Dans l’emballage alimentaire, de nombreuses structures (brique de lait, opercule de pot de yaourt, emballage souple, boîte boisson …) sont élaborées en déposant un film polymère sur un substrat (métal, papier, carton ou tissu) . Le rôle du film polymère est multiple et diffère selon les applications. Par exemple, dans le cas spécifique des boîtes boissons, les films polymères thermoplastiques ont tendance à remplacer les vernis déposés sur les feuilles d’aluminium ou d’acier destinées à l’emboutissage. L’usage de ces thermoplastiques permet de garantir une sécurité alimentaire conforme aux exigences de plus en plus draconiennes dans ce domaine. Pour d’autres applications, ce sont les propriétés barrières qui sont particulièrement appréciées.
Deux procédés majeurs permettent d’élaborer ces structures: le colaminage et l’extrusion couchage. Développée depuis les années 50, l’extrusion couchage est un procédé qui permet l’enduction, de manière continue, d’un film polymère fondu sur un substrat. Le développement très important de cette technique tient à différents facteurs comme la productivité élevée (vitesse de ligne jusqu’à 600 m/min), et l’absence de solvant. La solution ancienne consistait à tremper la feuille dans un polymère en solution, puis d’extraire le solvant, ce qui posait des problèmes d’environnement.
Ce procédé permet aussi une grande liberté en termes de matériaux, de géométries (films fins ou épais), et les propriétés finales sont intéressantes (bonne scellabilité, résistance mécanique, propriétés optiques ou barrières…). De plus, depuis le développement de la coextrusion, les industriels peuvent combiner différents matériaux pour obtenir les propriétés souhaitées: résistance mécanique, propriétés barrières (gaz, humidité, corrosion)…
Procédé d’extrusion couchage
Une ligne d’extrusion couchage est constituée de divers éléments en fonction des structures élaborées. Dans sa configuration classique, elle est composée des éléments suivants :
– un ensemble dévideur de bobine (par exemple, pour la feuille d’aluminium…),
– une unité pour traiter le substrat avant l’entrée dans le laminateur (chauffe, traitement corona): le but de cette étape est de renforcer les propriétés adhésives du substrat afin d’améliorer l’adhésion de la feuille polymère sur le substrat,
– une ligne d’extrusion de films polymères alimentée par plusieurs extrudeuses indépendantes,
– un laminateur pour coucher le film polymère sur le substrat, composé d’un rouleur presseur (pressure roll) et d’un rouleau thermorégulé (chill roll),
– un ensemble de rembobinage automatique.
Modélisation du procédé : un enjeu complexe
La modélisation de l’extrusion couchage est complexe compte tenu des nombreuses étapes au cours du procédé. Un film polymère est extrudé à travers une filière plate et étiré sur une certaine distance avant d’être couché sur une feuille d’aluminium. La structure multicouches ainsi formée est ensuite refroidie dans l’air et sur des rouleaux de refroidissement (chill-rolls). Les enjeux du modèle peuvent se résumer de la manière suivante :
• Lors de l’étirage, le film se déforme et un équilibre mécanique s’établit entre le rétrécissement et l’amincissement du film selon sa température. De plus, l’amincissement gouverne la diminution de température au cours de l’étirage. Il est donc nécessaire d’établir un couplage rhéologie-thermique pour prédire la géométrie finale du film et le champ de température.
• La cristallisation du film a lieu après l’étape d’étirage compte tenu des conditions du procédé. Elle dépend de l’histoire thermomécanique (principalement du taux d’élongation).
• La structure se refroidit au contact de divers « milieux environnants » comme l’air ou les rouleaux de refroidissement. Le chemin thermique est donc complexe car il faut définir et fixer un nombre important de conditions aux limites.
Il est expérimentalement avéré que la géométrie du film n’est plus modifiée lorsque le film polymère est couché sur la feuille d’aluminium. Le modèle peut donc se décomposer en deux parties distinctes :
• Un modèle thermomécanique pour modéliser l’étape d’étirage du film dans l’air. Ce modèle est identique à ceux utilisés en cast film,
• Un modèle thermique pour modéliser le refroidissement de la structure multicouches. Celui-ci doit tenir compte de la cristallisation du polymère, qui dépend du gradient thermique et des conditions d’étirage dans l’air. De même, un soin attentif doit être apporté à la définition des conditions aux limites : contacts avec des rouleaux successifs et refroidissement de la structure dans l’air.
