviter que des terres agraires soient accaparées par la culture de matériaux destinés à la construction et peut également être pour l’agriculture une opportunité de stabiliser son économie et sa production (Cripps 2004) ;
– utiliser des agro-ressources qui captent du CO2 lors de leur phase de croissance et qui sont des ressources renouvelables avec une période de croissance rapide ;
– présenter un faible impact environnemental en fin de vie, grâce au recyclage, compostage ou à la réutilisation. L’étape de fin de vie dépend en grande partie des ajouts lors de la manufacture du produit (ajout de fibres synthétiques dans de nombreux panneaux de fibres de bois).

Confort et santé

Un matériau d’isolation possède les qualités nécessaires lorsqu’il procure des conditions de confort aux occupants du bâtiment pendant son exploitation, qu’il ne présente pas de danger pour la santé tant pendant la phase de mise en œuvre que d’utilisation du bâtiment, mais également qu’il ne provoque pas de désordres au cours de son utilisation. En termes de qualité de l’air, les composants organiques volatiles (COV) font partie des polluants présents dans l’air dangereux pour la santé et qui peuvent être limités par le choix du matériau.
(Maskell et al. 2015) ont mesuré les émissions COV de plusieurs produits bio-sourcés et ont mis en avant qu’à part la laine de bois qui peut émettre sous certaines conditions, tous les matériaux testés sont classés comme peu émetteurs en termes de COV et de formaldéhydes. De plus, les matériaux bio-sourcés étant pour la majorité fortement hygroscopique, ils ont la capacité de réguler l’humidité relative présente dans l’air (Osanyintola and Simonson 2006).

Blocage de la filière

La filière des matériaux bio-sourcés a été identifiée par le Commissariat au Développement Durable comme l’une des filières vertes ayant un potentiel de développement économique élevé (MEEDDM / CGDD 2010). Or, pour le moment, il existe encore de nombreux freins à l’utilisation de solutions techniques à base de matériaux biosourcés. Différents auteurs (DHUP and CSTB 2011; Leylavergne 2012) relèvent les points suivants :
– au niveau amont de la filière, la distribution est encore peu coordonnée alors que les matériaux sont disponibles. Les quantités de matériaux bruts mobilisables à l’heure actuelle suffisent par rapport à la demande. Par exemple, sur la filière paille, l’ancienne région Midi Pyrénées produit le quart de la production nationale de blé dur et 30 à 40% de la paille non récoltée reste sur les parcelles. Le manque de structuration et l’éparpillement de la ressource sont autant d’obstacles. Pour la filière bois, c’est par exemple la multiplicité des petits propriétaires (la forêt est à 83% privée, avec plus de 300 000 propriétaires) qui rend difficile la structuration. Pourtant la ressource est disponible car on compte un accroissement naturel d’un million de mètre cube par an et seulement 20% est pour l’instant exploité (CERCAD 2015). Cela a pour conséquence qu’il est souvent plus facile d’importer des matériaux, alors que l’objectif est de travailler en filière courte ;
– un règlement et un corpus normatif difficiles à comprendre et à gérer par les entrepreneurs de la construction. Certaines règles professionnelles ont déjà été rédigées, d’autres sont en cours de rédaction, l’objectif étant de trouver un équilibre, pour que le système normatif ne vienne pas bloquer le savoir-faire empirique de l’artisan ;
– le manque de reconnaissance des matériaux bio-sourcés par les professionnels et par le public. La faible capitalisation technique des chantiers a pour conséquence le manque de réalisation pilote pour diffuser et rassurer sur les techniques à base de matériaux bio-sourcés. De plus, certaines réalisations, faites avec un manque de connaissances du professionnel (par exemple une mauvaise mise en œuvre entrainant le développement de moisissures), peuvent avoir pour conséquence une communication négative qui dessert la filière. Beaucoup de temps est souvent passé à rassurer la maîtrise d’ouvrage ;
– le manque de connaissances technique pour réellement valoriser les solutions à base de matériaux bio-sourcés, notamment sur les propriétés de durabilité et le comportement hygrothermique ;
– le déficit de formation des acteurs à tous les niveaux de qualifications.
Ces nombreux freins ne favorisent donc pas l’utilisation et l’innovation à base de matériaux bio-sourcés.
De plus, en France, l’innovation du secteur du bâtiment passe souvent par un ATEX (Avis Technique Expérimental) qui est un processus long et coûteux, le rendant souvent inaccessible aux petites entreprises et favorisant une innovation (et une commercialisation) par les grands groupes.
A cela, s’ajoute le fait que la plupart des logements sont détenus par des propriétaires bailleurs qui seront donc moins concernés par les conditions de confort du logement qu’un propriétaire occupant. Ce propriétaire bailleur, face à la lourdeur des démarches pour faire subventionner la rénovation thermique de son bien, ne cherchera souvent pas à favoriser une solution à base de matériaux bio-sourcés, la filière connaissant encore de nombreux freins. La complexité de ces rénovations rend peu propice le choix d’une innovation et amène les maîtrises d’ouvrages à choisir des solutions déjà maîtrisées dans le bâti contemporain mais malheureusement peu adaptées au bâti ancien.

