Protocoles de synthèse de NPs métalliques
Dans ce contexte, les synthèses impliquant une étape de réduction d’un précurseur inorganique en vue de la formation de NPs métalliques ont été privilégiées. Les processus chimiques mis en jeu, en particulier lors de la réduction du précurseur métallique, sont encore mal compris à ce jour. Dans le cadre de cette thèse plusieurs protocoles de synthèse, présentant un nombre important de points commun mais conduisant à des observations différentes, ont suscité notre intérêt. Ces protocoles présentent peu d’éléments introduits en début de synthèse ce qui réduit le nombre de réactions annexes possibles. En particulier, un point clé est l’absence de réducteur « fort » en solution permettant de réduire le complexe précurseur. Ces synthèses consistent donc essentiellement à introduire un complexe précurseur en présence de solvant et parfois d’un ligand de surface. Elles sont également réalisées à des températures élevées. Les images TEM des synthèses a. et b. sont tirées de la référence [4], les images c. et d. sont tirées des références [5] et [6] et l’image TEM de la synthèse e. est tirée de la référence [7]. Dans le cas des protocoles de synthèse de NPs de Cobalt et de Nickel, le ligand est directement coordiné au centre métallique afin de former un complexe précurseur. Les NPs obtenues sont des nanosphères de Cobalt et des nanobâtonnets de Nickel [8] (synthèses a. et b., Figure 1.1). Dans le cas de la synthèse de NPs de Cuivre sphériques à partir des sels CuBr, les ligands trioctylphosphine (TOP) sont ajoutés en cours de réaction [5, 9] (synthèse c., Figure 1.1). Dans ce travail, un changement de couleur du milieu réactionnel est observé avant l’ajout du ligand TOP suggérant que la réduction a déjà eu lieu. Ye et coll. ont quant à eux rapporté la synthèse de nanofilaments de Cuivre en l’absence de ligand. Le protocole e., développé par Carenco et coll., consiste quant à lui à faire réagir le complexe Cu(acac)2 dans l’Oleylamine jusqu’à une température élevée (i.e. 250°C pendant 2h) [7, 10]. Les NPs obtenues sont des sphères présentant une forte polydispersité en taille.
Le Modèle de LaMer
La TNC n’a, en revanche, pas pu être appliquée aux synthèses de NPs puisqu’elle échoue dans la description et la prédiction de la taille de ces dernières [23]. Des années plus tard, LaMer propose une évolution de la TNC avec le concept de nucléation instantanée [24, 25]. Dans ce modèle, les nucléi se forment simultanément en solution pendant une phase de nucléation homogène et instantanée. L’hypothèse sous-jacente est que la nucléation est l’étape la moins cinétiquement et thermodynamiquement déterminante. Ainsi, ce modèle peut être illustré par le diagramme de LaMer qui décrit l’évolution de la concentration en monomère au cours du temps (Figure 1.4). Le monomère correspond à l’unité élémentaire constitutive d’un nucléus formé lors de la nucléation.
Apports de la chimie théorique
L’étude des différentes étapes d’une synthèse de NPs par des outils de chimie théorique permet d’accéder à des informations clés, difficilement accessibles par des méthodes d’analyses expérimentales. Même si les méthodes de spectroscopies femtoscondes ont permis la caractérisation d’espèces en cours de réaction [29], très peu d’informations restent accessibles rendant ainsi les études mécanistiques particulièrement difficiles. La principale méthode permettant de déterminer la structure tridimensionnelle d’un composé implique une cristallisation de la solution (diffraction aux rayons X). Cette analyse est donc réalisée dans des conditions assez éloignées de celles de la réaction et ne fournit pas d’informations concernant les espèces formées à haute température. Malgré la multiplication des méthodes de spectroscopie in situ, les informations partielles obtenues sur l’environnement des atomes restent partielles. La chimie quantique reste donc l’outil de choix pour la description structurale, électronique et énergétique des espèces instables et donc des mécanismes réactionnels. En outre, elle ouvre la voie à de nombreux outils interprétatifs permettant une analyse plus complète de ces derniers. Dans le cas de métaux de transition, il est notamment possible de déterminer théoriquement l’état d’oxydation du métal et de localiser la densité électronique au sein d’espèces mono- et polymétalliques [30, 31]. Le développement d’outils topologiques a également permis une meilleure compréhension des interactions métal-ligand et métal-métal [32]. Un des avantages de la chimie théorique est notamment qu’elle permet un contrôle de la stoechiométrie, la position des atomes, la charge et l’état de spin du système étudié. Des réactions d’oxydo-réduction impliquant des complexes inorganiques ou la formation de clusters métalliques ont déjà été, séparément, largement étudiées d’un point de vue théorique. Ces études seront reportées plus en détails dans le cas de clusters de Cobalt et de Cuivre dans les parties suivantes. En revanche, peu de ces études se positionnent dans le contexte de la synthèse de NPs métalliques.