Simulation de l’étape d’étirage
Généralités sur l’étape d’étirage
La première étape est similaire au procédé d’extrusion de film à plat ou « cast film». Ce procédé est l’une des principales techniques de mise en oeuvre des thermoplastiques pour fabriquer des films ou des feuilles épaisses. Au cours de cette étape, le polymère à l’état fondu est extrudé à travers une filière plate, puis étiré dans l’air avant d’être refroidi sur des rouleaux thermostatés ou « chill rolls ».
Lors de l’étape d’étirage, deux problèmes principaux limitent la productivité : la stabilité du procédé et les défauts géométriques. En effet, des instabilités d’étirage ou « draw resonance » apparaissent au delà d’une certaine vitesse d’appel et se manifestent par des fluctuations périodiques de la géométrie du film (épaisseur, largeur) . Dans certains cas critiques, la nappe polymère peut même se déchirer.
Le second problème limitant est l’aspect final du film. Celui-ci connaît, d’une part, un rétrécissement de sa largeur, phénomène communément appelé « necking ou neck-in», et d’autre part une décroissance inhomogène de son épaisseur . En effet, une surépaisseur aux extrémités du film se forme au cours de l’étirage, créant ainsi un défaut appelé familièrement « os de chien » («dog bone» ou «edge bead » en anglais).
Origine des défauts
En raison de la différence de vitesse entre la sortie de la filière (U0) et le rouleau de refroidissement (Uf), le polymère subit un écoulement élongationnel qui se traduit par une réduction d’épaisseur e(x,y) et une diminution de la largeur L(x). Si la réduction d’épaisseur dans la direction d’étirage est une des conséquences de la différence des vitesses (U0 et Uf), l’apparition des surépaisseurs sur les bords est moins facile à expliquer. Une des premières études sur l’origine de ces défauts a été réalisée par Dobroth et Erwin [3]. Ils démontrent que la cause principale est la différence d’état de contraintes entre le centre et les bords du film. En effet, une analyse simple de l’état des contraintes lors de l’écoulement montre que les extrémités du film s’allongent en contraintes planes alors que le centre du film s’allonge en déformation plane.
Modélisation thermomécanique de l’étape d’étirage
Les deux premiers paragraphes ont révélé la complexité du comportement du film lors de l’étape d’étirage. Pour modéliser cette étape correctement, il faut tenir compte à la fois du comportement rhéologique du polymère et du caractère anisotherme du procédé. L’objectif de la modélisation est de comprendre l’impact des paramètres du procédé, de la thermique et de la rhéologie sur les défauts géométriques et les instabilités [2, 13, 14]. D’un point de vue pratique, le procédé peut être optimisé plus rapidement, notamment en choisissant les bonnes conditions opératoires par simulation pour diminuer les défauts géométriques.
Dans ce paragraphe, nous présenterons rapidement les différents modèles de cast film, en expliquant leurs avantages et leurs limites. Pour plus de détails, on se reportera à la très bonne revue bibliographique réalisée par Silagy [2]. La première description mathématique du procédé d’extrusion de film à plat a été effectuée par Pearson et al. [15], travaux ensuite repris par Sergent et al [16-17]. Ces deux auteurs considèrent le polymère comme newtonien, le procédé comme isotherme et les différentes variables (épaisseur, largeur…) sont exprimées en fonction de la distance d’étirage. Par la suite, ce modèle a été amélioré en introduisant des hypothèses moins restrictives :
• loi rhéologique plus réaliste comme des lois viscoélastiques [1,13],
• prise en compte de la thermique dans le cas d’un comportement newtonien [18-19] puis viscoélastique .
