Modélisation Physique des Écoulements Turbulents Gaz-Particules

La nature a de tout temps offert à nos yeux une diversité incommensurable de manifestations d’écoulements fluides. Comme rien n’y est jamais « pur », tout écoulement est par nature multiphasique. Lorsque l’intérêt est porté sur la phase fluide les « impuretés » sont généralement négligées et seul le fluide porteur est pris en considération. Il existe néanmoins de nombreux écoulements naturels où le comportement des « impuretés » devient une information importante. Les processus naturels de sédimentation (que ce soit à l’échelle humaine pour la modification d’un lit de rivière ou bien à l’échelle planétaire pour la captation de CO2 par la sédimentation océanique) ou de dispersion (que ce soit de fumées dans l’atmosphère ou de plancton dans les océans) sont ainsi des exemples dephénomènes pour lesquels le comportement de la phase particulaire est d’importance au moins égale au comportement de la phase fluide. Le génie humain (ou industriel) a de plus engendré de nouvelles applications des écoulements multiphasiques qui sont aujourd’hui étudiées dans un but d’amélioration des rendements (par exemple concernant le transport/combustion d’hydrocarbures ou le génie chimique) et/ou de réduction de l’impact des procédés sur le milieu naturel (traitement des eaux, dispersion de polluants. . . ).

Les échelles macroscopiques associées à ces écoulements varient donc sur plusieurs ordres de grandeurs, du centimètre de la chambre de combustion ou du tuyau extracteur de chaleur d’une centrale nucléaire aux centaines ou milliers de mètres de la formation des nuages ou du développement des avalanches. Les phénomènes physiques prépondérants dans certains écoulements multiphasiques (et a fortiori diphasiques) ne le sont donc pas nécessairement dans d’autres configurations. A cette multitude d’échelles macroscopiques viennent de plus se greffer les échelles propres à un écoulement diphasique. La transition vers la turbulence en ce qui concerne l’écoulement fluide entraîne ainsi l’apparition d’une cascade d’échelles qui s’étend sur plusieurs ordres de grandeurs. La réponse de la phase particulaire à cette sollicitation engendre elle aussi l’apparition de nouvelles échelles caractéristiques dans l’écoulement, tant et si bien qu’une superposition de plusieurs échelles caractéristiques est à l’origine du comportement de l’écoulement. Ces échelles évoluent de plus, dans les écoulements inhomogènes, en fonction de la zone de l’écoulement observée. Par exemple dans un canal turbulent l’écoulement évolue de très peu agité dans les zones proches des parois à très agité au centre du canal. Les échelles caractéristiques de l’écoulement peuvent donc elles-mêmes évoluer de manière significative à l’intérieur du même écoulement.

Les inhomogénéités des échelles caractéristiques posent des problèmes ardus de modélisation de l’écoulement. La plupart des phénomènes physiques sont en effet modélisés très efficacement dans une gamme d’échelles caractéristiques mais ces modélisations peuvent s’avérer insuffisantes pour d’autres gammes d’échelles et donc d’autres zones de l’écoulement. Les modélisations (ou représentations) des phénomènes physiques sont en effet issues d’un compromis entre leur complexité et leur efficacité. L’évolution spatiale des échelles caractéristiques peut être telle dans les écoulements qu’un modèle adapté à une zone de l’écoulement peut échouer à rendre compte de la physique dans d’autres zones. L’évolution des caractéristiques de la turbulence dans un canal en est un bon exemple car les phénomènes physiques prépondérants au comportement de l’écoulement ne sont pas identiques aux parois ou au centre du canal.

La modélisation des écoulements à phase dispersée fait usuellement appel à deux principaux formalismes de modélisation. La phase fluide est pratiquement exclusivement traitée dans une approche continue, c’està-dire par une description macroscopique. Les descriptions microscopique (de type Boltzmann) ou mésoscopique (de type Pope) sont en effet écartées pour des raisons d’efficacité, les équations de Navier-Stokes (qui décrivent le comportement du fluide par une approche continue) présentant un accord remarquable avec les expériences. Les deux formalismes de description des écoulements diphasiques se distinguent donc par le traitement de la phase particulaire. Les approches Euler-Lagrange (ou lagrangiennes en omettant le Euler relatif à la description fluide) se proposent donc de décrire les particules au niveau discret (ou microscopique) tandis que les approches Euler-Euler (ou eulériennes) décrivent elles la phase particulaire de manière continue (ou macroscopique).