Représentation des électrons de coeur et pseudopotentiel
Dans la méthode choisie, les électrons de coeur des centres métalliques sont traités implicitement pour deux raisons majeures :
1. Ces électrons, n’étant pas directement impliqués dans les réactions d’oxydo-réduction ou dans les liaisons inter-atomiques, ils ne sont pas déterminants pour représenter la réactivité des centres métalliques.
2. Pour les systèmes métalliques, ces électrons sont présents en grand nombre et les traiter explicitement à travers un calcul dit « tout électron » conduit à un sur-coût du temps de calcul non négligeable.
Dans le cas d’un métal, les électrons de coeur présentent une forte énergie cinétique et doivent donc être décrit dans un cadre relativiste. L’utilisation d’un pseudo-potentiel spécifique permet de résoudre une partie du problème en prenant partiellement en compte les effets relativistes. L’utilisation d’un pseudo-potentiel conduit ainsi à traiter séparément les électrons de valence des électrons de coeur, en gelant ces derniers. Le potentiel coulombien des noyaux est donc remplacé afin de décrire les interactions noyauélectrons de coeur avec un nombre de fonctions de bases réduites. Au-delà d’un certain rayon de coupure rcut, la pseudo-fonction d’onde et le pseudopotentiel sont respectivement égaux à la fonction d’onde et au potentiel tout électron. Il est ainsi possible de distinguer des pseudopotentiels dits « petit-coeur » ou « grand-coeur » en fonction du rayon de coupure qu’ils présentent. Le pseudopotentiel utilisé dans le cadre de cette thèse a été développé par Dolg et coll.[37] et est communément appelé SDD (en référence au groupe de Stuttgart-Dresden de l’Université de Cologne). Il présente l’avantage de pouvoir être utilisé dans une version dite « petit coeur » et d’inclure une partie des effets relativistes (i.e. effets relativistes scalaires) pour décrire les électrons de coeur. En effet, il a été montré que pour des métaux de transition et des halogènes (à partir de la troisième période), les effets relativistes doivent être pris en compte afin de reproduire les énergies d’ionisation observées expérimentalement [37]. La séparation de traitement des électrons de coeur et de valence est donnée dans le cas des atomes de Cobalt et de Cuivre qui seront étudiés dans la suite de ce travail (Tableau 2.1). La base de fonctions gaussiennes associée à ce pseudopotentiel est utilisée pour décrire les atomes métalliques. Une fonction de polarisation est également ajoutée en accord avec la base utilisée pour le groupe principal qui est aussi polarisée.
Énergies de liaison et erreur de superposition de base
Concernant l’évaluation de l’énergie de liaison, plusieurs études ont rapporté que les fonctionnelles GGA pouvaient conduire à des résultats plus proches des mesures expérimentales [49, 50]. Cependant, une bonne évaluation de l’énergie de liaison est particulièrement difficile en chimie quantique. A titre d’exemple, lors d’une réaction de dimérisation la superposition des bases décrivant les monomères dans le dimère conduit à un niveau de description différent des réactifs et du produit. Le dimère présente alors une base artificiellement augmentée par la superposition de fonctions de base [51]. Concernant l’énergie de liaison hydrogène entre deux molécules d’eau, cette erreur peut déjà représenter presque 20% de l’énergie d’interaction totale (en DFT) [51]. En conclusion et comme le démontre la publication de Cramer et coll., il est assez difficile de faire ressortir une tendance générale concernant les performances des différentes fonctionnelles et méthodes puisqu’elles sont hautement dépendantes des systèmes et des propriétés étudiées [52]. Concernant la bonne description d’un certain nombre de paramètres d’intérêt dans l’étude de métaux de transition, il ressort cependant que les fonctionnelles hybrides sont les plus adaptées. Dans le cadre de cette thèse, la fonctionnelle hybride B3PW91 sera le plus souvent utilisée.