Mettre en place un Living Lab pour dépasser les blocages

La multiplicité des enjeux et des acteurs, aussi bien pour la rénovation thermique d’un centre urbain en site patrimonial remarquable, que dans la filière des éco-matériaux, rend difficile l’émergence de solutions techniques à base de matériaux bio-sourcés. Même si plusieurs programmes de recherche travaillent aujourd’hui sur ces questions, fréquemment l’innovation échoue quand le milieu est d’une trop grande complexité, dû au passage difficile entre étude et milieu réel.
A cela s’ajoute des critères plus pratiques, tel que le coût financier ou la facilité de pose de l’isolant.
Le Living Lab est une méthodologie qui peut combler le fossé existant entre la recherche et la mise sur le marché dans un milieu réel et complexe (Figure 8).
Le Living Lab de Cahors cherche à valider des techniques de rénovation thermique à base de matériaux écologiques par le biais d’une expérience scientifique. Cette étude réalisée à la fois en laboratoire et dans un contexte réel vise à permettre la montée en compétence de la filière en dépassant l’un des blocages des matériaux bio-sourcés : leur faible connaissance au niveau scientifique.

Le Living Lab pour répondre à la complexité

Le Living Lab est un terme qui aurait été utilisé pour la première fois au Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui proposait alors une méthodologie de recherche non plus centrée sur l’usager mais « portée par l’usager », permettant la formulation, le prototypage et la validation de solutions complexes dans des contextes multiples et mouvants de la vie réelle (Doyon et al. 2016). L’un des piliers du Living Lab est l’expérimentation dans un environnement réel. Tester un produit ou un service en conditions réalistes d’usage et dans la durée permet de dessiner une solution technique qui sera durable et empreinte de valeur. L’autre pilier du Living Lab est le principe de co-création. Dans un Living Lab les usagers ne se limitent pas aux usagers finaux mais à une communauté d’usagers qui fait référence aux personnes en interaction avec le produit ou le service final. Cette notion inclut non seulement les usagers finaux mais aussi les usagers en amont et les usagers secondaires.
Chacun se mobilise pour participer en tant qu’individu pour mobiliser sa connaissance et sa créativité.
La méthodologie Living Lab permet également l’intervention de la recherche scientifique en dehors du cadre universitaire habituel, dans un contexte réel, permettant ainsi une meilleure communication avec les futurs usagers.
Parmi les trois piliers principaux d’un Living Lab recensé par le Livre Blanc (Dubé 2014), on compte l’expérimentation dans un environnement réel, la co-création et l’usager en tant que porteur de l’étude.

Un Living Lab dimensionné pour le projet ENERPAT

Le Living Lab mis en place à Cahors cherche à appréhender la rénovation thermique du bâti ancien  dans un territoire urbain complexe dans toutes ses dimensions en essayant de relier entre eux les acteurs qui agissent sur la ville et sa fabrication.

Trouver un écosystème réaliste à étudier

Le Living Lab comprend deux bâtiments, propriétés de la Ville de Cahors. Ces appartements ont été choisis comme étant représentatifs du bâti ancien cadurcien. Situés dans le site patrimonial remarquable, dans un îlot dense du centre ancien, ces bâtiments correspondent à la morphologie urbaine étudiée. De par leur mode constructif (pan de bois avec un remplissage de brique et mur épais de briques maçonnées) les deux bâtiments représentent les deux typologies les plus fréquentes du centre ancien. Par choix, afin de mieux comprendre les caractéristiques physiques du bâti ancien, les appartements sont vides pour s’affranchir de l’influence de l’occupant sur les performances thermiques.
Ce lieu crée un espace pour tester des systèmes de rénovation thermique en milieu réel et permet à chaque « utilisateur » d’être force de propositions dans son domaine d’expertise.
Dans le cas du Living Lab ENERPAT nous parlerons d’environnement réaliste plutôt que réel (par environnement réel, on fait référence au vrai milieu de vie de l’usager). Ici, l’occupant n’est pas présent, notamment car les mesures ont un caractère intrusif dans le milieu de vie des usagers.Le Living Lab est donc un espace physique dans un contexte réaliste où certaines conditions d’usage sont néanmoins recréées.