Approches lagrangiennes déterministes 

Les approches lagrangiennes modélisent les interactions entre la phase particulaire et la phase fluide directement au niveau de la particule. Chaque particule est ainsi suivie le long de sa trajectoire par un bilan des forces s’exerçant sur elle. La modélisation intervient donc au niveau de la spécification des forces s’exerçant sur une particule plongée dans un écoulement fluide, et éventuellement des collisions possibles avec d’autres particules. Ces approches permettent donc d’obtenir l’information au niveau microscopique (on parle de niveau microscopique en référence à la théorie cinétique des gaz) puisque le vecteur d’état de chaque particule est connu. L’information macroscopique (comme la densité de particules, la vitesse moyenne ou l’agitation) est accessible par des processus simples de moyennes (temporelles ou spatiales) de l’état microscopique. Des paramètres plus fins tels que les corrélations spatiales en deux points sont aussi accessibles au prix de processus de moyenne plus élaborés. La mise en place de simulations lagrangiennes pose un problème théorique de modélisation des forces exercées sur les particules. Si une résolution exacte des équations de Navier-Stokes autour de chaque particule fournit théoriquement les forces exercées par le fluide sur chaque particule, ce type de simulation se heurte aux coûts démesurés à payer pour atteindre cette précision. Il est donc généralement fait dans l’obtention des forces agissant sur les particules l’hypothèse de point-masse. Cette hypothèse stipule que la particule est suffisamment petite pour considérer que les forces agissent au centre de la particule. On parle alors de simulation aux particules discrètes (ou DPS pour « Discrete Particle System »). Plusieurs forces peuvent alors être isolées (Maxey and Riley [1983]), l’expression de ces forces étant fonction de la vitesse du fluide vu par la particule. Cette vitesse est définie comme la vitesse du fluide à l’endroit de la particule si la particule n’était pas là (mais le reste du nuage bien présent). L’obtention de cette vitesse a fait l’objet de nombreuses études. La solution idéale est la résolution des équations de Navier-Stokes de manière directe sur un maillage suffisamment fin pour capturer toutes les échelles de la turbulence (on parle alors de Simulation Numérique Directe ou DNS pour « Direct Numerical Simulation »). La vitesse de fluide vu est alors simplement la projection à l’emplacement de la particule des vitesses calculées sur le maillage fluide. L’association DNS/DPS a souvent été qualifiée d’expérience numérique car elle représente la modélisation la plus précise pour laquelle des calculs sur des configurations relativement complexes peuvent être effectués (Squires and Eaton [1990, 1991], Elghobashi and Truesdell [1993], Sundaram and Collins [1997]). Ce type de technique, bien qu’amenée à se généraliser avec le développement impressionnant du calcul scientifique, est tout de même extrêmement coûteuse et se limite aujourd’hui (et pendant quelques années encore) à des écoulements peu turbulents. C’est pourquoi ce type de technique est majoritairement utilisé comme simulations de référence pour vérifier l’acuité de nouveaux modèles. Pour des écoulements plus turbulents il est nécessaire de restreindre le calcul à une partie du spectre turbulent. Les effets de la partie omise sur la partie calculée du spectre doivent alors être modélisés. Si seule une partie du spectre est omise (les plus petites échelles de longueur) on parle alors de LES (pour « Large Eddy Simulation ») car seules les plus grosses structures sont calculées. Ce type de résolution peut s’avérer très efficace si les particules présentes dans l’écoulement sont suffisamment inertielles pour ne pas être influencées par les petites échelles de la turbulence (les simulations LES/DPS peuvent être alors aussi considérées comme des expériences numériques). Pour des particules encore plus inertielles pour lesquelles la turbulence n’a que peu d’effet, le profil de vitesse moyenne peut être calculé par une approche de type RANS (pour « Reynolds Averaged Navier-Stokes ») ou laminaire. Associée à une résolution DPS de la phase particulaire, cette résolution de l’écoulement peut aussi être considérée comme une expérience numérique pour des particules extrêmement inertielles. Une fois cette difficulté passée, la trajectographie des particules ne présente pas de problème particulier, hormis dans les cas où les collisions doivent être considérées. La résolution des collisions lors d’une DPS est très coûteuse car il est nécessaire à chaque pas de temps de classer les particules pour obtenir les paires de particules qui entrent en collision. Ces algorithmes de repérage proposent usuellement des coûts en 27N, où N représente le nombre de particules réelles dans l’écoulement. La résolution des collisions pénalise donc sensiblement les codes de simulations DPS.