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Table des matières
I Introduction et Considérations méthodologiques
1 Contexte expérimental et théorique
1.1 Contexte expérimental
1.1.1 Introduction
1.1.2 Protocoles de synthèse de NPs métalliques
1.1.3 Dénominateurs communs des synthèses d’intérêt
1.2 Contexte théorique
1.2.1 Les modèles physiques de la nucléation
1.2.2 Apports et défis de la chimie théorique
2 Modélisation quantique et métal de transition
2.1 Le choix de la méthode
2.1.1 Représentation des orbitales et des électrons de coeur
2.1.2 Le choix de la fonctionnelle
2.2 Exemple d’application : le complexe CoCl(PH3)3
2.3 Systèmes d’intérêt et degré d’oxydation
2.3.1 Présentation des systèmes
2.3.2 Méthodes d’analyse des populations
2.3.3 Exemple d’application : Analyse de population du Cobalt
2.4 Conclusion
3 Environnement proche et lointain du métal
3.1 Représentation complète des ligands
3.1.1 Les interactions inter et intra-moléculaires
3.1.2 Introduction à la mécanique moléculaire MM
3.1.3 Théorie simplifiée d’une méthode hybride QM/MM
3.1.4 Inclusion des forces de dispersion : DFT-D
3.1.5 Exemple d’application : les Cobalt cationiques
3.1.6 Coordination d’une phosphine à un centre métallique Co(0)
3.1.7 Échange de ligands
3.2 Représentation des effets de solvatation
3.2.1 Représentation d’un solvant implicite : PCM
3.2.2 Exemple d’application : réaction acido-basique avec le solvant
3.2.3 Pourquoi la représentation de l’entropie est problématique ?
3.3 Conclusion
II Dismutation du précurseur de Co(I) en présence d’Oleylamine
4 Dismutation des complexes de Cobalt
4.1 Introduction
4.1.1 Contexte expérimental
4.1.2 L’hypothèse moléculaire dans la synthèse de NPs du Cobalt
4.2 Dismutation en présence de ligands phosphine
4.2.1 Structures électroniques des complexes de Cobalt
4.2.2 Complexes haut spin et bas spin
4.2.3 Équation bilan de dismutation
4.3 Le rôle de l’Oleylamine : approche thermodynamique
4.3.1 Structures électroniques des complexes de Cobalt
4.3.2 Sphères de coordination des complexes
4.3.3 Coordination via la fonction alcène centrale
4.3.4 Résumé des résultats sur la substitution et géométries des minima
4.3.5 Bilan de réaction de dismutation
4.3.6 Analyse des populations appliquées aux complexes de Cobalt
4.4 La nucléation : Approche thermodynamique
4.4.1 Modélisation de la nucléation
4.4.2 Évaluation de l’énergie de nucléation
4.5 Conclusion et discussion
5 Dimères de Cobalt
5.1 Introduction
5.2 État de l’art sur des dimères de Cobalt
5.2.1 Généralités
5.2.2 Dimères de Cobalt à valence non mixte
5.2.3 Dimères à valence mixte et transfert de charge
5.3 Structures électroniques des dimères de Cobalt
5.3.1 Structures théoriques
5.3.2 Caractérisation de la structure électronique d’un dimère
5.4 Dimères de Cobalt coordinés à un seul type de ligand
5.4.1 Dimères impliquant uniquement des ligands phosphine
5.4.2 Dimères impliquant uniquement des ligands amine
5.4.3 Influence d’un solvant implicite sur les géométries optimisées et les énergies relatives
5.4.4 Analyse topologique de l’interaction Co-Cl au sein des dimères
5.5 Dimères de Cobalt présentant des ligands phosphine et amine
5.5.1 Structures électroniques et géométries d’un sous ensemble
5.5.2 Echange de densité de spin métal-ligand
5.5.3 Approfondissement méthodologique
5.5.4 Analyse de la liaison Co-Co
5.6 Conclusion
6 Vers un mécanisme
6.1 Structures électroniques des dimères : généralisation
6.2 Mécanisme de dismutation
6.2.1 Profil énergétique du dimère I au dimère VI
6.2.2 Influence d’un PCM et de la fonctionnelle
6.3 Conclusion générale et discussion
III Voies de réduction pour la synthèse de NPs de Cuivre
7 La dismutation du sel CuCl dans l’Oleylamine
7.0.1 Introduction
7.1 Les complexes de Cuivre impliqués dans la dismutation
7.1.1 Structure électronique du Cuivre
7.1.2 Analyse des populations
7.1.3 Équation bilan de dismutation des complexes de Cuivre
7.2 Dismutation et espèces polynucléaires
7.2.1 Arguments pour l’implication d’espèces polynucléaires
7.2.2 Formation de dimères Cu(0)-Cu(0) : Bilan thermodynamique
7.2.3 Espèces partiellement réduites et structures électroniques
7.3 Vers des nucléi de plus grande taille
7.3.1 Clusters de Cuivre Cun sans ligand
7.3.2 Clusters de Cuivre CunLm
7.3.3 Dismutation et formation de clusters Cu6(L)4
7.4 Conclusion
8 Voie de réduction par l’Oleylamine
8.1 Introduction
8.2 Mécanisme de la réduction
8.2.1 Mécanisme proposé dans la littérature
8.2.2 Le complexe précurseur
8.2.3 Profile thermodynamique et cinétique de la réduction
8.2.4 Analyse des populations du complexe de Cu(0)
8.2.5 Bilan thermodynamique et prise en compte des effets de solvant
8.3 Mécanisme de réduction incluant des espèces polymétalliques
8.3.1 Formation de liaisons Cu-Cu
8.3.2 Mécanisme dans un dimère de Cuivre
8.3.3 Mécanisme dans un dimère de Cuivre
8.3.4 Structure électronique du dimère produit
8.3.5 Géométries optimisées et structures électroniques des dimères II.b singulet et triplet
8.3.6 Deuxième réduction du dimère II.b
8.4 Conclusion et discussion autour du Cu(I)
9 Conclusion générale et perspectives
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