Une communauté d’usagers travaillant en co-création

Une communauté d’usagers est un regroupement naturel de personnes qui partagent des caractéristiques similaires face à l’usage d’un produit ou d’un service. Ces communautés peuvent regrouper des consommateurs, des citoyens, des fournisseurs, des employés, des partenaires privés ou publics selon des intérêts communs (Dubé 2014).
Parmi les acteurs du projet ENERPAT on compte :
– la Communauté d’agglomération du Grand Cahors et la Ville de Cahors qui font monter en compétence le Living Lab grâce à leur connaissance du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur du centre ancien (ensemble des règles d’urbanisme) des conditions d’éligibilité aux différentes aides lors du montage de dossier de subventions ;
– les artisans de la CAPEB du Lot, formés au patrimoine et rassemblant différents corps de métiers (maçon, menuisiers, maître enduiseur). Leur savoir-faire permet de penser une solution cohérente au niveau de la mise en œuvre et des ressources localement disponibles ;
– l’association Viviers Bois, comme filière souhaitant raviver la filière bois local ;
– le Laboratoire Matériaux et Durabilité des Constructions (LMDC) et le Laboratoire de Recherche en Architecture de Toulouse (LRA) apportant leurs compétences scientifiques sur les problématiques matériaux, études hygrothermiques du bâti et étude de la morphologie urbaine ;
– la PFT Midi Pyrénées (rassemblement de formations professionnelles techniques destinées à l’amélioration de l’habitat), qui amène son expertise sur l’instrumentation des deux bâtiments et invite les élèves, qui sont eux-mêmes de futurs acteurs de la rénovation thermique, à participer au projet.
Les différents acteurs grâce à leurs domaines d’expertise amènent des connaissances sur deux des freins souvent présents qui sont la règlementation et la faisabilité technique du projet. Cette transdisciplinarité permet un partage de l’expertise, un partage des équipements ainsi qu’un gain de temps par rapport aux étapes habituelles de recherche et de validation de solutions techniques (Claude et al. 2017).
Suite à des ateliers de co-création, une solution technique de rénovation en chaux-chanvre banché a été définie. Cette solution a été mise en œuvre par les élèves en apprentissage à la Chambre des Métiers du Lot (Figure 9). Une simulation d’occupation (période de chauffe, cycle d’humidification) et l’étude de l’évolution des propriétés physiques du bâti (conductivité des parois, régulation de la température et de l’humidité dans les pièces, évolution de la consommation énergétique) permettra d’apporter ensuite des réponses à la pertinence ou non de certaines solutions techniques.
A travers cette rénovation expérimentale, l’objectif est multiple : tester une solution technique, former des élèves lors d’un chantier utilisant des matériaux bio-sourcés en centre ancien, et également, faire interagir et se rencontrer différents acteurs de la rénovation thermique dans un cadre expérimental sans la dimension financière.
Concernant les menuiseries, une solution à base d’une essence locale, le bois de châtaigner, a été sélectionnée par l’association Viviers Bois pour la confection des châssis de fenêtre. Le bois de châtaigner ne fait pas partie du circuit habituel de bois fournis aux menuiseries industrielles ou semi-industrielles. Celles-ci travaillent usuellement avec du pin sylvestre en provenance de Russie ou des bois exotiques, les filières étant bien établies. Pour cette étude, une menuiserie semi-industrielle, avec la participation d’un menuisier artisan pour le débitage du bois au préalable, a accepté de se prêter à l’expérience et de modifier pour l’occasion sa filière d’approvisionnement. A nouveau le cadre expérimental et privilégié du Living Lab a permis de tester dans un cadre réaliste une solution innovante en respectant les règles du site patrimonial remarquable qui obligent à la mise en œuvre de menuiserie en bois (Figure 10).

La gouvernance partenariale

Au sein du Living Lab, chacun participe en tant qu’individu et mobilise sa connaissance et sa créativité (Doyon et al. 2016).
L’attachement informel des différents acteurs au Living Lab impose que chaque acteur présent trouve au-delà de l’intérêt collectif, un intérêt personnel à la démarche.
Pour les artisans de la CAPEB, ce projet représente l’opportunité de revaloriser le métier d’artisan. Par sa définition l’artisan fabrique, produit quelque chose qui n’existait pas (David 2011). Or la standardisation des produits de constructions pour répondre à des normes toujours plus contraignantes a supprimé une partie du savoir-faire de l’artisan. Le centre ancien de Cahors, comme tout le bâti classé ou sauvegardé est hors du champ d’application de la réglementation thermique, ce qui permet une expression du savoir-faire de l’artisan.
Au niveau de la recherche scientifique, l’expérimentation dans un cadre réaliste permet d’obtenir des résultats autres que ceux relevés en cellule de laboratoire ou sur une paroi expérimentale. La configuration des bâtiments entre eux ayant un impact décisif sur les consommations d’énergie (APUR 2011) et les modèles thermiques actuels ne correspondant pas au bâti ancien (DGUHC et al. 2007), il est enrichissant de travailler dans un cadre réaliste, avec un bâtiment intégré à la morphologie urbaine.

Les limites du Living Lab mis en place à Cahors

Le Living Lab tel que mis en place à Cahors présente toutefois certaines limites :
– un des premiers freins de ce « laboratoire vivant » est l’absence pour le moment de l’usager final. En effet, même si une large communauté d’usagers est présente (architecte, artisans, collectivité), l’usager final en tant que propriétaire ou occupant du bien à rénover ne participe pas clairement à l’expérience. La politique de la ville, soulignent (Bacqué and Mechmache 2013), constitue un terrain riche d’expérimentations participatives mais elle n’en demeure pas moins conduite et décidée « par le haut ». Il est difficile pour les habitants de s’approprier un projet lorsque celui-ci n’émerge pas directement des citoyens, mais d’une volonté politique « d’en haut ». De plus, il existe souvent un désintérêt du public lorsque les questions deviennent trop politiques ou trop techniques (Neveu 1999). Le Living Lab possède pourtant une structure pertinente pour vulgariser des problématiques complexes. Dans les dispositifs actuellement existants en France et ayant quasiment réussi l’ « empowerment » des citoyens on pourra citer le programme ENERTERRE (Olivier 2014), un dispositif qui s’articule autour de chantiers participatifs d’auto-réhabilitation pour lutter contre la précarité énergétique en milieu rural. Avec un montage partenarial, ce dernier a réussi à mettre l’habitant au centre du projet. Un formateur professionnel encadre les chantiers, auxquels participent le propriétaire de la maison, d’autres bénéficiaires de l’expérimentation et des bénévoles volontaires ;
– les deux parties prenantes principales du projet (communauté d’agglomération et laboratoire universitaire) sont des organisations structurées de manière hiérarchique, verticale. Or, comme le souligne (Doyon et al. 2016), la gouvernance du Living Lab est sensée gommer les cadres des organisations, chacun se mobilisant pour participer en tant qu’individu et mobilisant sa connaissance et sa créativité. Le leadership peut être mouvant et l’organisation est principalement horizontale. Ce type d’organisation est, pour les laboratoires, comme pour les institutions publiques, très loin de leur mode de fonctionnement habituel et n’en facilite pas l’appropriation ;
– la culture scientifique basée sur la pose de protocoles expérimentaux et le savoir-faire empirique de l’artisan sont très éloignés. Les différences de culture des domaines d’expertises présents rendent parfois difficiles l’avancement du projet ;
– parmi les freins on compte également l’absence d’un leadership dans l’animation de la plateforme du Living Lab. La communauté d’agglomération du Grand Cahors a initié le projet et porté le leadership dans la phase de montage du projet. Or aujourd’hui, la communauté d’agglomération ne possède plus toutes les compétences nécessaires à l’animation de ce « laboratoire vivant ». Le principe d’un leadership mouvant est approprié pour mettre en avant les compétences de chacun dans les différentes phases du projet, mais la prise de position des acteurs comme meneurs n’est pas spontanée et souvent difficile à faire émerger.
Le projet ENERPAT a été initié en 2015, le Living Lab mis en place à Cahors au cours de cette thèse en est aujourd’hui à ses débuts et ne cesse d’être modifié dans son fonctionnement, ne se voulant pas un dispositif figé, mais bel et bien « vivant ». Il a vocation à évoluer, en s’inspirant certes des recommandations d’experts, mais surtout des avis des porteurs de projet et du public, avec toute la diversité de sensibilités et de pratiques.

