Modélisations analytique et statistique de l’usinage par outil coupant
Intégrité de surface
En usinage, l’intégrité de surface est décrite par un ensemble de caractéristiques géométrique et métallurgique. Pour les grandeurs géométriques, on retrouve l’état de surface et les tolérances dimensionnelles et géométriques. En ce qui concerne les grandeurs métallurgiques, on peut rencontrer la texture cristallographique, l’état de contraintes résiduelles, les modifications morphologiques des grains constituant la surface, l’analyse de phases, ainsi que la dureté et la micro-dureté. L’altération de ces grandeurs est provoquée principalement par les hautes températures et les forts gradients de température, la déformation plastique ainsi que les transformations de phase et les réactions chimiques dans la surface engendrée. La détermination des contraintes résiduelles sur des surfaces usinées et leur évolution avec les paramètres de coupe est un sujet auquel plusieurs chercheurs se sont intéressés [Liu 1982], [Brosse 2008] et [Davim 2008]. Les contraintes résiduelles sont les contraintes présentes dans une pièce libre de toutes sollicitations.
Les chargements mécaniques (pression et cisaillement) entraînent généralement des contraintes résiduelles de compression en raison d’une déformation plastique du matériau en surface et en profondeur [Mofid 1999], [Rech 2008]. D’autre part, les effets thermiques conduisent à des contraintes résiduelles de traction dues à d’importants gradients thermiques [Skalli 1991], [Chen 2000]. Dans la littérature, des études expérimentales ont été réalisées pour quantifier les effets des paramètres de coupe sur les contraintes résiduelles. M’Saoubi [M’Saoubi 1999], Rech [Rech 2003], et Dahlman [Dahlman 2004] ont montré que, d’une manière générale, l’augmentation de la vitesse de coupe entraîne une augmentation des contraintes résiduelles en surface et en profondeur. Capello [Capello 2005] a montré, que lors d’une opération de tournage, les contraintes résiduelles de surface peuvent être de traction ou de compression en fonction des conditions d’usinage (avance, vitesse de coupe, rayon de bec de l’outil, etc.) et des caractéristiques du matériau usiné. Les modifications des conditions d’usinage entraînent une variation des chargements thermomécaniques subis par la surface.
Cette variation illustre parfaitement la difficulté de prédire le signe, l’intensité et la répartition des contraintes résiduelles induites par un procédé d’usinage. Valiorgue [Valiorgue 2008] a analysé l’influence des paramètres de coupe sur la répartition des contraintes résiduelles dans un acier inoxydable austénitique 316L. Il a modélisé par une approche hybride dans laquelle les sollicitations thermomécaniques équivalentes à celle de la coupe sont directement appliquées sur la géométrie finale de la pièce usinée. Il déduit de cette modélisation l’effet de la vitesse de coupe sur la valeur en surface des contraintes résiduelles et suggère que l’avance influe plus sur la profondeur.
Puerta Velásquez [Puerta Velásquez 2007] a étudié les copeaux et l’intégrité de surface en UGV de l’alliage de titane TA6V ; il a mis en évidence l’existence d’une modification des contraintes résiduelles dans les surfaces usinées en fonction de la vitesse de coupe. De plus, le passage des contraintes de compression à des contraintes de traction se réalise à partir d’une certaine valeur de la vitesse de coupe ; à cette dernière, les contraintes en surface seraient nulles. Plusieurs auteurs [Umbrello 2004], [Ambrogio 2006], [Makhfi 2011] se sont intéressés au développement de modèles théoriques permettant de déterminer un état de contraintes résiduelles à partir des conditions de coupe fixées en utilisant la technique de prédiction par des modèles basés sur des réseaux de neurones artificiels. La détermination expérimentale des contraintes résiduelles est effectuée par la technique de la diffraction des rayons X 2
Modélisation analytique de la coupe des métaux
Devant la complexité des phénomènes engendrés lors d’un usinage par outil coupant, de nombreux auteurs ont contribué à la modélisation analytique de la coupe des métaux. Ces études ont débuté vers 1896 avec les travaux de Zvorykin ; le chronogramme qui suit donne une idée sur les modélisations analytiques et numériques développées [Laheurte 2004]. Figure 2.1 : Chronogramme de la modélisation de la coupe des métaux. En 1945, Merchant [Merchant 1945] a développé un modèle 2D purement mécanique basé sur l’équilibre des efforts de coupe appliqués pour une coupe orthogonale avec une arête de coupe supposée parfaite (sans arrondi) et dont sa face en dépouille n’est pas en contact avec le matériau usiné. La profondeur de passe étant choisie grande vis-à-vis de l’avance pour avoir une situation de déformations planes (2D).