Méthodes à deux fluides 

Les approches eulériennes traitent la phase dispersée dans le même esprit que pour la phase fluide, c’està-dire comme un milieu continu. La phase dispersée est représentée par un certain nombre de moments (densité, vitesse moyenne, contraintes cinétiques. . . ) qui sont des champs eulériens et ont donc un sens en tout point de l’espace (contrairement à la description lagrangienne par un vecteur d’état uniquement valable pour chaque particule). Le comportement de la phase particulaire est décrit à l’aide de l’évolution de ses moments, évolution pilotée par des équations aux dérivées partielles écrites pour ces moments. Historiquement ces équations étaient obtenues par simple similitude avec les équations décrivant le fluide (Elghobashi and Abou-Arab [1983], Chen and Wood [1986]). Des termes de transfert étaient ajoutés pour prendre en compte les interactions entre les phases, mais les équations écrites possédaient de grandes analogies avec les équations RANS pour le fluide. C’est pourquoi ce type de modélisation a été appelé modèle à deux fluides. Une autre « école » d’obtention des équations eulériennes décrivant la phase particulaire a vu le jour avec l’ application des concepts de la théorie cinétique des gaz (mais aussi de la modélisation statistique des écoulements monophasiques) à la modélisation de la phase particulaire.

Approches PDF 

Une troisième voie de modélisation de la phase particulaire appelée approches PDF (pour « probability density function ») fait appel à une description statistique du nuage de particules (Buyevitch [1971], Reeks [1980], Derevich and Zaichik [1988], Simonin [1996]). La description des interactions entre les deux phases est effectuée au niveau de la particule (en reprenant la modélisation des forces effectuée pour la DPS) mais les particules ne sont plus considérées dans leur mouvement individuel mais dans leur mouvement d’ensemble. On parle ici d’approche mésoscopique (entre le micro- et le macroscopique). Toutes les particules sont considérées comme indiscernables et décrites par une description dite contractée. Une fonction densité de probabilité (ou pdf), fonction des variables de la description contractée, représente l’information statistique de la phase dispersée. La modélisation des forces agissant sur les particules ainsi que des collisions permet alors d’obtenir une équation d’évolution fermée de cette pdf. Les dimensions des espaces dans lesquels est écrit cette équation (d ∼ 7 − 10) n’ont permis que très récemment une résolution directe de cette équation (résolution Boltzmann sur réseau). D’autres méthodes, une fois l’équation d’évolution de la pdf écrite, permettent une résolution approchée de l’équation de la pdf. Les écoulements gaz-particules se différencient des écoulements monophasiques dans les possibilités de choix de la description contractée. Suivant le choix de cette description, certains paramètres statistiques ne peuvent plus être obtenus (comme les corrélations spatiales pour une pdf en un point) ou doivent être modélisé (par exemple si la vitesse du fluide vu est omise des variables contractées). Le choix de la pdf représentative de l’écoulement fait, deux principales approches de résolution approchée de l’équation de la pdf ont été développées.