Influence sur les propriétés hygrothermiques

Il est fréquent que les matériaux isolants ne soient comparés entre eux qu’en fonction de leur conductivité thermique. Dans le cas des matériaux bio-sourcés, cette valeur est souvent légèrement supérieure aux isolants conventionnels tels que les laines minérales et les mousses expansées (λ~0.04 W.m-1.K-1) du fait d’une densité plus élevée. Cette dernière engendre également une capacité thermique plus élevée qui peut être valorisée dans certaines configurations de parois. Afin de valoriser les matériaux bio-sourcés, il est donc essentiel de mettre en avant les propriétés hygriques des isolants, c’est-à-dire leur capacité à stocker ou à se laisser traverser par l’humidité, sous forme vapeur ou sous forme liquide. Un système isolant peut réagir de différente manière à la vapeur d’eau, on parle alors de système perspirant ou fermé au transfert de vapeur, de même pour le transfert d’eau liquide, un isolant peut être hydrophobe ou plus ou moins capillairement actif.
Au niveau du stockage d’humidité, les matériaux bio-sourcés présentent une propriété essentielle, celle, comme d’autres matériaux hygroscopiques, de pouvoir échanger de l’humidité avec l’air environnant.
Cette propriété se traduit par l’isotherme de sorption (courbes d’adsorption et de désorption) illustrée Figure 12. Le matériau doit alors être considéré comme un ensemble de trois phases : la phase solide, la phase liquide, correspondant à la vapeur absorbée en surface du matériau et la phase gazeuse au sein des pores, où la vapeur d’eau et l’air sont à l’équilibre.
Le concept de sorption multicouche proposé par (Langmuir 1918) a largement été repris par la suite dans la littérature. Le mécanisme de fixation d’humidité se fait en trois étapes (Figure 13) :
– les molécules de vapeur d’eau sont absorbées progressivement et forment une couche simple sur la surface des pores. C’est l’absorption monomoléculaire. La liaison entre la surface et les molécules d’eau est permise grâce aux forces de Van der Waals. Le transfert en phase gazeuse est prépondérant et celui en phase liquide est alors négligé ;
– pour des humidités plus importantes, les molécules de vapeur vont être absorbées par la monocouche inférieure, on parle alors d’absorption polymoléculaire. Le transfert d’eau cohabite sous forme vapeur et sous forme liquide ;
– à des humidités relatives élevées, les multicouches se rejoignent pour former un pont liquide séparé de la phase gazeuse par un ménisque. Cette fois, l’eau est retenue à la surface des pores par les forces capillaires, entrainant un remplissage des pores les plus fins vers les plus larges. On parle de condensation capillaire.
Les courbes d’adsorption et de désorption ont des formes similaires, mais peuvent avoir des valeurs différentes : on parle alors d’hystérésis de teneur en eau, un phénomène fréquent pour les matériaux bio-sourcés. L’hystérésis est souvent expliquée par le fait qu’il est plus facile pour l’eau de rentrer dans le réseau poreux que d’en sortir du fait des forces capillaires, notamment en cas de la présence de pores en forme de bouteille d’encre.
Les matériaux composés d’agrégats végétaux sont considérés comme fortement hygroscopiques comparés à d’autres matériaux de construction (Amziane, Arnaud, and Challamel 2013). Cette particularité va influencer la majorité des propriétés hygrothermiques (Jerman and Černý 2012). Ceux-ci relèvent que la capacité thermique va évoluer en fonction de la teneur en eau, cette dernière possédant une capacité thermique massique plus élevée que l’air. Une augmentation de la teneur en eau provoque une augmentation de la conductivité thermique, l’eau étant plus conductrice que l’air (λair immobile=0.026 W.m-1.K-1 et λeau=0.6 W.m-1.K-1). (Taoukil 2013) a montré qu’à saturation la conductivité thermique du mélange chaux-chanvre était deux à trois fois supérieure à la conductivité sèche. Les propriétés hydriques telles que la perméabilité à la vapeur ou la diffusivité liquide évoluent également avec la teneur en eau.
Parmi les particularités des matériaux bio-sourcés, on peut noter que ceux-ci possèdent une perméabilité à la vapeur importante et une diffusivité hygrique qui n’existe pas dans les isolants hydrophobes type polystyrène expansé.
Ainsi, l’application de matériaux bio-sourcés comme isolant permet de garder une perméabilité de la paroi et d’agir comme un tampon hygrique (Lawrence et al. 2013). Cette capacité de tampon hygrique, en adsorbant et désorbant la vapeur d’eau présente dans l’air ambiant, régule l’humidité intérieure et améliore la sensation de confort ainsi que la qualité de l’air (Padfield 1998).
Au-delà de la capacité de régulation de l’ambiance intérieure, cette sensibilité à l’humidité est aussi souvent présentée comme une fragilité augmentant le risque de dégradation microbienne.