Cependant, ces modèles 1D ne permettent pas de prédire les phénomènes d’os de chien. De nombreux auteurs ont alors développé des modèles 2D plus réalistes, d’abord dans le cas newtonien [22] puis dans le cas viscoélastique [13,23]. Ces modèles ont été ensuite améliorés en introduisant un couplage thermique (Smith et Stolle [24-25] et Sollogoub [9]) afin de simuler des conditions de procédé très anisothermes. Un modèle 3D a été aussi développé par Sakaki et al. [26], mais malheureusement il ne tient pas compte du couplage thermique.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : Modélisation thermomécanique du procédé d’extrusion couchage
1.1 Modélisation du procédé : un enjeu complexe
1.2 Simulation de l’étape d’étirage
1.2.1 Généralités sur l’étape d’étirage
1.2.1.1 Origine des défauts
1.2.1.2 Refroidissement au cours de l’étirage
1.2.1.3 Modélisation thermomécanique de l’étape d’étirage
1.2.1.4 Conclusions
1.2.2 Choix des modèles
1.2.2.1 Modèle 1D newtonien non-isotherme
1.2.2.2 Modèle 2D newtonien non-isotherme
1.2.3 Confrontation avec les expériences
1.2.3.1 Prédiction de la géométrie finale du film
1.2.3.2 Evaluation du champ de température après étirage
1.2.4 Conclusion
1.3 Simulation de l’étape de refroidissement
1.3.1 Etude bibliographique
1.3.1.1 Prise en compte de la cristallisation en mise en œuvre des polymères
1.3.1.2 Prise en compte de la cristallisation en cast film
1.3.1.3 Effet de l’histoire thermomécanique sur la cristallisation
1.3.1.4 Conclusions
1.3.2 Résolution de l’équation de la chaleur dans le cas d’un système multicouches
1.3.2.1 Conditions aux limites
1.3.2.2 Discrétisation du problème
1.3.2.3 Méthode de résolution
1.3.3 Modélisation de la cristallisation
1.3.3.1 Loi simple de cristallisation
1.3.3.2 Loi de cristallisation selon le formalisme d’Ozawa
1.3.3.3 Conséquences sur un cas réel
1.3.4 Validation du modèle
1.3.4.1 Cas du refroidissement d’une plaque
1.3.4.2 Calcul d’une température d’interface. Cas de 2 milieux semi-infinis
1.3.4.3 Application à un cas réel
1.4 Conclusion
Références Bibliographiques
Chapitre 2 : Propriétés des matériaux et caractérisation des structures multicouches
2.1 Présentation des matériaux de l’étude
2.2 Caractérisation rhéologique des polymères
2.2.1 Détermination des courbes maîtresses
2.2.2 Détermination des temps de relaxation moyens
2.2.3 Détermination des spectres des temps de relaxation
2.2.4 Conclusion
2.3 Cristallisation
2.3.1 Etude bibliographique
2.3.1.1 Théories des cinétiques globales de cristallisation
2.3.1.2 Détermination expérimentale de la cinétique globale de cristallisation
2.3.1.3 Prise en compte de l’histoire thermomécanique
2.3.1.3 Conclusion
2.3.2 Application aux matériaux de l’étude
2.3.2.1 Mesures DSC
2.3.2.2 Détermination des cinétiques de cristallisation
2.3.3 Pertinence des lois de cristallisation
2.3.4 Conclusion
2.4 Caractérisation de la microstructure des films polymères
2.4.1 Détermination des structures cristallines par diffraction des rayons X
2.4.2 Observation de la structure des films par microscopie optique
2.4.3 Impact de l’étirage du film dans l’air sur l’orientation des films
2.5 Conclusion
Références bibliographiques
Chapitre 3 : Caractérisation de l’adhésion dans les structures polypropylène /aluminium
3.1 Adhésion entre un film polymère et un substrat métallique
3.1.1 Effets des traitements de surface
3.1.2 Greffages de fonctions polaires sur une chaîne polymère
3.1.3 Conclusion
3.2 Adhésion dans le cas spécifique PP greffé / métal
3.2.1 Réaction chimique à l’interface
3.2.1.1 Modèles : réactions avec l’anhydride maléique (AM)
3.2.1.2 Réaction avec un polymère fonctionnalisé (AM)
3.2.1.3 Conclusion
3.2.2 Identification des liaisons formées à l’interface
3.2.3. Paramètres influençant la réaction
3.2.3.1 Effet de la température sur la cinétique de réaction
3.2.3.2 Effet de la présence de molécules d’eau
3.2.4 Conclusion
3.3 Caractérisation de l’adhésion
3.3.1 Etat de l’art
3.3.2 Mesures de l’adhérence
3.4 Mesure de la densité de liaisons à l’interface par XPS
3.4.1 Théorie générale
3.4.1.1 Mesures de l’épaisseur des couches
3.4.1.2 Calcul de la densité de liaisons
3.4.2 Protocole expérimental
3.4.2.1 Préparation des échantillons
3.4.2.2 Acquisition des spectres XPS
3.4.3.3 Epaisseur de la couche d’oxyde
3.5 Application au système polymère greffé / aluminium
3.5.1 Validation du protocole de mesure
3.5.1.1 Choix des conditions opératoires
3.5.1.2 Premières conclusions
3.5.2 Réaction secondaire au cours des dissolutions
3.5.2.1 Effet de la concentration des chaînes greffées
3.5.2.2 Impact de la densité initiale de liaisons formées à l’interface
3.5.2.3 Conclusion
3.5.3 Application aux structures multicouches
3.5.3.1 Cas du liant commercial
3.5.3.2 Cas des liants modèles
3.6 Conclusion
Références bibliographiques
Conclusion générale