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Table des matières

Introduction
1 Modélisation Physique des Écoulements Turbulents Gaz-Particules
1.1 Définitions préliminaires
1.1.1 Moyennes de phase
1.1.2 Décompositions de Reynolds des variables
1.2 Phase fluide
1.2.1 Phénoménologie
1.2.2 Hypothèses de Kolmogorov sur la turbulence
1.2.3 Équations RANS décrivant le comportement de la phase fluide
1.2.4 Échelles de longueur
1.2.5 Échelles de vitesse
1.2.6 Échelles de temps
1.2.7 Nombres de Reynolds de l’écoulement fluide
1.3 Réaction d’une particule à la sollicitation du fluide
1.3.1 Bilan des forces s’exerçant sur une particule isolée
1.3.2 Quelles sont les forces prépondérantes ?
1.3.3 Nombre de Reynolds particulaire
1.3.4 Modélisation du coefficient de traînée
1.3.5 Vitesse du fluide et vitesse du « fluide vu »
1.3.6 Vitesse de dérive
1.3.7 Croisement de trajectoires
1.3.8 Concentration préférentielle
1.3.9 Échelles de temps des interactions
1.3.10 Nombres de Stokes
1.4 Mouvement d’ensemble de la phase dispersée
1.4.1 Vitesse moyenne des particules
1.4.2 Mouvement d’agitation des particules
1.4.3 Équilibre de Tchen-Hinze
1.4.4 Échelles internes à la phase dispersée
1.4.5 Nombre de Knudsen particulaire
1.4.6 Two-way coupling ?
1.4.7 Modélisation des interactions particule-particule
1.5 Influence des parois
1.5.1 Couche limite monophasique
1.5.2 Influence des parois sur les particules
2 Modélisation Statistique et Approche lagrangienne Stochastique
2.1 Approche statistique des écoulements gaz-particule
2.1.1 Motivations
2.1.2 Choix de la description contractée
2.1.3 Description en terme de pdf de particules
2.1.4 Description en terme de pdf jointe fluide-particule
2.2 Équation d’évolution du système
2.3 Transport des particules
2.4 Modélisation lagrangienne du fluide vu
2.4.1 Modèles « Eddy lifetime »
2.4.2 Équation de Langevin
2.4.3 Équation de Kolmogorov rétrograde associée
2.4.4 Détermination des matrices de l’équation de Langevin dans le cas monophasique
2.4.5 Passage aux écoulements gaz-particules
2.5 Opérateur de collision
2.5.1 Opérateur de collision
2.5.2 Fermetures de l’opérateur de collision
2.5.3 Temps caractéristique de collision
2.6 Equation finale d’évolution de la pdf jointe à une particule
2.7 Méthodes de résolution
2.8 Approche lagrangienne Stochastique
2.8.1 Principe de « dévissage » des opérateurs
2.8.2 Résolution du transport
2.8.3 Résolution stochastique des collisions
2.8.4 Conditions aux limites de paroi
2.8.5 Considérations numériques
3 Approche aux Moments
3.1 Mise en place du problème
3.1.1 Résolution aux moments de l’équation sur la pdf jointe
3.1.2 Moments représentatifs de l’écoulement
3.1.3 Équation générique de transport d’une variable eulérienne
3.2 Équations exactes de transport des moments particulaires
3.2.1 Bilan de densité de particules
3.2.2 Bilan de quantité de mouvement
3.2.3 Equation d’évolution des contraintes particulaires
3.2.4 Modèles d’agitation
3.2.5 Hypothèses de fermeture supplémentaire du modèle eulérien
3.2.6 Equation de transport de la vitesse de dérive
3.2.7 Equation de transport des corrélations fluide-particules
3.3 Cas de l’écoulement canal plan infini
3.3.1 Notations
3.3.2 Equations résolues par l’approche eulérienne en canal plan
3.3.3 Conditions aux limites
3.4 Considérations numériques
3.4.1 Discrétisation temporelle
3.4.2 Discrétisation spatiale
3.5 Limites de validité d’un modèle eulérien
4 Méthode Hybride Eulérienne-Lagrangienne
4.1 Stratégies de couplage proposées dans la littérature
4.1.1 Décomposition de domaines
4.1.2 Méthode de couplage avec recouvrement total
4.1.3 Méthode de couplage avec recouvrement partiel
4.1.4 Méthode de couplage sans recouvrement
4.1.5 Extension spatiale des sous-domaines
4.2 Principes de la méthode hybride eulérienne lagrangienne
4.2.1 Notations
4.2.2 Généralités
4.2.3 Cas des situations à transport diffusif négligeable
4.2.4 Extension aux situations inhomogènes
4.3 Mise en œuvre numérique du couplage pour l’approche lagrangienne
4.3.1 Cellules frontières ou injection dans un plan ?
4.3.2 Demi-flux incidents au domaine lagrangien en situation inhomogène
4.3.3 Pdf d’injection présumée en situation inhomogène
4.3.4 Flux de particules au travers de la surface de couplage
4.3.5 Simulation de la pdf incidente par une méthode de réjection
4.4 Mise en œuvre numérique du couplage pour l’approche eulérienne
4.4.1 Conditions de type flux
4.4.2 Conditions de Dirichlet
4.5 Demi-flux incidents associés à la pdf de Richman
4.5.1 Définition des demi-flux entrants
4.5.2 Expression de la pdf présumée à partir des moments Eulériens
4.5.3 Forme générique des demi-flux
4.5.4 Expression théorique des demi-flux
4.5.5 Cas général
4.5.6 Cas particuliers de l’écoulement simplement cisaillé et de canal plan
Conclusion

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