Sensibilité des matériaux bio-sourcés à l’humidité

Lors de l’étude à l’échelle de la paroi, la sensibilité des matériaux bio-sourcés à l’humidité implique  également une attention particulière concernant les risques d’un contact prolongé à de hautes humidités. En effet, des conditions défavorables entrainent des risques de condensation superficielle et interstitielle qui pourraient provoquer une dégradation microbienne progressive ainsi qu’une dégradation des propriétés mécaniques des tissus végétaux. Une description plus détaillée des risques de développements microbiens est donnée Chapitre 6.
Lorsque la mise en œuvre de ces matériaux nécessite un apport d’eau conséquent, leur capacité à stocker l’humidité a alors des conséquences sur le temps de séchage. Cette particularité peut générer un fort apport d’humidité dans l’air ambiant et au sein de la paroi pendant la période de séchage.

Caractérisation à l’échelle du matériau

Plusieurs auteurs soulignent la complexité d’avoir une caractérisation fiable des matériaux bio-sourcés (Latif et al. 2014; Mougel 2012). Celle-ci s’explique de par certaines particularités des isolants bio-sourcés (hétérogénéité, anisotropie, perméabilité à l’air et forte hygroscopicité), la spécificité de la structure végétale (gonflement avec l’humidité, fragilité) et l’influence de la teneur en eau sur les propriétés de transfert.
(Latif et al. 2014) relèvent que la forte hétérogénéité des mélanges chaux-chanvre se reflète dans les écarts-types élevés obtenus sur les résultats de caractérisation du matériau notamment sur la perméabilité à la vapeur rendant difficile l’obtention de valeurs permettant de définir précisément la performance hygrothermique d’un matériau. L’hétérogénéité du matériau peut découler de la mise en œuvre, par exemple, pour le béton de chanvre appliqué par projection, les premières particules projetées ont tendance à être plus compactées que les dernières (Pierre and Colinart 2004). De plus, selon la technique utilisée, une orientation privilégiée des fibres peut apparaitre dans le matériau.
L’accès à la microstructure de ces matériaux est également complexe du fait de la fragilité des cellules végétales. La mesure de la porosité par intrusion de mercure risque par exemple de dégrader et donc de modifier la structure porale. La porosimétrie au mercure est un moyen largement utilisé pour accéder à la distribution des diamètres de pores d’un milieu poreux. Le mercure est introduit progressivement dans le réseau poreux initialement vide. Le mercure étant un liquide non-mouillant au contact de la majorité des matériaux, il ne pénètre pas spontanément dans les pores sous l’action des forces capillaires et il est nécessaire d’appliquer une pression supérieure à la pression capillaire pour le forcer à pénétrer dans les pores de l’échantillon. Or, pour une composante végétale l’angle de mouillage peut être plus difficile à déterminer et de plus les traces d’eau résiduelle dans le matériau peuvent modifier l’emplacement des pics de la distribution porale. Or, un séchage à une température trop élevée risque d’endommager la structure de la particule végétale. Il est donc recommandé de ne pas dépasser 90°C pour le préconditionnement du matériau avant mesure.
De façon générale, l’étalement de la distribution porale des agrégats végétaux oblige à combiner plusieurs techniques de caractérisation pour avoir accès à toute la gamme de la porosité (Amziane, Arnaud, and Challamel 2013). A haute humidité, les cellules végétales peuvent être soumises à un gonflement, modifiant leur capacité d’absorption en augmentant la surface disponible pour l’adsorption (Latif et al. 2014).
L’importante perméabilité à l’air de certains isolants et la dépendance entre les propriétés hygrothermiques et la teneur en eau questionnent la validité de tests de caractérisation pourtant largement utilisés. (Duforestel 2015) observe que l’essai à la coupelle, qui est un essai normalisé (NF EN ISO 12572-2001), sous-estime probablement la perméabilité à la vapeur réelle des échantillons dans le cas de matériaux peu denses et très perméables à l’air. En effet ce test ne prend pas en compte la variation de la pression totale et les transferts par advection sont alors négligés (Berger et al. 2017).
Pour prendre en compte les performances hygrothermiques des matériaux bio-sourcés, il est nécessaire de considérer également leur comportement hygrothermique en régime dynamique. Le transfert de masse a un impact significatif sur le transfert de chaleur pour ces matériaux en corrélation avec les chaleurs latente et de sorption (Amziane and Collet 2017).
Or, les propriétés des matériaux sont majoritairement obtenues au travers de méthodes stationnaires. Ces méthodes ne sont pas adaptées à l’étude de l’influence de la teneur en eau sur les propriétés. Dans le cas de l’étude de la conductivité thermique, le gradient de température inhérent au test de la plaque chaude gardée crée également un gradient d’humidité au sein du matériau, mais la vitesse de migration de la vapeur n’est pas en adéquation avec la durée de l’essai (Clarke and Yaneske 2009). En réponse, des méthodes quasi stationnaires et des méthodes inverses sont actuellement développées (Rouchier et al. 2017).
Le test de la capacité de tampon hygrique (Moisture Buffer Value) est un test réalisé sous sollicitations dynamiques. Peu utilisé jusqu’alors sur les matériaux de construction courants, il se révèle une façon de valoriser le caractère hygroscopique des matériaux bio-sourcés et donc leur performance hygrothermique.