On se place aussi dans des conditions où le processus est stationnaire. Le modèle est basé sur l’hypothèse d’un changement brusque de la vitesse d’écoulement du matériau usiné qui engendre la formation du copeau par un simple cisaillement le long d’une ligne droite partant de la pointe de l’outil et inclinée d’un angle appelé angle de cisaillement par rapport à la direction de la vitesse de coupe. L’interface outil-copeau est le siège d’un frottement de Coulomb. Aussi, le modèle développé par Merchant s’appuie sur un comportement plastique parfait du matériau à usiner caractérisé donc par la seule donnée de la contrainte maximale de cisaillement admissible. En 1951, Lee et Shaffer [Lee 1951] ont développé un modèle purement mécanique en utilisant la méthode des lignes de glissement avec la même hypothèse que le matériau usiné est parfaitement plastique.
À noter que la méthode des lignes de glissement est une méthode de résolution des problèmes de plasticité qui est bien adaptée au cas des déformations planes et de plasticité sans écrouissage. Elle consiste à construire, dans les régions où le critère de plasticité est atteint et tout en respectant les conditions aux limites en contraintes, un réseau de lignes orthogonales le long desquelles la contrainte de cisaillement est égale à sa valeur maximale admissible. L’interface outil-copeau est le siège d’un frottement de Tresca. Toujours en utilisant la méthode des lignes de glissement, Kudo (1965) et plus tard Dewhurst (1978) ont tenu compte dans leurs analyses de la courbure du copeau. Au début des années 80, l’équipe d’Oxley propose une modélisation thermomécanique du procédé de la coupe orthogonale. Il utilise un comportement thermo-viscoplastique pour le matériau usiné et considère à la fois les zones de cisaillement primaire et secondaire en supposant un contact collant et glissant à l’interface outil-copeau. Le comportement thermique est pris en compte à partir des travaux de Boothroyd (1963) et des résultats numériques des travaux de Tay et al. (1974).
À la suite des travaux d’Oxley, un modèle de la bande primaire de cisaillement plus complexe de la coupe orthogonale a été proposé par Molinari et Dudzinski (1992), Dudzinski et Molinari (1997), puis Moufski et al. (1998). Il s’avère que face à la complexité du processus de la formation du copeau, des phénomènes prioritaires doivent être dégagés pour modéliser correctement la coupe. De plus, l’avènement de l’usinage à grande vitesse a relancé l’intérêt de développer des outils prédictifs adaptés aux conditions sévères d’usinage. Nous allons maintenant évoquer les échelles d’observation et d’analyse du phénomène de la coupe. À noter que la recherche bibliographique met en exergue des échelles d’observation du phénomène de la coupe. Il s’agit d’un niveau de détails suivant lequel on se place pour observer la coupe. À chacune de ces échelles vont correspondre des méthodes de modélisation et des contextes expérimentaux différents.
Bref historique sur les Réseaux de Neurones Artificiels
Le cerveau humain est considéré comme le siège de l’intelligence, de la créativité, de l’émotivité, de la conscience et de la mémoire. Très tôt l’homme s’est intéressé à cet organe complexe ; en Egypte, au temps des pharaons, les médecins prêtaient une attention particulière au cerveau. Depuis, de nombreux chercheurs ont essayé de connaître le secret de son principe de fonctionnement. Le connexionnisme est le thème technologique relatif à cette recherche. Les premières recherches dans le domaine du connexionnisme remontent à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle dans des activités pluridisciplinaires telles que la physique, la psychologie et la neurophysiologie par des scientifiques tels Hermann Von Helmholtz, Ernst Mach et Ivan Pavlov [Parizeau 2006] ; à cette époque, il s’agissait de théories plutôt générales. La notion de Réseaux de Neurones Artificiels (RNA) est apparue en 1943 suite au concept du neurone formel présenté par les neurologues W. McCulloch et W. Pitts [McCulloch 1943], qui est une abstraction du neurone physiologique capable de réaliser des fonctions logiques.