Etude à l’échelle de la paroi et du bâtiment

La majorité des tests présentés précédemment est réalisée à l’échelle du matériau. En réalité, les matériaux bio-sourcés, principalement lorsqu’ils sont utilisés pour l’isolation, sont placés au sein d’une paroi multi-couches. La combinaison de plusieurs matériaux ainsi que les différents types de sollicitations peuvent entrainer des réponses hygrothermiques différentes.
Reprenant le principe d’un système multi-couches, (Latif et al. 2015) étudie l’influence d’une couche de finition sur un mélange chaux-chanvre démontrant l’importance de celle-ci sur la capacité de tampon hygrique. Celui-ci montre que l’ajout d’une plaque de plâtre sur un mélange chaux-chanvre diminue par deux sa capacité de tampon hygrique lors du test du MBV.
L’étude à l’échelle de la paroi permet d’étudier le matériau intégré à une paroi multi-couches. En effet, l’ordre des matériaux au sein de la paroi, mais également la nature de l’interface jouent un rôle majeur dans les transferts de chaleur et de masse (De Freitas, Abrantes, and Crausse 1996). Cette échelle permet également d’étudier la réponse de la paroi soumise à des sollicitations dynamiques côté extérieur (soit contrôlées lorsque la paroi appartient à une cellule expérimentale en laboratoire, soit libres en climat réel) et côté intérieur par les charges de chauffe et d’humidité si le bâti est occupé. Dans le cas d’une étude in-situ hors du cadre d’un laboratoire, l’étude du comportement dynamique des parois représente un cas de rénovation réaliste, où les caractéristiques de la paroi (hétérogénéité, propriétés hygrothermiques des matériaux) ne sont pas connues.
Parmi les difficultés relevées pour mener une instrumentation de cette envergure, on notera la durée importante nécessaire pour obtenir des mesures de qualité ainsi que la précision des capteurs. L’humidité relative est un paramètre particulièrement difficile à mesurer avec précision, la majorité des capteurs affiche une erreur de 5% et une forte déviance dans les hautes humidités rendant difficile l’obtention de mesures de qualité.
De plus, l’accumulation d’humidité au sein de la paroi se produit sur des échelles de temps se comptant sur plusieurs années. Les relevées des teneurs en eau devraient donc s’échelonner sur 3 à 5 ans afin de valider la durabilité d’une paroi suite à une rénovation thermique.

Modéliser les transferts couplés au sein des matériaux bio-sourcés

La modélisation des transferts couplés permet d’étudier la réponse hygrothermique de parois soumises à des sollicitations dynamiques. Dans notre cas d’étude, les transferts de masse ne peuvent être négligés au vu de la sensibilité à l’humidité des différents matériaux utilisés. Les simulations permettent d’élargir l’étude grâce à la variété de cas pouvant être étudiés mais également d’évaluer la durabilité de la paroi, en réalisant, plus facilement que pour l’instrumentation in-situ, des études sur de longues périodes de temps.
Néanmoins, plusieurs éléments engendrent une complexité à modéliser les transferts hygrothermiques au sein des matériaux bio-sourcés. Face à la divergence entre les résultats expérimentaux et simulés, (Busser et al. 2016) soulignent que la caractérisation des matériaux et certaines hypothèses des simulations doivent être révisées dans le cas d’étude des agrégats végétaux.
Les modèles de transferts couplés considèrent les matériaux comme homogènes et continus, alors que certains bio-sourcés présentent une anisotropie qui ne peut pas toujours être négligée.
La complexité des transferts de chaleur et de masse, résultant de phénomènes à l’échelle microscopique, nécessite forcément des simplifications dans leur traduction en un modèle mathématique. La description des mécanismes de transfert se fait alors à l’échelle macroscopique (Luikov 1975; De Vries and Philip 1957).
La relation entre ces deux échelles se fait au travers du volume élémentaire représentatif (VER) qui est le volume minimum à prendre en considération pour que, une fois appliquée la théorie d’homogénéisation, les résultats obtenus soient représentatifs du comportement macroscopique du milieu hétérogène. Il faut choisir la taille d’un VER de façon à capturer le mouvement global du fluide, du solide, le transfert thermique et pour lisser les complexités morphologiques (Le 2010). Au vu de la forte hygroscopicité des matériaux bio-sourcés, certains paramètres doivent être adaptés et sont actuellement investigués. Parmi eux, on compte l’importance de l’hystérésis et comment la prendre en compte (Mualem 1974, Kwiatkowski, Woloszyn, and Roux 2009) ou encore l’influence de la teneur en eau sur la plupart des propriétés hygrothermiques (Dubois 2014). Au vu de la perméabilité à l’air de certains isolants, (Berger et al. 2017) remarquent que le phénomène d’advection de vapeur ne peut pas être négligé pour certains matériaux, alors que la majorité des modèles ne prennent en compte que le phénomène de diffusion de vapeur.
Au-delà de la complexité des phénomènes physiques simulés, un des freins à la simulation numérique du comportement des matériaux bio-sourcés concerne le manque de données d’entrée des propriétés hygrothermiques de ces matériaux. Si les mélanges chaux-chanvre ont par exemple été largement investigués ces dernières années, ce n’est pas le cas de nombreux agrégats végétaux (rafle de maïs, balle de riz, etc…) présentant eux aussi des caractéristiques thermo-physiques intéressantes.

Méthodologie adoptée dans le cadre de la thèse

Cet aperçu bibliographique sur les matériaux bio-sourcés soulève de nombreux verrous scientifiques et questionne quant à la fiabilité des résultats provenant aussi bien d’une caractérisation des matériaux, que d’une étude in-situ ou encore de simulations.
En effet, un écart entre les valeurs obtenues par ces différents outils est fréquemment observé. L’origine de ces écarts n’est pas véritablement connue et peut provenir de la métrologie, des protocoles de caractérisation ou des modèles hygrothermiques eux-mêmes (Woloszyn et al. 2014). Dans notre cas d’étude, à la problématique des matériaux bio-sourcés s’ajoute celle du bâti ancien, difficile à simuler de façon représentative. Le bâti ancien présente en effet les particularités suivantes : des parois hétérogènes, une forte inertie thermique, une ventilation naturelle et des matériaux dont les caractéristiques ne sont pas toujours connues et ont subi un vieillissement (Tasca Guernouti 2011). Ces particularités contribuent à la très grande variété de typologie que l’on rencontre dans le bâti ancien datant d’avant 1948. Ces typologies sont dues à la variété de techniques constructives (matériaux, assemblages), mais également à l’insertion du bâti au sein du milieu urbain (taux de mitoyenneté, densité).
Ces incertitudes aussi bien dans l’étude du bâti ancien que dans celle des matériaux bio-sourcés rendent difficile l’obtention de résultats fiables. Or, l’urgence de rénover le bâti ancien demande de mettre en place une méthodologie claire pour répondre à ces problématiques : l’isolation par l’intérieur a-t-elle des conséquences sur la durabilité de la paroi et une isolation à base de matériaux bio-sourcés constitue-t-elle une solution pertinente ?
Pour pallier à cela, nous choisissons d’allier les outils numériques, la caractérisation des matériaux et une instrumentation in-situ afin d’obtenir d’augmenter la fiabilité des résultats et ainsi, favoriser l’aide à la décision quant aux solutions de rénovation thermique.

Détermination des coefficients de transferts hydriques

Perméabilité à la vapeur d’eau

La perméabilité à la vapeur δ s’obtient en imposant un gradient de pression partielle de vapeur Δpv constant et unidirectionnel au travers d’un échantillon d’épaisseur e. Comme présenté Figure 22, chaque côté de l’échantillon est maintenu à une humidité relative différente, d’un côté grâce à une solution saline saturée et de l’autre par les conditions d’humidité créées en chambre climatique. Cette méthode est dite méthode de la coupelle et est décrite dans la norme (ISO 12572 2016). La mesure de la densité de flux de vapeur gv en régime permanent conduit à la perméabilité : ∆p δ = gv ∗ e (4) Avec δ en kg.m-1.s-1.Pa-1, Δpv en Pa, e en m et gv en kg.s-1.m-2
Les deux gradients d’humidité relative fréquemment utilisés sont dit ceux de la coupelle sèche (0% dans la coupelle/ 50% atmosphère contrôlée) et de la coupelle humide (93 % dans la coupelle/ 50 % atmosphère), le tout dans une enceinte à 23°C. Les bords de l’échantillon sont scellés afin d’obtenir un flux unidirectionnel.

Essai d’absorption d’eau par capillarité

Le test de capillarité consiste à mesurer l’absorption d’eau dans le matériau sous l’effet des forces capillaires provoquées par le contact avec l’eau liquide.
Les éprouvettes sont préalablement enduites latéralement d’une résine afin de limiter l’évaporation et de favoriser un transfert liquide unidirectionnel. Elles sont ensuite séchées, puis immergées sur quelques millimètres afin d’assurer l’alimentation capillaire par une pellicule d’eau. Le volume cumulé absorbé est alors connu par la variation de poids en fonction du temps. La cinétique évolue linéairement en fonction de la racine carrée du temps, selon la seconde loi de Fick d’après la relation suivante : =√ (5)
Avec w la masse en kg, S la surface de l’échantillon en m², Acap le coefficient d’absorption capillaire en kg.m-2.h-1/2, et t le temps en h.
Les phénomènes de transferts dépendent de la géométrie des pores. Le débit est contrôlé par la distribution de la taille des pores et leur rétrécissement. Des tailles de pores plus importantes accélèrent la cinétique d’absorption mais réduisent la remontée capillaire.
A la suite de cet essai, le coefficient d’absorption capillaire Acap ainsi que la teneur en eau capillaire (θcap) peuvent être déterminés. Selon (Scheffler 2008), θcap est défini comme la plus haute teneur en eau atteinte au cours de l’essai d’absorption capillaire. θcap correspond donc soit à la teneur en eau à 24h à la fin de l’essai d’absorption d’eau par capillarité, soit à la teneur en eau à laquelle la vitesse d’absorption dévie vers une asymptote horizontale (Figure 23). Les valeurs Acap et θcap servent par la suite de données d’entrée au logiciel de simulation hygrothermique Delphin 5 pour dimensionner la courbe de stockage d’humidité et les coefficients de transferts hygriques.

Prise en main à distance

Afin de faciliter la logistique générée par la distance de cette instrumentation in-situ, notre choix s’est porté sur des dataloggers, avec un mois et demi d’autonomie pour un pas de temps de 10min. La connexion de la centrale d’acquisition et du chauffage à un ordinateur, permet une prise en main à distance grâce à la connexion internet, facilitant le suivi de cette instrumentation.