La difficulté réside dans la modélisation de la principale qualité humaine ; à savoir : la faculté d’apprentissage. En 1949, le neuropsychologue D. Hebb [Hebb 1949] propose une règle d’apprentissage dans son ouvrage intitulé : « The organization of behavior: when an axon of cell A is near enough to excite a cell B and repeatedly or persistently takes part in firing it, some growth process or metabolic changes takes place in one or both cells such that A’s efficiency as one of the cells firing B, is increased ». Cette règle renforce la connexion entre deux neurones si ces derniers sont actifs simultanément. En 1958, F. Rosenblatt [Rosenblatt 1958] développe le modèle du Perceptron ; c’est un réseau de neurones inspiré du système visuel de l’être humain. Il s’agit d’une structure à deux couches, une d’entrée et une de sortie. Le Perceptron constitue le premier réseau artificiel capable d’apprendre à partir d’exemples. La règle d’apprentissage utilisée se base sur un ajustement itératif des poids.
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Table des matières
Notation
Liste des figures
Liste des tableaux
Introduction générale
Chapitre 1 : Présentation de l’usinage par outil coupant
Introduction
1.1 Présentation de l’usinage par outil coupant
1.2 Processus de tournage
1.2.1 Paramètres de coupe en tournage
1.2.2 Paramètres géométriques et conditions d’utilisation de l’outil de coupe
1.2.3 Grandeurs associées à la coupe
1.2.3.1 Effort de coupe
1.2.3.2 Aspect thermique
1.2.3.3 Intégrité de surface
1.3 Formation du copeau
1.4 Usinage à Grande Vitesse
Chapitre 2 : Modélisations analytique et statistique de l’usinage par outil coupant
Introduction
2.1 Modélisation analytique de la coupe des métaux
2.2 Echelles d’observation et d’analyse du phénomène de la coupe
2.2.1 Observation à l’échelle microscopique
2.2.2 Observation à l’échelle mésoscopique
2.2.3 Observation à l’échelle macroscopique
2.3 Modélisation analytique thermomécanique d’Oxley
2.3.1 Analyse du cisaillement primaire
2.3.2 Analyse du cisaillement secondaire
2.3.3 Détermination des inconnues du modèle d’Oxley
2.3.4 Points forts et faibles du modèle d’Oxley
2.4 Simulation et amélioration du modèle d’Oxley
2.4.1 Zone de cisaillement primaire
2.4.2 Zone de cisaillement secondaire
2.5 Modélisation statistique de la coupe
2.5.1 Analyse descriptive et graphique des données
2.5.2 Régression Linéaire Multiple
2.5.3 Résultats de prédiction de l’effort de coupe par RLM
2.5.4 Résultats de prédiction des contraintes résiduelles par RLM
Chapitre 3 : Réseaux de Neurones Artificiels et leurs applications
Introduction
3.1 Bref historique sur les Réseaux de Neurones Artificiels
3.2 Modélisation d’un neurone artificiel
3.3 Structure des Réseaux de Neurones Artificiels
3.3.1 Réseau de neurones statique
3.3.2 Réseau de neurones dynamique
3.4 Apprentissage des Réseaux de Neurones Artificiels
3.4.1 Types d’apprentissage
3.4.2 Règles d’apprentissage
3.5 Conception d’un Réseau de Neurones Artificiels
3.6 Domaines d’application des Réseaux de Neurones Artificiels
Chapitre 4 : Développement de RNA pour la prédiction de l’effort de coupe et des contraintes résiduelles en tournage dur
Introduction
4.1 Développement d’un Réseau de Neurones Artificiels pour la prédiction de l’effort de coupe en tournage dur
4.1.1 Approche expérimentale
4.1.1.1 Procédé d’usinage
4.1.1.2 Matériau usiné
4.1.1.3 Choix de l’outil de coupe
4.1.1.4 Mesure des efforts de coupe et morphologie des copeaux
4.1.2 Conception du Réseau de Neurones Artificiels
4.1.2.1 Choix et préparation des données
4.1.2.2 Structure du RNA élaboré
4.1.3 Résultats de prédiction de l’effort de coupe par le RNA élaboré
4.2 Développement d’un Réseau de Neurones Artificiels pour la prédiction des contraintes résiduelles en tournage dur
4.2.1 Conception du Réseau de Neurones Artificiels
4.2.1.1 Préparation de la base de données
4.2.1.2 Choix du nombre de neurones cachés
4.2.2 Résultats de prédiction des contraintes résiduelles par RNA élaboré
4.3 Confrontation des résultats
4.3.1 Confrontation des résultats de prédiction des composantes de l’effort de coupe
4.3.2 Confrontation des résultats de prédiction des contraintes résiduelles
Conclusion générale
Références bibliographiques
Annexe 1
Annexe 2
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