Résultats

Etude des transferts dans la paroi

Le coefficient de transmission thermique est obtenu grâce aux mesures fluxmétriques, selon la norme (ISO 9869-1 2014), pendant les mois de chauffe du bâtiment. n ∑i=1(Tin,i−Text,i) U = ∑i=1n Qin,i (10)
Avec U la transmittance thermique (W.m-².K-1), Q le flux thermique (W/m²) et Tin , Text les températures de surface intérieure et extérieure (K)
Une étude par caméra thermique est préconisée en amont afin de situer les hétérogénéités de la paroi, souvent présente dans les maçonneries anciennes. La norme se base sur la méthode de la moyenne qui stipule qu’après un certain temps, il est possible de considérer le régime comme stationnaire, les effets de la masse thermique devenant alors négligeables. Cette hypothèse n’est valide que si les variations de chaleur stockée dans le mur sont négligeables par rapport à la chaleur traversant la paroi. Lors de mesures en conditions in-situ, les conditions aux limites (température, vent, radiation solaire) changent en permanence. Il est donc conseillé de travailler en contact direct avec la surface et non avec les températures d’air pour essayer de s’affranchir des résistances de surface (Baker 2011).
La norme préconise un minimum de trois jours de mesures, mais (Baker 2011) conseille pour les parois épaisses d’étendre cette durée à 15 jours pour obtenir des résultats plus stables et un différentiel d’au moins 10°C entre les ambiances intérieure et extérieure. La paroi nord est préférée afin d’éviter les effets du rayonnement solaire, mais cette contrainte n’est pas toujours permise selon la configuration du bâtiment. Dans notre cas, la paroi Nord est mitoyenne, nous avons donc instrumenté la façade Ouest.

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Table des matières

CHAPITRE 1 : Contexte politique, économique et social
1. Introduction
2. Rénover le bâti ancien
2.1. Du bâti ancien au bâti contemporain : un bouleversement des logiques constructives
2.2. Une réglementation thermique différente
2.3. Particularité de la rénovation en milieu urbain
3. Utiliser les isolants bio-sourcés
3.1. Un matériau soutenable
3.2. Confort et santé
3.3. Blocage de la filière
4. Mettre en place un Living Lab pour dépasser les blocages
4.1. Le Living Lab pour répondre à la complexité
4.2. Les limites du Living Lab mis en place à Cahors
5. Conclusion
6. Références
CHAPITRE 2 : Contexte scientifique et méthodologie
1. Introduction
2. Particularités physiques des matériaux bio-sourcés
2.1. Un milieu poreux
2.2. Influence sur les propriétés hygrothermiques
2.3. Sensibilité des matériaux bio-sourcés à l’humidité
3. Caractérisation à l’échelle du matériau
4. Etude à l’échelle de la paroi et du bâtiment
5. Modéliser les transferts couplés au sein des matériaux bio-sourcés
6. Méthodologie adoptée dans le cadre de la thèse
7. Conclusion
8. Références
CHAPITRE 3 : Dispositifs expérimentaux
1. Introduction
2. Caractérisation des matériaux
2.1. Composition et choix des matériaux
2.2. Propriétés microstructurales
2.3. Propriétés thermo-physiques
2.4. Propriétés hydriques
2.5. Conclusion
3. Instrumentation in-situ
3.1. Cas d’étude
3.2. Suivi à long terme
3.3. Résultats
4. Conclusion du chapitre
5. Références
CHAPITRE 4 : Influence de la morphologie urbaine
1. Introduction
2. Caractérisation de la morphologie et de la climatologie urbaine
2.1. Morphologie urbaine
2.2. Modification des conditions aux limites par le microclimat urbain
2.3. Définition d’indicateurs
3. Méthodologie associée et validation des outils numériques utilisés
3.1. Analyse en composantes principales
3.2. Association EnergyPlus-ArcGIS
4. Résultats et analyses
4.1. Etude du tissu urbain
4.2. Résultats
5. Conclusion
6. Références
CHAPITRE 5 : Transferts de chaleur et de masse
1. Introduction
2. Transferts de chaleur et de masse dans les milieux poreux
2.1. Mécanismes de transfert d’humidité et de stockage dans les matériaux poreux
2.2. Mécanismes de transfert de chaleur
3. Sélection d’un outil de simulation hygrothermique
3.1. Présentation du modèle DELPHIN 5
3.2. Validation et vérification du modèle
4. Cas d’étude: Caractéristiques des parois
4.1. Description des parois
4.2. Présentation des matériaux
4.3. Hypothèses du modèle et choix de simplification
4.4. Conditions aux limites
4.5. Configurations étudiées
5. Résultats et discussion
5.1. Comparaison des configurations [REF] et [RAD.M]
5.2. Comparaison des configurations [RAD.M] et [F.OBST]
5.3. Comparaison des configurations [WDR_ville] et [WDR_fact3]
5.4. Influence du coefficient de convection massique [COEF.M]
5.5. Comparaison de chacune des configurations pour la paroi Ouest
6. Conclusion
7. Références
CHAPITRE 6 : Durabilité de la paroi
1. Introduction
2. Croissance de moisissures et évaluation du risque
3. Choix du modèle, de l’indicateur et des paramètres
3.1. Modèle VTT
3.2. Choix des différents indicateurs
4. Résultats et analyse
4.1. Identifications des variables représentatives
4.2. Facteur de risques en fonction de l’orientation et de la typologie de la paroi
4.3. Cartographie des résultats
5. Conclusion
6. Références
CONCLUSION
Conclusions des chapitres
Perspectives de recherche

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